Chapitre IV

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Le soir venu, une tempête rageait sur Chinsia, ses citoyens avaient déserté les rues en catastrophe. Quelques heures plus tôt, une voix chaude avait signalé l’alerte maximale au travers des interphones basés aux nombreux recoins de la cité. Dans son hyper centre, au cinquantième étage de la Fédérale Tour allait s’entretenir une réunion entre le commandant Grives et ses quatre soldats d’élite. Les baies vitrées des quartiers du commandant étaient fouettées par cette pluie diluvienne. La foudre flashait et frappait sans interruption la ville et ses grondements faisaient trembler toutes les surfaces vitrées. Attendant leur supérieur, les membres profitèrent pour rompre leur position et se décontractaient dans l’immense bureau malgré le hurlement du vent au-dehors.

D’un siège Jeff se leva pour scruter l’horizon. Il perdit son regard sur un éclair qui illumina le ciel obscur. Pensif, il ressassait l’image de cet étrange monstre volant. Qu’est-ce que cela pouvait être ? Voilà une question qu’il ne pouvait formuler clairement. Muet depuis sa petite enfance. Son handicap ne l’avait pas empêché de rentrer dans le corps d’élite de la Fédération. Ex-sportif de haut niveau, il fut recommandé à l’académie fédérale par son coach. Il impressionna ses formateurs dès la première heure qu’il passa dans la salle de tirs. Une autre pensée se mêla à son analyse, il n’avait pas réussi à toucher une seule fois le mystérieux guerrier lors de son assaut.

Il se remémora la scène et la visualisa sous tous ses angles, mais rien à faire des informations essentielles manquaient pour qu’il puisse résoudre ce problème. Il se retourna vers ses coéquipiers avachis sur une banquette. L’incompréhension était générale et se lisait sur leur comportement éteint. Habituellement l’équipe s’ambiançait après chaque mission. Pourtant, les seuls qui animaient les lieux ce soir furent les éléments climatiques, déchaînés. Une représentation fantomatique du commandant Grives s’installa dans l’esprit du raid.

Vous savez maintenant que la magie maîtresse n’est pas la seule énergie en ce monde. Il faut que vous sachiez que, jadis dans une époque bien lointaine, il n’existait pas que celle-ci. D’autres, bien plus puissantes, plus obscures influençaient notre continent. Comme vous avez pu le voir, la magie maîtresse à ses limites et s’avère faible, face à d’autres comme celle de ce guerrier. Enfin, ce mage noir. Il s’appelle Lyle de sources sûres. Sa magie est, disons la plus originelle, la plus pure qu’on ait eu à appréhender jusque-là. J’ai le regret de vous dire que je ne serai pas à vos côtés ce soir. Si vous avez des questions, je vous invite de les poser à mon second, Zèrth Haal, qui devrait vous rejoindre sous peu.

Le message s’évapora et tous eurent envie d’en s’avoir plus. Cette révélation éclaira les questionnements de Jeff. L’impossibilité d’échanger ses réflexions l’affectait profondément. Résolu, il se contenta d’écouter ce que les autres avaient à dire. Il se retourna et perçut que la tempête battait en ce moment à pleine puissance. Cela expliquerait-il cette déferlante météorologique ? Son intuition le guida vers un oui incontestable.

Fine observait son ami Jeff. Inquiet de le voir ainsi. Il est vrai qu’habituellement, il rigolait pour oui ou pour un non, mais jamais aussi silencieux que cette nuit.

— Eh, les gars ! L’givré on lui a quand même fait fumer, non ? Et pour une magie aussi pure, je trouve qu’on la bien fait galérer, railla Fine tentant rehausser l’ambiance.

Son propos était loin d’être rassurant, réussit à voler un sourire à son camarade et se dirigea vers son siège. L’air moins soucieux, il s’affala dans son siège et fixa le reste de l’équipe.

— Ouais, et c’est moi qu’il l’ait fait fumer, venta Ethan en tapant sur la cuisse de Neeves.

— Tu parles trop mon gros. T’as surtout de l’a veine d’être tombé dans la cellule anti-magie !

Le ricanement de Jeff temporisa la querelle et tous se badinèrent. Une entité les avait observés depuis le début, afin de voir s’ils étaient les mieux qualifiés pour affronter ce mal naissant. Un claquement retentit, suivirent d’autres, plus rapprochés. C’est ainsi qu’apparut Zèrth Haal applaudissant fièrement l’escouade.

— Vous avez réussi ou d’autres ont malheureusement échoué. Bravissimo ! s’exalta le second.

Surprit-il le regardèrent hilaires à cause de son accent.

— Pfff… C’est qui s’mariole ! s’exclama Fine et continua de rire.

Le grand homme au costume vert se racla la gorge.

— Je m’appelle Zèrth Haal, second du commandant Grives, annonça-il en tirant sa révérence.

Le fou rire empira et le second s’effaça.

La tempête passa dans la nuit et celle-ci céda sa place à l’aube. Les ronflements des uns et des autres firent sourire Zèrth Haal qui les observait depuis les premières teintes de l’aube.

***

Il est temps de vous réveiller ! insuffla-t-il dans leur esprit endormi.

Tous émergèrent en panique. Le second s'était assis sur le siège du bureau du commandant. Un avant-bras posé sur le meuble, l’autre poing fermé soutenait sa tête, Zèrth les observait, attentif. Son haut de forme au reflet vert luisait et éblouissait l’escouade. Celui qui leur avaient bien faire rire la veille, maintenant, les effrayait. Désolés, ils ne dirent mot.

Le second se leva, avança vers la baie vitrée et plongea son regard sur la cité. Les gratte-ciels étaient nombreux, mais pas un seul d'entre eux ne dépassait la Fédérale Tour. Songeur, Zèrth laissait un temps de silence dans la salle avant de le rompre.

– Voyez-vous messieurs, aujourd’hui, il fait jour. Le mérite revient à notre astre lumineux qui a balayé le mauvais sort qui s’abattait sur cette métropole. Oui, messieurs ! Les forces du mal nous ont envoyé cet ouragan. Oui, messieurs, encore ! Vous avez été sélectionné pour investiguer et combattre ce mal croissant. Non, messieurs ! Ne vous croyez pas si impuissant face à cette magie originelle. Comme vous l’a fait remarquer le soldat Liben, vous avez réussi à faire fumer ce mage noir. Il est essentiel pour nous d’avoir de l'espoir et celui-ci se repose sur des membres comme vous, des membres de la Fédération. Essentiel pour que, demain, après-demain et ainsi de suite, nous voyions encore et encore ce si bel astre briller sur Éhrizaë, nôtre continent.

Un blanc temporisa son discours.

– Messieurs, prononça-t-il en accentuant les voyelles et se retourna. Voyez-vous, là où je veux en venir ?

À la froideur des traits de son visage, tous comprirent qu’ils n’avaient plus à faire au même personnage même si son accent étrange se prononçait davantage.

Jeff voulut lui répondre. Or, c’était impossible. Les iris bleus et perçants de Zèrth se perdirent alors dans le vert des siens.

Vous savez, vous n’êtes pas si stupide, c’est un fait ! Je vous ai observé depuis le début et vous avez l’étoffe d’un capitaine. Mais ce mutisme vous en empêche. Que diriez-vous de vous en débarrasser, monsieur, Cryn ?

Ses yeux s’agrandirent, il n’en revenait pas d’entendre cela. Un espoir naquit en lui. Il serra les poings, et mis un genou à terre en signe de son allégeance. Cette promesse n’était pas passée uniquement dans son esprit. Zèrth l’avait également transmis à ses camarades. Tous s’assujettirent, à leur tour, devant leur nouveau commandant. Il s’approcha du bureau et saisit son chapeau.

– À présent, suivez-moi ! Je dois aussi vous expliquer de nombreux éléments et vous munir de nouvelles armes, proposa-t-il et enfila son haut de forme.

Un sombre vortex apparut sur la surface vitrée. Le commandant Zèrth Haal se retourna et disparut au-dedans. Les quatre soldats se regardèrent avec sérieux et pénétrèrent le tourbillon qui se réduisit, aussitôt.

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