La famille Lestouffade

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La grande maison des Lestouffade était encadrée par deux eucalyptus d’âge respectable. Un long chat maigre, posté au bord de la route la regarda approcher, arrondit le dos puis s’éloigna vers la mer à l’approche d’un gros chien placide.Elle aima tout de suite la bonne odeur d’herbes chaudes et de mimosa. La famille se livrait au rituel de l’anisette belote. Debbie réalisa brusquement qu’elle n’avait rien mangé depuis son festin au wagon-bar.

— Messieurs-dame…

La volumineuse maîtresse des lieux approcha en souriant. Son visage rebondi défiait l’apparition des rides.

— C’est vous la demoiselle du journal de jazze ? On se demandait quand vous alliez arriver ! Vous avez l’air toute remuée, j’espère que n’avez pas eu d’ennuis ?

— Tout va bien , ej vous remercie.

— Tant mieux ! Moi, c’est madame Lestouffade mais vous pouvez m’appelez Maryvonne. Voilà mon mari, Marcellin et nos voisins, monsieur et madame Chassignol. Vous prendrez bien quelque chose ? Monsieur Mezz est venu tout à l’heure pour le digestif. Il a dit qu’il vous attendait, pas vrai Cyprien ?

Le vieillard chauve au visage de casse-noisettes approuva en louchant sur la bouteille.

— Alors comme ça, c’est donc vrai que vous venez de Paris pour interviewer notre vedette ? Allez, mademoiselle, santé ! « Longo mai » ! comme on dit chez nous.

— C’est exact ! Nos lecteurs aimeraient savoir ce qu’il devient depuis toutes ces années.

Debbie ferma les yeux. Elle détestait le Muscat mais les gâteaux et les apéricubes calmèrent sa fringale. Pour faire bonne mesure, elle accepta quelques tranches de chorizo. Elle commençait à trouver ses hôtes très sympathiques Le voisin secoua la tête en montrant la colline.

— C’est qu’il a encore du souffle, le vieux gredin ! Il nous fait son concert tous les soirs, même par temps de mistral. Encore heureux qu’on n’habite pas trop à côté, pas vrai maman ?

— Arrête donc de faire le nifle ! Monsieur Mezz, il a peut-être vingt ans de plus que toi mais faut voir comme il se tient… De loin, on dirait un jeune homme.

— Je suis peut-être un couillon mais je sais reconnaître la bonne musique quand je l’entends. Moi je vous le dis, mademoiselle, je comprends qu’il ait eu du succès.

Marcellin Lestouffade adressa à Debbie un regard complice. Son épouse approuva d‘un vigoureux hochement de tête.

— D‘après ma sœur, il était comme qui dirait une vedette, à Nouyorque il y a des années de ça. Même qu’il jouait dans de grands orchestres avec les Noirs. C’est vrai ou c’est pas vrai, mademoiselle ?

— Tout à fait vrai. Elle le connaît bien ?

— Vous pouvez le dire ! Pendant dix ans elle y est allée faire le ménage et pour s’occuper de la pauvre dame. Elle était pas épaisse et pourtant elle avait de l’appétit c’était un plaisir ! Y a des tempéraments comme ça. Moi dès que je mange, je prends !

— Pourrais-je rencontrer votre sœur ? J’aimerais lui poser des questions.

— Ma pauvre nine ! On l’a enterrée l’an dernier dans le caveau de mes parents et du grand père Arsène qu’a été fusillé par les Allemands. Vous pouvez aller le voir tout de suite si vous voulez, c’est à la maison que vous voyez là-bas.

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