Elle était devant moi, cette femme. Il y avait un ruisseau derrière et autour l'herbe haute et verte. J'appris à la connaître. Je voyais à ses yeux qu'elle me soupçonnait déjà de la trouver charmante, jusqu'à l'évidence bientôt. Mais je la trouverais charmante, ou plutôt gentille, seulement bien après. Pour le moment, je lui en voulais terriblement de ne pas être belle. Or elle ne se doutait de rien. Elle souriait tout le temps.
Ce qu'il se passait alors en moi jusqu'au reste de la journée : je m'acharnais de toutes mes forces à lui donner de nouveaux traits par le jeu de l'imaginaire et des couleurs printanières et du soleil qui illuminait tout !
Le lendemain et le surlendemain et encore après, j'appris à la regarder comme si je l'eusse aimée. En revanche, elle, n'apprit rien. Car pour elle, ce fut comme inné ! Comme si elle m'eût aimé avant même de me voir — l'idéal d'amour qu'elle devait avoir depuis sa tendre enfance avait enfin trouvé à prendre corps, chair grâce à mon visage. Elle m'aima donc au moment où j'apparus pour la première fois dans ses yeux. Depuis, une longue étreinte où je me débattais seulement par la pensée et où ses bras véritables ne comprenaient pas qu'ils entouraient là, juste au-dessus d'un cœur qui ne lui serait jamais destiné, un corps en souffrance mais qui ne disait rien tout en cachant bien son jeu.

Puis je l'ai quittée. Et elle a pleuré. Mais heureusement, un jour, pour elle, l'oubli soudain par la rencontre d'un autre. Pour moi, jamais. Je m'en veux toujours d'avoir fait semblant. La preuve j'écris. La vie !...

19/04