44.Game over
Angélina
La veille, Houston, Texas
17 Novembre 2023
Des bruits de bottes à l’extérieur. Je jetai un coup d’œil à Joyce dont le corps pivota entièrement dans la direction de l’entrée. Tout comme elle, je me retournai tant bien que mal vers la grille à l’entente du verrou et baissai le regard vers ma montre, que nos ravisseurs ne m’avaient pas demandé d’ôter. Il était près de vingt-trois heures quand la porte s’ouvrit. Un sentiment de déception m’envahit lorsque la silhouette de Duncan parue, concurremment à celui de l’hostilité, qui demeurait inchangé. Armé de deux plateaux et d’un sac, il se déchargea de l’un d’eux avant de s’approcher vers moi. Par reflexe, j’agrippai les barreaux pour le toiser en dépit de ma posture d’infériorité. Un sourire apparut sur son expression jusque-là impassible.
— Les nouveaux invités en premier. Si tu veux être servi, je te conseille de reculer sagement jusqu’au fond de ton logis.
Un logis, tu parles ! D’une main, il sortit habilement de sa poche droite un taser qu’il enclencha, me démontrant son parfait état de fonctionnement. Sur mes gardes, je m’exécutai de mauvaise grâce. Vigilant malgré sa décontraction apparente, il entrouvrit ma cage et y déposa un plateau chargé d’un bol de soupe, accompagné d’une assiette contenant des œufs brouillés et un verre d’eau. Il extirpa de son sac un Tupperware qu’il lança négligemment vers moi. Dès que les barreaux claquèrent et qu’il s’éloigna pour servir mon binôme, je me décrispai légèrement. Je m’approchai, puis tendis la main vers la boite en plastique opaque que j’ouvris. Du papier toilette s’y trouvait, ainsi qu’une minuscule bouteille d’eau. Comprenant immédiatement l’utilité du Tupperware, je grimaçai de dégoût.
— Hey…j’imagine que le B.A.ba de l’hygiène, genre la douche ou de vrais sanitaires, ça vous passe au-dessus de la tête ?
Je relevai les yeux sur Duncan qui refermait la cage de Joyce, armé d’un emballage similaire à la mienne. Beurk.
— Sois contente, princesse, tu ne dors pas dans ta crasse. Je fais le ménage, répliqua l’armoire à glace en soulevant la boîte dans ma direction avant de l’enfouir dans un sac jetable.
Je vais vomir. Aussi révulsée qu’écœurée, je me contentai de suivre des yeux notre gardien se diriger vers la table à proximité, s’asseoir et s’accouder à la surface. Il se désintéressa totalement de nous, occupé à swiper ou scroller, à première vue, sur son écran de portable. Prise par un accès de colère je me précipitai sur la porte et enserrai les barreaux, tirant dessus.
— Où est Noah ? Pour quoi est-ce qu’il refuse de nous parler ? Combien de temps encore allez-vous nous retenir là ? hey, je vous parle !
Duncan leva la tête pour attraper mon expression furibonde. Sans surprise, il sourit face à mon agressivité vaine.
— Y a pas que ton joli minois sur Terre, le…
La sonnerie de son portable l’interrompit, et il décrocha sans me quitter du regard. Il ne faisait qu’écouter son interlocuteur, tandis qu’un rictus amusé naissait sur ses commissures. Au bout de quelques secondes supplémentaires, il mit fin au monologue de l’appelant.
— OK.
Rangeant son appareil, notre geôlier nous fixa tour-à-tour avant de recentrer son attention sur moi.
— Ton souhait va être exaucé, princesse. Ton patron préféré revient demain.
Noah
La veille, Centre pénitencier d’Houston, Texas
17 Novembre 2023
Pile à l’instant où Duncan interrompait la communication, le gardien me héla pour m’inviter à remplir la demande de visite. M’approchant, je sorti mon stylo personnel tout en jetant un coup d’œil au formulaire, déjà prérempli. Antidaté au lendemain, parfait. Je refreinai difficilement mon rictus en y inscrivant le nom de Jones, puis levai les yeux sur le maton qui me dévisageait déjà d’un air entendu. Hochant la tête, il me désigna d’un geste de la main le couloir d’attente, m’y escorta. Il posa ensuite une main sur mon épaule et m’incita à pivoter légèrement. De l’extérieur, nous semblions certainement en discussion cordiale. Seulement, dans l’angle-mort de la caméra de surveillance, il glissa dans l’attaché-case sous mon bras l’objet métallique que j’attendais.
— Prends la première à droite avant la sortie, murmura-t-il après un furtif coup d’œil alentour. Je suis de garde, tu auras le champ libre. Tu dois être dehors à la relève de 23H15. Une minute trente pour quitter les locaux, pas une seconde de plus.
Un jeu d’enfant. Je lui décochai un sourire d’apparence et lui serrai ostensiblement la main, comme l’assistant pro que j’étais censé incarner. Me dirigeant vers la direction précédemment prônée, une grimace empreinte de dédain et d’amertume gangrenait certainement déjà mes traits. Je suis toujours le bras droit de quelqu’un... encore à faire le sale boulot. Je me rappelai presque instantanément à l’ordre. Je sers mes propres intérêts, cette fois. Ma vengeance, notre vengeance, à Brett comme à moi. Je fais ça pour toi, mon frère. Paxton s’était montré plus que généreux et je lui étais loyal. Tant que son fils m’utilise pour servir mes objectifs, ça me va. N’était-ce pas ce que je voulais ? Mais s’il outrepasse sa promesse…peut importe qu’il soit un Hart ou non, je n’hésiterai pas à la lui mettre à l’envers.
***
45 minutes plus tard, cellule numéro 34, Centre pénitencier d’Houston, Texas
Le cliquetis sourd de la clé résonna dans la quiétude nocturne. Je déverrouillai sa geôle, ignorant le grincement de la porte, le regard fixe, aussi froid que le métal que je manipulais. Je savais le couloir désert grâce aux bons soins du gardien qui s’était fourvoyé auprès de ses pairs. Personne pour me voir, m’entendre. Personne pour intervenir. Je refermai dans mon dos, détaillant le prisonnier que l’impact avait vaguement tiré de son sommeil. En dépit de la pénombre, je n'eus aucun mal à m’adapter au changement de luminosité. Pas plus que lui. Lorsque ses prunelles trouvèrent les miennes, il se redressa totalement en position assise, bien éveillé cette fois. Ses inspirs, rapprochés et accrus, se firent entendre dans le silence étouffant, précédant ses suppliques.
— P…pitié…s…
Les feulements rauques qui s’extirpaient tant bien que mal de sa bouche, un mélange de mots et de syllabes à peine audibles ne me firent même pas battre des cils. Dévoré par la terreur, Thomas tremblait déjà de tous ses membres tandis que je m’avançais jusqu’à lui. Un éclair de lucidité le frappa, et ses lèvres s’écartèrent dans l’intention de hurler tout ce qu’il pouvait. Alerter quelqu’un. N’importe qui, pourvu qu’on l’entendit, qu’on le sauva. Même pas dans tes rêves les plus fous, Dickens.
Alec
18 Novembre 2023
L’après-midi était bien entamée lorsque nous regagnâmes le centre d’Houston. Durant le trajet, je fus sommé de me rendre au commissariat central au plus tôt au sujet de mon droit de visite, ce dont Weaton fut tout aussi surpris que moi.
— Moins de douze heures…Voilà longtemps qu’une demande de parloir n’avait pas aboutit de façon aussi express. Grayson se fera un plaisir de t’escorter là-bas, pas vrai, vieux ?
A sa gauche, le susmentionné détourna à peine les yeux de la route pour acquiescer.
— Je me charge d’aller inspecter les possibles lieux de détention des filles, poursuivit l’ancien inspecteur en se contorsionnant pour me fixer. De nuit, et seul, pour plus de discrétion.
Depuis la place arrière, je le dévisageai avec intensité. Il me comprit sans que je n’eu besoin de dégainer mon portable.
— Non, je n’ai plus d’armes et cette entreprise ne relève plus de mes fonctions, Jones, je sais. Mais tu n’es pas davantage légitime que moi. Et moi, je suis formé à ça.
— Flic un jour, flic toujours, railla son collègue en actionnant le clignotant de gauche pour s’engager dans le giratoire.
— Reste joignable, rétorqua Marc dans un soupir, et rejoins-moi quand vous aurez terminé. Toi, tu me fais un rapport détaillé sur le témoignage de Dickens et tu rentres chez toi.
Tu te fous de moi ?
« J’espère que tu plaisantes, Weaton, m’offusquai-je. On est que trois. »
— Deux, Jones. J’ai besoin que tu restes en vie.
Mon incrédulité ou l’ironie probablement très prononcée sur mes traits arrachèrent un faible sourire amer à l’ex-agent.
— Tu es le seul qui ait un intérêt à poursuivre cette enquête et à la mener à son terme. Si tu fais la lumière sur cette affaire, tu signes la fin de ma mise-à-pied. On en sort tous les deux gagnants. Ne crois surtout pas que je fasse tout ça pour ta belle gueule.
Je ricanai silencieusement en le voyant se retourner face au pare-brise, certain qu’à l’instar du regard amusé de Grayson dans le rétro, il souriait aussi.
***
18H, Centre pénitencier d’Houston, Texas
18 Novembre 2023
Je passai les portes du comico précédé par Grayson, plus qu’impatient de confronter le condamné. Il n’a qu’une seule chose à faire, les identifier. Dès lors où Noah et Duncan seraient officiellement suspectés d’enlèvement, le signalement des disparus ne pourrait plus être étouffé. Une enquête serait menée, apportant dans son sillage les liens entre eux et Alterwhite. Peut-être même Riley fils directement. Mais encore plus urgemment que le reste, Joyce.
Je n’eus pas effectué plus de trois pas en direction de l’accueil que deux agents en uniforme me barrèrent la route l’un d’eux armé d’un jeu de menotte argenté.
— Monsieur Alec Jones, vous êtes inculpé pour le meurtre de Thomas Dickens. Vous avez le droit de garder le silence…
QUOI ?
Sa phrase tomba comme un couperet entre Grayson et moi. Un regard me suffit à comprendre qu’il était aussi saisi que moi. Consumé par l’atterrement et la stupéfaction, je ne résistais à la poigne du second policier qui passait dans mon dos pour m’y lier les mains.
Dites-moi que c’est un canular foireux !
— Si vous renoncer à ce droit, continua le premier, tout ce que vous direz pourra et sera utilisé contre vous devant une cour de jus…
— Votre suspect est muet, l’interrompit Grayson en s’écartant de moi. Il ne vous opposera aucune résistance. Monsieur Jones a reçu une convocation en rapport avec son droit de parloir n’est-ce pas ? Quelles sont les circonstances de la mort de Dickens ?
Il est mort.
— Ne t’en mêle pas Grayson, l’avertit son collègue se retournant vers moi. Vous avez le droit à un avocat et d'avoir un avocat présent lors de l'interrogatoire. Si vous n'en avez pas les moyens, un avocat vous sera commis…
Dickens, mon seul témoin clé, en capacité de les identifier, vient d’être abattu.
J’avais la sensation que le sol s’effritait sous mes pieds, les murs tanguaient. Impuissant, le comparse de Weaton laissa les agents me traîner à travers les couloirs immaculés.
***
Joyce
Houston
18 Novembre 2023
Un bruit de pas se fit entendre, suivit de celui de la serrure. Rien qu’au son, moins trainants que les habituels, je sus qu’ils n’appartenaient non pas à Duncan, mais à Noah. Parvenant certainement à la même conclusion, Angélina se redressa de sa paillasse avec un coup d’œil dans ma direction avant de scruter l’entrée. Au grincement de l’entrée, je frissonnai malgré moi. La silhouette athlétique de l’ancien bras droit d’Alec apparut dans l’embrasure de la porte qu’il repoussa avec vivacité. Son regard passa d’Angie à moi, et un sourire dépourvu de joie s’empara de son faciès.
— Bonsoir, mesdemoiselles. J’espère ne pas interrompre vos projets d’évasion.
Comme si nous pouvions nous enfuir. Sa remarque me fit grincer des dents.
— Vous nous kidnappez pour nous laisser moisir seules sur une paillasse datant d’avant J.C., se révolta mon binôme.
— Vous n’étiez pas seules. Duncan vient vous rendre visite.
Comme aucune de nous ne pipa mot, il brisa le silence.
— Navré de vous avoir laissé si longtemps désœuvrées et sans explications, s’inclina-t-il en tirant l’une des chaises vide pour l’approcher un peu plus de nos deux cellules.
Je m’installai le plus confortablement possible dans ma geôle, très attentive à ses paroles.
— Vous c-comptez nous dire ce que vous v-v-voulez de nous ?
— Mon supérieur a accepté de vous laisser une chance de gagner votre liberté, approuva-t-il. A toutes les deux.
Qu’est-ce que ça cache ? Comment peut-il ne serait-ce qu’imaginer prendre le risque de nous relâcher ?
Angie et moi échangeâmes un regard aussi dubitatif qu’ahuri avant de tourner la tête vers notre ravisseur comme un seul homme.
— Pourquoi feriez-vous ça ? Qu’est-ce qui vous fait croire que nous ne révélerons rien aux autorités locales une fois dehors ? allégua-t-elle. Ne me faites pas croire que Riley Hart nous fait confiance.
— Ce ne sera pas gratuit, précisa Noah en croisant l’une de ses chevilles sur son genou opposé.
— Que devrons-nous faire ? questionna ma codétenue sur la réserve.
— J’attendais que tu me poses la question, Angie.
Ses yeux, semblables à deux balles de revolver, étaient rivés sur elle.
Malgré moi, je cherchai encore lui le Brett de mes souvenirs. Le patron jovial qu’il avait été, le conseillé précieux. L’ami, l’homme fidèle, loyal, investit. Foutaises. J’écartai définitivement ces réflexions parasites en le dévisageant. La couche de verni est écaillée. Le sourire était factice, la douceur de son regard n’était qu’illusion. Ce que tu vois-là Joyce, c’est le vrai visage de cette ordure. Il ancra ses deux pieds au sol avant d’ouvrir une nouvelle fois les lèvres.
— Alec est en salle d’interrogatoire à la minute où je vous parle.
Qu’est-ce qu’il fabrique en garde-à-vue ?
J’eus un mouvement de recul involontaire à ses mots, que Noah capta immédiatement.
— Il est soupçonné de meurtre. Et vous allez témoignez contre lui, certifiât-il sans broncher, alors que ses prunelles braquaient les miennes.
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Bonjour tous le monde !!!
Alors que sa collab avec Weaton se poursuit à merveille, qu'ils sont sur le point d'avoir un début de preuve, le témoin est assassiné et Alec se fait à sa plus grande surprise appréhender pour son meurtre. Noah compte utiliser les jeune journalistes...
Je me suis laissé emporté, ce chapitre faisait plus de douze pages XD voici la première partie, la suivante ne devrait plus tarder !
Le prochain chapitre, toujours narré par Joyce, nous dévoilera absolument tout ce que nous avons besoin de savoir sur Noah /Brett....à très vite !!
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