MISSION VÉTÉRINAIRE

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Quand je me réveille (oui, je sais, je me suis endormi !), je suis seul à la maison, l’horloge indique 14h : il faut que je file.

Mes copains sont devant les poubelles, Scarlett et Mona-Lisa étaient restées ensemble car Scarlett ne voulait pas risquer de rentrer chez elle et de se retrouver séquestrée par ses humains inquiets.

Séb commence :

- On fait comme on a dit tout à l’heure : les filles, vous gardez nos arrières et en cas de problème à l’intérieur, vous faites diversion pour qu’on trouve un moyen de sortir.

Tout le monde est prêt, on se met en route direction la rue du Tuyau Percé. À première vue, le cabinet est accueillant.

Une petite gamelle d’eau sur le trottoir indique clairement une invitation aux chats et chiens des environs, on pourrait vite croire que les locataires des lieux nous veulent du bien !

Camouflés derrière un panneau publicitaire, nous guettons l’arrivée d’un humain qui entrerait. Au bout de cinq minutes d’attente, nous sommes exaucés, en voyant un homme tenant une sorte de panier grillagé, Séb et moi décidons de nous coller à ses baskets. Dès qu’il entre, on se faufile et, discrètement, nous courons nous réfugier derrière une affiche cartonnée vantant les mérites de croquettes anti-âge.

Sébastien me fait un clin d’œil. T’as raison mon pote, on a trouvé le meilleur poste d’observation possible, on a vue sur le guichet d’entrée et sur le couloir qui doit conduire aux salles d’examen.

Justement le téléphone sonne, l’assistante vétérinaire qui tient le guichet répond :

- Cabinet vétérinaire, bonjour ! Que puis-je pour vous ? (…) Oui, bien sûr, nous en avons plusieurs modèles (…) Il faudrait connaître le type de poil de votre chien pour voir ce qui pourrait mieux correspondre au niveau texture et couleur (…) Le mieux serait de passer au cabinet pour voir l’étendue de notre offre (…) Oui, bien sûr (….) À bientôt alors !

De quoi peut-elle bien parler ? C’est curieux ces réponses... Tiens, justement, le vétérinaire arrive avec un chat dans les bras, il s’adresse à l’humain que nous avions suivi.

- Et voilà votre chat en pleine santé avec une patte toute neuve ! Il faudra revenir dans une semaine pour vérifier les points de suture en haut de la patte. Dans quelques semaines, il pourra courir comme avant ! Je vous invite à régler le montant de l’opération au guichet. En attendant, je vous redonne Méphisto. À bientôt !

Et il repart.

Je regarde Séb, il a les poils tout hérissés et les moustaches tendues.

- Tu as compris la même chose que moi ? Ils ont des pièces détachées d’animaux et, à coups de bistouri, il répare d’autres animaux handicapés. Tout ça pour de l’argent !

Sébastien a les yeux fixes, il acquiesce simplement. À ce moment, la sonnette de la porte d’entrée tinte : un humain et son chien entrent et s’installent en salle d’attente.

Grâce à notre super pub pour croquettes, l’humain ne nous voit pas ; malheureusement, je ne crois pas que ce soit le cas de son chien qui nous a flairés et qui commence à grogner dans notre direction.

Le téléphone sonne à nouveau. Ouf, ça le distrait quelques instants.

- Cabinet vétérinaire, bonjour ! Que puis-je pour vous ? (…) Oui, nous avons sûrement ce qu’il vous faut, nous avons justement reçu un nouvel arrivage cette semaine, notre gamme s’est élargie, il y en a pour tous les âges et toutes les races. N’hésitez pas à passer au cabinet pour faire votre choix.

Là, c’est sûr, on ne peut pas se tromper !

Une urgence me ramène à la réalité : le chien qui nous a flairés commence à s’affoler et menace de s’approcher trop près de nous.

Sébastien se presse contre moi et m’indique des yeux le couloir qui mène à d’autres salles, une porte est entrouverte. Nous n’avons malheureusement pas trop le temps de réfléchir vu l’énervement croissant du chien.

On compte jusqu’à trois et on se précipite dans l'entrebâillement de la fameuse porte.

Ici, les rideaux sont tirés, la lumière du soleil est largement tamisée. Derrière, on entend l’humain sermonner son chien qui semble lui obéir.

- Bon, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? dis-je à Sébastien.

- Regarde, me répond-il du bout des lèvres.

De chaque côté de la pièce se trouvent des sortes de clapiers. Dans quelques uns d’entre eux, on peut apercevoir des chats allongés, inertes.

- Ils... ils... ils sont .... vivants ? demande Sébastien.

- Je ne ... je pense .... je crois, enfin, mais qu’est-ce que c’est que ça ? Une réserve de morceaux d’animaux ? Sébastien, regarde à gauche, moi je vais de ce côté, grimpe, escalade, saute, fais ce que tu veux, mais cherche si tu vois Idéfix, Minette ou Strudel.

Je pars à droite et commence à appeler :

- Idéfix ! Minette ! Strudel !

Tout à coup, un miaulement ténébreux nous répond :

- Mais qu’est-ce que c’est que ce chantier ? On ne peut pas dormir tranquille ? C’est pas assez de subir une opération, il faut en plus être réveillé par des chats enragés ?

Je me précipite vers la cage d’où la voix est sortie :

- Pardon, ce n’était pas le but ! Vous n’êtes pas mort vous au moins ?

- Mort ? Il ne manquerait plus que ça ! On n’est pas au cimetière ici, on est en salle de réveil, messieurs ! Vous n’êtes jamais allés chez le vétérinaire ou quoi ?

- Bah, à part pour les vaccins, non.

- Vous avez de la chance, moi, c’est ma troisième opération. Que faites-vous ici, bon sang ?

- On enquête sur du trafic d’organes ! On suspecte le vétérinaire de piéger des chats et des chiens pour utiliser diverses parties de leur corps...

Un gros rire répond à nos propos.

- Ah, ah, ah, ah ! Celle-là, elle est bonne, si je savais parler sa langue, je la raconterais à mon humain ! Non, mais, les gars, où allez-vous chercher des idées pareilles ? Vous êtes au courant que les vétérinaires choisissent leur métier parce qu’ils aiment les animaux et qu’ils veulent les soigner ? Regardez autour de vous, dans les cages, ce sont de braves chats qui dorment : ils respirent !

- Mais, on a vu le vétérinaire porter un chat à son humain en lui expliquant qu’il avait une nouvelle patte, le coupe Séb.

- Il voulait dire par là que cette patte était guérie, c’est une expression !

- C’est vrai que c’est une expression assez humaine maintenant que vous le dites.

Mais j’ajoute:

- Oui, mais on a entendu l’assistante parler au téléphone : elle disait qu’il y avait du choix au cabinet, que la gamme s’était élargie, qu’il fallait voir la race, les poils, la couleur (bon là, c’est vrai, je mélange un peu tout…)

- Je ne suis pas spécialiste en boutique vétérinaire mais il pourrait plutôt s’agir de colliers, de laisses ou bien aussi de croquettes, nous explique le chat malade.

Des croquettes, mais bien sûr ! Nous étions derrière la publicité et nous n’y avons même pas pensé... Et les colliers, il y en avait tout un panneau face à nous... de toutes les couleurs !

Je remarque au fur et à mesure de cette conversation que les poils du dos de Séb sont retombés tranquillement, il a l’air plus détendu. Il se tourne vers moi :

- Popeye, on a fait fausse route ! Mais je préfère ça, au moins nos copains ne sont pas découpés en morceaux !

On se tourne vers notre compagnon :

- Merci à vous !

- De rien les amis, avec plaisir. Maintenant, laissez-moi finir ma sieste... Et si vous voulez être sûrs des intentions du vétérinaire, essayez de traverser le hall d’entrée tranquillement, vous verrez bien l’accueil qu’on vous fera.

C’est pas bête, ça ! D’autant qu’on n’a pas de plan de sortie. Je jette un œil à Séb : on tente ? On tente !

Le chien justement n’est plus dans la salle d’attente, on sort de la salle de repos et on se dirige vers la porte d’entrée : personne ne nous voit...

Pour indiquer notre envie de sortir, on se met à gratter la porte. L’assistante se lève et crie :

- Mais que faites-vous là, vous deux ? Vous avez vu des croquettes, vous avez cru que c’était libre service ? Hop, hop, hop, dehors !

Et elle ouvre la porte, nous laissant le champ libre. Scarlett et Mona-Lisa ont tout compris en nous voyant sortir : il n’y a rien à craindre de ces humains. On repart vite au coin des poubelles.

Je résume :

- Bon, encore une piste écartée. La bonne nouvelle c’est que les copains ne sont pas sur le marché d’un trafic d’organes, la mauvaise c’est qu’on n’a pas d’autre piste... Il faut absolument tirer cette histoire au clair. Le mieux, c’est qu’on se retrouve demain, après une bonne nuit de sommeil, les idées seront peut-être plus judicieuses. N’oubliez pas : restez sur vos gardes !

Mona-Lisa nous lance :

- Je suis désolée, mais demain mon humain sera là toute la journée, je ne vais pas pouvoir sortir.

- And me1, poursuit Scarlett, je ne pense pas pouvoir filer entre les doigts de mes humains une journée de plus, ils vont me surveiller de près. On compte sur vous, guys2, vous nous avez montré tout votre courage et votre ingéniosité : à vous deux, vous devez les retrouver !

- Je préfère vous savoir en sécurité chez vous les filles, comptez sur nous, on va se surpasser ! N’est-ce pas Séb ?

- Évidemment ! Allez, à demain Popeye, rendez-vous ici comme d’habitude.

Et nous revoilà séparés mais cette fois, le poids de la responsabilité me semble un peu plus lourd à porter. C’est bien beau de croire en nous, mais en sommes-nous capables ?

1: et moi

2 : les gars

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