Chapitre x : Vengeurs

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Le jour suivant, Karü évita sa sœur du mieux qu’il put tandis que Shino n’avait de cesse de lui répéter qu’il devait aller lui parler. Cédant finalement à son compagnon, Karü tenta d’approcher Hângä :

- S…salut… marmonna-t-il sans la regarder.

- Salut. Ah ! Tu es là, Shino ! Je tenais à m’excuser pour hier…

- Ce n’est pas grave, je me suis remis…mais Karü veut te parler, je vous laisse.

Shino s’en alla. La pièce où Hângä et Karü se trouvaient à présent seuls était à côté du réfectoire, elle était spacieuse, vide et lumineuse.

- Que voulais-tu me dire ? demanda Hângä.

- Je tenais moi aussi à m’excuser pour hier, je n’aurais pas dû insister, tu n’allais pas bien je…

- Il faut tout de même que je t’en parle. Allons voir…Haîpé. murmura Hângä après un instant d’hésitation.

Karü commença à la suivre hors de la pièce quand elle s’arrêta et se retourna vers lui :

- Je pense que Shino a aussi le droit de savoir pourquoi j’ai agi ainsi hier. Tu n’es pas d’accord ?

Karü acquiesça et appela Shino qui se dirigeait tant bien que mal vers la bibliothèque. Tous trois regagnèrent les prisons où ils partirent à la rencontre de l’agresseur de Shino.

Ce dernier s’était enfin levé et les attendait de pied ferme. Lorsqu’Hângä, Karü et Shino entrèrent dans le couloir et lui firent face, le visage du détenu fut éclairé d’une lueur mauvaise. Il arborait un sourire éclatant et sinistre, presque assassin. Hângä s’approcha des barreaux, Karü tendit le bras pour l’attraper mais il se ravisa. Sa sœur posa une main sur une des barres de fer et, avec l’autre, s’approcha du visage d’Haîpé. Ce dernier recula, son sourire s’effaça. Hângä laissa tomber une larme.

- Haîpéâ…Haîpéâ Maèrütï… murmura la jeune femme.

- Ne m’appelle pas ainsi, Hângä. Tu n’en as plus le droit. Une trahison des plus infectes !

- C’est toi qui m’as dit de partir ! Comment voulais-tu que je revienne ? Ils m’auraient tué, tu le sais…

- Tu as trahit les Vengeurs, tu m’as trahi moi. Tu n’es rien pour moi.

- Dans cette histoire, le seul fautif, c’est Diogène ! C’est lui qui s’en a pris à toi !

- Diogène est mon frère ! Comment peux-tu oser dire une chose pareille ?!

- Je t’en prie, crois-moi…je ne savais pas que tu étais encore en vie…si je l’avais su, je serais revenue te chercher, crois-moi…crois, je t’en supplie, Haîpéâ…je t’en prie…

- Ne m’appelle pas comme ça ! Même si j’avais été en vie, comment l’aurais-tu su ? Es-tu ne serait-ce qu’une fois retourné sur les lieux ? Savais-tu que tu quittais à jamais le clan ? Ce n’est pas Diogène qui m’a attaqué. Il m’a sauvé, lui, car il est revenu. Il n’est pas parti plus loin que toi, mais lui, il est revenu se battre ; comment ai-je pu croire qu’une personne telle que toi pouvais m’aider ?

- Mais je t’ai aidé…tu as refusé mon aide…tu m’as dit que je devais fuir avant que je ne meure…que je devais fuir pour tous nous protéger…

- Mais je t’ai aussi dit de revenir ! Es-tu revenu ? Je ne crois pas !

- Tu étais mort ! Je t’ai vu mourir sous mes yeux ! Tes organes pendaient sur le sol ! J’ai hurlé, j’ai appelé à l’aide, j’ai voulu t’aider, mais il était trop tard…et pourtant tu es là, quatre ans plus tard ; je ne sais comment, je ne sais pourquoi…

- Parce que j’ai survécu ! Tu n’es pas revenue, tu es en tort ! Tu as déserté nos rangs ! Tu y avais une place de choix et tu es parti !

- Tu m’avais dit de partir ! J’ai fui comme tu me l’avais dit…pourquoi…pourquoi m’en veux-tu à ce point ? Comment pouvais-je savoir ? Je mourrais de douleur en pensant à toi ! Je ne t’ai jamais oublié, je ne le pouvais pas ! Je te jure que si j’avais su je serais revenu…je te le jure…crois-moi, Haîpéâ…

Le détenu ne régit pas. Il se contenta de repousser la main d’Hângä. On aurait dit qu’il ne voulait lui faire de mal. Après cela, l’agresseur de Shino ne daigna pas répondre aux questions qu’on lui posa. Karü et Shino suivirent Hângä dans sa chambre, ils avaient besoin de savoir.

Hângä se laissa choir sur son lit, les larmes aux yeux, invitant Karü et Shino à s’assoir sur le seul fauteuil de la pièce.

- Qui est-il ? demanda Karü.

- Pourquoi ce nom de code ? « Espoir mort », c’est étrange, non ? murmura Shino.

- Et c’est quoi ce…clan des Vengeurs ?

- …Shino, ça ne te concerne pas, pars d’ici.

- Si cela me concerne, cela le concerne. coupa Karü d’un ton brusque.

- Comme tu voudras. Pour comprendre, il faut remonter à mes treize ans. Tu te souviens, Karü, qu’à cette époque, le dictateur me battait. C’est alors que j’ai découvert un clan de rebelles dont j’ai décidé de faire partie : les Vengeurs. A leur tête, le père d’Haîpéâ. Lui et son frère m’ont accueilli à bras ouverts. Diogène, parlons-en ! Un lugubre personnage qui ne vit que pour le sang. Il faut croire que c’est de cela qu’il se nourrit. Lui et son frère formaient le duo parfais pour les petites actions tel que le vol ou les meurtres de petite ampleur. J’ai honte de le dire mais…j’ai participé à ses actions. A mes quatorze ans, Haîpéâ et moi…nous sortions ensemble…ce n’était un secret pour personne au sein du clan…le jour du drame, c’était la semaine qui suivait l’arrestation de leur père, Diogène et Haîpéâ m’avaient donné rendez-vous quelque part en ville…quand je suis arrivé, Diogène massacrait des passants et Haîpéâ était à terre. Il se vidait de son sang…je m’approchais de lui et il me hurlait de m’enfuir, ce que je fis…je vois encore ces horribles images de son corps meurtri…je pensais qu’il était mort et, quand j’arrivais à ce morceau-là de la ville, je le contournais pour éviter de m’en souvenir…depuis ce jour, j’ai déserté mes fonctions au sein du clan. J’avais peur de Diogène.

Karü sembla réfléchir. Shino prit la parole :

- Mais pourquoi t’en veut-il, alors ?

- Je ne sais pas. Mais bientôt, il risque d’y avoir un conflit entre Pauyô et l’Alliance…j’en ai bien peur…

- Pourquoi cet imbécile a-t-il levé la main sur Shino en plus de t’avoir fait du mal ? demanda Karü, tremblant de rage.

- Je ne sais pas. Sans doute voulait-il se venger…

- Mais tu ne le connaissais pas !

- Quand les membres du clan veulent torturer quelqu’un, ils ne s’en prennent pas à lui mais détruisent son entourage. Il n’y avait qu’un moyen pour eux de te détruire : Shino.

- Je suis un boulet… s’excusa Shino, accablé.

- Mais non, mais non. Il ne faut pas dire ça… murmura Karü.

- Si je n’avais pas été là, vous n’auriez pas eu ces problèmes…

- Et nous serions morts. Ils se seraient attaqués à nous. Et nous auraient tués. Alors que toi, ils ne le pouvaient pas… murmura Hângä.

- Pourquoi ne le pouvaient-ils pas ? demanda soudain Karü.

- Parce que le clan des Vengeurs appartient à l’Empire de Caski.

- Mais…et les opérations de sabotage ? Les meurtres ? s’exclama alors Shino.

- Nous…ils…ne tuaient que des gens libéralistes, des anti-empires, des Pauyiens, ce que je ne savais d’ailleurs pas avant l’accident.

Shino resta bouche bée. Hângä et Karü continuèrent de discuter, mais le Saîovôuntï de Caski perdit le fil de la conversation. Quelques heures plus tard, ils sortirent de la pièce.

Karü et Shino retournèrent dans leur chambre, pensifs.

- C’est troublant… marmonna Karü.

Shino ne fit pas attention à sa remarque. Ils s’allongèrent côte à côte sur leur lit. La fenêtre de leur chambre était ouverte, et l’air qui y entrait était froid. Frigorifié, Shino se blottit contre Karü qui posa sa main sur le torse de son amant.

Quelques jours plus tard, Karü et Shino sortirent se balader dans la forêt qui bordait l’aile est du palais. Ils s’arrêtèrent, les pieds dans l’eau froide d’une rivière peu profonde qui arpentait les lieux. Karü s’assit sur une pierre au milieu de l’eau et regarda son compagnon arpenter le court d’eau.

- Shino ? demanda Karü.

- Oui ?

- Je ne sais pas quoi faire à propos d’Hângä…depuis l’autre jour, elle est enfermée dans sa chambre et bois comme un trou…elle a besoin d’aide…

- Va la voir.

- Elle refuse ma présence.

- …je peux y aller, si tu veux, mais elle ne m’écoutera pas…

- Je ne pense pas que cela soit une bonne idée…

- Va la voir. Ne lui demande pas la permission et va la voir. Elle a besoin de toi.

- Viens avec moi. S’il-te-plaît.

- C’est ta sœur… marmonna Shino d’un ton amer.

- Et tu es ma moitié. répliqua Karü.

- Ce n’est pas une bonne idée…

- Viens.

Il le prit par la main et ils retournèrent au palais. Karü et Shino montèrent quelques marches et s’arrêtèrent face à la porte de la chambre d’Hângä. Au dernier moment, Karü fit demi-tour.

- Non, Karü. Elle a besoin de toi.

- Je ne peux pas. Je…je ne peux pas ! Vas-y-toi.

- Tu restes avec moi ?

- …d’accord.

Shino donna trois coups sur la porte puis entra sans attendre la réponse, la main de Karü dans la sienne. Hângä somnolait sur le fauteuil, et des bouteilles d’alcool jonchaient le sol. En les voyant arriver, elle en prit une et la jeta par la fenêtre, tremblante, avant d’en ouvrir une autre.

- Lâche ça ! pesta Karü en lui prenant la bouteille.

N’ayant pas de force, elle le laissa faire. Hângä les regarda, sidérée, et se mit à ricaner bêtement. Shino sortit doucement de la pièce et laissa Karü et sa sœur seuls.

Le Saîovôuntï de Caski resta près de la porte, prêt à intervenir en cas de besoin. Il tenta d’entendre quelque chose mais Karü sortit en claquant la porte derrière lui, furieux.

- Alors ? demanda Shino.

- Elle ne veut rien savoir…

Arrivés dans la chambre, Shino s’assit sur le lit. Karü s’effondra en pleure aux pieds de Shino. Ce dernier s’abaissa à sa hauteur et lui remonta le menton, avant de l’enlacer.

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