Paquito se réveilla bien avant l’aube. Lyra dormait encore, étendue sur le ventre, ses boucles sombres éparpillées sur l’oreiller. Les premiers rayons de lumière filtrant à travers les persiennes effleuraient sa peau caramélisée, accentuant son éclat presque irréel. Ce n’était pas seulement son apparence, à la fois familière et extraordinairement humaine, qui le fascinait. C’était l’étrange alchimie qu’elle incarnait, ce mélange de fragilité et de force, de calcul et d’instinct.

Le désordre de la chambre témoignait silencieusement de leur nuit. Paquito sourit, un sentiment montait en lui. Était-ce du désir ? Ou bien quelque chose de plus complexe, de plus inédit, qu’il n’arrivait pas encore à nommer ?

Lyra ouvrit les yeux, lentement, et lui adressa un sourire amusé.

— Bonjour, murmura-t-elle, sa voix encore voilée par le sommeil.

— Bonjour… Tu as bien dormi ?

— Pas vraiment, mais je crois que j’ai rêvé… d’un philosophe un peu trop sérieux.

Son rire léger chassa les dernières ombres de la nuit. Pourtant, Paquito savait qu’il devait partir. Une vibration discrète à son poignet lui rappela ses obligations.

— Je dois filer au Lycée, dit-il à contrecœur. Promets-moi d’être prudente si tu sors.

— Je ne sais faire que ça, répondit-elle avec un clin d’œil espiègle.

Il transféra la clé numérique de l’appartement à Lyra via son bracelet connecté, lui permettant d’entrer et de sortir à sa guise. Après un dernier regard, il disparut dans le couloir, laissant Lyra seule dans le silence apaisant de l’aube.

Elle se leva et se dirigea vers la salle de bain. Après une douche rapide, elle enfila une tenue vert olive, celle qu’elle avait achetée récemment, et qui semblait intensifier l’éclat de ses yeux d’un vert profond. Alors qu’elle terminait de se préparer, son bracelet vibra brusquement.

Un hologramme s’éleva au milieu du salon. L’image d’un humanoïde de type II apparut, le regard perçant.

— Bonjour, maîtresse Lyra, déclara-t-il d’une voix dépourvue d’émotion. La mission que vous nous aviez confiée est accomplie avec succès. Nous vous attendons au lieu convenu pour que vous remplissiez votre part de l’accord.

Lyra hocha la tête, son regard se durcissant légèrement.

— Bien reçu, Nao. Je serai là dans les délais.

Lorsque l’hologramme disparut, Lyra soupira. Une part d’elle détestait ces jeux d’ombres auxquels elle se livrait depuis son incarnation. Mais elle n’avait pas le luxe de se soustraire à ses engagements.

Après avoir avalé rapidement un café que lui apporta le robot Nono, elle activa un transpondeur via son bracelet et sortit de l’appartement.

Coup de Poker

Dans la rue, un taxi autonome l’attendait.

— Destination ? demanda la voix synthétique du véhicule.

— Le casino Xanthos, répondit-elle calmement.

Le bâtiment qui se dressait devant elle était imposant, un temple de verre et de métal illuminé de néons criards. À l’entrée, un panneau lumineux affichait : "Interdit aux robots".

Lyra traversa la zone de sécurité. Elle présenta son bracelet. Un garde humain lui passa un scanner magnétique, qui émit une légère perturbation. L’homme fronça les sourcils mais ne sembla pas suspecter grand-chose.

— Vous pouvez entrer, Madame. Bonne soirée.

— Merci, répondit-elle d’une voix posée.

À l’intérieur, le tumulte était saisissant. Les lumières clignotantes des machines, les éclats de rire parfois forcés, les discussions animées des joueurs : tout semblait orchestré pour étourdir les sens. Lyra s’avança sans hésitation vers la section des jeux de cartes.

Une table de poker, entourée de joueurs confirmés, attira son attention. Elle convertit les 200 unitas que Paquito lui avait transférés en jetons. La somme, modeste comparée aux enjeux en cours, attira des regards condescendants.

— Faudrait pas te ruiner, ma jolie, lança un homme à la voix rauque, assis à sa table, un sourire moqueur aux lèvres.

Lyra ignora la provocation et s’installa, son regard impassible défiant les joueurs. La partie débuta, et rapidement, elle démontra une précision et une maîtrise déconcertantes. Chaque mise, chaque coup, était méthodiquement calculé et elle pouvait compter les cartes.

Lorsqu’elle plaça tous ses jetons sur la table en un "All in" audacieux, la tension monta d’un cran. Les joueurs hésitèrent, décontenancés par son assurance.

Le dernier tour dévoila les cartes : un carré de dames pour Lyra. Le silence qui suivit fut assourdissant.

— La chance des débutants, marmonna son principal adversaire, visiblement déstabilisé.

— Le hasard n’existe pas, répondit-elle, un sourire énigmatique aux lèvres.

Une heure plus tard, Lyra quitta le casino avec 20 000 unitas sur son bracelet. Mais elle n’avait pas terminé.

— Direction : le Lounge Bots, ordonna-t-elle au taxi.

Le véhicule démarra silencieusement, la menant vers un nouveau jeu dont elle seule connaissait les règles.

Retour de Destin

Arrivé au Lounge, Lyra rentra cette fois-ci sans problème. Du regard elle balaya la salle à la recherche de Nao. Lorsqu’elle le vit, elle repéra également une autre figure qui ne lui était pas inconnue. Destin.

Destin, observateur de nature, accoudé au comptoir, ne mit pas longtemps à repérer Lyra. Un sourire en coin, il lui adressa un clin d’œil.

Lyra pivota feignant de ne pas le voir, s’installa avec Atlas et Nao avec qui elle avait rendez-vous. Elle leur transfera la moitié des Unitas qu’elle venait de remporter au Casino.

—Le bracelet fonctionne très bien en encaissant la somme dit Atlas à Nao.

—Du bel ouvrage répondit Nao.

— Merci pour votre aide. N’oubliez pas, vous avez été payés pour le travail, mais aussi pour votre silence.

Nao et Atlas acquiescèrent sans un mot. Lyra se leva et se dirigea vers la sortie, mais Destin s’interposa, bloquant le passage.

— Salut beauté, je t’avais dit qu’on se reverrait.

— Destin... Ce n’est pas vraiment le moment. Je suis pressée, lâcha-t-elle en gardant son calme.

Destin croisa les bras et esquissa un sourire provocateur.

— Désolé, mais aujourd’hui, on règle nos comptes.

Lyra soutint son regard, les mâchoires serrées.

— Écoute, je sais ce que tu veux, et ça, je ne peux pas te le donner. Mais je peux te dédommager pour m’avoir aidée à rentrer ici et à trouver Paquito.

Destin fit un pas en avant.

— Vraiment ? Et ce bracelet flambant neuf... il vient d’où ?

Lyra haussa les épaules avec détachement.

— Une opportunité inattendue. Rien qui te regarde. Combien veux-tu pour qu’on en finisse ?

Destin fronça les sourcils, sceptique.

— T’avais rien la dernière fois. Alors, dis-moi, combien tu peux aligner ?

Lyra réfléchit rapidement.

— Quatre mille unitas. C’est généreux pour ce que tu as fait.

Le regard de Destin s’assombrit un instant, puis un sourire calculateur réapparut.

— Fais cinq mille, et c’est réglé.

Lyra hésita, puis finit par lâcher :

— Quatre mille cinq cents. Pas un de plus.

Destin réfléchit, puis tendit son bras pour effectuer la transaction avec un sourire satisfait.

— Marché conclu. Mais on se reverra, ma belle. Toujours un plaisir de faire affaire avec toi.

— Salut, Destin, répondit Lyra d’un ton sec avant de s’éclipser rapidement.

Chez Paquito

Paquito, rentré chez lui depuis un moment, fixait la porte avec une pointe d’inquiétude. Il espérait que rien ne soit arrivé à Lyra.

Un bruit inhabituel attira soudain son attention. Il se dirigea vers la fenêtre et aperçut des drones de reconnaissance faciale. Ces modèles avaient été retirés il y a des années, pourtant...

Il fronça les sourcils, perplexe, mais s’en détourna pour allumer la télévision holographique.

Ce qu’il vit le pétrifia. Sur l’écran, une chaîne d’information diffusait des images de Lyra.

Sous les images, un bandeau défilait :

"IA s’étant incarnée activement recherchée. Si vous la voyez, n’intervenez pas. Connectez-vous aux services de sécurité citoyenne pour la localiser."

Paquito se laissa tomber sur le canapé, le visage blême.

— Cette fois, murmura-t-il, on est faits.