Chapitre III
— Alors, comme ça vous n’avez fait que vous croiser, conclut la sorcière en marchant aux côtés de son protégé en direction de l’entrée du gouffre.
Lyle resta silencieux et arborait une mine effroyable, son trench fuchsia avait été remplacé par un autre plus orangé. Le combattant n’avait pas eu le choix, sa maîtresse en avait décidé ainsi, elle détestait cette couleur. Ensuite, elle le missionna vers la cité Chinsia en lui certifiant qu’il y trouverait ce géant nommé Jared.
— Maintenant, va mon fils. Va, et ramène-moi ce géant !
Sans tenter de comprendre les tenants des aboutissants, le guerrier s’exécuta, il sortit de sa veste un instrument magique et le porta sur ses lèvres. Le sifflement inaudible invoquât une dimension noire et un Nalaka en sortit, sordide croisement entre un colosse de quatre mètres et un lézard des sables. Celui-là n’avait l’air guère enchanté de se retrouver en présence de magiciens. Le monstre au yeux azur amorça un pas vers la sorcière et montra les crocs.
Mais d’un mouvement doigt elle l’interrompit et lui insuffla dans un murmure incantatoire, l’obéissance absolue. La créature se retourna et de longues ailes filigrane s’extirpèrent de ses omoplates. La bête grogna de douleur et se fléchi pour que Lyle puisse grimper sur son épaule et elle se projeta dans les airs à une vitesse inouïe. Le guerrier se tenait fermement sur une écaille pour ne pas tomber dans le vide. Il détestait voler et resserra sa prise durant ce trajet aérien.
Le Nalaka bondissait entre les cumulus et les stratus et mena Lyle à destination. Un kilomètre plus bas se situait la cité. Le colosse se posa un instant sur un pentagramme qui lui avait confectionné le mage. Il reprit son souffle et plongea en piqué en direction de la cité. La tête inclinée vers une surface carrée, le Nalaka joignit ses bras contre son corps pour augmenter sa vitesse. Vu d’en bas, il avait pris l’aspect d’une étoile filante et dès qu’il arriva à une dizaine de mètres de la surface, il se redressa en dépliant ses ailes pour ralentir sa chute. Un fracas retentit et le bitume trembla sous l’impact. Ils étaient enfin arrivés.
Lorsque le guerrier posa les pieds au sol, il tituba légèrement secoué par le voyage. Il se ressaisit, rapidement en observant de bas en haut l’édifice de béton qui dominait la ville. Il avança sans prêter attention aux nombreux citoyens, dont certains étaient intrigués par cette apparition soudaine et d’autres déguerpirent de peur. Durant sa marche, il sortit son instrument et le Nalaka disparu dans sa dimension. La main droite sur la fusée de son épée et convergea vers l’entrée de ce gratte-ciel. Son regard de braise croisa celui du garde vêtu d’un costume impeccable.
— Bonsoir, et bienvenue à la Fédérale Tour, cher monsieur ! Puis-je vous aider ?
Lyle, se stoppa net et claqua du talon releva légèrement le bord de son Trilby.
— Avant de vous tuer, pourquoi pas ! répliqua-t-il le sourire en coin en élançant son bras vers l’intérieur.
Devant cette provocation, l’agent ouvrit grand les yeux, mais avant qu’il ne puisse prononcer une syllabe, il fut projeté à travers la porte battante et finit contre le poste réception. Dans un dernier souffle, il annonça l’intrusion au commandant situé cinquante étages plus hauts. Alors que son âme s’extirpait de son corps et une forme spirale se matérialisa au-dessus de lui pour l’aspirer. Lyle avança, balaya du regard le hall et s’aperçut qu’il n’y avait aucune issue. Plusieurs oscillations dans l’espace l’interpellèrent. Alerte, le mage recula le pied, fléchit les genoux, paré à défourailler.
Une escouade spéciale de fédéraux, armée jusqu’aux dents, apparut. Tous tenaient, dans des positions différentes, des armes de poings.
– Hé, l’gars ? La magie maîtresse ne devrait pas faire son effet, ici ? questionna Fine en crachant une glaire.
– Ma fois, pour une fois, on dirait que non ! répondit l’imposant Ethan en tapotant sur son long calibre. Au fait, Neeves, vas-y doucement cette fois-ci, le commandant le veut vivant !
Neeves tremblait des mains.
– Hé, regarde-moi son costume, Jeff ! se moqua Fine.
Au défaut de pouvoir parler, il ria comme un sadique et son étrange ricanement entraîna le raid avec lui. Les éclats de rires tonitruants mirent les nerfs en pelote à leur adversaire. Lyle se redressa et d’un mouvement éclair, il s’élança sur Fine. Un tintement de ferraille retentit. Neeves sur le qui-vive, l’avait contré avec sa dague et croisa le regard du guerrier. Pas mal ! répliqua ce dernier. Les autres reculèrent et le mirent en joue.
– Mais c’est qui c’type ! Vous avez vu, ça ? s’interrogea Fine les yeux hagards.
– Et comment ! lança Ethan le doigt sur la gâchette.
Une détonation retentit et une salve d’anneaux dorés se dirigea vers le dos de leur camarade Nevees et avant qu’elle ne le percute, il s’effaça. Le mage prit de plein fouet l’attaque et glissa sur plusieurs mètres en arrière.
– Incroyable, subjugua Ethan la bouche ouverte.
Le corps du guerrier fumait, il se redressa, essuya sa veste teintée de suie et les regarda tous d’un air mauvais.
***
Quelques étages plus haut, dans une cellule anti-magie, Jared était allongé dans la pénombre sur un banc de fortune, les mains jointes sur son gros ventre. Le géant profitait de cette occasion pour se reposer de son travail de négociant. Épuisé de procéder à du change, il pensait même à prendre sa retraite dans les montagnes au-dessus de Dolérando. Mais le destin en avait décidé autrement et les ennuis ne faisaient que commencer.
Il se remémora l’appel téléphonique de la veille avant qu’on ne l’arrête. Son oncle l’avait mis en garde contre un ancien client nommé, Néfer. Ce truand de la pire espèce était venu par le passé braquer la boutique de son grand-père et de son père. Il se souvenait comme si c’était hier de ses propos lorsqu’il le vit pour la première fois dans le magasin de son défunt paternel.
Vous avez signé le pacte, maintenant payez ou mourrez !
Mais tout cela restait un mystère pour lui. Quel genre de pacte sa famille avait-elle conclut pour qu'un pareil monstre les menaces ? Il se rappela aussi que ses parents étaient morts dans des conditions plus qu’étranges et il en était arrivé à la conclusion que les fédéraux l’avaient peut-être arrêté pour avoir des éléments sur ce dénommé Néfer. Il soupira longuement, grommela et se tourna face à la porte blindée.
Un mécanisme de rouages s’enclencha et la porte s’ouvrit lentement. Il se redressa subitement afin devoir qui était là mais la lumière extérieure l’éblouissait. Il passa sa main devant ses yeux afin de mieux voir et distingua l’adjudant Rolès suivi de près par un grand homme. Un reflet bien connu sur son visage l'interpella, celui-ci portait un monocle fait d’or pur qui jeta un rapide coup d’œil à sa montre gousset et referma son clapet avec délicatesse.
— Amenez-le au point de ralliement S-K, il doit partir au plus vite ! ordonna-t-il à l’officier Rolès.
— C’est comme si c’était déjà fait, commandant Grives !
L’officier sortit Jared de la cellule qui n’eut le temps de réagir, et n’avait plus la possibilité de parler ni même de penser. Les effets de la magie maîtresse l’avaient rapidement affecté. Le commandant Grives lança un regard désolé sur le géant et disparut. L’adjudant lui saisit la main de Jared faisant trois fois la sienne.
— Allez mon gros, on doit partir, apparemment il y a urgence ! et tous deux s’éclipsèrent.
– ***
Un torrent de balles énergétiques s’abattait, mais aucune d’entre elles n’atteignit leur cible. Maître du maniement de l’épée, Lyle repoussait toute tentative d’une dextérité déconcertante. L’escouade n’en revenait pas d’être tombé sur un tel phénomène. Quand soudain, un message télépathique leur parvint.
— Tenez-le à distance encore quelques minutes ! annonça la voix du commandant Grives.
Ils redoublèrent leur assaut et convergeaient lentement vers l’épéiste. Doté d’un sens aigu du combat, Lyle se doutait que quelque chose se tramait au-dessus.
— Assez rigolé ! grinça-t-il et se faufila entre les balles si vites que les soldats n’eussent le temps d’esquiver sa riposte.
— Derrière ! s’écria Neeves alerte.
Mais il c’était déjà trop tard. Son épée s’illumina et le temps s’écoula subitement au compte-gouttes. Il saisit le plus gros par derrière, le tranchant de son épée contre sa jugulaire.
— Mène-moi au géant Jared où crève, lui souffla-t-il au creux de l’oreille en cisaillant sa chaire.
— D’a… d’accord ! bégaya Ethan.
La peur de mourir le mena droit devant à la cellule anti-magie et montra la porte du doigt.
— Ouvre là !
— Je p.. pas respirer !
Lyle desserra son emprise et le soldat pu ouvrit la porte. Vide. Le regard du guerrier se noircit et il projeta d’un coup de pied le soldat qui s’écroula dans la cellule.
— Meurt !
Un point lumineux émergea de la pointe de sa lame et un éclair noirâtre jaillit. Ethan ferma les yeux, mais avant même de le toucher, la magie se désagrégea en de fines particules. Ses coéquipiers arrivèrent et s’égosillèrent quand ils le perçurent avancer d'un pas déterminé à l'achever. Lyle se tourna vers eux et, de rage, il accourut dans la direction opposée. Lancé à grandes enjambées Jeff le coursa. Or, le mage s’élança au travers d’une baie vitrée. Un fracas résonna.
— Il est complètement givré ce type ! cracha Fine.
— C’est clair ! Pourtant, je ne peux m’empêcher d’admirer sa témérité ! déclara Neeves.
Jeff s’avança doucement, s’inclina pour regarder et un courant ascendant balaya son casque. Il vit le Nalaka grogner longuement qui volait en direction d’une immense cellule orageuse.
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