Chapitre V : Haîpé

6 minutes de lecture

Aux alentours de midi, la porte s’ouvrit enfin, et Lïunâ entra :

- Venez, la Gouvernante vous attend.

Marmonnant une réponse affirmative, Karü et Shino la suivirent dans le couloir. Il n’y eu pas un mot, pas un geste de la part de la jeune femme. Quant aux deux captifs, ils se tenaient la main, Karü s’excusant du regard pour son comportement, Shino se blottissant contre lui.

Ils montèrent une centaine de marches et arrivèrent face à une immense porte en bois claire qui s’ouvrit sur leur passage. Karü et Shino se crispèrent, et avancèrent dans la salle. C’était une immense pièce bordée de colonnes et de fenêtres. Il n’y avait là aucun signe de pouvoir ou de puissance. La Gouvernante se tenait sur une simple chaise au milieu de la salle aux côtés de dix personnes à l’identité inconnue. La Gouvernante était vêtue de simples vêtements, ainsi que d’une cape dont la capuche lui cachait le visage. Il y avait devant elle deux chaises vides pareilles à la sienne, pour une question d’égalité sans doute.

- Asseyez-vous, je vous prie. murmura la Gouvernante en chassant les dix inconnus de la salle.

Karü et Shino s’inclinèrent. Karü lâcha à contre cœur la main de Shino et s’assit. Shino l’imita.

- Qu’est-ce qui a valu tant de violence ? Qu’est-ce qui nous a valu de nous faire kidnapper ? interrogea Karü.

- Bonjour. répliqua l’autre.

- B…bonjour, Gouvernante… murmura Shino.

- Au moins, un d’eux est polie… marmonna la Gouvernante.

- Bonjour. railla Karü.

- Si je vous ai fait venir…

- Si vous nous avez fait kidnapper. répliqua Karü.

- …c’est parce que j’ai un problème. Je vous propose deux choix. Ou plutôt trois. expliqua la Gouvernante comme si Karü n’avait pas parlé.

Il y eu un silence puis elle reprit :

- Ohfsha nous propose un échange. L’un de vous contre dix des nôtres.

- Pardon ?! pesta Karü.

- Qui veut y aller ?

- Vous nous aviez dit trois choix…quels sont les autres ? demanda Shino.

- Donc soit l’un de vous s’y rend ; soit les deux ; soit aucun et on vous exile.

- J’y vais ! conclu Shino.

- Non. Ohfsha, c’est…c’était chez moi. C’est à moi d’y aller.

Shino voulut riposter, mais Karü le fit taire d’un signe.

- Quand dois-je partir ?

- Maintenant si possible.

- Je ne partirais que quand j’aurai la certitude que Shino ne risque rien ici et qu’il ne manquera de rien.

- Je n’ai pas besoin que…

- Il ne manquera de rien. Je t’en fais la promesse.

- Me laissez-vous discuter un tant soit peu avec Shino avant le départ ?

- Oui.

Karü et Shino retournèrent dans la chambre et Shino, furieux, poussa Karü sur le lit :

- Pourquoi c’est toujours toi qui prends les risques ?! N’avais-tu pas promis qu’on resterait ensemble ? N’avais-tu pas dit que tu ne voulais plus être loin de moi ? N’avais-je pas dit que je ne voulais pas non plus te savoir loin de moi ? Tu n’es qu’un idiot ! Maintenant, nous y allons ensemble.

- Non. Je refuse que tu prennes des risques à cause de ma famille. Je refuse que tu te fasses exécuter à cause de moi.

- Et toi alors ?

- Je te promets de revenir vite.

- Si tu n’es pas revenu avant une semaine, je viendrais te chercher. répliqua Shino.

- Un mois. S’il-te-plaît.

- Tu crois que je vais rester ainsi, ici, en te sachant aux portes de la mort ? Jamais !

- Un mois.

- Bon…soit. Si tu ne reviens pas dans un mois, je viendrais. Mais je ne sais pas si je le supporterais.

- Tu y arriveras ; tu es fort.

- Non. Le plus fort d’entre nous, c’est toi. Moi, je suis lâche. Je ne te mérite pas.

- Tais-toi.

Karü se dégagea et s’assit aux côtés de Shino, puis entoura son cou de ses bras et ils restèrent là, des larmes plein les yeux, conscients de la distance qui allait à nouveau se former entre eux.

- Je ne t’oublierais pas. promis Karü. Je hurlerais ton nom chaque jour, je crierais mes sentiments.

- Evite. Si quelqu’un là-bas t’entends, tu mourras.

- Si c’est pour toi que je meurs, ça me va. répliqua Karü avec un sourire.

- Non, ça ne peut pas t’aller, pour la simple raison que je ne pourrais vivre sans toi. Alors si tu oses mourir, sache que je saisirais la première occasion de me jeter d’un pont ! pesta Shino.

- Tu as changé, Shino. Tu es plus…je ne sais quoi.

- Euh…ç…ça te dérange ?

- Non. Au fond, tu es toujours le même : humain, magnifique, sensible…tout.

- Tu es mille fois plus que ça, toi.

Karü et Shino se regardèrent et, à contre cœur, Karü le lâcha et se leva, se dirigeant vers la porte.

- Attends, Karü. Ça fait quelques jours que je voulais te donner ça.

Shino lui tendit un bracelet couleur or incrusté d’une pierre verte.

- Où as-tu eu ça ? demanda Karü, étonné.

- Je l’ai acheté. Quand on était chez la vieille.

- M…merci… murmura Karü en rougissant.

Il tendit son bras droit et Shino lui attacha le bijou au le poignet, puis il l’attrapa par la main et l’embrassa, avant de verser une larme lorsque Karü dû s’en aller. Ils ne se parlèrent pas durant le trajet qui menait à la calèche. Arrivé au point de départ du voyage de Karü, ce dernier se retourna vers Shino, montra le bracelet et lui promit qu’il se souviendrait de lui chaque jour. Ils versèrent quelques larmes, s’enlacèrent une dernière fois, puis Karü monta dans la calèche. Shino lui fit de grands signes de la main jusqu’à ce que le véhicule disparaisse de sa vue.

Shino s’assit sur le sol chaud de la cour, le regard vide, comme si Karü n’allait jamais revenir. Des larmes coulèrent sur ses joues rougies par l’émotion. Quand il était entré dans l’Académie des Maugaâsa, il n’avait pas pensé en arriver là. Il n’avait pas pensé tomber sur Karü, et l’aimer de cette manière, de façon à ce qu’un voyage de ce dernier loin de lui le faisait souffrir.

- Puis-je faire quelque chose pour vous ? demanda quelqu’un derrière Shino.

- Qui es-tu ? demanda Shino sans se retourner.

- Haîpé. Je suis un valet. Un apprenti de la Gouvernante. C’est elle qui m’envoie. J’ai pour consigne de vous mettre à l’aise.

- Bah commence par me tutoyer, d’abord, et par rentrer chez toi. répliqua Shino.

- Je peux te tutoyer, mais je n’ai pas l’autorisation de la Gouvernante pour te laisser seul.

- Alors tais-toi.

- Bon, écoute, en vrai, je m’en fiche des formalités. Je veux devenir ton ami.

- Et pas moi.

- T’es dur en affaire.

Shino jeta un regard sur lui. C’était un garçon de dix-sept ans, il avait les cheveux roux, les yeux pâles et était vêtu d’un ensemble bleu foncé. Il avait l’air sympathique malgré tout. Il s’assit en face de Shino et lui dit :

- Vous êtes ensemble ? En couple ?

- On est ensemble, oui.

- T’es sûr ? Il avait pourtant l’air de vouloir se débarrasser de toi, non ?

- Mais qu’est-ce que vous avez tous à dire des âneries pareilles ?! pesta Shino.

- Ne le prends pas mal, c’était pour rire.

- Ce n’est pas drôle ! cracha Shino.

Une fumée rouge apparu derrière Shino, des yeux s’y dessinèrent et la fumée tournoya autour de Haîpé. Alors que la chose fonçait sur lui, Haîpé claqua des doigts et la chose s’évapora. Shino releva la tête, surpris, et marmonna une excuse, avant de se lever. Il regagna une salle du palais qu’il n’avait jamais pu pénétrer mais dont il avait déjà vu la porte ouverte : la bibliothèque. Il y entra, Haîpé sur ses talons. C’était une immense pièce avec une hauteur sous plafond démesurée. Chaque recoin de la pièce étaient couverts de livres, aucun mur n’était visible car tapissés d’étagères immenses. La seule source de lumière était l’immense verrière qui remplaçait le plafond. Shino ne savait pas ce qu’il venait y faire. Il pensait que Haîpé ne l’y suivrait pas, mais il avait tort. Shino parcouru les étagères sans vraiment y chercher quelque chose. Il sortit de la bibliothèque, déçu d’avoir encore Haîpé sur ses talons. Le jeune Saîovôuntï de Caski ne lui parla pas une seule fois tandis qu’il se dirigeait vers la chambre. Une fois à l’intérieur, il en ferma la porte à clé, s’allongea sur le lit et ferma les yeux.

Annotations

Vous aimez lire Narce_Aether67 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0