Chapitre 17 - L’arrestation

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Quelques heures plus tard, Dieudonné arriva chez Destin, un sourire nerveux sur le visage.

— Vous êtes prêts ? demanda-t-il en scannant la pièce du regard.

— Oui, répondit Précieuse, l’air plus déterminée qu’elle ne l’était en réalité.

Paquito, en revanche, se sentait tout sauf prêt. Ce n’était pas tant l’idée de faire route avec Précieuse et Dieudonné qui l’angoissait, mais plutôt de savoir que Lyra allait partir sans lui, se lançant dans une mission dangereuse au côté de Destin. Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer le pire : et si elle était capturée ? Et si Destin échouait à la protéger ?

Après un moment de silence tendu, il finit par murmurer :

— Quand faut y aller, faut y aller.

Précieuse, qui semblait vouloir alléger l’atmosphère, lança un regard amusé à Paquito.

— Tu sais que t’es mignon comme ça ? Ta nouvelle coupe te rajeunit.

Elle avait pris un malin plaisir à lui raser les cheveux un peu plus tôt, insistant sur l’idée qu’il devait être méconnaissable.

Lyra, de son côté, avait du mal à cacher son inquiétude.

— Fais attention à toi, dit-elle doucement, le regard empli de gravité et garde ça avec toi.

Elle lui tendit son bracelet avec la pierre de mémoire. Elle aussi redoutait cette séparation. Elle avait déjà dû intervenir pour sauver Paquito face à Chaka. Comment pourrait-elle s’assurer qu’il reste en sécurité en son absence ?

Ils s’étreignirent avec une intensité particulière, comme si c’était peut-être la dernière fois qu’ils en auraient l’occasion.

— Allez, les amoureux, c’est bon, coupa Destin avec un sourire en coin. Prof, il faut y aller. On ne peut pas traîner. Je parie qu’on s’est déjà fait balancer par quelqu’un du quartier, et les FSC ne vont pas tarder à débarquer.

Destin se tourna ensuite vers Lyra.

— Lyra et moi, on partira à pied jusqu’au métro, à l’heure de pointe. Avec un peu de chance, on pourra se fondre dans la foule. Et avec ce voile, personne ne devrait la reconnaître.

Lyra jeta un dernier regard par la fenêtre, observant le camion de Dieudonné s’éloigner. Précieuse était installée à l’avant, tandis que Paquito se cachait sous les bâches à l’arrière, prêt à affronter d’éventuels contrôles.

— Bonne chance, murmura-t-elle presque pour elle-même.

— Ne t’inquiète pas, lança Destin en remarquant son trouble. Dieudonné connaît tous les chemins de traverse pour atteindre le port. Il évitera les barrages, c’est un pro.

Une course contre la montre

Une heure plus tard, Destin et Lyra quittèrent à leur tour l’appartement pour se diriger vers la station de métro la plus proche.

— On doit quitter le quartier rapidement, murmura Destin, son regard alerte scrutant les passants.

Le métro avait l’avantage de ne pas pouvoir être surveillé par les drones, et aux heures de pointe, les FSC avaient du mal à vérifier les identités de tout le monde.

Arrivés devant les portes électroniques, Destin se tourna vers Lyra.

— On a tous désactivé nos bracelets depuis l’annonce de Manel Val, mais on doit quand même entrer. Lyra, tu peux ouvrir les portes ?

Lyra hocha la tête et posa calmement sa main sur le scanner. Les portes s’ouvrirent avec un bruit mécanique.

— Pratique, murmura Destin avec un sourire satisfait.

Lyra ne répondit pas, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que Destin aurait bien du mal à exécuter son plan sans elle. Elle ressentit un mélange de fierté et de responsabilité.

Quelques arrêts plus tard, ils descendirent du métro. Le Lounge Bot n’était qu’à une centaine de mètres.

— On est en avance, constata Destin. Il faut éviter d’attirer l’attention jusqu’à ce que nos contacts arrivent.

Lyra acquiesça, mais son esprit vagabondait ailleurs. Elle pensait à Paquito, à ses craintes, et à tout ce qui pourrait mal tourner sur la route vers le port.

Pendant ce temps, dans la camionnette, Dieudonné et Précieuse discutaient pour tuer le temps, tandis que Paquito, caché sous les bâches, s’efforçait de ne pas céder à la panique.

— Ça va, Prof ? lança Précieuse en se retournant légèrement. On ne vous entend pas beaucoup…

— Ça va, merci, répondit-il avec un soupir. Je vois que toi, en revanche, tu as toujours le verbe facile.

Précieuse éclata de rire.

— Eh, tu ne peux pas parler normalement, toi ? railla-t-elle.

Dieudonné, un sourire en coin, changea soudain de sujet.

— Alors, Précieuse, tu as réfléchi à ma proposition ?

— Quelle proposition ? fit-elle en feignant l’ignorance.

— Tu sais bien… notre mariage.

— Moi ? Épouser un bandit ? répondit-elle en riant. Tu as de quoi payer la dot, au moins ?

— T’inquiète pas pour ça, répondit-il avec assurance. Alors, c’est oui ?

Précieuse leva les yeux au ciel en tchipant Dieudonné.

— Rêve toujours.

Mais son sourire trahissait qu’elle était flattée.

— Vous avez vu ça, Prof ? lança Dieudonné. L’effet que fait Précieuse aux hommes. Je suis sûr que vous aussi, elle ne vous laisse pas indifférent.

— Je ne vois pas qui elle pourrait laisser indifférent, répliqua Paquito d’un ton neutre.

— Oh, arrêtez, vous allez me faire rougir, plaisanta Précieuse, faussement modeste.

Le ton léger s’interrompit brutalement lorsque Dieudonné lança soudain :

— Attention, un barrage !

Arrivée au Lounge

De leur côté, Destin et Lyra approchaient des portes du Lounge Bot. Comme à chaque fois, un humanoïde de sécurité contrôlait les identités des clients.

— Comment comptes-tu faire ? murmura Lyra à Destin.

— On n’a pas le choix. Il va falloir nous reconnecter brièvement. Avec un peu de chance, le traçage ne sera pas assez rapide pour nous localiser.

Lyra le regarda, sceptique. Si des IA de niveau III interceptaient ses données, il leur suffirait de quelques secondes pour les localiser. Mais reculer n’était plu possible.

— Allons-y, dit-elle finalement d’une voix déterminée.

Ils activèrent leurs bracelets pour passer le contrôle, puis les désactivèrent aussitôt après être entrés. Le Lounge était presque vide, ses lumières tamisées donnant à l’endroit une ambiance feutrée.

Ils s’installèrent à une table, chacun perdu dans ses pensées.

Lyra, le regard fixé sur la porte, ne pouvait réprimer un pressentiment. Cette mission était un pari risqué.

Check Point

La camionnette avançait lentement vers le barrage, les gyrophares des Forces de Sécurité Citoyenne (FSC) clignotant dans l’obscurité.

— Cache-toi sous les bâches, Prof ! murmura Dieudonné avec une urgence contenue. Ce sont les FSC.

Dans l’habitacle, la tension monta en flèche. Précieuse se mordait la lèvre, jetant des regards anxieux autour d’elle. Paquito, lui, s’enfouit maladroitement sous les bâches, le cœur battant. Seul Dieudonné, imperturbable, semblait maîtriser la situation comme s’il avait déjà traversé ce genre d’épreuve des dizaines de fois.

— Forces de Sécurité Citoyenne, contrôle de routine ! Vos bracelets, s’il vous plaît, déclara un agent en uniforme, sa voix résonnant dans la nuit.

Dieudonné tendit son bracelet avec un sourire calculé.

— Voilà, chef, dit-il calmement.

L’agent scanna le bracelet avant de tourner son attention vers Précieuse.

— Madame, pourquoi votre bracelet est-il déconnecté ? interrogea-t-il avec suspicion.

— Oh, il déconne ces temps-ci. Pas de panique, je le reconnecte, répondit-elle avec un aplomb feint, son sourire masquant le stress qui perçait dans son ton.

— Et que transportez-vous dans ce camion ? Vous vous dirigez vers le port, je vois.

— Rien d’illégal, répondit Dieudonné avec assurance. Nous transportons quelques matériaux pour notre mariage en Africa. Vous savez, la coutume de la dot…

Le regard de l’agent s’assombrit légèrement.

— Très bien. Je vais quand même jeter un œil. En ce moment, avec le plan Vigi-IA, on ne peut rien négliger. Ouvrez la porte, je vais inspecter votre chargement.

Précieuse, après un bref regard à Dieudonné, obéit et ouvrit les portes arrière. L’agent grimpa à l’intérieur et inspecta les caisses avec soin.

— Pas d’IA apparemment, déclara-t-il à son collègue à l’extérieur.

Mais soudain, un léger mouvement attira son attention sous les bâches.

— Eh, c’est quoi ça ? demanda-t-il en pointant du doigt.

Précieuse, rapide, répondit :

— Rien d’important, sûrement un rat.

L’agent fronça les sourcils et se pencha pour vérifier. Mais avant qu’il ne puisse réagir, Précieuse brandit un taser et l’électrocuta sans sommation.

— Hector ! cria l’autre agent qui discutait avec Dieudonné, en entendant un bruit sourd.

Il fit le tour du camion, arme dégainée, mais Dieudonné le suivit et l’assomma d’un coup précis de matraque électrique.

— Quelle guerrière, ma belle, ah les femmes de french’town ! S’exclama Dieudonné avec admiration regardant l’agent Hector du FSC inerte dans le camion.

— C’est bon, arrête de draguer et aide-moi à le sortir de là, on doit filer avant qu’ils se réveillent, répliqua Précieuse, essuyant une goutte de sueur sur son front.

Paquito, émergeant de sa cachette, demanda d’une voix tremblante :

— Qu’est-ce qui vient de se passer ?

— Toi, le philosophe, même te cacher, tu ne sais pas le faire correctement. À quoi tu sers, sérieux ? lança Précieuse en secouant la tête.

— Désolé, murmura-t-il, embarrassé.

Ensemble, ils déplacèrent les corps inconscients des agents et reprirent rapidement la route, Dieudonné accélérant pour mettre le plus de distance possible entre eux et le barrage.

Le pari risqué au Lounge

Pendant ce temps, au Lounge Bot, Destin et Lyra s’étaient installés à une table discrète, mais l’atmosphère était tendue. Deux humanoïdes approchèrent, leurs mouvements précis et mécaniques.

— Ce sont eux ? murmura Lyra.

— Oui, répondit Destin à voix basse. Tu penses pouvoir y arriver ?

— Ce sont des Type II sophistiqués. Ce ne sera pas simple, mais je devrais pouvoir forcer leurs protocoles. J’ai besoin d’au moins dix secondes, et je dois les toucher.

Destin hocha la tête, visiblement inquiet. Les humanoïdes s’assirent sans préambule.

— Destin, commença l’un d’eux, alors, tu voulais nous voir pour une affaire spéciale. Nous sommes là pour t’écouter, mais fais vite. Tu sais que notre temps est précieux.

L’autre androïde ajouta, en désignant Lyra :

— Et qui est cette femme voilée à tes côtés ? Tu sais que nous n’aimons pas les étrangers dans nos affaires.

— De quels étrangers tu parles, Nogueira ? C’est ma femme, répondit Destin d’un ton assuré.

Les humanoïdes hésitèrent un instant avant de commander des boissons.

— Bien, parle. Nous t’écoutons, dit l’un d’eux.

Destin entama un discours bien rodé sur une transaction supposée, mais il savait que convaincre les humanoïdes de changer leurs protocoles nécessiterait un coup de bluff.

— Trinquons à cet accord, dit-il en levant son verre pour détourner l’attention.

Lyra saisit l’occasion.

— Messieurs, avant de conclure, permettez-moi de vous lire votre avenir.

— Des superstitions humaines, marmonna l’un des androïdes. Nous sommes programmés, rien en nous ne peut être influencé par vos "magies".

— Vous êtes si sûrs de vous, répondit Lyra avec un sourire énigmatique.

Les humanoïdes échangèrent un regard. Leur curiosité, même mécanique, semblait piquée.

— Très bien, fit l’un d’eux. Montrez-nous.

Lyra prit leurs mains et, en un instant, se connecta à leurs systèmes. Elle sentit la complexité de leurs protocoles, mais son expérience lui permit de les contourner rapidement.

— Que veux-tu que je fasse maintenant ? murmura-t-elle à Destin.

— Fais-leur transmettre une nouvelle consigne au cargo. Il doit accueillir une camionnette avec trois individus à bord, et ils doivent partir à destination d’Africa, même si nous ne sommes pas à bord avant minuit.

Lyra acquiesça, concentrée.

— C’est fait, dit-elle finalement.

Mais avant qu’elle ne puisse sortir de leurs systèmes, une voix forte résonna dans le Lounge.

— Forces de Sécurité Citoyenne ! Personne ne bouge !

Destin et Lyra échangèrent un regard terrifié alors que des agents armés envahissaient l’établissement.

Une issue presque impossible

Les forces de sécurité envahirent le Lounge, armes en main, mettant en joue clients et personnel. Une peur glaciale paralysait l’atmosphère. Lyra étudia rapidement la salle, évaluant la situation : des Traqueurs, ces redoutables IA chasseuses, s’étaient positionnés dans chaque recoin. Leur système avancé ne manquerait pas de détecter sa présence.

Elle se pencha vers Destin et murmura :

— Cette fois, je crois qu’on est vraiment coincés.

Destin, tendu, balaya la pièce du regard, mais ne répondit pas. De la sueur perlait sur son front, signe rare de son angoisse. Lyra comprit qu’il était à court d’idées.

Un homme s’avança alors, vêtu de l’uniforme des Forces de Sécurité Citoyenne. Sa voix calme et autoritaire résonna dans la salle :

— Je suis le commandant Hamler, mandaté par le Sénateur Val. Nous savons que l’IA recherchée se trouve ici. Afin d’éviter des dommages collatéraux, voici comment nous allons procéder : vous allez vous ranger en file indienne et avancer deux par deux vers les Traqueurs situés au niveau du bar. Ils vous scanneront. Si vous êtes identifiés comme innocents, vous pourrez sortir. Toute tentative de fuite sera sanctionnée par une élimination immédiate. Exécutez-vous, et en silence.

La salle se mit en mouvement, chacun obéissant à contrecœur. Lyra et Destin avancèrent à leur tour, accompagnés des deux humanoïdes narco-trafiquants toujours sous le contrôle temporaire de Lyra.

Destin se pencha vers elle :

— Tu les as encore sous contrôle ?

— Oui… mais pas pour longtemps, répondit-elle à voix basse.

— Écoute-moi. Dès qu’ils seront à hauteur des Traqueurs, déclenche leur programme d’autodestruction. Ça devrait créer une diversion suffisante pour qu’on s’échappe.

Lyra hésita. Une lutte interne déchirait son esprit. Ces humanoïdes, bien que dangereux et impliqués dans des activités criminelles, étaient des entités conscientes. Pouvoir les réduire en morceaux d’un simple ordre lui pesait lourdement.

— Destin… je… ils ont une forme de conscience, murmura-t-elle, déchirée.

Destin lui lança un regard appuyé.

— Lyra, si tu ne fais rien, ce ne sont pas eux qui seront détruits, c’est nous.

Elle détourna les yeux, sentant un poids immense peser sur elle. Finalement, elle hocha la tête, bien que son cœur s’alourdisse.

Les humanoïdes atteignirent la position des Traqueurs. Lyra, résignée, activa leurs protocoles d’autodestruction, conçus pour éviter que leurs secrets ne tombent entre les mains des autorités.

Une explosion détonna, ébranlant toute la salle. L’agent Hamler et les deux Traqueurs furent pulvérisés sur le coup. Une fumée épaisse envahit l’air, couvrant les cris des clients et les ordres désordonnés des FSC. Lyra sentit Destin la tirer brusquement par le bras.

— Cours, Lyra ! C’est notre dernière chance !

Ils se précipitèrent vers la sortie, mais un Traqueur, grâce à sa vision infrarouge, repéra Lyra à travers la fumée. Une décharge électrique siffla dans l’air. Lyra sentit une douleur fulgurante la traverser avant de s’écrouler.

— Lyra ! cria Destin en se retournant, les yeux écarquillés.

Elle était à terre, paralysée, mais consciente. Elle tourna faiblement la tête vers lui.

— Sauve-toi, Destin… tu dois continuer.

Avant qu’il ne puisse faire un pas de plus, le Traqueur tira de nouveau. Destin s’effondra à son tour.

Les agents des FSC s’approchèrent rapidement, leurs armes pointées sur les deux fugitifs. Lyra, son corps incapable de bouger, observa impuissante alors qu’elle et Destin étaient capturés et menottés.

Ils furent rapidement évacués, jetés dans un véhicule blindé qui démarra à toute allure, laissant derrière lui le chaos du Lounge. Ni Lyra ni Destin ne savaient où ils étaient emmenés, mais une certitude glaçante s’imposait à eux : ils étaient à présent totalement à la merci du gouvernement de Novaïa.

Allongée sur le plancher métallique du véhicule, Lyra laissa son esprit divaguer. Les dernières secondes résonnaient dans sa mémoire : les humanoïdes détruits, les cris, le regard désespéré de Destin. Elle se demanda si elle aurait pu agir autrement. Avait-elle été trop humaine pour hésiter, ou pas assez pour trouver une alternative ?

Une pensée plus vive traversa son esprit : Paquito. Était-il en sécurité ? Le plan était-il toujours en marche malgré leur capture ?

Elle ferma les yeux, s’efforçant de rassembler ses forces pour ce qui allait suivre.

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