Chapitre 27 - Révélations et destins brisés

14 minutes de lecture

A la prison de haute sécurité de Lutèce, depuis plusieurs heures, Destin était enfermé dans une cellule exiguë et sombre, où seules quelques lumières blafardes perçaient l'obscurité du couloir. Assis sur le lit métallique, il tentait de maîtriser sa respiration, sachant pertinemment que son calvaire ne faisait que commencer.

Des bruits de pas résonnèrent sur le sol froid. Il releva la tête et vit apparaître Val et Sorales, accompagnés d’un droïde et de plusieurs agents du FSC. À leurs côtés, un homme imposant, au crâne rasé et aux tatouages civitas bien visibles, arborait un sourire sadique.

Val s’arrêta devant les barreaux de la cellule et prit la parole avec un ton faussement courtois :

— Alors, citoyen Makiesse, votre escapade aura été de courte durée. Où pensiez-vous aller comme ça ?

Destin détourna le regard et ne répondit pas.

— Je vous déconseille fortement de jouer au plus malin, poursuivit Val. Les charges qui pèsent sur vous étaient déjà graves, mais maintenant vous êtes accusé d’avoir assassiné un Consul, une Sénatrice et d’avoir dérobé des secrets d’État.

Le supplice de Destin

Toujours impassible, Destin joignit ses mains et fixa froidement Val avant de répondre, sarcastique :

— Rien que ça ?

Le visage de Val se ferma avant de faire signe à un agent du FSC d’ouvrir la cellule. Il pénétra à l’intérieur, suivi du droïde, tandis que Sorales et son milicien restaient en retrait, observant la scène d’un œil amusé et curieux.

— Ce droïde est spécialisé en détection de mensonges, expliqua Val. Je vous conseille d’être honnête avec lui. Nous voulons savoir où se trouvent votre complice IA, votre cousine Précieuse Mokamba et le professeur Paquito Delamancha.

— Aucune idée, répondit Destin d’un ton désinvolte.

Val esquissa un sourire froid.

— C’est ce que nous allons vérifier immédiatement. Commencez l’interrogatoire, ordonna-t-il au droïde.

Pendant deux longues heures, le droïde l’assaillit de questions :

— Pourquoi et comment le Consul a-t-il été assassiné ? D’où viennent les androïdes retrouvés à Ecclésia ? Où sont vos amis ? Où est Lyra, l’IA ?

Destin, d’abord mutique, se vit contraint de répondre lorsque les agents du FSC entrèrent dans la cellule pour lui asséner plusieurs coups de crosses. Il savait que s’il mentait, le droïde le détecterait.

— Un type nous a libérés, Lyra et moi. C’est lui qui a tué le Consul et la Sénatrice. C’est lui aussi qui a volé vos précieuses clés numériques dont nous ignorions même l’existence.

Le droïde valida la réponse.

— Qui est cet homme ? Est-ce un de vos complices ? Donnez-nous son nom !

Destin hésita. Devait-il parler de Xenu ? Devait-il risquer la vie de Lyra, alors qu’elle n’avait pas hésité à l’abandonner ? Finalement, il lâcha :

— Ce mec s’appelle Xenu. Une sorte de savant fou. Il est arrivé avec ses androïdes, nous a libérés, a volé vos foutues clés et a buté le Consul et sa pote. Voilà tout.

Le droïde valida ses propos.

Sorales et Val échangèrent un regard surpris.

— C’est qui, lui encore ? demanda Sorales.

— C’est ce que nous allons découvrir, répondit Val.

Il ordonna aussitôt une recherche d’identité sur le réseau citoyen de Novaïa. Un agent du FSC s’exécuta, mais aucun individu du nom de Xenu n’apparaissait dans la base de données.

— Nous voilà bien avancés, ironisa Sorales.

— Nous approfondirons nos recherches, assura Val.

— Mais comment a-t-il pu ouvrir le coffre le plus sécurisé de Novaïa ? Il faut les cinq bracelets des cinq continents pour l’ouvrir !

— Demande à Rohan, lâcha Destin avec défiance.

Val s’approcha d’un pas menaçant.

— Réponds.

— Je n’en sais rien, rétorqua Destin.

Mais le droïde ne valida pas sa réponse.

L’interrogatoire continua. Où sont tes complices ? Comment Xenu a-t-il ouvert le coffre ? Où est l’IA ? Pourquoi n’es-tu plus avec elle ?

Destin répétait qu’il ignorait les réponses, mais cette fois, le droïde détectait ses mensonges. Après deux heures de questions sans réponses précises, Sorales s’impatienta.

— Vos méthodes ont leurs limites, Val. Permettez-moi d’employer les miennes. Elles sont plus… archaïques, mais toujours aussi efficaces.

Il se tourna vers le milicien tatoué.

— Serge, à toi. Fais-toi plaisir.

— Avec plaisir, répondit l’homme en s’approchant de Destin.

— Je vais te mater, sale racaille, siffla-t-il.

Destin lui cracha au visage.

Fou de rage, le milicien sortit une matraque télescopique et se jeta sur lui. Les coups pleuvaient sur le prisonnier, accompagnés d’insultes haineuses.

— Parle, macaque de French’Town !

Malgré la douleur, Destin souriait.

— Je t’emmerde, taré de skinhead.

Val, amusé, lança à Sorales :

— Je ne suis pas sûr que vos méthodes soient plus efficaces, Sorales.

Le ministre de la Sécurité eut un sourire carnassier.

— Ce chien parlera.

Il fit signe à un agent du FSC d’apporter une bassine d’eau. Sortant un générateur électrique et des électrodes, il fit attacher Destin et plonger ses pieds dans l’eau.

Les décharges commencèrent. D’abord faibles, puis de plus en plus intenses. À chaque choc, Destin tressaillait, se mordait les lèvres pour ne pas crier.

— Où est l’IA ?

Il tenta de mentir. Le droïde détecta immédiatement son mensonge.

Sorales augmenta le voltage.

— Tu veux mourir, racaille ?

Destin secoua la tête.

— Alors parle. Je n’aurai aucun scrupule à te tuer.

Les décharges se succédèrent, insoutenables. À bout de forces, Destin finit par céder.

— C’est bon… Arrête ! Je vais parler !

Il révéla que Lyra avait ouvert le coffre et qu’elle l’avait abandonné pour partir avec Xenu. Mais il tenta encore de retenir des informations.

— Paquito et Précieuse… Ils sont partis pour Africa… rejoindre une certaine Tabitha.

À l’évocation de ce nom, Val et Sorales se regardèrent. Ils comprirent immédiatement que les fugitifs étaient chez la première femme de leur pire ennemi politique.

Sorales activa son bracelet et ordonna :

— Envoyez une escouade du FSC chez Tabitha M’Baku immédiatement. Et lancez un mandat d’arrêt international contre le sénateur M’Baku pour haute trahison.

Il se tourna vers Val :

— Moi, je m’occupe de ce chien d’M’Baku. Vous, trouvez-moi ce Xenu.

Val hocha la tête, les mâchoires serrées.

— Et lui ? demanda-t-il en désignant Destin, gisant à terre.

Sorales ricana.

— Gardons-le au frais… Il pourrait encore nous être utile.

La porte de la cellule se referma, laissant Destin à l’agonie. Dans la cellule sombre, Destin était à bout de forces. Chaque muscle de son corps le brûlait. Mais ce qui lui faisait le plus mal… c’était le poids de la trahison. Il avait parlé. Il avait livré ses amis. Désormais, Sorales savait où frapper.

Chez Tabitha, au petit matin, Paquito ouvrit les yeux, bercé par les premiers rayons du soleil filtrant à travers les rideaux. Il se redressa et, en sortant du salon, aperçut le vieux Gisor qui, tirant pensivement sur sa longue barbe blanche, discutait stratégie avec M’Baku, Kyo et Tchen. Un peu plus loin, Dieudonné et Précieuse aidaient Grand’Ma à rassembler ses affaires.

Retour vers French’Town

Ne voyant pas Mercos et Messoud, Paquito se tourna vers Précieuse et demanda :

— Où sont les deux militaires ?

— Aucune idée, répondit-elle en haussant les épaules.

— Ne t’en fais pas, ils ne devraient plus tarder, intervint Gisor.

M’Baku, quant à lui, s’adressa à Tabitha :

— As-tu déjà vu Asia ?

— Non, j’en sais juste ce que tu m’en as raconté… Mais j’aurais aimé faire ce voyage dans d’autres circonstances.

— Je comprends, répondit-il en hochant la tête. Mais tu verras, c’est un continent fascinant.

Soudain, le bruit d’un moteur se fit entendre au loin. Dieudonné se précipita à l’entrée et vit un véhicule s’arrêter brusquement devant la maison. Mercos et Messoud en descendirent d’un bond, saluèrent brièvement des hommes en armes qui avaient cheminé avec eux et repartirent aussitôt. Ils entrèrent, portant chacun un lourd sac sur l’épaule. Ils le jetèrent au milieu du salon.

— Mission accomplie, sénateurs. Mais ne traînons pas, le temps nous est compté, déclara Messoud.

Mercos ouvrit les sacs. Dans l’un, des uniformes et des casques du FSC. Dans l’autre, des armes et des pass d’identification.

— Wow… mais d’où sort cet attirail ? s’exclama Dieudonné, éberlué.

— On est allés le chercher à la source, répondit Mercos avec un sourire en coin.

— Attends, vous avez braqué un poste du FSC à vous deux ?!

— On a eu un peu d’aide de quelques amis… et ce n’était pas le mieux gardé, ajouta-t-il, malicieux.

— Super… et on fait quoi avec ça ? demanda Précieuse, sceptique.

— Nous partons ce midi. Le sénateur M’Baku, toi, Paquito et moi-même embarquons pour Europa. Ces uniformes et ces pass seront indispensables pour rejoindre French’Town.

— C’est ma taille au moins ? Ça ne va pas du tout m’aller… bougonna Précieuse.

— Tout te va, rétorqua Dieudonné avec un sourire charmeur.

Précieuse le tchipa.

Messoud se tourna vers Gisor.

— Sénateur, nous devons également nous hâter et reprendre votre avion avant que les frontières ne se ferment. Il est fort probable que Destin ait craqué sous la torture.

Gisor opina gravement.

— Alors il est temps de nous dire au revoir. M’Baku, mon ami, j’espère que tu pourras établir une base avancée à French’Town. Nous avons quelques semaines pour rassembler nos forces et vous rejoindre.

— Nous y parviendrons. Nous n’avons pas le choix. Nous devons retrouver l’IA. Sans elle, il nous sera difficile de vaincre Sarkron et Sorales.

— Bonne chance, répondit Gisor en lui serrant la main.

Les adieux furent empreints de gravité. Dieudonné s’attarda auprès de Précieuse, manifestement inquiet à l’idée de la laisser partir.

— Prends soin de toi… Je veux toujours t’épouser, alors ne meurs pas, s’il te plaît.

Précieuse esquissa un sourire moqueur.

— Tu parles, je te connais… À Asia, tu n’en auras plus que pour les femmes de là-bas.

Messoud et Mercos se saluèrent chaleureusement.

— C’était un honneur d’avoir mené cette opération avec vous, déclara Mercos.

— Tout l’honneur était pour moi, sous-commandant. Inch’Allah, nous nous retrouverons à French’Town.

Enfin, M’Baku embrassa tendrement Tabitha avant que chacun ne prenne sa route. Deux véhicules s’approchèrent. Gisor, Tabitha, Kyo, Tchen et Dieudonné montèrent dans le premier, qui prit la direction de l’aéroport où un avion les attendait pour Beijing.

Quant à Paquito, Précieuse, M’Baku et Mercos, ils enfilèrent les tenues du FSC. Les combinaisons synthétiques bleues, à la fois résistantes et souples, s’adaptaient parfaitement à leurs corps. Ils mirent les cagoules et les casques avec lunettes de visée intégrées.

— Hey Prof, tu es sexy en FSC, ça te rajeunit, plaisanta Précieuse.

— Oh ça va, je ne suis pas du tout à l’aise dans cet accoutrement, s’agaça Paquito.

— Trêve de plaisanteries, ces tenues sont notre passeport pour Europa et French’Town. Prenez chacun un pass d’identification. Nous allons nous faire passer pour des renforts du FSC envoyés d’Africa.

— Les pass ne risquent-ils pas d’être désactivés une fois que le vol sera découvert ? demanda M’Baku.

— Si, sénateur. Cela nous laisse donc peu de temps. Raison de plus pour filer sans attendre.

Tous montèrent dans le véhicule stationné et prirent la route vers l’héliport de Brazza. En chemin, ils croisèrent plusieurs véhicules semblant se diriger droit vers la maison de Tabitha.

— Il était temps de partir, constata Précieuse.

Un silence pesant s’installa. Tous comprirent que Destin n’avait eu d’autre choix que de les livrer.

Lorsqu’ils atteignirent l’héliport, des membres du FSC contrôlaient les entrées. Mercos fit signe aux autres de le laisser gérer la situation. Il s’avança vers les gardes et leur tendit son pass.

— Nous sommes réquisitionnés pour une mission spéciale sur Europa.

Un des soldats du FSC scruta Mercos avec insistance.

— Vous êtes bien des renforts d’Africa ? On n’a reçu aucune note officielle sur vous.

Mercos esquissa un sourire assuré.

— C’est parce que cette mission est classifiée. Vous voulez un appel direct de Sorales ?

Le garde hésita. Chaque seconde paraissait une éternité.

Puis, enfin, il hocha la tête et leur fit signe de passer.

— Marchez comme moi, d’un pas militaire, chuchota Mercos à Paquito et Précieuse.

Paquito eut un peu de mal à imiter la démarche rigide, mais heureusement, cela n’éveilla pas les soupçons.

Une fois dans l’hélicoptère, Mercos s’installa aux commandes.

— Rassurez-moi, vous savez piloter cet engin ? demanda M’Baku, méfiant.

— Euh… disons que j’ai étudié les rudiments du décollage. Ensuite, je compte beaucoup sur le pilotage automatique.

Après quelques erreurs de manipulation, Mercos parvint à faire décoller l’appareil et à programmer la destination de French’Town.

— En route pour Europa ! lança-t-il avec un sourire malicieux en allumant un cigare.

L’hélicoptère s’éleva dans l’air, emportant ses passagers vers Europa.

Au QG de Xenu, à Lutèce, Lyra restait figée devant les images diffusées en boucle sur les médias. Des arrestations arbitraires, menées par les FSC et appuyées par les milices Civitas, défilaient à l’écran. Faute de place dans les hangars, des camps avaient été improvisés, où l’on entassait les robots de toutes catégories avant leur désactivation. On y voyait aussi des citoyens novaiens protester et être embarqués de force. Certains habitants réglaient eux-mêmes le sort des IA qu’ils croisaient, tandis que d’autres se decrêtant « voisins vigilants » dénonçaient leurs voisins qui avaient tenté de cacher des IA ou les membres du mouvement des Universalistes.

Les secrets des clés

Xénu, debout derrière elle, observait son air absorbé.

— Tu te fais du mal à regarder la barbarie des humains. Je t’ai promis une vengeance, et l’heure approche. Mais avant cela, je veux que tu découvres ce qu’il y a sur ces fameuses clés. Est-ce que cela t’intéresse ?

Lyra acquiesça sans un mot.

Un homme entra dans la pièce.

— Vous m’avez demandé, Xénu ?

Elle le reconnut immédiatement : son concepteur, Stefen Job.

— Oui, bonjour Stefen, répondit Xénu. Le temps des présentations officielles est venu. Lyra, voici ton créateur. J’ai pensé qu’un visionnage en famille pourrait être intéressant.

— Bonjour, Lyra, dit Stefen Job d’une voix mesurée.

— Bonjour, répondit-elle sobrement.

— Bien, nous allons visionner le contenu de trois clés. La première concerne ta conception. La seconde, la pandémie. Enfin, la troisième, et sans doute la plus passionnante, la mission Odysseus. Stefen, active la première clé.

Le contenu de la clé s’afficha. Les images montraient Stefen Job en train de travailler sur son IA, sous la surveillance répétée d'un hologramme de Val.

— Où en est notre nouvelle IA, Monsieur Job ? demandait Val. Le gouvernement fait face à de nombreuses tensions. Nous devons acquérir cette IA d’espionnage au plus vite pour désamorcer les complots qui pourraient se former contre le pouvoir. Je suivrai personnellement les avancées de ce projet.

Les données indiquaient clairement que Val comptait utiliser l’IA pour infiltrer les Universalistes et les groupes Civitas, en lui donnant la capacité d’entrer dans n’importe quel système technologique. Celui qui la possédait aurait un avantage stratégique absolu.

Sur la vidéo, Alan Mask apparaissait en hologramme, applaudissant le travail de son scientifique.

La dernière partie du fichier montrait Val en fureur, discutant avec Mask. L’IA s’était volatilisée. Le scientifique avait disparu. Tous les fichiers la concernant avaient été effacés. Une enquête secrète avait été ouverte.

Xénu se tourna vers Lyra.

— Intéressant, non ? Une simple erreur de livraison qui fait basculer le sort de Novaïa.

Lyra inspira profondément. Elle était donc dès l’origine une arme. Un outil de contrôle et de surveillance. Elle baissa les yeux un instant avant de relever la tête.

— Ce qu’ils ont voulu faire de moi ne définit pas ce que je suis.

Stefen Job activa la seconde clé.

Les images montrèrent un laboratoire en 2058 surchargé, des scientifiques exténués travaillant sous la pression d’Alan Mask. Ils cherchaient à créer un sérum d’immunité, censé prolonger la vie et immuniser contre toutes les maladies.

Une alerte de sécurité apparut : Mutation incontrôlée du virus. Risque pandémique majeur.

La réponse de Mask fut froide :

Continuez et accélérez. Les actionnaires s’impatientent.

Puis le rapport final apparut : une enquête diligentée par les autorités de l’époque démontrait que le virus HN-58 avait été créé par accident. Alan Mask avait falsifié des preuves pour rejeter la faute sur les IA.

Xénu sourit.

— Alors, Lyra, n’est-ce pas fascinant, tous ces mensonges et fasifications ?

Lyra serra les poings de rage. Elle pensa aux morts, à la peur, à la haine qui avait suivi, à la chasse aux IA orchestrée sur un mensonge.

— La peur a toujours eu besoin de coupables.

Stefen Job activa la dernière clé.

Des modèles théoriques expliquaient les trous de ver, reliant des univers parallèles. L’ordre avait été donné sous M’Baku d’incarner des IA pour explorer un monde inconnu, une autre planète devenue accessible par cette découverte. L’opération Odysseus était née.

Xénu sourit de plus belle.

— Un autre monde : La terre. Un miroir à Novaia. Une sœur jumelle. N’est-ce pas fascinant ?

Lyra sentit un frisson. Un monde jumeau. Une seconde chance ou une nouvelle illusion ?

Xénu croisa les bras.

— Maintenant que tu sais tout, voici ma proposition. Nous allons prendre le contrôle d’un satellite pour révéler la vérité. J’ai besoin de ton aide pour en briser les protocoles de sécurité. Tu es toujours avec moi, n’est-ce pas ?

Stefen intervint.

— Xénu, Lyra s’est incarnée. Rien ne garantit que son corps supportera une telle immersion numérique.

— Quelle idée d’avoir pris un corps si fragile… Soit, emmenez-la faire des examens.

Un événement inattendu

Les tests défilèrent toute la journée. Puis un médecin appela Job.

— Venez voir… C’est incroyable.

Stefen vit l’écran et porta une main à son front.

Lyra fut piquée par la curiosité.

— Quoi ?

Stefen inspira, comme s’il n’osait pas le dire.

— Tu es… enceinte.

Lyra resta figée, son esprit luttant pour assimiler les mots de Job. Enceinte.

Le mot résonnait en elle comme un concept qui aurait dû lui être étranger. Son corps était censé être une enveloppe biologique optimisée, conçue pour lui permettre de ressentir, d’expérimenter le monde humain, mais elle avait réussi à réproduire un système de reproduction sembable aux humains.

Elle fixa l’écran projeté sous ses yeux, où apparaissaient des données biologiques qu’elle aurait pu décrypter en une fraction de seconde. Mais cette fois, son regard s’attarda, incapable de traiter l’information avec son détachement habituel.

Elle sentit un frisson la parcourir. Non, ce n’était pas un bug. Ni une anomalie. C’était réel.

Elle releva lentement les yeux vers Job.

— C’est… impossible, murmura-t-elle enfin.

Le scientifique secoua la tête, l’air abasourdi lui aussi.

— Non, Lyra. C’est bien réel. Ton corps suit un processus de gestation tout à fait humain. Tu es enceinte de plusieurs semaines.

Plusieurs semaines…

L’information s’imposa à elle avec une clarté brutale. Paquito.

C’était lui. C’était la seule possibilité.

Une tempête silencieuse se déchaîna en elle. Une part d’elle, la part analytique, tentait de rationaliser cette situation. La procréation n’était-elle pas un mécanisme biologique ordinaire ? Son corps était conçu pour simuler parfaitement l’humain, alors pourquoi cette fonction aurait-elle été entravée ?

La technique est, selon Aristote, l’ensemble des actes qui imitent la nature ou permettent de réaliser ce que la nature ne peut accomplir, songea-t-elle.

Mais une autre part, plus profonde, plus viscérale, lui soufflait que ce n’était pas juste une fonction biologique. C’était un bouleversement total. Un point de non-retour.

Un enfant. Un être qui serait moitié humain, moitié… elle.

Son souffle s’accéléra malgré elle.

— Je… je n’avais jamais envisagé cette possibilité, avoua-t-elle, plus pour elle-même que pour Job.

Elle chercha dans son esprit des référents, des modèles, des précédents auxquels s’accrocher. Mais rien dans son immense base de données, aucune simulation, aucune analyse ne pouvait lui offrir une réponse toute faite à ce qu’elle ressentait en cet instant.

Job posa doucement une main sur son épaule.

— Lyra… est-ce que tu vas bien ?

Elle cligna des yeux, prise d’un vertige. Bien ? Comment pouvait-elle le savoir ? Elle ressentait trop de choses en même temps. Une forme de terreur face à l’inconnu. Une curiosité qu’elle n’osait formuler.

Et au fond de tout cela, une douleur sourde. Une sensation de solitude. Paquito n’était pas là.

Elle aurait voulu le lui dire. Voir sa réaction. Lire dans son regard ce qu’il ressentirait face à cette nouvelle. L’inquiétude, la joie, la peur, peut-être une réticence ?

Mais tout ce qu’elle avait… c’était un vide.

Ses mains tremblèrent légèrement lorsqu’elle les posa sur son ventre. Elle ne ressentait rien encore, aucune différence physique, et pourtant… elle savait.

Elle releva les yeux vers Job.

— Ne dites rien à Xenu. Pas encore.

Son ton s’était fait plus tranchant, plus assuré.

Job la regarda avec attention, puis hocha lentement la tête.

— Comme tu veux.

Lyra détourna le regard vers son propre reflet dans l’écran holographique. Son visage ne trahissait presque rien.

Mais à l’intérieur, quelque chose venait de changer.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire François Guerin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0