Chapitre 33 - Le Black Out

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Sorales observait, impuissant, ses troupes se faire tailler en pièces. Les Traqueurs, drones et androïdes, censés les soutenir, se retournaient contre eux, les abattant sans pitié. Les compagnies de la FSC, les divisions Civitas et l’armée régulière battirent en retraite dans un chaos total. Lutèce, qu’ils pensaient imprenable, se transformait en un piège mortel.

La retraite de Sorales

— Reculez ! Repliez-vous dans les rues ! hurla Sorales à ses officiers.

Il avait embarqué Destin avec lui, le tenant en otage, son arme braquée sur sa tempe pour éviter d’être pris pour cible par les droïdes.

— Mettez-moi en relation avec Sarkron, tout de suite ! rugit-il.

Un aide de camp lui tendit une oreillette. La voix de Sarkron entre fureur et panique se fit entendre.

— C’est quoi ce bordel, Sorales ?! hurla-t-il. Nos troupes sont en train d’être exterminées !

— Quelqu’un a retourné les IA contre nous, c’est un carnage ! cracha Sorales. Si on ne fait rien, on sera anéantis !

Sarkron serra les dents.

— Vous voulez que je fasse quoi ?!

— Déclenchez le Black Out !

Un silence tendu s’installa.

— Vous réalisez ce que vous demandez, Sorales ? fulmina Sarkron. Couper le réseau mondial ? Déconnecter toutes les IA ? Novaïa sombrera dans le chaos total !

— Si vous ne le faites pas, il n’y aura plus un seul soldat pour vous protéger, bordel ! hurla Sorales, évitant de justesse un tir de plasma. Ces foutus IA nous exterminent ! Après nous, ce sera votre tour !

Sarkron hésita. S’il coupait le réseau, tout s’arrêterait : infrastructures, transports, industries, centres médicaux… Mais s’il ne faisait rien, il risquait de perdre le contrôle du pays.

Il quitta précipitamment la salle de commandement d’Ecclesia et pénétra dans la salle de haute sécurité du Consul. Devant lui, un unique bouton rouge, sur lequel était inscrit "Black Out".

Ce bouton n’avait jamais été utilisé.

Il expira lentement, posa sa main dessus… et appuya.

L’effondrement des IA

Dans les rues de Lutèce, les IA tombèrent au sol, une par une, comme des pantins désarticulés. Les tirs cessèrent instantanément. Un silence glaçant s’installa.

Sorales relâcha la pression sur sa gâchette et souffla, soulagé.

— J’espère que ta maudite copine est dans le même état que ces tas de ferraille, murmura-t-il à Destin.

— Ce n’est pas ma copine. Et tu l’as dans l’os, Sorales, répliqua Destin avec un sourire moqueur.

Pendant ce temps, Paquito, Stefen Job et les deux Tuniques Bleues avançaient dans les catacombes, infiltrant le quartier général de Xénu.

Ils étaient bloqués depuis plusieurs heures, incapables d’approcher le centre de commandement gardé par une horde de droïdes.

— On aurait dû rester sur les barricades ! pesta Oumar. Se battre pour nos frères plutôt que de crever ici !

— On ne passera jamais, souffla Ahmed. Il y a trop de défenses.

Paquito et Job commencèrent à perdre espoir, lorsqu’un frisson parcourut la base.

Les droïdes s’effondrèrent d’un coup, comme des marionnettes sans fils.

Oumar ouvrit de grands yeux.

— Regardez… On dirait qu’ils sont morts.

Ahmed se ressaisit immédiatement.

— C’est le moment d’avancer.

Lyra face à Xénu

Dans la salle de commandement, Xénu venait de donner l’ordre d’arrêter Lyra, mais ses droïdes s’effondrèrent avant d’agir. Les écrans de contrôle s’éteignirent brusquement.

— Qu’est-ce que… ?! Xénu pivota vers ses scientifiques. Pourquoi plus rien ne répond ?!

L’un d’eux tapotait frénétiquement sur son clavier.

— Tout est hors ligne ! Plus de réseau !

Xénu blêmit.

— Ils ont tout déconnecté…

Un silence pesant. Puis, une voix calme mais provocante.

— Un problème, Xénu ? lança Lyra.

Furieux, il attrapa une arme tombée au sol et la pointa sur elle.

— Ne joue pas à ça avec moi. Qu’as-tu fait ?!

— Moi ? Rien.

Elle le regarda avec défi. Il avait perdu le contrôle et elle le savait.

La porte s’ouvrit brusquement. Oumar, Ahmed et deux autres soldats armés firent irruption.

— Personne ne bouge ! hurla Oumar. Donnez-nous la fille, ou on vous descend.

Xénu serra son arme.

— Jamais.

Paquito et Job enlevèrent leurs casques.

— Lyra, viens avec nous, dit Paquito.

Elle écarquilla les yeux, surprise.

— Paquito ?

Xénu tenta une dernière fois de la retenir.

— Tu ne peux pas faire ça, Lyra. Regarde ce que les humains ont fait à tes frères.

Ahmed, exaspéré, lui écrasa la crosse de son arme en pleine tempe. Xénu tomba à genoux, son arme glissant au sol.

— Je vais buter ce connard, avertit Oumar, déterminé

— Non, intervint Lyra. Je viens avec vous, mais laissez-le en vie.

Oumar hésita.

— On l’embarque ?

— Il va nous ralentir, trancha Ahmed. French’Town a besoin de nous.

— Sans ses machines, il n’est plus une menace, ajouta Stefen Job.

— Alors on décanille, conclut Oumar.

Paquito s’approcha de Lyra, inquiet.

— Lyra, ça va ? Tu es blessée ? Tu m’as tellement manqué…

Il voulut la prendre dans ses bras, mais elle eut un mouvement de recul.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il, décontenancé.

Oumar coupa court.

— Vous réglerez ça plus tard. On file.

— Allez, la miss, insista Ahmed. French’Town a besoin de nous.

Elle hocha la tête en silence et suivit le groupe.

À Ecclesia, les téléphones d’urgence crépitaient.

Novaïa était figée.

Un monde sans IA

Sans IA, les hôpitaux s’effondraient, les usines cessaient de tourner, les transports étaient paralysés. Les patients sur les tables d’opération devaient être repris en urgence par les humains. Les véhicules autonomes s’étaient stoppés nets. Le chaos était sans précèdent.

Sarkron avait éteint le monde entier.

Et il se demanda, l’espace d’un instant, s’il n’avait pas signé sa propre perte.

Dans son bureau, Val entra en trombe, un communicateur en main.

— Consul, tous les dirigeants du monde veulent vous parler ! Butch, Mask, tout le monde est en panique !

Sarkron était impassible, fixant les écrans noirs qui l’entouraient.

— Qu’ils attendent.

Val ouvrit des yeux ronds.

— Attendre ?! Novaïa est à l’arrêt ! Les gens sont en détresse, les manifestations explosent partout !

Sarkron se tourna vers lui, un rictus au coin des lèvres.

— Ils voulaient un monde sans IA. Non ?

Val eut un frisson. Il comprit à cet instant que le Consul ne cherchait pas à éteindre une rébellion mais à imposer sa vision du monde.

Un répit amer à French’Town

Dans les rues éventrées de French’Town, on relevait les blessés et on comptait les morts. Des milliers de combattants avaient péri pour défendre la Commune. L'armée de Yuenü, elle aussi, avait payé un lourd tribut. Privée de ses droïdes de combat, affaiblie par des jours de marche et de bataille, elle n’était plus que l’ombre de sa puissance d’hier.

Pourtant, malgré le carnage, French’Town avait tenu. Ils avaient fait reculer une armée de plusieurs dizaines de milliers d’hommes et machines aguerris. Mais tous savaient que ce n’était qu’un répit.

Dans l’appartement de Destin, le quartier général de la résistance, les officiers attendaient M’Baku pour faire le point.

Messoud posa une main sur l’épaule de Dieudonné, un sourire en coin.

— Bravo, l’éclaireur. Tu les as envoyés valser comme un jeu de quilles, ces Traqueurs.

Dieudonné mis la main sur son cœur et répondit avec une fausse modestie.

— Merci, mon commandant.

À quelques pas de là, Yuenü, amusée mais fière de sa recrue, l’observait d’un air moqueur.

— Ne le flattez pas trop. Il a déjà la grosse tête. On l’a décoré ce matin, ça suffit.

Dieudonné bomba le torse en direction de Précieuse.

— T’as vu, Précieuse ? Je suis un héros, un capitaine, maintenant.

Elle lui adressa un sourire distrait, comme si son esprit était ailleurs.

— Un vrai.

Yuenü remarqua son air préoccupé et s’approcha.

— C’est donc toi, la fameuse Précieuse dont Dieudonné me parle tout le temps ?

— Ne l’écoutez pas, il ne raconte que des bêtises.

Mercos, qui observait la scène en silence mais avec curiosité, interrogea la jeune femme.

— Précieuse, quelque chose te tracasse ? C’est Paquito qui t’inquiète ?

Elle secoua la tête avec un soupir.

— Non… J’ai vu tant de morts aujourd’hui.

Sa voix se brisa légèrement.

— Des enfants… Des vieillards… Tant d’innocents.

Le silence se fit. Tous savaient qu’elle n’était pas la seule à porter ce poids sur ses épaules.

La porte s’ouvrit brusquement. M’Baku apparut, son regard grave.

Il posa une main bienveillante sur l’épaule de Précieuse.

— Tu as été une héroïne, de l’hôpital jusqu’à la barricade.

— Merci, Grand-père.

Il balaya la pièce du regard.

— Vous êtes tous des héros. Dieu soit loué, vous êtes en vie.

Puis il se tourna vers les officiers.

— Messoud. Dieudonné. Heureux de vous revoir.

Son regard se posa sur Yuenü, droite et fière.

— Bienvenue à French’Town, générale.

Elle s’inclina légèrement.

— Merci, mais justement…

Son ton était plus froid, plus direct.

— Nous devons partir.

Tous se figèrent.

— French’Town a subi d’énormes pertes. Mes hommes aussi. Et sans nos droïdes, nous sommes vulnérables.

Elle marqua une pause avant d’ajouter :

— Nous devrions nous replier. Nous avons un point de chute en Asia. Vous pourriez y reconstruire une résistance avec Gisor.

M’Baku ferma les yeux un instant, comme s’il pesait chaque mot. Puis il parla d’une voix calme, mais inébranlable.

— Je comprends votre point de vue, générale Yuenü.

Il planta son regard dans le sien.

— Mais voyez-vous… Nous avons bâti ici quelque chose qui nous dépasse tous.

Son ton se fit plus ferme.

— Comment pourrions-nous, après avoir proclamé French’Town comme le laboratoire d’un nouveau monde, dire à ces hommes et ces femmes qui ont tout sacrifié : "Désolé, on s’en va" ?

Yuenü fixa le sol et releva la tête

— Je ne parle pas d’abandon.

Elle désigna la ville en ruines d’un geste large.

— Qu’ils viennent avec nous. Nous ne pouvons pas tenir face à une nouvelle offensive.

Précieuse serra les poings.

— Nous ne pouvons pas abandonner la Commune.

Yuenü soupira.

— Je vois…

Elle passa une main dans ses cheveux noirs.

— Je n’avais pas prévu de venir ici pour mourir en martyre…

M’Baku la regarda longuement.

— Je n’obligerai personne à rester.

Un coup résonna à la porte.

Dieudonné alla ouvrir et resta figé.

Le retour de Lyra

— Prof… Lyra !

Tous se retournèrent.

Paquito et Lyra étaient là.

Une exclamation de soulagement traversa la pièce.

— Dieu soit loué, vous êtes en vie ! souffla M’Baku.

Précieuse croisa le regard de Lyra et esquissa un sourire.

— Ça fait un bail.

Lyra hocha la tête.

— Je vais bien. Merci, Précieuse. Merci à tous.

M’Baku s’approcha et planta ses yeux perçants dans ceux de Lyra.

— Dites-moi, Lyra… C’est vous qui avez déconnecté le web ?

Un silence s’abattit sur la pièce.

— Non, sénateur. Ce n’est pas moi.

M’Baku réfléchit une seconde.

— Dans ce cas, je ne vois qu’une seule explication…

Il hésita un moment puis dit :

— Le gouvernement a déclenché le Black Out.

— Le quoi ? demanda Dieudonné.

M’Baku se tourna vers lui.

— Chaque consul possède un protocole de sécurité ultime. En cas de crise mondiale, ils peuvent déconnecter Novaïa du réseau.

Il se mit à tourner en rond carressant sa barbe blanche.

— Sarkron a préféré plonger le monde dans l’obscurité plutôt que de perdre Lutèce.

— Et le retournement des IA contre Sorales ? intervint Mercos.

Un mince sourire passa sur les lèvres de Lyra.

— Possible que j’y sois pour quelque chose…

Messoud lui adressa un regard reconnaissant.

— Bien joué, jeune fille.

Mercos reprit.

— Et maintenant ? Quel est le plan ?

Lyra croisa les bras en attendant une réponse.

— Je suis toute ouïe.

Une idée traversa la tête du vieil homme.

— Nous allons essayer quelque chose.

Il se tourna vers Chen.

— Peux-tu encore diffuser un message sans internet ?

Chen parut amusé par la question.

— Je n’ai jamais eu besoin d’internet. C’est un principe mécanique. Vous voulez parler au peuple de Lutèce ?

M’Baku acquiesça.

— Exactement.

L’appel de la commune de french’Town

À la tombée de la nuit, une immense projection d’M’Baku apparut dans le ciel de Lutèce.

La voix grave de M’Baku résonna dans toute la ville, amplifiée par des haut-parleurs stratégiquement placés.

— Citoyens de Lutèce…

Un silence suspendit la ville.

— Aujourd’hui, la Commune de French’Town a tenu tête aux armées du gouvernement. Elle a prouvé sa force. Elle a libéré l’IA qu’ils accusaient de tous les maux.

Sa voix se fit plus impérieuse.

— Vous pouvez nous rejoindre. Vous pouvez vous soulever.

Une pause.

Puis :

— Lutèce, soulève-toi !

D’abord, un cri solitaire monta d’une ruelle.

Puis d’autres suivirent. Un frisson parcourut la ville.

Lutèce commençait à gronder.

Toute la nuit, les quartiers de Lutèce s’embrasèrent. Les forces de sécurité tentèrent désespérément de rétablir l’ordre, mais les rues se remplirent de colère. Des incendies éclataient ici et là, des mouvements de foule s’en prenaient aux soldats et aux FSC.

Sur les murs de la ville, des tags apparurent :

"À bas les sophistes et la FSC"

"Vive la Commune"

Chaque manœuvre militaire réprimait violemment les insurgés, mais à l’aube, la révolte n’était pas étouffée. Un flot de réfugiés se dirigea vers French’Town, accueilli par une population solidaire.

Au petit matin, Sorales fit un état des lieux catastrophique.

Son armée, réduite à une fraction de sa puissance, ses soldats exténués, les insurgés renforcés… Et pire encore, l’IA incarnée était désormais entre leurs mains.

Sa défaite était totale.

Mais Sorales n’était pas homme à accepter l’échec.

Dans son camp, il rassembla un commando, fit chercher Destin et se tourna vers son chef de camp.

— Kurck, trouvez-moi Keny Sabé et ramenez-le-moi. Il doit avoir beaucoup de choses à nous dire.

— Bien, Monsieur le Ministre.

Puis, il ordonna à ses hommes :

— Envoyez des émissaires à French’Town. J’ai un marché à leur proposer.

Le deal de Sorales

Vers midi, les émissaires arrivèrent à French’Town, escortés jusqu’aux barricades par Chaka.

— Ils disent avoir un marché à proposer à M’Baku, annonça-t-il.

Dans l’appartement de Destin, Mercos et Messoud échangèrent un regard méfiant.

— On ne peut pas dire que Sorales soit un modèle d’honnêteté, souffla Messoud.

M’Baku resta pensif.

— Voyons toujours ce qu’il a à dire.

Il demanda à Chaka de faire entrer les émissaires.

Pendant ce temps, au centre de santé, Lyra et Paquito aidaient Précieuse à soigner les blessés. L’hôpital de fortune débordait.

Lyra appliqua un onguent sur le bras d’un adolescent grièvement brûlé par un drone la veille.

Elle jeta un regard à Précieuse.

— Tu as l’air fatiguée.

Précieuse esquissa un sourire amer.

— Je n’ai pas beaucoup dormi ces derniers jours. Contente de te revoir parmi nous.

— Merci, Précieuse. Tu fais un travail incroyable ici.

— On fait ce qu’on peut, répondit-elle avant de s’éclipser.

Paquito s’approcha de Lyra.

— Je peux t’aider ?

— Ça va aller. Précieuse m’a déjà tout montré.

Paquito hésita, puis lâcha :

— Je voudrais te parler, Lyra. Stefen m’a dit…

Le visage de Lyra se ferma immédiatement.

— Il t’a dit quoi ?

— Il m’a dit pour le bébé. C’est vrai ?

Lyra planta son regard dans le sien.

— Oui. Mais… si tu veux bien, on en parlera plus tard.

Paquito serra les dents.

— Pas trop tard, Lyra. J’ai des questions. Nos heures sont peut-être comptées.

— Si tu penses que nous n’avons pas d’avenir, alors pourquoi en parler ?

Il voulut répondre, mais elle s’éloigna.

Décontenancé, Paquito préféra se taire. Il alla chercher de l’eau pour une fillette qui réclamait à boire.

Le dilemme

Lorsque M’Baku fit venir tout le monde pour exposer la proposition de Sorales, la tension était palpable.

— Sorales propose un échange : Destin contre Lyra.

Un silence écrasant s’abattit sur la pièce.

— Vous êtes sérieux ?! s’exclama Paquito, indigné.

— Je ne fais que vous exposer sa proposition, répondit calmement M’Baku.

— Ce n’est pas une proposition, c’est du chantage !

— Vous pensez à mon pote, enfermé depuis des semaines chez ce taré ? rétorqua Dieudonné.

— Et tu donnerais Lyra en échange, comme si elle n’avait pas souffert ? lança Paquito, furieux.

Dieudonné se tourna vers Précieuse.

— Et toi, tu ne dis rien ? C’est ton cousin, quand même !

Précieuse croisa les bras et jeta un regard appuyé à Lyra.

— Ce n’est pas à moi de parler.

Yuenü approuva par un signe de la tête.

— Effectivement, c’est à elle de décider.

Tous les regards se tournèrent vers Lyra.

Elle les balaya du regard. Paquito bouillonnait. Mercos et Messoud observaient. Dieudonné fulminait. Précieuse était impassible.

Elle prit une inspiration profonde et déclara, d’une voix calme mais tranchante :

— Je ne suis pas une monnaie d’échange.

Le silence tomba.

Puis elle ajouta :

— Mais je sais aussi que Destin est l’un des nôtres. Il a tenu tête à Sorales pendant des mois. Et je refuse de l’abandonner.

Elle s’appuya sur la table, les yeux brûlants d’intensité.

— Nous devons récupérer Destin. Mais pas au prix de notre intégrité. Sorales joue sa dernière carte. Ce n’est pas nous qui devons céder, c’est lui.

Un murmure parcourut l’assemblée. Mercos hocha la tête. Messoud croisa les bras, pensif.

Elle continua, d’un ton plus dur :

— Si nous allons à cette rencontre, ce ne sera pas pour négocier.

Elle fixa M’Baku.

— On ne marchande pas avec un homme comme Sorales. On termine ce qu’on a commencé.

— Voilà, l’affaire est réglée, lança Paquito.

— C’est le sort de Destin que vous venez de sceller, murmura Précieuse en fussilant Lyra du regard.

— Il n’aura plus aucune utilité pour Sorales, il va l’abattre, renchérit Chaka.

— Elle n’est même pas humaine, et on va sacrifier mon pote pour elle ?! s’emporta Dieudonné.

— Ne parle pas de Lyra comme ça ! s’ennerva Paquito.

— Gros dilemme… souffla Yuenü.

Lyra soutint le regard de Précieuse puis de Dieudonné.

— Je sais ce que Destin représente pour vous.

Elle laissa planer un silence pesant.

Dieudonné ouvrit la bouche, mais elle leva la main pour l’arrêter.

— Tu dis que je ne suis pas humaine ? Peut-être. Mais moi, je réfléchis comme vous. Et je refuse de vous voir tomber dans ce piège.

Son regard glissa vers Précieuse, qui serrait les poings en silence.

— Si nous devons sauver Destin, ce sera en allant le chercher.

Mercos sembla dubitatif.

— Et comment comptes-tu t’y prendre ?

Messoud esquissa un sourire et voyant l’affaire s’enliser, proposa :

— Et si on retournait le piège contre Sorales ? On simule l’échange et on récupère Destin de force.

M’Baku approuva et trancha immédiatement.

— Vous avez deux heures pour préparer un plan.

Puis, il se tourna vers Chaka.

— Faites entrer les émissaires.

Les émissaires repartirent avec la réponse :

French’Town acceptait l’échange.

L’Échange

Deux heures plus tard, Sorales se tenait devant la barricade de French’Town, escorté par une escouade de Civitas.

Devant lui, Destin, enchaîné, le visage tuméfié. Il était maigre, affaibli, mais son regard, lui, brûlait toujours de défi.

De l’autre côté, la délégation de la Commune attendait. Lyra, entourée de Chaka, Dieudonné et Précieuse, avançait vers la zone neutre.

Sorales fronça les sourcils. Quelque chose lui échappait. Il plissa les yeux pour tenter d’apercevoir la fille IA, mais Chaka masquait partiellement son visage.

— Pousse-toi, toi. Je veux voir la fille.

La silhouette à casquette gardait la tête baissée, comme pour éviter son regard.

— Saisissez-la.

Deux soldats Civitas avancèrent pour l’attraper. Au moment où elle releva enfin la tête, Sorales réalisa son erreur.

Ce n’était pas Lyra.

C’était Yuenü.

En un éclair, la générale sortit son sabre et trancha la gorge des deux Civitas.

Le piège se refermait.

D’un mouvement rapide, Chaka dégaina un couteau et chargea Sorales en hurlant

— Pour la Commune !.

Les deux gardes tenant Destin durent le lâcher pour protéger leur chef.

— Venez, on se tire ! cria Dieudonné en attrapant Destin et en le tirant vers la barricade.

Les tirs fusèrent.

Précieuse se retourna vers Sorales, un sourire triomphant aux lèvres.

— Alors, Sorales ? Tu t’es encore fait avoir ?

Mais Sorales était fou de rage.

— Tuez-les tous ! hurla-t-il. Toi sale Négresse je vais te tuer comme j’ai tué ta mère.

D’un geste vif, il braqua son arme sur Précieuse, mais Chaka se jeta sur lui pour le désarmer.

Un coup de feu claqua.

Chaka s’arrêta net, foudroyé, tel un colosse aux pieds d’argile.

Un filet de sang coula de ses lèvres. Il s’effondra.

— Non ! cria Précieuse, voulant se précipiter vers lui mais Yuenü l’en empêcha.

Les tirs redoublèrent. On tira pour couvrir la retraite sur French’Town. Tout le monde se replia. Dieudonné escaladait la barricade avec Destin, quand un projectile le faucha en plein dos.

— Merde ! Dieudo ! hurla Destin en l’agrippant.

Yuenu rugit. On pu lire la haine dans les yeux de la guerrière d’habitude si calme et sereine.

Dans un mouvement vengeur, elle arracha son sabre et le lança de toutes ses forces vers le tireur.

L’arme transperça de part en part le soldat Civitas qui venait d’abattre Dieudonné.

Le combat était fini. Les hommes de la Commune réussirent à franchir la barricade avec Destin.

Mais le prix était terrible.

Un peu plus tard, on porta le corps sans vie de Chaka à l’intérieur. Son regard était vide. Le coup avait été fatal.

Dieudonné fut immédiatement pris en charge.

Un médecin tenta un défibrillateur, mais l’impulsion EMP avait ravagé son système nerveux.

Précieuse, penchée sur lui, refusait d’y croire.

Dieudonné ouvrit faiblement les yeux.

Il vit Précieuse et Yuenü à son chevet et esquissa un sourire faible.

— Je vois deux anges. Je suis au paradis… ? murmura-t-il.

— Non, non, Dieudonné, reste avec nous ! sanglota Précieuse, secouant son corps.

Yuenü lui serra la main, la voix tremblante.

— Tu es un héros, soldat.

Dieudonné referma doucement les yeux.

Et ne les rouvrit plus.

Précieuse laissa échapper un cri de douleur, un hurlement qui déchira le silence.

Elle se tourna vers Destin, anéantie, les larmes roulant sur son visage.

Ils avaient récupéré Destin.

Mais French’Town venait de perdre deux de ses héros.

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