Nuit de tempête

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Ce jour-là, le ciel était chargé de nuages noirs, sombres. Un vent d'Ouest se leva, venant de la mer. Edwin n'eut pas le choix que d'interrompre ses travaux, non sans avoir étayé au maximum tout ce qui pouvait être renforcé par des bastaings de bois.

Avec le vent allait venir la houle. Avec la houle, les vagues. Vagues qui allaient venir se fracasser sur les murs alors que ceux-ci restent fragiles tant qu'ils ne sont pas terminés.

Après de nombreux efforts, le tailleur de pierre fut assez confiant pour quitter le chantier, alors que la marée montait rapidement, signe que la tempête allait être forte.

En arrivant, il trouva Elerinna complètement paniquée.

  • Edwin, mon ami, te souviens-tu de la promesse que tu m'as faite ? La tempête arrive. Il faut que je m'enferme dans ma chambre. Tu m'as promis. Te souviens-tu ? Tu ne dois à aucun moment essayer de rentrer dans cette pièce. A aucun moment !
  • Oui, je me souviens. Ne t'inquiète pas. Je serai derrière la porte. La maison est solidement construite, elle a tenu à bien pire que ce que nous allons traverser cette nuit. Tranquillise toi, et dors tant que tu peux. Et s'il arrive quoi que ce soir, je suis là, juste à côté de toi.
  • Tu ne m'as pas compris. Tu ne dois à aucun prix ouvrir cette porte. Jamais. C'est moi qui ouvrirai demain.
  • Mon amie, sois sans crainte. Et de toute façon, le seul verrou est de ton côté, je ne pourrai pas l'ouvrir du mien. Tu te souviens ? Tu l'avais exigé. Le seul moyen pour moi serait d'utiliser la hache pour casser la porte.
  • Alors donne-moi la hache, que je la garde avec moi. S'il-te-plait. Fais-moi confiance, comme je te fais confiance. C'est pour te protéger.
  • D'accord, d'accord. Je te le promets. Mais calme toi.
  • Tu me le promets, vraiment ?
  • Oui. Je te l'ai déjà promis quand j'ai aménagé cette pièce, et je recommence maintenant.

Elerinna respira, pour reprendre le contrôle de son esprit. Pendant qu'Edwin allait chercher la hache, elle vérifia la solidité du verrou, de la porte, des gonds. Un homme comme lui pourrait tenter de la défoncer à coups d'épaule. Mais tout ce qu'il construisait était si résistant.

La jeune femme observa Edwin alors qu'il était revenu avec la hache et se battait avec le vent pour barricader les fenêtres, les portes, fermer les volets. Il était tellement fort en apparence, et pourtant son courage allait être mis à rude épreuve. Elle le savait. Mais elle ne pouvait pas lui expliquer. Leur première tempête ensemble allait être si rude, qu'elle aurait voulu s'enfuir, mais pour aller où ? Quand la maison de pierre sera terminée, tout sera plus simple, cela ne fit aucun doute dans son esprit.

Avant de pénétrer dans sa chambre et de s'y enfermer, elle s'approcha d'Edwin, se lova entre ses bras. Puis elle prit son visage entre ses mains, déposa un baiser sur son front, et l'embrassa. Edwin sentit alors toutes ses peurs disparaître, envahi d'un sentiment d'apaisement. Comme si ce moment n'était pas important, que la nuit allait être des plus normales.

Une fois la porte fermée, le jeune homme n'eut plus qu'une seule chose à faire. S'asseoir sur son lit, dans la pièce principale, et attendre le petit matin, que le soleil surgisse de derrière les nuages. Pendant ce temps, tout semblait calme dans la chambre.

Le vent monta et gronda, s'infiltrant dans les moindres interstices, sifflant, pénétrant par la cheminée. Edwin avait déjà traversé quelques tempêtes, mais celle-ci était vraiment impressionnante.
Soudain, un éclair illumina le ciel, suivi d'un roulement de tambour, roulant sur la falaise, qui faisait caisse de résonnance, amplifiant le son.

Allongé sur son lit, il pouvait ressentir les coups de butoir de la marée sur le contrebas. La maison vibrait en cadence, au rythme des vagues. En fermant les yeux, en oubliant le reste, étrangement, il aurait pu même s'endormir.

Soudain, Elerinna gémit, de peur. Edwin alla s'asseoir, dos à la porte pour lui parler, la calmer.

  • Mon amie. Je suis là, juste derrière la porte.
  • Non, surtout n'ouvre pas. Je t'en prie. Dit-elle en pleurant
  • Je reste de ce côté-ci, mais je suis aussi près de toique possible.
  • Excuse-moi, mon ami. Excuse-moi pour tout ce qui va arriver, à cause de moi. Tout est de ma faute.
  • Rien n'est de ta faute. En quoi es-tu responsable de l'apparition des tempêtes ?

Un grand fracas rententit alors, dans un grand cris. La maison trembla, bougea presque sur ses fondations, comme si un tremblement de terre avait eu lieu. Edwin se retrouva allongé au sol.

  • Que ce passe-t-il ? Tout va bien ? Laisse-moi entrer ! Cria Edwin
  • Non, surtout pas ! Rétorqua sèchement Elerinna, la voix rauque. Tu as promis. Si jamais tu m'aimes comme je t'aime, tu dois tenir ta promesse. Sinon, demain, je ne serai plus avec toi, pour toujours !
  • Tu m'aimes ? Tu as dit que tu m'aimes ? Mais moi aussi, je t'aime ! Et je dois être avec toi !
  • Tu as promis ! Tiens ta promesse ! murmura Elerinna, dans un souffle.

Edwin se mit à genoux devant la porte, pris son visage dans ses mains, et tomba en pleurs. Il n'avait pas sa hache, et la porte était bien trop solide, même pour ses épaules. Il le sait bien, c'est lui qui l'a faite et posée. Alors comment faire ? Impossible. Il faut attendre, et se résoudre à l'entendre crier.

Une longue nuit de torture commença alors pour le jeune homme. Un supplice qui l'amena au bord de la folie. Pour ne pas être tenté, il sortit sur le plateau, jusqu'au bord de la falaise, pour regarder les vagues frapper, entendre le tonnerre gronder, et couvrir ses cris pendant qu'il cognait le seul de ses poings rageurs jusqu'à ce que ses mains lui fassent mal, évacuant sa frustration et sa colère.

Quand il fut à bout de force, il rentra et s'allongea devant la porte, murmurant des mots d'amour à celle qui lui avait révélé ses sentiments, celle qu'il voulait tant protéger, à qui il ne pouvait rien refuser.

Quand il se réveilla, le soleil perçait à travers les volets. Il frappa à la porte, mais n'obtint pas de réponse. Il appela, cria, de plus en plus inquiet. La porte toujours fermée de l'intérieur, elle devait forcément se trouver dans la chambre. Il commença alors à se jeter contre le panneau de bois, son épaule faisant trembler le chambranle, mais sans succès, comme il s'y attendait.

Soudain, il entendit un cliquetis. Le loquet se libéra. Il entra immédiatement, trouvant sa belle allongée au sol, sans force, presque sans vie. L'intérieur de la chambre était sans dessus-dessous, le lit retourné, la commode renversée. Elerinna était si pâle, encore plus que d'habitude. Il l'a pris dans ses bras, assis sur le sol, la serra fort contre lui tandis qu'elle murmurait des mots si faiblement qu'ils en étaient inaudibles.

  • Je suis désolé, mon amour. Je t'aime. Excuse-moi pour tout ceci. Tout est de ma faute.
  • Ne t'en fait pas, mon amour. Rien n'est de ta faute. Et nous pouvons réparer tout ça. Tu verras. Nous réparerons en plus solide.

Ils restèrent ainsi de longues heures, se remettant de leurs émotions, larmes mélées, les yeux dans les yeux, à se déclarer leurs sentiments mutuels longtemps cachés.

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