De la grâce

2 minutes de lecture

Le rire me délivre. Les enfers eux-mêmes n'y peuvent plus rien ; aucun diable n'y tient plus.

Quand je ris, je suis invulnérable, profondément.

Le rire est l'épouvantail, mon œuvre, contre le réel de tout ce qui veut ma chute : les dieux et les hommes (et sans doute autre chose encore).

Je ris de tout ce qui se veut fossoyeur de mon rire !

Je ris de tout ce qui m'en veut.

Je ris, encore, après toutes limites — et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas et pleurent partant toutes les larmes du monde.

Je ris, et c'est une grâce. Et qui m'arrache enfin à la pesanteur le temps de ce prodige qui, pour moi, mon corps, mon esprit, est : souvenir présent de l'instant.

Je ris au-dessus des précipices.

L'angoisse est son pendant.

Elle loge à la même enseigne, mais font chambre à part (près de ce qui aurait pu être appelé un huis clos).

Le rire, en effet, s'en méfie, la nuit comme le jour, comme d'une maladie à taire pendant, au moins, l'éternité.

L'angoisse aussi s'exprime bruyamment, surtout quand elle reste silencieuse du dehors. (Comme cela oui, et pas autrement ; et pourquoi ? Parce que. Pourquoi ? Je ne sais pas, je n'en sais rien bon sang !)

Mon corps est conducteur à plein temps de toute angoisse, sans cesser jamais, même l'été, surtout l'été ; mon sang est mêlé dans la noirceur que m'inocule — de Dieu sait où — l'angoisse étalant alors son ombre dans sa ruée vers quelqu'un que je ne reconnais plus.

Il se désintéresse à cet instant de toutes tentatives de fuite, jusqu'à ne plus savoir ni pouvoir dire "Je" (où suis-je alors ???).

Jusqu'au moment où, enfin, tout de même il aimerait dire : Qui suis-je ?

Cependant, elle me confirme dans mon sentiment, ce faisant, d'exister. Et c'est pour cela que je me sens étranger à moi-même comme tout existant qui le sait (par elle, ou son pendant le rire) — parce que je me reconnais d'abord une familiarité évidente, une sympathie de toujours avec moi-même.

Je suis une luciole blanche tout autant qu'obscure et ma lumière souvent me brûle.

Et moment de grâce parfois — miracle ! quand le rire et l'angoisse se confondent ! — et qui, par extraordinaire, me rend tout entier au présent : aussi longtemps que dure pour moi un battement d'ailes.

Ainsi, mes frères, l'éphémère devient une leçon d'éternité.

Je vous aime.

01/05

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 23 versions.

Vous aimez lire Adrien Carpe ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0