Une belle inconnue

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La demeure est simple, mais bien agencée. En entrant, nous arrivons dans la pièce de vie, où se trouve une table, un lit, deux chaises, quelques étagères portant des livres, d'autres pour la nourriture. Un point d'eau sert à la fois pour la cuisine et la toilette. Dans le fond monte une cheminée avec deux chenets de fer forgé. Un peu de bois y est entassé, prêt à servir, bien séché. De l'autre côté de ce mur se trouve l'atelier d'Edwin, qui peut s'y rendre directement par une porte. Sur l'autre pan se trouve l'étable, où séjourne Sture. Mais parfois il est de coutume de faire dormir les animaux dans la pièce principale, quand les hivers se font rigoureux. Une vie rustique, ainsi est la vie des gens de ces contrées.

En entrant dans la masure, Edwin sent la chaleur résiduelle du feu matinal qu'il avait lancé pour préparer son déjeuner. Il soulève la demoiselle du dos de Sture pour la poser sur son lit et la recouvrir de couvertures, puis se précipite mettre une ou deux bûches dans l'âtre. Le bois se met immédiatement à crépiter, et commence à prendre, grâce aux brandons restant du matin.

Que faire maintenant ? La jeune femme est toujours endormie, en pleine léthargie, immobile au milieu du lit. Son front est bouillant. Notre sauveteur prend un chiffon, l'humidifie, et le pose sur son visage, pour essuyer la sueur qui en perle. Il admire la beauté de la belle. Une peau d'ivoire, sans aucun défaut, qui ne semble jamais avoir connu le soleil. Des cheveux d'ors, presque blancs, brillants, étincelants comme mille soleils. Un petit nez, fin, droit, séparant deux yeux pour l'instant fermés.

Edwin ne sait pas s’il doit découvrir la jeune femme pour lutter contre sa fièvre, maintenant qu'une chaleur envahit la pièce. Autant qu'il puisse s'en souvenir, sa maman lui donnait un bain dans une telle situation. Mais le temps de faire chauffer de l'eau serait trop long. Que faire ? Au moins éponger la sueur de son corps, avec un chiffon d'eau fraîche, pour apaiser ?

Le jeune homme rapproche une chaise, y pose le baquet d'eau puisée ce matin, qui avait eu le temps de se mettre à température ambiante. Il prend ensuite un tissu de lin et l'humidifie. En se rapprochant ensuite de la belle endormie, il lui a semblé la voir tressaillir, faiblement. Il écarte légèrement la couverture, pour dénuder son cou et ses épaules afin de la rafraichir autant qu'il peut.

Pour la première fois de sa vie, il a devant lui une femme nue. Il est un gentleman, et ne sait pas quelles sont les limites qu'il doit s'imposer. Il se contente donc de tirer le drap que jusqu'au-dessus de sa poitrine, sans la dévoiler.

Edwin sent soudain une chaleur l'envahir. Un sentiment nouveau, inconnu jusqu'à présent. Comme un besoin inconditionnel de protéger cette inconnue. Elle est tellement éloignée de tous les standards féminins qu'il connaît, et pourtant il est attiré par elle comme par un aimant. Comme si elle venait de polariser sa vie, de lui donner un but, elle le Nord qui guidera la suite de sa vie.

Quand il pose le linge humide et froid dans le cou de la belle, elle gémit, comme un chaton blessé.

  • Tout va bien, ne vous inquiétez pas, vous êtes à l'abris. Vous êtes chez moi, Edwin, le tailleur de pierre. Reposez-vous. Buvez un peu d'eau pour faire passer la fièvre.

Le jeune homme soulève la tête de l'inconnue pour y glisser un oreiller et pose un verre sur ses lèvres pour faire glisser un peu d'eau dans sa gorge. Elle étouffe à la première gorgée, s'accroche au cou de son sauveur en crachant, avant d'essayer de se redresser en ouvrant la bouche de nouveau. Edwin laisse alors couler une nouvelle gorgée, lentement, afin qu'elle ait le temps de déglutir. La belle semble revenir à elle, mais ne dit toujours aucun mot.

La jeune femme se laisse tomber dans le lit. Elle respire plus calmement. Le tailleur de pierre s'assoit sur la chaise pendant de longues minutes, puis de longues heures, épongeant son front, veillant sur son sommeil, glissant de l'eau entre les lèvres vermeilles quand la belle se réveille. Il le fera toute la nuit, sans à aucun moment s'endormir, guetteur à la tourelle, cherchant le moindre indice d'aide à donner.

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