Le silence s’était installé à nouveau.

Kael n’avait pas bougé depuis des heures. Ou des minutes. Ou des jours. Le temps n’avait plus de logique ici.

La vision d’Alisra refusant la connaissance pour lui hantait ses pensées comme un feu lent. Elle brillait dans sa mémoire plus que toutes les étoiles qu’il avait contemplées dans sa vie. Plus que tout ce qu’il croyait vouloir.

Mais maintenant, quelque chose changeait.

La pièce vibra. La paroi se rétracta en spirale. Une nouvelle ouverture se forma, différente des autres : organique, battante, comme un passage vivant.

Il inspira.

– "Je viens, Alisra. Même si ce n’est qu’un pas vers l’inconnu."

Il entra.

Le couloir était obscur, presque liquide. Les murs pulsaient faiblement, comme s’ils respiraient. Au bout, une lumière douce. Une pièce arrondie, presque chaleureuse.

Et au centre…

Elle.

– "Alisra ?"

Elle se retourna. Son regard ambré le frappa de plein fouet.

C’était elle.

Même posture. Même voix.

– "Kael… tu es là. Tu m’as trouvé."

Il s’élança vers elle. La prit dans ses bras. La chaleur de sa peau. Son odeur. Sa façon de poser une main sur son torse. C’était réel.

Mais au fond de lui… une tension. Une note dissonante.

– "Tu es blessée ? Est-ce qu’ils t’ont fait du mal ?"

Elle secoua la tête.

– "Non. J’ai résisté. J’ai tenu bon. Mais je n’aurais pas pu sans toi."

Il la regarda. Il voulait y croire. De tout son être.

Mais quelque chose clochait.

Elle n’avait pas de cicatrice sur la main droite — celle qu’elle s’était faite enfant, en tombant près de l’observatoire. Une trace qu’il connaissait. Qu’il avait vue des dizaines de fois.

Et surtout… ses yeux.

Il n’y avait aucune peur dedans. Aucun doute. Seulement une perfection froide, presque programmée.

– "Tu n’es pas elle."

Elle sourit. Doucement.

– "Je suis ce que tu veux qu’elle soit."

Il recula. Ses poings se serrèrent.

– "Montrez-moi votre vrai visage."

La fausse Alisra s’approcha, sa voix se teinta d’une étrange mélodie.

– "Elle t’aime, Kael. Mais elle ne t’a jamais tout dit. Elle est plus liée à nous que tu ne l’es. Elle est née de la fusion de deux espèces. Elle est le pont. Tu n’es… que l’observateur."

Il ferma les yeux. Une douleur sourde dans la poitrine. Des fissures dans ses certitudes.

– "Je ne suis pas ici pour l’observer. Je suis ici pour la sauver. Même d’elle-même."

– "Et si elle ne veut pas être sauvée ?"

La forme d’Alisra se dissout lentement. Une pluie de lumière. Un souvenir effacé.

Kael resta seul. Essoufflé. Égaré. Mais debout.

Et quelque part, au fond de son esprit, une question éclata comme une étoile mourante :

"Et si… la vraie Alisra n’était plus elle-même ?"