Chapitre V

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De l’autre côté du passage dimensionnel, l’escouade se retrouva dans un couloir voûté. Ils perçurent Zèrth de dos qui, du bout des doigts, enflammait les torches accrochées à la cavité. Un long moment passa, dans les profondeurs humides, éclairé par le seul chatoiement des flambeaux. Le son de leurs pas résonnait en échos et tous suivaient le commandant, dans le plus grand des silences. Au fur et mesure qu’ils progressaient dans ce dédale les couloirs se rétrécissaient.

Je vous invite à vous saisir de torche. Il serait regrettable que vous vous retrouviez sous le charme d’une Nymphe des abîmes, annonça Zèrth.

À la suite de ce message, un frisson parcourut l’échine des soldats et ils resserrèrent les rangs. Fine, fermait la marche, était peu rassuré à l’idée de croiser l'une de ces créatures et avait la sensation que quelque chose l’épiait. Il se retournait sans arrêt mais n’y voyait rien. Agacé, il s’arrêta, resserra le manche de la torche qui émit un bruissement lorsque la flamme se balança. Pourtant, le soldat ne distinguait toujours rien. De nerf, il cracha et repartit sur le qui-vive.

Ils se retrouvèrent devant une immense cavité où un temple imposant siégeait.

— Nous y voici, enfin ! s’écria le commandant.

Le second se perdit à regarder les nombreux ouvriers qui retapaient ce vestige d’une autre épopée. Fier de sa trouvaille, Zèrth s’avança vers un chemin de marbre blanc. Les soldats n’en revenaient pas de voir une telle architecture dans un endroit pareil. Mille questions brulaient la langue de Jeff sans qu’elle ne puisse pour autant les vocaliser.

Eblouis par la beauté des lieux, ses coéquipiers n’avaient qu’une hâte en savoir plus. Ils lui passèrent devant, mais l’un entre eux semblait manquer à l’appel. Jeff se retourna, alerte. Il fronça les sourcils. Où était passé, Fine ? Et sans attendre, il accourut vers le passage où une silhouette s’apparût dans l’obscurité. Jeff, avait du mal à distinguer ses formes jusqu’au moment où une voix familière le rassura.

— À cause de cette P’tain de flamme qui s’est éteinte, j’ai bien cru qu’j’allais me perdre dans c’merdier ! grinça-t-il en jetant son flambeau.

Le muet, lança un dernier regard dans le tunnel et perçut deux points indigo clignoter. Fine jurait de plus belle, impressionné par le site, le détourna de ce phénomène. Tous deux rattrapèrent, à petite foulée, le restant de l’équipe et leur commandant qui admirait les vestiges de colonnes posées ci et là sur le passage.

Du haut des marches de ce monument, un homme bien portant reconnut Zèrth Haal et le héla. Chef des archéologues, il s’avança vers le groupe. Il tenait entre ses mains des vieux parchemins enroulés. Dès qu’il se trouva face à Zèrth, il s’inclina. Le second l’observa de haut.

– J’exige de les voir !

L’homme se frotta les mains, sourire aux lèvres.

– Ça tombe bien, mon commandant, elles viennent tout juste d’être nettoyées.

Derrière ses lunettes loupe il scruta l’escouade interrogé. D’un mouvement de la tête, il les invita à les suivre. Lors de la visite guidée, Jeff se perdit dans ses réflexions. Cet endroit, me rappelle quelque chose ? Cependant, il ne parvint pas à savoir d’où lui venait cette impression.

Voulant impressionner Zèrth, l’archéologue montra du bout des doigts trois statues géantes qui dominaient le fond du temple. Les Créateurs existaient vraiment… Alors, tout est vrai ! pensa le second.

Tous étaient à des lustres d’imaginer qu’un monde grouillait ici même et, admiraient les nombreuses fresques qui ornaient le plafond en écoutant attentivement leur histoire.

— Vous voyez cette scène ? Euh... là ! Eh bien, elle représente la genèse… l’autre plus loin, un combat mystique entre deux frères… Oh, ici, regardez, c’est Céleste, la princesse, qu’elle est belle ! Vous ne trouvez p…

Jeff se représentait les scènes dans son esprit et ne capta même pas que la voix de l’archéologue s’éloignait, pourtant, tenu à ses côtés. Les paupières mi-closes, Jeff vit se pencher au-dessus de lui les visages ahuris de ses compagnons qui se troublèrent, quand il se focalisa sur le visage parfait de la princesse.

Réveillé en sursaut, Jeff se redressa et la première chose qu’il perçut fut ses pieds déchaussés. Paniqué, Jeff balaya la pièce du regard et, surpris par un vertige, se rallongea aussitôt. Les yeux grands ouverts, il n’en revenait pas de ce qu’il était en train de voir. Un amas nébuleux aux milles éclats scintillaient sur le plafond convergeait droit sur lui. Suis-je mort ou bien en train de rêver ? Non… c’est certain, je rêve… La substance étincelante s’était stoppée à quelques centimètres de son visage, prête à l’engloutir. Quand une poigne survint, agrippa sa chevelure et l’entraîna, tête la première, dans une dimension abyssale.

À genoux, Zèrth, main gauche levée, l’autre posée sur le front du soldat, ferma ses paupières lentement. Ethan, Neeves, Fine l’architecte, ses ouvriers s’étaient réunis. Morts d’inquiétudes. Ils ne lâchaient pas du regard le corps, inanimé de leur compagnon, allongé depuis des heures durant. Ils crurent, aux premiers abords, à un simple malaise vagal et après quelques baffes à une crise cardiaque et finalement, c’était une mort précoce. Une mort subite.

Or, ce symptôme ne plaisait guère à l’équipe, trouvant étrange de voir leur compagnon passer l’arme à gauche avant de recouvrer la parole. Ce détail ne manqua pas au commandant qui se chargea de tracer le chemin de son âme dans l’autre monde. L’intuition de l’équipe s’avéra juste, puisque tous virent le commandant empoignant son âme pour la réintégrer dans son corps. Celui-ci, se réanima et dans râle effroyable, se réveilla. Jeff était revenu d’outre-tombe. Zèrth tomba à la reverse et fut rattrapé par Ethan.

Le second, épuisé, sourit. Mais le soulagement fut de courte durée. Une mal incommensurable le submergea. Ce dernier se tordait en tous sens en hurlant. Sa main agrippait son bras avec force. Traverser l’au-delà avait un prix élevé et Zèrth l’avait payée de son bras gauche. La manche de sa veste se noircit, s’effrita et tous virent impuissants son membre se flétrir et finit par se momifier.

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