LA VIEILLE AUX CHATS

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Une ombre apparait derrière le rideau, le tire et la fenêtre s’ouvre. Là, il s’agit de résister suffisamment longtemps pour que le vélo du facteur ait le temps d’arriver jusqu’à nous.

La vieille nous appelle gentiment :

- Oh mes mignons, venez voir grand-maman ! Allez entrez !

Le vélo est en approche imminente, la vieille attrape doucement Grabouilla qui ne réagit quasiment pas, et je me mets à miauler si fort que le facteur tourne sa tête vers nous.

- Mais... mais... c’est ma Grabouilla ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? s’écrie-t-il.

Alarmée, la vieille emporte Grabouilla à l’intérieur, je la suis dans l’entrebâillement de fenêtre (c’est facile parce que j’ai le ventre musclé !) et j’atterris dans la cuisine de la grand-maman des chats.

Celle-ci est justement en train d’emporter Grabouilla vers une porte qui doit donner sur une pièce à l’arrière de la maison. Je me faufile derrière. Au moment où elle ouvre cette porte, j’entends la sonnette qui retentit : si mon plan a fonctionné, c’est le facteur qui vient sauver sa chatte.

La vieille pose Grabouilla avec élan dans la pièce, me laisse passer et referme la porte.

À peine arrivé, j’entends mes copains :

- Popeye, Popeye, c’est toi ? C’est affreux ! Si tu es capturé à ton tour, nous n’avons plus d’espoir...

Je mets un petit temps à réagir et à analyser ce que je vois.

- Attendez les gars, ce qui est affreux, c’est votre accoutrement !

Tout à coup, le stress, l’angoisse, le soulagement, la fatigue... tout se confond. Je les regarde éberlué et un fou rire incontrôlable me prend, j’ai les yeux qui pleurent et le ventre tout tendu de spasmes.

Je m’attendais à tout mais là, ça dépasse mon imagination :

Minette porte une belle petite cagoule violette en crochet, Strudel a de jolis chaussons verts tricotés à chaque patte, Idéfix a le dos et le ventre tout cerclés d’un magnifique manteau en patchwork et Sébastien est équipé d’une sorte de casquette-collier en laine parsemée de plumes multicolores !

Et les autres chats présents (il y en a six autres) sont tous attifés d’accessoires de mode “hyper tendance” !

Quand le fou rire se calme, je mesure la joie de les retrouver et je reviens à la réalité.

- Les gars, vous n’avez pas idée du plaisir que ça me fait de vous avoir retrouvés.

- Disons qu’on en a une petite idée, se renfrogne Minette.

- Mais maintenant qu’est-ce qu’on fait ? Cette vieille nous empêche de sortir, elle est complètement folle, elle ne sait que nous gaver de pâtée et nous habiller comme des poupées.

- Taisez-vous, leur dis-je, et écoutons si elle a ouvert au facteur.

- Quel f… ?

- Chut !

Je tends l’oreille et oui ! Je l’entends ! Il exige de récupérer sa Grabouilla.

- C’est le moment les gars, vous allez miauler comme jamais vous ne l’avez fait auparavant. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi, faites-le !

Et nous voilà lancés dans une symphonie de miaulements. Même Grabouilla, qui n’a pas tout suivi, s’y met.

Au milieu de tout ce tintamarre, j’arrive à percevoir des cris qui arrivent du couloir.

Allez, gentil facteur, insiste, ne te laisse pas faire !

Subitement la porte s’ouvre, le silence s’installe chez les chats :

- Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Vous en avez combien ? Et qu’est-ce que c’est que ces tenues ? Vous pensez vraiment que les chats aiment ça ? Et où est Grabouilla ?

La vieille ne résiste plus, elle est toute penaude, elle ne trouve rien à répondre.

- Ah, te voilà ma minette. Qu’es-tu venue faire par là ? Ne t’inquiète pas, je te ramène à la maison.

Au moment où il ouvre la porte d’entrée, tous les chats se jettent entre ses pattes pour sortir.

Libérés, délivrés, nous ne boirons plus jamais de lait !

Tandis que le maître de Grabouilla la ramène à la maison, que les autres chats partent de leur côté, Idéfix, Minette, Strudel, Sébastien et moi regagnons aussi vite que possible notre coin des poubelles. Je dis ‘aussi vite que possible’ parce que la vitesse de déplacement de Strudel est sérieusement diminuée par le port de chaussons. C’est assez comique à regarder mais je ne fais pas de commentaire, je risque de devenir vexant, je maitrise mon fou rire à l’intérieur.

Une fois arrivés, nous poussons tous un ‘ouf’ de soulagement...

- Popeye, mille fois merci, tu étais notre dernier espoir et tu ne nous as pas déçus, me dit Sébastien.

C’est grâce à Grabouilla tout ça, tu avais raison de lui faire confiance, je vous raconterai ça plus tard.

- Mais où se troufe Scarlett ? demande Strudel.

- Chez vous. Tes humains avaient trop peur de la perdre elle aussi, elle est confinée.Tu devrais la rejoindre ! Quant à toi Idéfix, je connais une certaine Mona-Lisa qui va sauter de joie en te voyant. Je pense que ton humain aussi d’ailleurs.

- Le mieux pour tout le monde est de rentrer à la maison. Personnellement j’ai besoin de repos, propose Minette.

- Tu as raison Minette, mais, un conseil, n’aies pas l’air trop fatigué, tes humains risqueraient de penser que tu viens d’accoucher !

Il me jette un coup d’œil interrogateur puis hausse les épaules et se dirige vers son domicile.

Séb et moi sommes les deux derniers. Il se tourne vers moi :

- Merci pour tout Popeye, tu as été plus réfléchi que moi. Hier, j’ai voulu chercher des infos et je me suis fait bêtement prendre au piège par ce stupide bol de lait... Tu es le meilleur !

- Pas trop de compliments, Séb. Pis, surtout, t’es difficile à prendre au sérieux avec tes plumes partout. Allez, va rejoindre ton humain. Moi aussi, je rentre, j’ai du sommeil en retard... à peu près trente-cinq heures je crois !

Sébastien rejoint sa maison, je le regarde quelques instants pour graver cette image dans ma tête : c’est pas tous les jours que je le vois porter une casquette !

Bon, bon, restons sérieux... moi aussi je dois rentrer. Je vais enfin pouvoir me reposer vraiment : corps et esprit. Et ce qui ne gâte rien c’est qu’à son retour, Louisa apporte une surprise ! J’adore les surprises !!

Après avoir grimpé sur le muret, passé la fenêtre et rejoint mon doux chez-moi, je me jette sur le lit. Je suis tellement détendu et heureux, que demander de plus ?

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