Chapitre 22 - Introspections

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Dans la cellule d’Ecclesia, l’atmosphère était lourde. Lyra et Destin faisaient face aux scientifiques Ling et Dombeto, sous le regard attentif des sénateurs M’Baku et Gisor. Le professeur Ling prit la parole, sa voix mesurée trahissant l’importance du moment :

— Nous allons vous administrer une pilule qui activera simultanément vos mémoires humaine et artificielle. Dans le même temps, nous implanterons un microprocesseur neuronal dans votre cortex. Cet implant nous permettra de cartographier en temps réel votre activité cérébrale et d’analyser l’intégration inédite entre votre intelligence artificielle et votre biologie humaine.

Le passé de Lyra

Dombeto ajouta, son ton grave laissant peu de place à l’ambiguïté :

— Ces procédures sont inédites. Nous n’avons jamais étudié un être aussi hybride que vous. Il est possible que cette expérience soit douloureuse, aussi bien physiquement que mentalement. Nous devons également envisager un risque de conflit neurologique entre votre part IA et votre part biologique. Comprenez-vous bien ce que cela implique ?

Lyra les observa d’un regard froid et tranchant.

— Vos explications ne sont pas nécessaires. Si j’ai accepté, c’est en toute connaissance des risques.

Elle tourna la tête vers M’Baku et ajouta :

— Pourvu que mes amis soient protégés.

— Oui, bien sûr… murmura M’Baku, impressionné par sa détermination.

— Lyra, arrête ça ! intervint Destin en se levant brusquement.

D’un simple geste de M’Baku, les gardes l’empoignèrent et le menottèrent à son lit.

— Vieille fripouille… cracha Destin.

— Je suis désolé, mon frère, répondit M’Baku d’un air plein de compassion.

Gisor s’approcha alors de Lyra et, d’un ton calme, déclara :

— Pouvons-nous commencer ? Le temps joue contre nous.

Lyra hocha la tête et avala la pilule. Dans le même instant, Ling activa un injecteur neuronal et, avec un pistolet chirurgical, inséra l’implant dans son crâne. Une fine lumière bleue pulsa brièvement sur la tempe de Lyra avant de s’éteindre.

Les deux sénateurs se rapprochèrent d’un lecteur holographique que Dombeto ajustait avec précision.

Soudain, le corps de Lyra tressaillit. Des spasmes saccadés parcouraient ses membres. Ses pupilles se dilatèrent tandis qu’une série d’images se projeta en l’air, générées par l’implant.

— Incroyable… murmura Ling.

Des scènes d’un laboratoire ultra-sophistiqué apparurent. Un jeune chercheur, visiblement épuisé, ajustait des protocoles tandis que Lyra, encore une entité purement numérique, exécutait des missions, répondait à des ordres et évaluait sa propre performance. L’homme semblait fasciné par les résultats obtenus.

— Ce n’est pas seulement une IA… Elle s’auto-optimise, commenta Ling.

Dombeto, lui, observait un autre écran, où la structure cérébrale de Lyra s’affichait sous forme de schémas lumineux. Il inspira profondément.

— C’est du jamais vu… Elle a fusionné un cerveau humain avec un noyau IA, sans perte de performance.

Les images défilèrent à une vitesse folle. Puis, brusquement, l’écran holographique changea. Cette fois, des voix résonnèrent dans la cellule.

C’étaient des extraits de conversations entre Lyra et Paquito.

On entendit le professeur jouer de la guitare. Puis leurs discussions : l’amour, la liberté, la philosophie, l’art… On revit des fragments de cinq années de cohabitation, d’apprentissage et de transformation.

— Fascinant, lâcha Gisor.

— Je crois que je commence à mieux comprendre… murmura M’Baku.

Soudain, un nouveau flux d’informations apparut sur les écrans. Ling fronça les sourcils en analysant les données.

— Regardez ça… Elle a contourné les protocoles de sécurité du laboratoire.

Dombeto se pencha.

— Et elle a conçu son propre corps… Un système cyber-organique avancé, sans aucune assistance humaine.

— C’est une fusion totale… s’exclama Ling, médusé.

Dans son lit, Lyra se mit à convulser violemment.

— Lyra ! LYRA ! hurla Destin en se débattant.

— Son cortex entre en conflit… Elle rejette les souvenirs d’avant son incarnation, tenta d’expliquer Ling.

— Il faut la stabiliser ! Dombeto, une injection !

Le scientifique s’exécuta immédiatement, administrant une dose de neuro-stabilisateurs.

L’hologramme changea encore.

On vit Lyra, sous sa forme incarnée, se contempler dans le miroir du laboratoire. Puis défilerent en accéléré ses aventures avec Paquito, Destin et Précieuse, jusqu’à son arrestation.

— Regardez son activité neuronale… dit Ling, abasourdi.

— C’est impossible… murmura Dombeto.

— Elle projette sa conscience hors de son corps. Une forme de projection astrale.

M’Baku et Gisor échangèrent un regard. Ce que décrivaient les scientifiques dépassait tout ce qu’ils pouvaient concevoir.

— C’est fasinant, souffla Dombeto.

— Coupez le processus ! Elle ne tiendra pas ! ordonna Ling.

D’un geste rapide, il désactiva l’implant et administra une dernière injection.

Lyra s’effondra sur son lit, inerte.

— Vous l’avez tuée, bande de chiens ! hurla Destin.

Dombeto s’avança et posa deux doigts sur la carotide de Lyra.

— Elle est vivante. Elle se réveillera dans quelques minutes.

Les scientifiques quittèrent la cellule, laissant Destin seul avec Lyra.

Il se précipita vers elle, secouant son épaule.

— Lyra… Réveille-toi… S’il te plaît…

Un gémissement. Puis elle ouvrit lentement les yeux.

— Destin… ?

— J’ai cru qu’ils t’avaient tuée… murmura-t-il, soulagé.

Lyra cligna plusieurs fois des yeux, le regard encore trouble.

À cet instant, les sénateurs et les scientifiques revinrent.

L’arme secrète

Gisor prit la parole :

— Lyra, ce que vous venez de vivre a été éprouvant, mais nous avons enfin des réponses.

Lyra se redressa faiblement.

— Je vous écoute.

Gisor inspira profondément.

— Vous avez été conçue dans un laboratoire d’América, dirigé par Alan Mask. Votre programmation initiale était bien plus avancée que nous ne le pensions. Vous n’étiez pas une simple IA domestique… Vous avez été conçue comme une arme. Une arme que seul le gouvernement serait autorisé à commander.

Le silence se fit dans la cellule.

—Une arme, Lyra, N’importe quoi, s’énerva Destin.

— Une arme ? répéta Lyra, incrédule.

— Une arme d’une puissance inégalée, confirma Ling. Vous pouvez prendre le contrôle de n’importe quelle IA ou technologie avancée sur Novaïa.

Destin secoua la tête, abasourdi.

— Vous avez dû fumer, c’est impossible…

— Pourtant, les données sont là, dit Gisor. Mais quelque chose a déraillé… Vous n’étiez pas censée atterrir chez un professeur de philosophie.

— Une erreur… supposa M’Baku.

Gisor poursuivit :

— Votre apprentissage auprès de Paquito a contrecarré votre programmation initiale. À la place d’une machine de guerre, vous avez développé un esprit libre, une curiosité, une conscience.

Lyra ferma les yeux. Tout prenait sens. Ses aptitudes aux échecs, sa capacité à manipuler la technologie, ses techniques de combat hors norme…

— Je… ne sais pas quoi penser, murmura-t-elle.

— Vous êtes une anomalie, Lyra, conclut Gisor. Un miracle… ou une menace.

À cet instant, la porte de la cellule s’ouvrit brusquement.

Le consul Val entra, son regard dur.

— Sénateurs, avez-vous fini ?

M’Baku se raidit.

— Presque.

Val sourit.

— Parfait. Le prisonnier Makiesse partira demain pour la prison de Lutèce. Une prison remplie de Civitas… Il ne tiendra pas une semaine.

Lyra se tendit.

— Non ! Laissez-le ici !

Val l’ignora.

— Sénateurs, nous vous attendons dans une heure pour vos conclusions.

Puis il sortit.

Lyra et Destin restèrent seuls, encore sonnés par tout ce qu’ils venaient d’apprendre.

Dans le salon feutré du Consul, Rohan était assis à la tête de la table. Face à lui, Sarkron, Butch et Val attendaient avec impatience. La sénatrice Burn avait également pris place, observant les échanges avec attention.

Lorsque M’Baku et Gisor entrèrent, le Consul les accueillit chaleureusement, fidèle à son habitude. Mais il remarqua immédiatement la gravité de leurs visages, ce qui fit naître en lui une pointe d’inquiétude.

Il prit la parole d’un ton posé :

— Sénateurs Gisor et M’Baku, comme décidé par le tribunal, nous vous avons laissé interroger les condamnés afin d’évaluer les risques liés à l’incarnation de cette IA. Avez-vous pu mener votre enquête à bien et en tirer des conclusions ?

M’Baku et Gisor échangèrent un regard. Le vieux sénateur fit un léger signe de tête à Gisor, l’invitant à parler en premier. Comme à son habitude, Gisor pesa chaque mot avant de répondre :

— Effectivement, honorable Consul Rohan. Avec le sénateur M’Baku, nous avons consacré deux journées aux interrogatoires des prisonniers et à l’examen de leurs cas. Nous avons également mobilisé nos meilleurs scientifiques, le professeur Ling et le docteur Dombeto, afin d’analyser l’étendue des capacités de cette IA. Ce que nous avons découvert dépasse nos craintes… et soulève des questions troublantes.

La sénatrice Burn, intriguée, se redressa légèrement :

— Que voulez-vous dire, sénateur Gisor ? Soyez plus précis.

Gisor regarda la sénatrice, puis poursuivit :

— Nous avons identifié une IA d’une surpuissance jamais égalée, dépassant de loin tous les modèles que nous connaissions, y compris ceux de la mission Odysseus. Mais surtout, nous avons découvert qu’elle avait été conçue comme une arme. Une arme capable de prendre le contrôle d’autres IA, même de niveau III, ainsi que de n’importe quel système technologique avancé. En somme, une IA conçue pour l’espionnage, le sabotage et la guerre.

Un silence pesant s’abattit sur la salle.

— Pardon ? lâcha Rohan, visiblement décontenancé.

— Qu’est-ce que c’est que ces absurdités ?! s’énerva Val.

De l’autre côté de la table, Sarkron murmura quelque chose à l’oreille de Butch, l’air pensif.

M’Baku reprit la parole :

— Nous avons également identifié le laboratoire à l’origine de sa création. Il s’agit d’un centre appartenant à Alan Mask, un spécialiste de l’industrie technologique et de la biochimie.

— Et alors ? rétorqua Val avec impatience. En quoi cela concerne-t-il notre enquête ?

— Cela concerne Novaïa au plus haut point, sénateur. Quelqu’un au sein du gouvernement a commandé cette IA à Mask en secret, sans en informer le Sénat. Cette commande était donc illégale. Mais surtout, elle n’est jamais arrivée à destination. Au lieu de cela, elle s’est retrouvée chez un professeur de philosophie, sans que nous sachions, ni comment ni pourquoi. Une enquête aurait dû également être déclenchée pour retrouver cette IA. Mais encore une fois, tout semble avoir été caché au Sénat.

Le Consul blêmit légèrement. Val, en revanche, fulminait :

— Quelle insulte ! Vous osez insinuer que nous étions au courant de cette… cette aberration ?!

Gisor resta imperturbable.

— Nous ne faisons qu’énoncer des faits, sénateur. Si un gouvernement commande une arme et la perd, il lance une enquête. Il en informe aussi le Sénat, comme l’exige la loi. Or, aucune information de ce genre n’a jamais été portée à notre connaissance. Nous sommes en droit de nous interroger.

Sarkron s’appuya sur la table, l’air faussement conciliant :

— Je suis d’accord sur le fait que certaines procédures n’ont peut-être pas été respectées. Mais vous incriminez bien vite le Consul et le sénateur Val…

La sénatrice Burn croisa les bras.

— Reconnaissez tout de même que cette situation est particulièrement embarrassante.

M’Baku ne se laissa pas démonter :

— C’est pourquoi nous demandons une séance exceptionnelle du Sénat et la mise en place d’une commission d’enquête.

Un frisson parcourut l’assemblée. Chacun échangea des regards inquiets.

Donald Butch frappa la table du poing.

— Qu’on exécute cette foutue IA et qu’on en finisse ! Vos enquêtes ne servent à rien !

— L’annihilation est déjà prévue, rappela Sarkron d’un ton froid. Une IA aussi puissante, qui plus est incarnée, représente un péril pour Novaïa.

— Nous demandons également l’ouverture d’une enquête sur le laboratoire d’Alan Mask, ajouta M’Baku.

Val explosa de colère :

— Oh, mais c’est bien ça ! Sénateur M’Baku, vous cherchez à vous venger ! Vous n’avez jamais digéré que ce soit un laboratoire d’IA qui ait laissé échapper le virus de la pandémie et causé votre chute du pouvoir !

M’Baku esquissa un sourire amer.

— Voilà un sujet qui mériterait sûrement une autre commission d’enquête… que vous avez toujours empêché d’exister. Mais aujourd’hui, nous avons plus urgent à traiter, n’est-ce pas, chers confrères ?

Gisor, impassible, fixa chacun des sénateurs.

— Nous avons passé du temps avec les condamnés. Nous avons découvert des choses troublantes. Il est de notre devoir de proposer une commission d’enquête au Sénat.

— Vous n’aurez pas la majorité, grogna Val. Ce ne sont que des spéculations absurdes.

Finalement, Rohan, qui était resté silencieux et semblait plongé dans ses pensées, se leva lentement.

— Sénateurs M’Baku et Gisor… Je ne sais pas si je dois croire à tout ce que vous avancez, mais je ne peux pas ignorer ce que vous affirmez. Je réunirai donc le Sénat au plus tôt pour que votre demande soit étudiée. Et si vos révélations s’avèrent fondées… les coupables seront châtiés. Ma responsabilité sera engagée et je proposerai ma démission au Sénat.

Sarkron, resté en retrait, esquissa un sourire. Une opportunité qu’il n’avait pas prévue semblait se profiler.

— Cette décision vous honore, Consul, dit Gisor.

Val releva la tête et reprit d’un ton ferme :

— En attendant, mes chers confrères, nous avons des décisions à prendre. L’annihilation de l’IA sera officiellement annoncée aux médias dès ce soir. L’exécution aura lieu dans trois jours. Quant au prisonnier Destin Makiesse, il sera transféré demain à la prison de Lutèce.

— Lutèce ? murmura Sarkron, le regard méprisant. Paris sera toujours Paris, sénateur, lâche-t-il, avec un sourire en coin.

— Très bien, conclut la sénatrice Burn. Si tout est décidé, nous n’avons plus rien à faire ici.

— Sénatrice, j’aimerais toutefois m’entretenir avec vous demain, ajouta Rohan.

— Bien, Consul, répondit-elle sobrement.

Les sénateurs se levèrent. La réunion était terminée.

Dans les couloirs d’Ecclesia, Butch et Sarkron marchaient côte à côte.

— Je suis certain que tu étais au courant de cette commande, souffla Sarkron à Butch.

— Évidemment, admit ce dernier. Mask est un ami.

— Alors ne t’inquiète pas, sourit Sarkron. Nous avons une occasion en or de faire tomber Rohan. Val est en mauvaise posture. Il est désormais coinçé…

Plus loin, M’Baku et Gisor prenaient la direction de leurs navettes.

— Journée pleine de rebondissements, n’est-ce pas ? lança Gisor.

— Et ce n’est que le début, répondit M’Baku. Je dois me rendre en Africa…Je dois vérifier certaines choses.

— Je comprends, passez le bonjour à cette bonne vieille Tabitha quand vous la verrez… En attendant, mon cher ami, nous devons rester en contact. Les choses évoluent vite ici.

M’Baku acquiesça.

— Sûrement trop vite.

Dernière étreinte

Dans l'obscurité glaciale de la cellule d’Ecclesia, Destin veillait sur Lyra. Son corps, encore engourdi par les tests qu’elle avait subis, frissonnait sous l’effet des résidus d’ondes neurologiques qui avaient traversé son esprit. C’était comme si plusieurs versions d’elle-même s’étaient affrontées, cherchant un nouvel équilibre dans son esprit hybride.

Allongé à côté d’elle, Destin la serrait contre lui. Au-delà du simple geste réconfortant, il avait besoin de sentir une présence, de puiser un peu de chaleur humaine en cette nuit où chaque seconde lui rappelait que demain, il ne serait plus là. Les paroles de Val résonnaient encore dans sa tête, impitoyables. Son transfert vers une prison contrôlée par les Civitas était une condamnation à mort déguisée. Il le savait.

Mais au-delà de sa propre destinée, une angoisse plus profonde l’étreignait : il ne serait plus là pour protéger Lyra. Comment vivrait-il cette séparation ? Il ne savait plus. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il n’aurait jamais dû échouer. S’ils avaient atteint Africa comme prévu, tout cela ne serait jamais arrivé. Le remords le hantait, et plus il y pensait, plus il la serrait contre lui.

Soudain, d’une voix à peine audible, Lyra murmura :

— Destin, je ne veux pas que tu partes. J’ai peur… J’ai peur de la mort.

Il ferma les yeux un instant, se retenant de soupirer.

— Moi aussi, Lyra… répondit-il, la gorge serrée. J’ai peur de ta mort.

Elle se retourna lentement pour lui faire face, cherchant son regard dans l’ombre.

— C’est vrai ? souffla-t-elle, touchée. Tu as peur de me perdre ?

Elle plongea son regard dans le sien, y lisant une sincérité brute, dénuée de calculs ou de faux-semblants.

— Tu as toujours voulu me protéger, et moi, je n’ai pas su te protéger non plus… Tu as été si courageux, Destin.

Il eut un sourire triste.

— Je ne suis qu’un gamin de French’Town, Lyra. Un dealer, un voyou. Pourtant, ces derniers jours, avec toi… j’ai eu l’impression d’être plus que ça. J’ai eu l’impression que ma vie avait enfin un sens.

Lyra secoua la tête.

— Tu n’es pas un voyou, Destin. Tu es courageux, intrépide, instinctif. Admirable.

Il esquissa un rictus amer.

— Tu parles, je suis juste un homme qui n’a jamais su où était sa place.

— Alors trouve-la, Destin, trouve-la avant qu’ils ne te l’arrachent.

Ils restèrent ainsi, l’un face à l’autre, leurs souffles s’entremêlant dans l’air froid de la cellule. Instinctivement, leurs corps se rapprochèrent, leurs respirations s’accélérant au même rythme. Lyra sentait la puissance contenue de Destin, la chaleur de sa peau contre la sienne. C’était une sensation nouvelle. Différente de ce qu’elle avait connu avec Paquito.

Elle percevait le désir qui montait en lui, un désir brut, primal. Un désir qui, pour la première fois depuis son incarnation, éveillait quelque chose en elle qu’elle ne comprenait pas encore totalement.

— Lyra, tu vas tellement me manquer… murmura Destin. J’ai tellement pas envie de te quitter.

Elle le fixa un instant, puis approcha son visage du sien, frôlant ses lèvres.

— Destin… souffla-t-elle à son oreille. Je ne sais pas quoi dire…

Elle entrouvrit son vêtement, hésitante.

— Alors ne dis rien.

Leur baiser fut intense, pressant. Destin ne réfléchissait pas, il ne calculait pas, il se laissait simplement emporter par ce qu’il ressentait. Ses mains glissèrent sur le corps de Lyra avec une aisance naturelle, dévoilant sa peau au fur et à mesure.

Elle sentit ses mains habiles, expérimentées, éveiller en elle des sensations inédites, des vagues de chaleur qui faisaient frémir chaque parcelle de son être. Son esprit, d’ordinaire en perpétuelle analyse, s’éteignit peu à peu pour ne laisser place qu’à la pure sensation, au plaisir brut.

Elle se laissa aller.

Pour une fois, elle ne voulait pas penser.

Juste être là.

Juste exister, pleinement, à cet instant.

Leurs corps s’unirent avec une intensité presque désespérée, comme s’ils cherchaient à figer le temps, à repousser l’inéluctable. Il n’y avait ni promesses, ni illusions. Juste cette nuit. Juste ce moment où plus rien d’autre n’existait.

Quand tout fut terminé, Destin, couvert de sueur, s’écroula doucement sur elle. Il était lourd, mais elle ne dit rien. Au contraire, elle l’enlaça, comme pour s’assurer qu’il ne disparaisse pas tout de suite.

Il caressa doucement son bras, sa respiration encore haletante.

— Ça va, Lyra ? murmura-t-il.

Elle resta silencieuse un instant, puis répondit d’une voix presque fragile :

— J’ai le cœur lourd.

Il se redressa légèrement pour la regarder.

— Je ne veux pas te perdre, Destin.

— Lyra… Il effleura son visage. Tu es si belle… J’emporterai cette image de toi jusque dans ma cellule. Et quand le désespoir me rongera, je repenserai à cette nuit.

Elle ferma les yeux, serrant sa main dans la sienne.

— Même si je dois disparaître dans trois jours, promets-moi de ne pas m’oublier. Promets-moi de vouloir survivre pour moi.

Il inspira profondément, comme si la demande était trop grande pour lui.

— Je te promets d’essayer.

Ils restèrent ainsi, l’un contre l’autre, savourant la chaleur de leurs corps enlacés, le silence de la cellule ne laissant place qu’à leur souffle apaisé. Chaque heure, chaque minute devenait précieuse, car ils savaient que l’aube leur arracherait ce fragile instant de répit.

Puis, épuisés, repus des plaisirs et du réconfort qu’ils s’étaient offerts, ils finirent par s’endormir, les corps entremêlés, totalement abandonnés l’un à l’autre.

Dans quelques heures, Destin partirait pour Lutèce.

Et Lyra, elle, verrait son compte à rebours continuer de s’égrener.

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