III

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Camille heurta une femme et tomba lourdement sur ses fesses en un juron non-dissimulé. Mais encore aurait-il fallu que cette femme en soit réellement une.

Levant la tête, la soldate remarqua le visage – qui n’en était plus un – déformé, semblant avoir été exposé à une bombe nucléaire, il y avait peu. Il n’y avait pas de peau, la chair rouge semblait rebondir et le sang, ne s’écoulant pas, formait de petites bulles éclatant après quelques secondes de suspension. Seul un globe oculaire était visible et bougeait dans toutes les directions, complètement perdu ou incontrôlable. La bouche – ayant été jusque-là indiscernable – s’ouvrit lentement en un hurlement strident.

Starker se boucha les oreilles, laissant une seconde fois son arme toucher le sol carrelé, froid et sale, n’étant plus aussi blanc qu’il l’avait certainement été autrefois. Elle sentit des particules chaudes, voire bouillantes se percuter sur son visage et s’écouler jusqu’à son cou.

Le cri stoppa et la tête de notre protagoniste percuta le sol d’une forte violence manquant de l’évanouir ; elle résista. Tentant de retenir la bête se contorsionnant au-dessus de ses yeux, voulant sans aucun doute lui dévorer la face, attrapa le couteau reposé à sa ceinture et le planta dans le crâne de son adversaire. N’en fallu pas plus pour que ce dernier stoppa tout mouvement et tomba sur Camille qui le poussa d’un geste de dégout. Évidemment, elle reprit une profonde respiration pour avoir enfin échappé à cette halitose. Dieu, quelle odeur infecte que dégageait ce monstre !

Elle se releva et glissa sur le sol maculé de sang. Au premier coup d’œil, elle pensait qu’il provenait de l’ennemi, mais sentant la douleur vive au niveau de son crâne, elle sut que sa propre hémoglobine longeait sa nuque. Elle ramassa son couteau sans facilité, puisse qu’il refusait de se déloger du cuir chevelu. Enfin, elle put le soulever à sa hauteur, triomphante de sa bataille.

Mais voilà, elle était bien la seule remportée pour le moment. Les cris des balles étaient encore présents, se mélangeant à ceux des créatures. Et – ne l’espérait-elle pas – celui de ses congénères.

Elle reprit conscience de son but et laissa son arme à feu à terre. En plus d’avoir le chargeur vide, il lui serait inutile après avoir reformé le trio. Simplement, ne manqua-t-elle pas de le pousser du bout du pied sous une étagère renversée afin de ne pas tomber entre de mauvaises mains. À présent, seuls son couteau et son corps seraient des armes destructrices.

Tournant deux rayons encore, elle devina des tirs dans un autre, parallèle au sien, et surtout, reconnu la rage de Joe. Cette dernière avait une façon bien particulière, bien à elle de combattre, mais sans hurlement d’encouragement pour elle-même, c’était tout bonnement impossible.

Elle s’apprêtait à la rejoindre, quand une vielle dame, à la canne tremblotante, fit lentement irruption devant elle. Camille se stoppa et la jaugea. Cette grand-mère devait bien avoir plus de quatre-vingt ans et semblait à peine tenir dans ses petites chaussures. Ses lèvres retroussées montraient à l’évidence l’absence totale de dents et sa peau flétries faisait tomber ses lourdes paupières. Levant la tête bien trop haut pour une personne normale, il n’était pas difficile de deviner que la vieillesse lui avait enlevé une bonne partie de sa vue initiale.

L’erreur de Starker a été de la sous-estimer. Pensant seulement planter son couteau dans la carotide – puisse qu’à l’évidence et par logique, il s’agissait d’une de ces créatures – la bouche du monstre s’ouvrit sur un énorme trou béant, noir et sûrement profond. Camille fut stupéfaite de voir ce gouffre prendre l’entièreté du visage.

La déformation buccale semblait déchirer la peau déjà élastique de cette vieille dame, et c’était un vent puissant qui en sortit, poussant la soldate à se protéger de son bras.

Cependant, elle ne perdit pas le monstre du regard – Jamais ! – et chercha rapidement comment s’en débarrasser. C’est ce moment que Joe Mendez choisit pour entrer en scène. De son cri de guerre, prévenant Camille, elle courut dans le dos de l’ennemi, et ce dernier, alerté, se retourna de surprise. Starker en profita et sauta sur le dos de l’adversaire. À nouveau prise de court, la grand-mère se tortilla pour la faire tomber, mais les jambes et bras étaient bien positionnés. Elle tenta de placer le trou noir qu’était censé représenter la bouche devant son visage, mais malgré le peu de centimètre qui les séparait, Camille ne vacilla pas une fois.

Proche de quelques foulées, Joe prit une dernière grande enjambée et sauta. D’une facilité extrême, la tête du monstre sembla se disloquer en un craquement d’os annonçant sa fin. Joe, suite à son magnifique et très bien réussit kick à coup de pied retourné, tomba sur le sol avec une grâce et une légèreté que notre soldate lui avait toujours envié.

- On passe aux choses sérieuses, si j’comprends bien ! souffla Mendez.

- J’en ai tellement envie ! s’exclama Starker. Ça m’manquait de n’pas faire d’corps à corps. Seul inconvénient, voir son intérieur de si près, rajouta-t-elle désignant le monstre mort, c’était tellement…

Camille frissonna.

- J’avais l’impression d’tomber ‘dans ! finit-elle par dire.

- Camille, c’est pas qu’tes histoires m’ennuient, mais j’propose d’y aller. Il doit en rester une vingtaine.

- C’est tout ?! Pfff, pas marrant…

Joe rigola et elles repartirent.

Ne restait plus qu’à trouver le dernier membre de leur groupe, et voilà qu’en quelques minutes – le temps de trouver tous les monstres restants – ce magasin ne serait plus qu’un vulgaire tas de vêtements. Peut-être même, si le plan était affiché jusqu’au bout, un amas de ferrailles, de débris et de poussière.

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