Chapitre 6.2 - Cauchemar

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March se réveilla en sursaut, trempé de sueur. Son esprit était en lambeau, comme brisé par le poids de ses différentes identités. Qui était-il vraiment ? March ? Léon ? Ou l’autre… Tempête. Le nom résonnait comme un coup de fouet au fond de son âme. C’était un nom lié à la douleur… au maitre. Et lui, qui était-il ? Pourquoi March ne pouvait-il se souvenir de son visage ?

Encore des questions qui ne faisaient qu’alimenter ses doutes. Et ce rêve… non ! Ce n’était pas un rêve, c’était un souvenir ! Le souvenir de sa tentative d’assassinat échouée. Maintenant, il savait, il ne pouvait plus se faire d’illusions. March était un tueur, un assassin que l’on envoie régler des comptes dans l’ombre.

Mais cette fois… cette fois, il avait retenu sa lame. C’était son seul et unique acte de désobéissance, il le savait. Outrepasser l’autorité du maitre avait toujours été impossible, la douleur était trop grande. Pourtant, cette fois-ci, il l’avait vaincu, juste un bref instant, juste assez pour provoquer le destin.

March passa une main sur la cicatrice couvrant son crâne. Le sceau ! Il s’en souvenait maintenant. Le sceau était là pour maintenir sa loyauté, comme la laisse d’un molosse.

Le sceau était brisé. La magie qui le liait à la volonté du maitre s’était évanouie. Il était libre, libre d’être la personne qu’il souhaitait…

Une vive douleur irradia dans son épaule. Un bandage propre la couvrait. Le souvenir de la course poursuite à cheval lui revint ! Il avait reçu un carreau d’arbalète dans l’épaule…

Il se releva pour s’assoir sur le lit, des draps noircis couvraient le bas de son corps nu. La porte de la petite chambre s’ouvrit et Saira apparut.

— Ah ! tu es réveillé !

Elle portait un ballot sous le bras.

— Je t’ai dégotté de nouveaux habits. J’ai dû les négocier avec le gérant de l’hôtel, je ne voulais pas prendre le risque de quitter le bâtiment. Ça devrait être ta taille, dit-elle en posant les habits sur le lit.

— Tu… tu m’as soigné ?

— Euh oui, heureusement que j’avais encore de l’or pour acheter de quoi préparer un onguent. Sans ça, ce maudit poison t’aurait cloué au lit pendant des jours.

— Le carreau était empoisonné ?

— Oui, le poison n’était pas mortel, mais c’est un des plus fort paralysants que j’ai vus. J’ai pu me procurer du rhizome d’automne, c’est un antidote à presque tous les poisons connus. Tiens, il me reste une fiole. Tu devras boire son contenu au cas où les effets du poison reviennent, ca peut arriver.

— Merci, dit-il en prenant le petit flacons. Comment sommes nous arrivé ici? Et où sommes nous au juste?

— Après notre chute sur le toit du marché couvert, j’ai dû te forcer à avancer et t’amener ici. Tu délirais complètement, j’ai bien cru qu’on n’y arriverait jamais. On est en plein milieu du quartier des plaisirs, cet hôtel est l’un des plus… accueillants, dit-elle en fixant une tache de moisissure noire qui grimpait sur une bonne moitié du mur extérieur.

— Merci, dit simplement March. Je ne sais pas ce que je ferrai sans toi. C’est… c’est toi qui m’as déshabillé, j’imagine ?

Saira rougit.

— Tu étais couvert de sang lorsque j’ai retiré le carreau de ton épaule et…

— Ne t’inquiète pas, ce n’était pas un reproche.

Elle lui tendit le balluchon et se retourna pendant qu’il enfilait les habits propres.

Il la fixa tout du long, se demandant ce qu’elle faisait encore là avec lui et pourquoi elle ne l’avait pas laissé crever dans un coin de rue pour s’échapper.

Il posa une main sur son épaule. Elle se tendit d’abord, peut-être plus par réflexe que par malaise. Puis elle se tourna et lui fit face.

— Merci d’être resté pour moi. À cause de moi, ton affaire pour le bal est tombée à l’eau. Je n’ai même pas de quoi te payer ce que je t’avais promis. Je…

Elle posa un doigt sur ses lèvres pour le faire taire.

— C’est mon choix, March. Je suis consciente de la situation et j’en comprends les conséquences.

Il acquiesça et resta un moment plongé dans ses prunelles violettes.

— Je dois t’avouer quelque chose, lui dit-il. J’ai fait un rêve, à propos de mon passé. Je crois que c’est un effet secondaire du poison.

— Tu te rappelles de ton passé ?

— Juste des bribes et… un évènement en particulier.

Il hésita, baissa les yeux au sol de honte. Saira lui prit la main.

— Tu peux tout me dire, March. Après avoir vu ce que tu peux faire avec… la magie, je ne serai surprise de rien.

— Je… c’est moi qui ait tenté de tuer le roi sur son bateau. Je suis l’assassin que toute la ville recherche.

Les yeux de Saira s’écarquillèrent, mais elle ne lâcha pas la main de March pour autant. Au contraire, elle resserra l’étreinte.

— L’identité de Léon de Tassigny n’était qu’un subterfuge. Il avait une double vie. Il… j’étais un assassin chargé de tuer le roi.

— Par tous les saints !

— Mais j’ai refusé de le tuer, Saira ! Le prince, il était là lorsque… lorsque j’ai tenté d’assassiner son père, et je ne pouvais pas me résoudre à le blesser lui aussi… Je ne me rappelle pas plus de mon passé, mais je sais que je n’avais pas le choix, j’étais forcé de tuer. Forcé par la magie…

March prit son visage dans ses mains, les émotions surgissant tout à coup. Il préférait aussi ne pas se confronter au dégoût de Saira. Après une telle révélation, elle allait l’abandonner, il en était convaincu, mais il lui devait des explications. Elle le méritait.

— March, tu réalises ce que ça veut dire ?

Il la regarda et fut surpris de ne voir aucune trace d’aversion sur son visage.

— Peu importe qui tu étais, tu as fait le choix de lui épargner la vie ! Tu étais bon March, c’est ça le plus important. Et maintenant, tu es libéré de ce passé !

Saira avait raison. Peu importe les liens de soumission qui l’avait lié au maitre, March avait choisi de s’en séparer. Il le savait au fond de lui, désobéir au maitre était synonyme de mort assurée. Épargner le roi avait été un choix conscient.

Mais Saira se trompait sur un point.

— Saira, les personnes qui sont responsables… ceux qui ont envoyé cet assassin qui a tué Justus, ils ne me laisseront pas en paix tant que je serais vivant. Il faut que je découvre qui se cache derrière ce complot.

— Mais c’est trop dangereux, toute la ville est à ta recherche !

— Je peux être discret, fais moi confiance. Il faut que je parle au roi.

— Quoi ? Mais tu es fou, il va te reconnaitre non ? Et tes blessures ?

— Je guéris vite, dit March en se levant, déterminé.

Il hésita devant le pas de la porte.

— Tu m’attendras ici, n’est-ce pas ?

Elle le fixa intensément.

— Oui. Si tu me promets qu’après cette visite, nous quitterons la ville ensemble.

Saira lui offrait une chance de rédemption, une opportunité qu’il n’aura pas deux fois.

— Je te le promets. Une fois que j’aurai parlé au roi, nous quitterons la ville.

Saira s’approcha de lui et l’embrassa.

— Pour te porter chance, dit-elle.

Il quitta la pièce, les joues rouges et le cœur battant à tout rompre. Juste une dernière visite et il quitterait la ville, il se le promettait aussi à lui-même.

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