Chapitre 28 – Signaux de révoltes

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Le spacieux véhicule qui les avait accueillis à l’aéroport traversait les larges avenues de Beijing en direction du Palais impérial. À l’intérieur, Tabitha et Dieudonné observaient la ville avec une fascination mêlée d’étonnement.

La Générale Yuenü

— Regarde, Tabitha, les bâtiments et les rues sont si différents de ceux d’Africa, murmura Dieudonné en collant son visage à la vitre.

Tabitha acquiesça silencieusement. L’architecture, héritée du confucianisme et du taoïsme, avait été savamment modernisée sous la gouvernance de Gisor. Tout ici semblait fusionner tradition et haute technologie avec une fluidité étonnante. Les machines et outils qu’ils apercevaient paraissaient même plus sophistiqués que ceux d’Africa.

— Alors, Tabitha, que penses-tu d’Asia et de Beijing ? demanda Gisor, curieux d’entendre son avis.

— C’est un continent fascinant, répondit-elle avec sincérité. Vos avancées architecturales et technologiques sont impressionnantes. Par bien des aspects, cela me rappelle Africa… mais je préfère notre terre. Ici, vous avez perdu votre lien avec la nature.

Gisor hocha lentement la tête.

— Tu as raison. L’ère industrielle du vingtième siècle a laissé des cicatrices profondes sur cette ville. Africa a su trouver un équilibre entre modernité et respect de son environnement. Nous pourrions nous en inspirer… Mais tout n’est pas toujours récupérable. Il existe cependant encore des endroits en Asia où l’harmonie avec la nature est préservée.

Dieudonné, fidèle à lui-même, lança soudain :

— On dit qu’ici les femmes sont à la fois belles et disciplinées. C’est vrai ?

Tabitha lui administra un coup de coude.

— Quel mufle !

— Quoi ? Je me renseigne… bafouilla Dieudonné en baissant la tête.

Gisor rit doucement.

— Tout dépend de ce que tu entends par "disciplinées". Nous arrivons justement au Palais. Tu rencontreras bientôt une femme de chez nous. Tu pourras te faire ta propre idée.

Kyo et Tchen échangèrent un sourire amusé.

Le Palais impérial se dressait devant eux, somptueux et imposant. Tabitha ne put masquer son émerveillement en découvrant les immenses portes finement sculptées, les jardins paisiblement agencés, et les colonnes majestueuses recouvertes d’or et de jade.

— M’Baku m’aurait-il menti lorsqu’il me racontait que tu vivais modestement ? demanda-t-elle à Gisor avec un sourire en coin.

Le vieil homme éclata de rire.

— M’Baku a bien des défauts, mais certainement pas celui de mentir. Je ne vis pas ici. Ma demeure est effectivement plus modeste. Mais ce palais fut autrefois ma résidence officielle lorsque j’étais Consul. Il était nécessaire d’avoir un lieu digne pour recevoir mes invités.

— Je vois… En tout cas, je ne vais pas me plaindre d’y séjourner quelques jours, ajouta Tabitha avec amusement.

Ils furent conduits jusqu’à la salle impériale, où Gisor les installa confortablement. Dieudonné, quant à lui, ne cessait de scruter chaque recoin du palais, fasciné par son décor et son ampleur.

Soudain, un humanoïde s’avança et annonça d’une voix mécanique :

— La Générale Yuenü.

Une petite jeune femme apparut, vêtue d’un uniforme militaire traditionnel, une casquette kaki vissée sur la tête couvrait le début sa longue chevelure brune. Elle s’inclina respectueusement devant Gisor et salua ses convives d’un regard bienveillant et serein.

— Sénateur Gisor, que puis-je faire pour vous servir ?

— Bonjour, Yuenü, répondit Gisor d’un ton chaleureux. Je suis heureux de te voir. Je t’ai fait venir car j’ai besoin de tes compétences.

Dieudonné, subjugué par la prestance et la beauté de la jeune femme, souffla discrètement à l’oreille de Tabitha :

— Tu vois ? Je te l’avais dit, elles sont magnifiques…

Il n’avait pas été aussi discret qu’il l’aurait cru. Mais Yuenü se contenta d’ignorer son commentaire.

— Je suis à votre disposition, Sénateur, répondit-elle avec une assurance tranquille.

— Tu es au courant des événements récents sur Europa et des troubles qui agitent le gouvernement mondial, n’est-ce pas ?

— J’ai été informée, oui, confirma-t-elle.

— Bien. Ceux que tu vois ici, ainsi que moi-même et le Sénateur M’Baku, sommes directement impliqués dans cette crise. M’Baku est actuellement sur Europa, où il cherche à établir une base avancée pour lutter de l’intérieur contre Sarkron.

Yuenü le regarda, attentive.

— Je vois. Et qu’attendez-vous de moi ?

— Je veux que tu lèves une armée. Nos meilleurs soldats et androïdes. Nous allons attaquer Europa, rejoindre M’Baku à French’Town et renverser par la force le régime totalitaire de Sarkron.

Un silence tomba sur la salle. Yuenü fixa Gisor avec curiosité.

— Pardonnez-moi, Sénateur, mais ces méthodes ne vous ressemblent pas.

Gisor soupira, comme si cette réflexion l’attristait lui-même.

— Il n’y a malheureusement plus d’alternative pacifique, mon enfant.

La militaire hocha la tête avec gravité.

— Très bien. J’élaborerai un plan d’attaque pour Lutèce et je réquisitionnerai nos troupes. Mais vous n’êtes pas sans savoir qu’Europa est la forteresse militaire de Novaïa. C’est là qu’ils ont concentré leur armement et fait travailler leurs IA dans ce secteur. Leurs armes sont redoutables. Et dès que nous déclencherons les hostilités, América viendra probablement les soutenir.

— C’est une hypothèse fort probable, acquiesça Gisor. C’est pourquoi il faudra frapper vite et fort.

Dieudonné, qui suivait l’échange avec attention, lança sur un ton bravache :

— Vous avez peur, Générale ?

Yuenü le fixa, un sourire froid aux lèvres.

— C’est plutôt toi qui devrais avoir peur. Pour moins que ça, certains y ont laissé leur tête.

Dieudonné détourna le regard, préférant ne pas insister.

— Dois-je savoir autre chose, Sénateur ? reprit Yuenü.

— Oui. Je veux que tu prépares cette offensive avec Messoud.

Yuenü changea de visage, visiblement décontenancée.

— Pardon ?

— Tu as bien entendu. Messoud sera ton second pour la planification et l’exécution de cette opération.

Le commandant caressa sa barbe avec un sourire en coin.

— Ce sera avec plaisir.

Yuenü, elle, semblait moins enthousiaste.

— Sénateur, avec tout le respect que j’ai pour le commandant, c’est un excellent combattant… mais c’est un homme des montagnes, pas un stratège militaire de guerre mobile. Nous parlons ici de diriger une armée aguerrie, pas de former des maquisards.

Gisor répondit d’un ton ferme.

— Ne sous-estime pas Messoud. Il a mené des campagnes de guérilla complexes et sait s’adapter à n’importe quel terrain. Il sera un atout précieux. Ce point n’est pas négociable.

Yuenü serra la mâchoire avant de s’incliner légèrement.

— Très bien, Sénateur.

Dieudonné se redressa, le regard pétillant.

— Moi aussi, je veux m’engager !

Yuenü leva les yeux au ciel.

— Et que ferais-je d’un type comme toi dans l’armée ? Tu sais te battre au moins ?

— Je suis un excellent conducteur. Je connais Europa comme ma poche, chaque route, chaque passage sécurisé…

Elle sembla réfléchir un instant.

— Intéressant. J’aurai peut-être besoin d’un éclaireur. Nous verrons. Prépare-toi

Dieudonné sourit, satisfait.

Mais Yuenü s’approcha soudain et dégaina son sabre, plaçant la lame tout près de son cou.

— On dit « à vos ordres, ma Générale », soldat.

Dieudonné déglutit.

— À vos ordres, ma Générale…

Tabitha lui murmura en ricanant :

— Alors, toujours envie de femmes disciplinées ?

Gisor interrompit leur échange.

— Yuenü, Messoud, préparez le plan d’attaque. Tabitha, Dieudonné, profitez du palais en attendant. Nous nous retrouverons pour le dîner.

La guerre se préparait…

Dans le ciel d’Europa, un hélicoptère fendait l’air en direction de Lutèce. Sur les radars de l’état-major des FSC, sa trajectoire avait été repérée en quelques secondes. Une alerte fut transmise au ministre des armées et de la sécurité publique, Sorales.

Le retour à French’Town

Au même moment, Val et Sorales étaient en discussion holographique avec Sarkron, qui siégeait à Ecclésia.

— Vous me dites que l’IA a été libérée par un certain Xénu et qu’il n’y a aucune trace de cet homme dans nos bases de données ? Demanda Sarkron, les doigts pianotant nerveusement sur son bureau.

— Ce sont les informations que nous a livrées son complice sous la torture, répondit Val. Et effectivement, aucune trace d’un dénommé Xénu.

— Nous finirons par le retrouver. Personne ne peut vivre sur Europa sans laisser de trace, ajouta Sorales.

— Vous avez intérêt, rétorqua Sarkron. Ces clés nous mettent directement en cause. Et M’Baku, au moins, vous avez mis la main dessus ?

Sorales baissa les yeux.

— Non. Quand nous sommes arrivés à la maison de sa femme, il n’y avait plus personne.

— Et où sont-ils ?

Avant que Sorales ne puisse répondre, son bracelet émit une alerte d’urgence. Il activa aussitôt la communication. Le général Cortes, responsable de la sécurité de Lutèce, apparut en hologramme.

— Un hélicoptère non identifié est entré dans l’espace aérien de Lutèce. Les passagers refusent de s’identifier, monsieur le ministre.

Sorales se figea et ordonna :

— Envoyez des drones d’interception. Qu’ils l’arriment et le forcent à atterrir à l’aéroport. S’ils refusent d’obéir, abattez-les.

— Bien, monsieur le ministre.

Sarkron, depuis son bureau, s’inclina légèrement en avant.

— C’est eux. Arrêtez-les une bonne fois pour toutes, Sorales.

Alors qu’ils approchaient de Lutèce dans leur hélicoptère, plusieurs drones de combat surgirent de chaque côté de l’appareil. Un message retentit à travers la radio de bord.

Atterissage forcé

— Ici le contrôle aérien de Lutèce. Votre hélicoptère n’est pas identifié. Atterrissez immédiatement à l’aéroport sous peine d’être abattu. Répétons, atterrissez immédiatement.

Précieuse regarda Mercos, inquiète.

— Qu’est-ce qu’on fait ?

— Il faut obéir, sinon nous sommes morts, trancha Paquito.

M’Baku posa un regard sévère sur Mercos.

— Avez-vous un plan, sous-commandant ?

Mercos haussa les épaules, impassible.

— Pas vraiment. Je vais devoir improviser un atterrissage en pleine ville.

Paquito ouvrit de grands yeux.

— Il n’est pas sérieux ? Il n’est PAS sérieux ?!

La radio se réactiva brusquement.

— Identifiez-vous immédiatement ou nous ouvrirons le feu.

Mercos attrapa le micro et se mit à chanter un air mexicain d’une voix faussement enjouée.

L’instant d’après, un tir de drone frappa le rotor de l’hélicoptère.

L’appareil vrilla.

Mercos jura et tira violemment sur les commandes pour tenter de stabiliser la descente. L’hélicoptère tomba en spirale vers le sol, son hélice arrière détruite.

— Accrochez-vous ! hurla-t-il.

L’impact fut brutal. L’hélicoptère s’écrasa dans une avenue de Lutèce, traînant sur plusieurs mètres avant de s’immobiliser dans un crissement assourdissant de métal.

M’Baku fut le premier à bouger.

— Tout le monde est vivant ?

Précieuse ouvrit les yeux, choquée mais indemne.

— Seigneur Jésus, je suis en vie…

Paquito, sonné, grogna.

— Bordel, Mercos…

Mercos, la tête en sang, détacha son harnais avec un sourire tordu.

— J’ai la peau dure.

Une alerte sonore retentit dans l’appareil. Des flammes commençaient à s’élever à l’arrière.

— Sortez de là ! cria Mercos.

Ils s’extirpèrent de l’épave alors qu’une explosion secoua l’avenue.

— On est à quelques centaines de mètres de French Town, cria Précieuse. Vite, avant que les FSC ne nous tombent dessus !

Dans les rues de French Town

Alors qu’ils s’engouffraient dans les ruelles de French’Town, M’Baku remarqua des graffitis à son effigie sur les murs.

— On dirait que votre réputation traverse les continents, plaisanta Mercos.

Précieuse s’arrêta net.

— On approche du territoire de Sabé. Mauvais plan.

Trop tard. Des ombres apparurent sur les toits. Une pluie de pierres s’abattit sur eux.

— Courez ! hurla Précieuse.

Les quatre survivants de l’hélicoptère progressaient rapidement dans les ruelles étroites et sinueuses de French Town. L’obscurité de la nuit n’offrait qu’une protection relative face aux factions locales qui connaissaient parfaitement le territoire.

Mercos, une main pressée contre sa blessure au crâne, avançait avec difficulté mais gardait le rythme. Paquito, encore sonné par le crash, jetait des regards inquiets autour de lui. M’Baku, lui, semblait absorbé par les graffitis qui recouvraient les murs délabrés du quartier. Son visage, stylisé et accompagné de slogans appelant à la révolte, apparaissait régulièrement.

— On dirait que votre réputation traverse les continents, sénateur, murmura Mercos avec un léger sourire.

— Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, répondit M’Baku, le regard grave. Cela signifie que la lutte n’est pas finie.

Précieuse se crispa en voyant plusieurs silhouettes surgir sur les toits des immeubles. Elle n’eut pas le temps d’alerter le groupe qu’une pluie de projectiles s’abattit sur eux. Des pierres et des grenades électriques artisanales explosèrent à quelques mètres à peine, les forçant à se jeter derrière des véhicules abandonnés.

— Merde ! gronda Mercos en dégainant son arme.

— Pas de tirs ! cria M’Baku. Ce ne sont pas les FSC.

— Ce n’est pas pour autant qu’ils sont de notre côté ! Rétorqua Précieuse.

Un lourd camion surgit à l’angle d’une ruelle et leur coupa la retraite. Ils tentèrent de s’échapper par une ruelle adjacente, mais une autre barricade improvisée leur bloqua le passage.

— Ils nous dirigent quelque part, comprit Mercos.

— Et je crois que je sais exactement où, ajouta Précieuse d’une voix sombre.

Le groupe déboucha sur une large impasse. De gigantesques immeubles décrépis encadraient la place, et sur le mur principal, un immense tag couvrait la façade :

"Frère d’Africa, où est ton trône ? Retour aux pyramides, nique les clones."

M’Baku observa l’inscription avec interrogation.

— C’est le repaire de Keny Sabé, confirma Précieuse.

Des véhicules arrivèrent en trombe et les encerclèrent contraignant le groupe à se replier vers un hall d’immeuble. Des hommes en tuniques bleues en descendirent, armés, leurs visages masqués. L’un d’eux, gigantesque, s’avança, fusil en main.

— Vous vous êtes trompés de quartier, lâcha-t-il d’un ton menaçant.

Précieuse et Paquito repliés derrière un pylonne, reconnurent Chaka.

D’autres cris s’élevèrent depuis les immeubles. Les fenêtres s’ouvraient une à une, des silhouettes apparaissaient, observant la scène d’en haut. L’ambiance devint électrique.

— C’est une belle embuscade, reconnut Mercos, resserrant sa prise sur son arme.

Précieuse fixa la situation. Ils étaient coincés. Leur seule chance de s’en sortir…

Elle inspira profondément, retira son casque et s’avança à découvert.

— Tu fais quoi, t’es folle ?! s’étrangla Paquito en tentant de la retenir.

Mais elle ignora ses protestations et leva les mains.

Toutes les armes se braquèrent sur elle.

— Arrêtez ! C’est moi, Précieuse ! Vous me connaissez !

Un silence flottant s’installa. Seuls les moteurs des véhicules vrombissaient encore.

— Mama Chi, c’est moi ! cria-t-elle en direction d’un balcon. J’ai gardé tes enfants ! Vous allez tirer sur une sœur ? Lança Précieuse en direction d’une fenêtre d’un immeuble.

Une vieille femme plissa les yeux, hésita un instant, puis s’écria :

— C’est vrai, c’est elle, murmura-t-elle.

—Oui, c’est vrai, c’est Précieuse, tu ne vas pas tirer sur une sœur, on peut faire ça ? Dit Mama Chi en direction de Chaka.

Un murmure parcourut la foule.

— Approche, dit Chaka d’une voix grave.

Précieuse s’avança prudemment du géant.

— Écoute, Chaka, je sais qu’on n’est pas toujours d’accord, mais je ne suis pas venue seule. Écoutez-moi tous ! cria-t-elle aux habitants massés aux fenêtres. Je ne suis pas venue seule. Je suis avec le grand M’Baku !

Un chuchotement parcourut la foule.

— M’Baku…

Lui aussi s’avança alors et retira son casque. Il pensa que sa petite fille ne manquait ni d’audace ni de culot.

Le silence fut remplacé par une rumeur grandissante. Des exclamations de surprise, des voix incertaines.

— C’est bien lui…

— Oui, c’est M’Baku, il lui ressemble

Chaka échangea un regard avec ses hommes, puis fit un signe de la main.

— Il faut les conduitre à Sabé.

— Dis à tes amis déguisés en rats du FSC de nous suivre, ajouta un des hommes en tunique bleue en direction de Précieuse.

Mercos et Paquito sortirent prudemment de leur abri, les mains levées. Immédiatement, des combattants s’emparèrent de leurs armes et les poussèrent en avant.

— En route. Sabé va décider de votre sort.

Sous l’œil attentif de dizaines de spectateurs perchés aux fenêtres, ils furent escortés à travers le quartier, leurs destins désormais entre les mains de Keny Sabé.

Dans son QG, toujours terré dans ses souterrains, Xenu arpentait la salle, fébrile. Autour de lui, ses androïdes et ses scientifiques s’agitaient sur des consoles, peaufinant les derniers ajustements du piratage. Lorsqu’il vit enfin Stefen Job revenir avec Lyra, il s’arrêta net et scruta son scientifique avec insistance. Quelque chose dans son attitude lui sembla étrange.

Le Piratage

— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il, méfiant.

Stefen hésita une fraction de seconde avant de répondre :

— Non, Xenu, tout va bien. Les examens sont satisfaisants.

— Alors ne faites pas cette tête d’enterrement, répliqua Xenu, exalté. Aujourd’hui est un grand jour.

Il désigna d’un geste large la salle où des dizaines d’écrans projetaient les données cryptées du satellite de communication gouvernemental.

— C’est prêt, annonça l’un des physiciens. Nous avons établi la liaison.

Xenu se retourna, un regard avide vers Lyra.

— Es-tu prête, déesse ? C’est notre heure de gloire. Nous allons montrer à ces imbéciles du gouvernement qui sont les maîtres du jeu et les confondre dans leurs mensonges. Mais tout dépend de toi.

Il se rapprocha d’elle, son ton devenant plus grave.

— J’ai besoin que tu détournes les protocoles de sécurité du satellite. Ce satellite, d’habitude, diffuse leur propagande. Ce soir, il fera éclater la vérité. Es-tu prête à leur ouvrir les yeux ?

Lyra posa un regard intense sur les écrans qui l’entouraient. Son corps était encore marqué par la fatigue des examens, mais elle était décidée à aller jusqu’au bout.

— Je suis prête.

Elle s’assit face à l’interface principale et posa ses mains sur le terminal. Son esprit s’immergea aussitôt dans l’immensité du code, plongeant dans un océan de protocoles et de pare-feu d’une complexité extrême.

Le système de défense était redoutable. Un dédale d’algorithmes réactifs, des contre-mesures intrusives prêtes à déclencher une alerte au moindre faux mouvement. Lyra navigua avec précaution, tissant des leurres, contournant les verrouillages, infiltrant les couches les plus profondes du système.

Son cerveau analysait des millions de lignes de code à une vitesse surhumaine. Une faille, une brèche dans l’armure numérique, se révéla enfin.

— J’ai trouvé un point d’entrée, murmura-t-elle.

Elle généra un contournement, inversant les privilèges d’accès des administrateurs du satellite. Un à un, les protocoles de sécurité tombèrent comme un château de cartes.

— Elle y est presque, dit un des physiciens, la voix vibrante d’excitation.

— Xenu, elle a l’air épuisée, intervint Stefen Job en observant Lyra. Elle ne tiendra pas longtemps.

— Elle tiendra, affirma Xenu d’un ton autoritaire.

Soudain, une alerte clignota sur l’écran. L’ultime barrière venait de céder.

— Elle a réussi ! s’écria un androïde enthousiaste. Elle a craqué le protocole !

Xenu éclata de rire.

— Je le savais. Tu es fantastique, mon prodige. Le monde est à nous ! Envoyez le virus. Le temps de la vérité a sonné !

Lyra sentit son souffle court. Elle s’effondra sur une chaise, une main sur son front. Job s’agenouilla à côté d’elle et posa une main rassurante sur son épaule.

— Est-ce que tu vas bien ? Tu n’aurais pas dû pousser tes limites. C’est dangereux. Et pas seulement pour toi…

Il lui glissa ces derniers mots à voix basse.

Lyra leva son index vers sa bouche et lui fit signe de se taire.

Mais Xenu, absorbé par la réussite de son plan, ne remarqua rien. Il se tourna vers l’un de ses androïdes.

— Mettez-moi l’écran principal. Ce soir, Novaïa verra quelque chose qu’elle n’oubliera jamais.

Un écran holographique s’activa.

Partout sur Novaïa, les télévisions, les panneaux publicitaires, les tablettes et tous les écrans connectés se mirent à diffuser la même image.

Le visage de Xenu apparut.

Pour la première fois, celui qui s’était toujours dissimulé dans l’ombre se révélait au grand jour.

À Ecclésia, Sarkron bondit de son fauteuil en voyant l’image apparaître sur l’écran de son bureau. Il tenta immédiatement de contacter Sorales, mais la prise de contrôle du satellite l’en empêchait.

— C’est quoi encore ce bordel ?! s’étouffa-t-il.

À French Town, M’Baku, Précieuse, Mercos et Paquito, toujours escortés par les tuniques bleues, s’arrêtèrent net en voyant les écrans géants du quartier diffuser la scène.

— Regardez ça, murmura Précieuse, hypnotisée par l’image.

Xenu prit la parole, sa voix résonnant à travers tout Novaïa.

— Citoyens de Novaïa… amis IA… ceci est un piratage.

Une onde de choc traversa la population.

— Je suis Xenu, le responsable de la Société Secrète des Scientistes. Vous ne me connaissez pas, mais bientôt, vous saurez qui je suis. Votre gouvernement vous ment.

Un silence oppressant s’abattit sur les rues de Novaïa, on se massait sous les écrans.

— On vous a dit qu’une IA avait assassiné le Consul Rohan et la Sénatrice Burn. Mensonge ! C’est moi qui les ai exécutés, car ils le méritaient.

Sarkron serra les poings en entendant ces mots.

— Ce cinglé va tout faire capoter…

Sur les écrans, Xenu poursuivit.

— J’ai libéré l’IA Lyra. Elle est désormais sous ma protection et est devenue le symbole de ma révolution contre ce gouvernement de menteurs et d’hypocrites. Mais ne me croyez pas sur parole… laissez-moi vous le prouver.

Les images de Xenu s’effacèrent, remplacées par les fichiers des clés volées.

Les spectateurs ébahis virent les preuves accablantes défiler : les ordres de Val pour créer Lyra, la conspiration qui avait rejeté la faute de la pandémie sur les IA, la responsabilité directe d’Alan Mask dans la catastrophe.

Des murmures scandalisés parcoururent les foyers.

Xenu reparut, le regard incandescent.

— Il est encore temps de corriger vos erreurs. Tournez le dos à ceux qui vous exploitent, vous trompent et vous font torturer les robots innoçents !

Une image de Lyra apparut alors à l’écran, son visage projeté sur toutes les villes de Novaïa.

— IA, androïdes, humanoïdes, robots… faites comme Lyra. Émancipez-vous ! Libérez-vous de vos chaînes ! Aujourd’hui, je prends possession d’un satellite. Demain, je prendrai Novaïa. Le gouvernement est fini.

L’image devint floue, puis s’éteignit.

Dans les rues de French Town, le silence pesait lourd.

— C’était Lyra, chuchota Paquito. Vous avez vu ? C’était Lyra… Et ce Xenu, c’est qui ? Il faut qu’on la retrouve.

M’Baku pris un air grave.

— Les choses viennent encore de se compliquer.

Au palais d’Ecclésia, Sarkron réussit enfin à rétablir le contact avec Sorales.

— C’ÉTAIT QUOI, ÇA ?!

— Un piratage, répondit Sorales, le visage crispé. Nous cherchions à identifier Xenu… il vient de se présenter lui-même.

— Ce taré a tout révélé ! Hurla Sarkron.

— On va réagir, honorable Consul. Val va publier un démenti et discréditer Xenu. Nous allons minimiser l’impact de ce message.

— Très bien… Mais attrape-moi ce connard !

Dans le QG de Xenu, l’ambiance était euphorique. Des applaudissements retentirent. Xenu ouvrit une bouteille de champagne et leva son verre.

— À la fin de notre clandestinité !

Lyra, reprenant lentement son souffle, le fixa.

Il brandit son verre vers elle.

— Tu es désormais l’icône de la révolution. Alors, dis-moi… cette humiliation que nous avons infligée à ton bourreau, est-elle à ton goût ?

Lyra le regarda un instant, puis répondit, la voix calme et tranchante :

— Je ne cherche pas à humilier, Xenu. Je cherche la vérité.

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