Les souvenirs plus nombreux qui affluèrent lui firent monter les larmes aux yeux. Il était seul désormais, seul avec sa peine et les grands arbres qui constituaient la forêt. Il se sentait tout petit à côté d'eux, et cela avait quelque chose de rassurant dans son esprit. Au moindre problème, il pourrait toujours grimper à l'un d'eux et se mettre à l'abri. Didine courrait toujours quand ils passaient par là. Victor avait toujours eu peur qu'elle se perde, mais sa fille un peu peureuse ne s'éloignait jamais vraiment. Elle cueillait des fleurs, des champignons à l'automne venu, suivait les papillons et les oiseaux des yeux.

La nuit disparaissait lentement pour laisser place au jour. Victor avait passé beaucoup de temps dans cette immense forêt à ressasser les tendres moments passés avec sa fille. Il arrivait maintenant au pied de la montagne. Elle lui semblait infranchissable tant le poids des souvenirs pesait lourd sur ses épaules. Cependant, il revit sa fille les yeux froncés à l'idée de grimper. Elle n'aimait pas la montagne. Elle les trouvait trop grandes. Elle avait toujours detesté cela. Mais lorsqu'elle était avec son père, la hauteur ne l'effrayait plus. Il lui racontait qu'au sommet des montagnes, par-dessus les nuages vivaient des petits êtres. Victor savait que sa fille ne le croyait pas, mais il appréciait qu'elle fît semblant. Il pouvait ainsi l'amener au sommet et admirer le paysage vu d'en-haut.

La montée fut harassante. Seul, la montagne n'avait rien de très intéressant. Même les marmottes qu'on entendait au loin ne l'encourageait pas. Mais la perspective de retrouver sa fille le motiva à poursuivre son ascension. La montée qu'il faisait habituellement en une heure et demi avait duré plus de deux heures. Les nombreuses pauses qu'il avait faites lui avait permis de reprendre du courage et de cueillir des nouvelles fleurs qu'il donnerait à sa fille. Parvenu au sommet, Victor se mit à pleurer. Elle n'était partie que depuis quelques jours mais il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée.