Chapitre 7: Blast

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Le son résonnait encore dans les arbres.
Pas d'éclaboussure. Pas de cri.
Juste la brume. Et le silence.

Élise tomba en arrière, sans issue.
La balle flottait, figée à quelques centimètres de son front.
En tension.
Retenue par une force invisible.
L'objet vibrait dans l'air, menaçant par sa seule présence.
Il ne semblait pas perdre en vitesse - simplement attendre d'être relâché, comme la morsure d'un chien enragé.

La jeune fille n'osait pas respirer. Son cœur battait trop fort, trop vite, comme s'il cherchait une échappatoire.
Elle était paralysée, terrifiée.
Pour la première fois depuis le début du voyage, Shara la terrifiait.
Son regard, parfois teinté de froideur, était désormais celui de la haine. La haine pure.
D'une colère si criante qu'elle en était muette.

- Tes parents ont tout sacrifié pour toi, et c'est comme ça que tu les remercies ?

Une rafale de vent emporta un souffle de poussière.
Le soleil avait disparu derrière les arbres, ne laissant qu'un halo sale, froid, indécis.
À chaque phrase, la véreuse s'approchait de sa victime d'un air menaçant.

- Tu n'es même pas capable d'écouter sans m'interrompre... Et tu oses remettre en question mes enseignements ? Insolente.

Elle se baissa, rapprochant le canon de son visage.
Élise pouvait sentir la chaleur du métal, à quelques centimètres de sa peau.

- À l'heure qu'il est, tu serais déjà morte une centaine de fois sans moi. Tu veux te débrouiller seule ?
Très bien. Je ne veux plus te voir avant l'aube. Fous le camp d'ici... ou prouve-moi que j'ai tort. Ça m'est égal.

Shara tendit la main.
Le projectile se plia en arrière dans une boucle grinçante, s'enfonçant dans le canon noirci du pistolet.
Un clic.
Le geste s'inversa. Le monde reprit son cours.
La mage abaissa son arme.

- C'était la dernière fois que tu me manquais de respect.

Elle rengaina.
Élise ne disait rien. Les larmes lui montaient, mais elle refusa de les laisser couler. Pas maintenant. Pas devant elle.

Shara s'éloigna de quelques pas, dos à la jeune fille, et s'accroupit pour ramasser son sac.
Elle commença à partir.

Puis elle se retourna, surprise : son corbeau ne s'était pas posé sur son épaule.
L'animal restait à côté d'Élise, poussant un croassement réprobateur.
Shara haussa les épaules et disparut entre les arbres.

Élise ne bougeait pas.
Elle était en état de choc. Les mains sur la tête, complètement prostrée.
Les larmes commencèrent à couler alors que les premières gouttes tombaient des nuages gris.
La mâchoire serrée à s'en casser les dents. Tremblante.

Son regard restait figé sur les dernières traces du schéma.
Les lignes blanches dégoulinaient sur la pierre, les spirales tremblaient, les courbes manquées.
Dans sa main, elle serrait encore un morceau de craie brisée.

Elle se redressa, prenant appui contre le rocher.
Ses jambes tremblaient sous le poids de la terreur et de l'humiliation.
Le corbeau vint se poser sur son épaule, comme pour la soutenir.

- Dégage ! hurla Élise en le chassant.

Le corbeau recula, se percha à quelques pas, au sommet de la pierre, sans la quitter des yeux.

Elle ne savait plus quoi faire. Elle voulait fuir, disparaître, tout brûler, abandonner.
Peut-être même mourir.
Mais elle en était incapable.

Il ne lui restait plus rien. Rien que ce rocher. Et cette craie.

Alors elle recommença à dessiner. Encore et encore.
Les lignes apparaissaient, disparaissaient aussi vite qu'elles naissaient, noyées par les larmes du ciel.
Elle ne s'arrêtait pas.
Comme si son âme avait quitté son corps.

Jusqu'à ce que la craie se dissolve entre ses doigts.

Alors elle frappa la pierre, à s'en faire saigner les phalanges.

Puis elle se remit en posture.

- Ignis...

Une faible lueur jaillit. Puis s'éteignit aussitôt.

- Ignis ! Ignis ! IGNIS ! hurla-t-elle, alors que les flammes qu'elle produisait lui brûlaient les doigts, la peau, les nerfs.

Les larmes, la douleur, la rage, tout se mêlait.
Et elle continua.

Il faisait nuit depuis longtemps quand Shara revint.
Quelque chose l'avait poussée à revenir, à regarder.
Mais elle ne s'approcha pas.
Elle resta entre les arbres, figée. Un poids au fond du cœur.

Et elle la vit.

Les faibles éclats de lumière illuminant la pénombre, l'espace d'un instant, avant de l'engloutir à nouveau.

Pendant une heure. Peut-être deux.
Elle resta là.

- Abandonne... arrête, murmura Shara entre ses dents serrées.

Une flamme vive jaillit des doigts de la jeune fille.
Une sphère parfaite de lumière fendit la nuit : un soleil miniature, éclatant.

- Merde...

Shara se redressa, prête à intervenir - mais trop tard.

La boule de feu fendit l'air, s'abattant sur le rocher dans une détonation sourde.
Le corbeau s'envola jusqu'à elle, battant des ailes à toute allure.

Il ne restait plus la moindre trace de pierre.
La véreuse resta bouche bée.
Ce n'était plus un simple Ignis. Élise venait de créer un Blast parfait.

Élise tomba au sol, inconsciente.
Le corps dans la boue, les doigts rougis, couverts de craie et de sang séché.

Shara s'approcha. Sa gorge se serra.

Elle s'accroupit, sans dire un mot, et prit la gamine contre elle, sans vraiment comprendre pourquoi.

Elle sentit son souffle - faible, mais régulier.
Elle était vivante.

Les bras de Shara tremblaient légèrement.
Elle tira sa cape autour du corps frigorifié d'Élise, resserrant l'étreinte.

Elle s'assit dans la fange, serrant la jeune fille contre elle sous sa cape.

Shara regarda le ciel longuement, sentant les gouttes lui rouler sur le visage.

- Je suis allée trop loin, murmura-t-elle.

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