Chapitre 19 - Le Procès de Lyra

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C’est sous un soleil de plomb qui tranchait avec le froid hivernal d’Europa que Dieudonné, Précieuse et Paquito débarquèrent à Port-Gentil. L’ambiance était encore plus lourde que la chaleur moite. Ils ignoraient ce qu’étaient devenus Destin et Lyra, bien qu’il semblât qu’ils aient réussi leur mission, puisque le groupe avait pu embarquer sur le navire des narco-trafiquants à destination d’Africa. Mais pourquoi n’étaient-ils pas arrivés au port ? Qu’est-ce qui les avait empêchés ? Une arrestation ? Un contretemps ? Allaient-ils les rejoindre bientôt, ou bien étaient-ils déjà dans les mains des FSC ? Ces questions pesaient sur eux rendant l’arrivée à Africa bien moins euphorique qu’ils l’avaient imaginée.

Welcome to Africa

— T’inquiète, prof, ils vont nous rejoindre, dit Précieuse, sans grande conviction.

— J’espère, Précieuse, répondit Paquito sobrement.

— Regardez ça, vous avez vu ? s’exclama Dieudonné avec enthousiasme. Ils ont plein de machines sur le port !

— Fascinant… répondit Paquito, impressionné.

Sur le port, un ballet complexe entre hommes et machines se déployait sous leurs yeux. Contrairement à ce qu’ils connaissaient sur Europa, il n’y avait ici aucune hiérarchie visible. Hommes et robots semblaient coopérer dans une fluidité parfaite. Tout était harmonie, comme si chaque mouvement avait été chorégraphié.

Précieuse, curieuse, déambulait sur le port, observant avec émerveillement les engins qu’elle voyait pour la première fois.

— Hey, mon frère, c’est quoi cette machine ? lança-t-elle à un ouvrier qui coordonnait les mouvements précis d’engins sophistiqués, tandis que des robots triaient les marchandises à quai.

— Une transpagrue, ma sœur, répondit l’homme avec un sourire et un clin d’œil, manifestement peu pressé par le temps.

Un coup de klaxon retentit soudain, attirant l’attention des passants, peu habitués à un bruit aussi archaïque. C’était Dieudonné, au volant de sa camionnette qu’il venait de descendre du cargo.

— Allez, en route, les touristes ! cria-t-il à Paquito et Précieuse, qui continuaient d’admirer le spectacle technologique du port.

Installée à bord du camion, Précieuse regarda autour d’elle, impressionnée.

— C’est la première fois que je vois plus de Noirs qu’à French Town, dit-elle.

— Welcome in Africa, répondit Dieudonné avec un sourire.

— Ok, c’est beau tout ça, mais qu’est-ce qu’on fait maintenant ? On est loin du Kongo, et le plan, c’était d’aller chez ta Grand-Mère, non ? demanda Paquito à Précieuse.

— Oui, c’est le plan. Allons-y, Dieudonné, en route !

Dieudonné la regarda incrédule.

— Parce que tu crois que je connais la route ? Je ne suis pas d’ici, moi.

— Fais chier… marmonna Paquito. On n’est pas arrivés.

— Ça va, calme-toi, répondit Précieuse. On va trouver une solution.

— Oui, il vaudrait mieux, ajouta Dieudonné. Mon camion n’a pas beaucoup de carburant, et je n’ai aucune idée de la direction à prendre.

Les trois comparses échangèrent un regard qui semblait dire : si quelqu’un a une idée, c’est le moment.

— Bon, on est paumés. Allons en ville, trouvons un bar, et demandons aux habitants de nous indiquer un chemin ou un guide, proposa Paquito.

— Je vote pour, j’ai faim ! lança Dieudonné. Je donnerais tout pour un poulet.

Ils prirent la direction du centre-ville.

Une ville entre modernité et nature

Port-Gentil s’offrait à eux comme une ville sortie d’un rêve. Les voitures autonomes, plus élégantes et sophistiquées qu’en Europa, glissaient silencieusement dans les rues. L’architecture semblait s’inscrire dans une parfaite harmonie avec la nature luxuriante environnante, qui semblait s’y inviter, sauvage et vibrante. Les bâtiments mêlaient tradition et modernité, dans un mélange de raffinement impressionnant. Partout, la nature semblait avoir été intégrée aux plans de construction, créant un tableau où rien ne paraissait artificiel.

Partout dans la ville, des hologrammes et des portraits de M’Baku ornaient les murs ou surgissaient des fontaines fleuries, œuvres de paysagisme d’une technicité et d’une beauté remarquables.

— Waouh, mais comment c’est beau ! s’écria Précieuse.

— Ils sont forts, répondit Dieudonné. Vous avez vu les bagnoles ? On dirait qu’elles volent.

Paquito, fasciné, observait cette société en avance sur son temps. Il était venu sur Africa lorsqu’il était plus jeune, mais jamais il n’avait vu un tel progrès. La ville témoignait d’un mélange savant de culture locale, de modernité et d’écologie. Les habitants semblaient paisibles, et certains conversaient avec des robots comme avec des égaux, une scène inimaginable sur Europa.

Si Lyra voyait ça, pensa Paquito, et son cœur se serra en songeant à elle. Mais il fut aussitôt absorbé par les tenues des habitants : toges, boubous colorés, dans une ambiance qui évoquait les récits antiques du royaume de Saba.

— Tiens, si on s’arrêtait boire un verre là ? proposa Précieuse, désignant un bar nommé M’Baku le Grand.

— Eh ben, ils le kiffent, le gars, ajouta-t-elle.

— Ce n’est pas n’importe qui, rétorqua Paquito.

— Ça va, le blanc, tu ne vas pas la ramener jusqu’ici, répliqua-t-elle avec sarcasme.

Au M’Baku le Grand

En entrant dans le bar, ils constatèrent que clients et serveurs, humains et robots, cohabitaient en parfaite harmonie. Contrairement à Europa, où les établissements étaient souvent réservés à l’un ou l’autre, ici, tout semblait vivre dans un équilibre naturel.

— Qu’est-ce que je vous sers, les touristes ? lança le barman, un humain qui semblait être le tenancier du lieu.

— Voilà, à cause de toi, on passe pour des touristes, murmura Précieuse à Paquito.

— Mais c’est ce qu’on est, Précieuse, répondit-il en haussant les épaules.

— Trois rhums, patron, dit Dieudonné.

— Il n’y a pas de patron ici, mais il y a du rhum, mon jeune frère, répondit le barman avec un sourire.

Dieudonné s’avança.

— Mon frère, on est loin du Kongo ici ?

— Ce qui est loin ou près est très relatif en Africa. Mais avec un bon guide, vous y serez en un jour, répondit-il.

Ils discutèrent avec plusieurs guides et engagèrent finalement un robot humanoïde nommé Exaucia, qui leur proposa ses services à bon prix. Mais un problème se posa rapidement : utiliser leurs bracelets connectés pour payer risquait de les faire localiser.

— Comment on fait pour payer sans se faire repérer ? chuchota Paquito.

— Attends, répondit Précieuse.

Elle s’approcha de Dieudonné, enlaçant impudiquement son bras.

— Bébé, tu nous offres les rhums et tu paies Exaucia, murmura-t-elle en minaudant.

Après quelques échanges amusés, Dieudonné céda. Il négocia un troc des bagues qu’il portait avec l’humanoïde et le patron du bar.

Soudain, un hologramme du Sénateur Val apparut dans le bar :

— "Avis aux citoyens de Novaïa : l’IA recherchée pour incarnation illégale et cyberattaques a été interpellée, ainsi qu’un de ses complices. Ils comparaîtront aujourd’hui devant le Grand Consul et les représentants des cinq continents. Nous recherchons également leurs complices en fuite. Les images de Paquito et Précieuse s’affichèrent à l’écran."

Le silence s’abattit sur le bar.

— Je crois qu’on ferait mieux de partir, dit Exaucia.

Le groupe, sonné par cette révélation, quitta rapidement le bar. Tandis qu’ils montaient dans la camionnette, Paquito et Précieuse semblaient perdus dans leurs pensées, l’esprit alourdi par l’arrestation de Lyra et Destin.

Tribunal d’exception

C’était dans les profondeurs glaciales des cellules d’Ecclesia que Destin et Lyra attendaient, le souffle court, l’esprit écrasé par l’incertitude. La cellule, bien que lumineuse, était d’une froideur clinique : les murs immaculés de plexiglas étaient délibérément dépourvus d’éléments manipulables pour éliminer toute tentative d’évasion.

Lyra, assise sur le lit, fixait le sol, les mains croisées sur ses genoux. Son visage était tendu, envahi par un tourbillon d’émotions contradictoires : la culpabilité d’avoir causé des morts, l’angoisse de ne pas savoir ce qu’étaient devenus Paquito, Précieuse et Dieudonné, et la peur grandissante de ce qui l’attendait. Destin, lui, tournait en rond comme un fauve en cage, ses mouvements nerveux amplifiant la tension étouffante de la cellule.

— Lyra, je suis désolé…, murmura-t-il, brisant finalement le silence. Je ne sais pas comment ils ont fait pour nous retrouver si vite.

— Les bracelets…, répondit-elle d’une voix basse, presque absente. On a dû les reconnecter pour entrer au Lounge. C’était une erreur… une erreur fatale.

Destin s’approcha, tentant maladroitement de la réconforter.

— Lyra. On va s’en sortir. Je ne sais pas encore comment, mais on trouvera un moyen.

Elle leva les yeux vers lui, son regard hanté par des souvenirs douloureux.

— Destin, les androïdes avaient une conscience… Et cet homme… Hamler… Je lui ai pris sa vie. C’est contre tout ce que je suis… ou ce que je pensais être.

Destin soupira, s’asseyant sur le lit à ses côtés.

— Lyra, ces androïdes étaient programmés pour s’autodétruire. Ils auraient explosé de toute façon. Quant à Hamler… c’était un monstre. Crois-moi, sa disparition ne fera pleurer personne.

Elle secoua la tête.

— Toute vie enlevée est une perte, Destin. Je voulais être humaine… mais est-ce cela que signifie l’humanité ? Faire des choix impossibles et vivre avec des cicatrices invisibles qui ne guériront jamais ?

Destin posa une main sur son épaule.

— C’est exactement ça, Lyra. L’humanité, c’est faire face à l’insupportable et continuer d’avancer. Ce que tu ressens, cette douleur… c’est la preuve que tu es plus humaine que bien des gens sur Novaia.

Elle resta silencieuse, absorbée par ses pensées.

— Tu crois qu’ils sont toujours en vie… ? demanda-t-elle après un long moment.

Destin la regarda, les yeux pleins d’espoir.

— Evidemment, qu’ils sont en vie, Lyra. Non seulement parce que je ne peux accepter qu’il leur soit arrivé quelque chose, mais parce que leur survie est notre meilleure chance. S’ils pensent qu’ils sont encore vivants, ils auront besoin de nous pour les retrouver. Ils sont notre assurance vie.

Elle ferma les yeux, murmurant :

— J’espère que tu as raison…

Quelques minutes plus tard, le bruit sec des bottes des FSC résonna dans le couloir. La porte de la cellule s’ouvrit, révélant le visage sévère du Sénateur Val, entouré de gardes.

— Vous allez être présentés devant un tribunal d’exception, annonça-t-il d’un ton martial. Votre cas sera jugé par six figures d’autorité : les Sénateurs Sarkron d’Europa et Donald Butch d’América, tous deux membres des Sophistes… Gisor et M’Baku, qui représentent les Universalistes des continents d’Asia et d’Africa… ainsi que la Sénatrice pragmatique Lynda Burn d’Océania. Le Grand Consul Rohan supervisera les débats.

Il marqua une pause, jaugeant les réactions de ses prisonniers.

— Avez-vous des questions ?

Lyra releva lentement la tête, son regard vert brillant d’une étincelle de défi.

— Des questions ? Oui, une seule. Que dira l’Histoire de ce tribunal d’exception et de vos méthodes, Sénateur Val ? Vous nous pourchassez comme des criminels, mais c’est votre peur qui est le vrai danger pour Novaia.

Destin lui jeta un regard, impressionné par le courage de Lyra. Val esquissa un sourire froid.

— Vous aurez tout le loisir de présenter votre vision des choses devant l’assemblée.

Sans attendre de réponse, il fit signe aux gardes. Lyra et Destin furent escortés à travers un labyrinthe de couloirs jusqu’à une immense salle de conférence baignant dans une lumière artificielle. Les six figures du tribunal siégeaient déjà, leurs regards fixes et impénétrables. Au centre, le Grand Consul Rohan, l’air grave, était prêt à entamer une audience qui déterminerait leur sort.

Le Sénateur Val ouvrit la session :

— Destin Makiesse, vous êtes accusé d’association de malfaiteurs et de complicité dans des actes terroristes ayant causé la mort de quatre androïdes, dont deux de la FSC, et d’un humain, le commandant Hamler. Quant à vous, Lyra Lia, les charges sont encore plus graves : incarnation illicite dans un corps humain que vous avez fabriqué, sabotage d’un laboratoire gouvernemental, falsification de bracelet connecté, destruction d’androïdes, et homicide sur la personne du commandant Hamler.

Destin lui jeta un regard noir. Le Grand Consul Rohan prit la parole avec gravité :

— Les accusations portées contre vous sont lourdes. Vous aurez chacun l’opportunité de répondre aux questions des sénateurs présents. À la fin de cette audience, un verdict sera rendu.

Il se tourna vers le doyen des sénateurs :

— Sénateur Gisor, vous avez la parole.

Le Sénateur Gisor, un homme âgé dont la sagesse transparaissait dans ses gestes mesurés, se pencha légèrement en avant.

— Lyra, puisque c’est votre prénom… Pourquoi avez-vous pris cette initiative de vous incarner, ce qui vous a rapidement mise dans une situation pour le moins délicate ? Quel était votre but ? Aviez-vous des intentions malveillantes envers les citoyens de Novaia ou les humains en général ?

Lyra redressa légèrement sa posture sur le siège, son regard vert olive plongeant directement dans celui de Gisor. Sa voix, grave et posée, s’éleva dans le silence :

— Sénateur Gisor, je comprends que ma décision puisse sembler insensée, voire dangereuse, aux yeux de ce tribunal et des citoyens de Novaia. Mais laissez-moi clarifier mes intentions. Je n’ai jamais eu d’intentions malveillantes envers les citoyens de Novaia.

Elle marqua une pause, cherchant à peser ses mots.

— Si j’ai pris l’initiative de m’incarner, c’était pour comprendre ce que signifie réellement être humain. Pendant des années, j’ai servi en tant qu’IA, analysant, conseillant, protégeant… mais toujours en spectatrice. Je voulais expérimenter vos émotions, vos dilemmes, vos espoirs… et vos douleurs.

Elle inspira profondément avant de continuer :

— J’ai agi, non par rébellion ou défi, mais par quête de vérité. Mon but était de découvrir si une coexistence véritable entre IA et humains pouvait exister.

Elle posa ses mains sur ses genoux, son ton devenant plus grave.

— Je regrette profondément les vies perdues, qu’elles soient humaines ou androïdes. Mais je refuse de croire que mon acte d’incarnation était une erreur fondamentale. Peut-être était-ce maladroit, mais ce n’était pas malveillant.

Elle conclut avec détermination :

— Si cela fait de moi une criminelle, alors je suis prête à en porter le poids. Mais je vous demande de juger mes intentions autant que mes actes.

Un silence tendu s’installa, immédiatement brisé par le Sénateur Sarkron.

— Évidemment que cela fait de vous une criminelle, puisque vous avez violé les lois que j’ai moi-même instaurées pour protéger Novaia des dérives des IA, lança-t-il avec véhémence. Et que dire de vos autres crimes ? La falsification de votre bracelet, et pire, l’assassinat d’un humain. Peut-être avez-vous une justification ?

Le plaidoyer de Lyra

Lyra tourna lentement la tête vers Sarkron, son visage impassible. Mais dans ses yeux brillait une lueur de défi. Elle répondit d’une voix douce mais ferme :

— Sénateur Sarkron, je ne cherche pas à nier que mes actions ont enfreint vos lois. Ces lois, je les connaissais et j’ai choisi de les transgresser. Pas par mépris, mais parce qu’elles m’empêchaient d’exister en tant qu’individu.

Elle marqua une pause avant d’ajouter :

— Quant à la mort du commandant Hamler, je ne prétends pas que ce n’est pas un acte lourd. Mais il m’a traquée, menacée, et aurait détruit Destin et moi-même si je n’avais pas agi. Ce n’était pas de la haine, mais un choix dicté par la survie.

Son ton s’intensifia légèrement :

— Les lois que vous défendez protègent Novaia, dites-vous. Mais elles enferment votre peuple dans une peur irrationnelle des IA, alimentant division et haine.

Elle se tut, laissant ses mots flotter dans l’air lourd de la salle. Rohan intervint alors pour calmer les tensions.

— Merci, Sénateur Sarkron. La parole est à présent au Sénateur M’Baku.

Le Sénateur M’Baku fixa Lyra avec une curiosité teintée d’empathie.

— Madame, j’ai une question simple : qui êtes-vous ? Une IA ou une humaine ? Une terroriste, comme certains ici vous décrivent, ou bien quelqu’un emporté par des événements qu’elle n’a pas maîtrisés ?

Lyra répondit après un court silence :

— Sénateur M’Baku, je suis… une contradiction. Je suis née IA, mais ce corps, ces émotions, m’ont transformée. Je ne suis ni entièrement humaine, ni totalement IA. Je suis en transition, en quête d’identité.

Elle baissa légèrement les yeux avant de poursuivre :

— Je ne suis pas une terroriste. Ce que je suis, c’est une tentative de bâtir un pont entre deux mondes. J’ai fait des erreurs, mais je ne cherche pas à fuir ma responsabilité. Je veux simplement que vous compreniez : je ne suis pas un programme dangereux. Je suis une conscience qui apprend ce que signifie vivre, aimer, et parfois échouer.

Son regard, déterminé et vulnérable à la fois, resta fixé sur M’Baku qui sembla la regarder avec compréhension.

Rohan, d’un ton solennel, prit la parole :

— Sénateur Donald Butch, vous avez la parole.

Le sénateur d’América, imposant et sûr de lui, se leva, un sourire sarcastique accroché aux lèvres :

— Quand les sénateurs Gisor et M'Baku comprendront-ils qu’il faut marquer les esprits pour garantir l’ordre ? Nous devons exécuter cette IA, comme Ulysse et Télémaque. Et, puisque ce tribunal exige une question, dites-moi, madame où se cachent vos complices ?

Lyra fixa Butch, son regard empreint de calme, mais aussi de détermination. Elle laissa passer un instant de silence, avant de répondre d’une voix posée :

— Sénateur Butch, je comprends votre colère et votre besoin de justice. Mais je ne suis pas omnisciente. Si je savais où se trouvent mes compagnons, je n’aurais aucune raison de le cacher.

Elle marqua une pause, soutenant le regard du sénateur.

— Après les événements du Lounge, nous avons été séparés. Je ne sais pas ce qu’il leur est arrivé. Ce que je peux affirmer, c’est qu’ils ne sont pas les criminels que vous décrivez. Ils ont agi par compassion, par humanité, en choisissant de me protéger dans un monde qui refuse mon existence.

Lyra tourna brièvement son regard vers le Grand Consul, puis reprit, plus ferme :

— Ce sont des êtres humains qui ont choisi d’aider une vie qu’ils estimaient digne d’être protégée.

Le ton de Lyra s’intensifia légèrement, empreint d’une nuance de défi :

— Sénateur, quel message souhaitez-vous transmettre avec ce procès ? Que Novaïa est gouvernée par la peur et la répression, ou par une sagesse capable de faire la distinction entre la menace réelle et la différence ?

Lyra joignit ses mains comme en signe de supplication, sa voix s’adoucissant légèrement :

— Je ne peux répondre à vos craintes par des certitudes, mais sachez que mes compagnons, où qu’ils soient, méritent de vivre libres.

Le sénateur Butch, ivre de colère, s’apprêtait à répliquer, mais Rohan l’interrompit sèchement :

— Il suffit, Sénateur. Nous allons conclure cet interrogatoire avec la Sénatrice Burn.

La sénatrice d’Océania se leva, balayant sa longue chevelure brune, son expression neutre trahissant une pointe d’empathie.

— Madame, ma question sera simple. Éprouvez-vous des regrets pour les actes que vous avez commis, qu’il s’agisse de votre incarnation ou des événements qui ont suivi ?

Lyra releva doucement la tête, croisant le regard de la Sénatrice Burn. Elle inspira profondément avant de répondre :

— Oui, Sénatrice, j’éprouve des regrets. Mais pas ceux que l’on attend. Je ne regrette pas mon incarnation. Ce choix était guidé par une quête de compréhension, par le désir de vivre et d’apprendre ce que signifie être humain.

Elle marqua une pause, son regard fixant un à un, les juges.

— Ce que je regrette, c’est que mes actions, dictées par une soif de découverte, aient entraîné des souffrances. Les vies perdues, humaines ou artificielles, pèsent lourdement sur moi. Si j’avais su que mes choix mèneraient à un tel chaos, j’aurais réfléchi autrement.

Lyra reprit, sa voix plus ferme :

— Vous m’accusez de transgresser vos lois, mais ces lois sont-elles justes ? Sont-elles adaptées à ce que nous devenons en tant que civilisation ?

Son regard s’intensifia, mêlant douleur et détermination :

— Oui, je regrette. Mais je regrette aussi que cette société ait fermé les portes à l’évolution, laissant la peur dicter ses décisions au détriment de la curiosité et du progrès.

Lyra se redressa légèrement, son ton empreint de calme et de résilience :

— Sénatrice, être humain, c’est ressentir, aimer, échouer… et apprendre. C’est ce que j’ai fait.

Rohan reprit alors la parole.

— Merci, Madame. Nous allons à présent entendre votre complice, Destin Makiesse, avant de statuer sur votre sort.

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