CHAPITRE XVI : des âmes tourmentées (2)
Flore et Thibaut chez Marianne
Le vieux quitta Flore et Thibaut, juste après l’entretien. Il préférait regagner le camp, malgré l’heure avancée et les protestations des deux tourtereaux.
— Ne vous inquiétez pas, il peut encore bien marcher le « vieux », dit-il avec un sourire et je n’ai pas peur de la nuit. Quant à vous deux, votre avenir est ici et pas là-haut, termina-t-il en levant le doigt.
Résignés, ils le laissèrent partir. Flore prit Thibaut par la main et l’entraîna dans les ruelles pavées. Il savait bien où elle voulait en venir, elle souhaitait le présenter à Marianne, la mercière. Il s’en accommodait du moment qu’il restait avec sa bien-aimée. Marianne se trouvait justement en pleine conversation avec deux jeunes filles, visiblement jumelles bien que très différentes. Mais ce qui le saisit, ce fut cette grande fille noire de peau. Il n’avait jamais vu une telle personne. Il resta immobile et sans voix tout comme Flore, sur le seuil de la boutique. Marianne, les apercevant, leur fit un petit signe. Mais les tourtereaux ne quittaient pas Aléma du regard, cette dernière se sentit obligée d’intervenir.
— Je vous fais peur ? demanda-t-elle.
Ils sursautèrent.
— Non, bredouilla Flore, nous étions surpris c’est tout.
Aléma éclata de rire.
— N’en faites pas, j’ai l’habitude.
— Excusez-nous si on vous a offensé, reprit Flore.
Viviane et Aude les rejoignirent.
— Bonjour, vous savez, Aléma vient d’Afrique. Notre père l’a attachée à notre sécurité. C’est sûr que nous nous faisons plus remarquer maintenant, mais Aléma dégage de belles qualités de bretteuse.
Marianne sentit qu’elle devait intervenir.
— Viviane et Aude, je vous présente Flore et son promis. Ce sont les deux personnes dont je vous ai parlé qui viendront me seconder.
Les sœurs effectuèrent un petit signe de tête. Thibaut perçut le regard appuyé que lui porta celle prénommée Viviane, la mieux habillée. Il esquissa un coup d’œil vers Flore et compris à son petit sourire que cet échange ne lui avait pas échappé.
Elles sortirent.
— Mes meilleures clientes, les filles de Weinberghügel. Et cette fille étrange qui vient d’Abyssinie leur sert de garde du corps. Mais entrez !
Elle leur fit visiter la boutique. Flore s’extasiant devant des étoffes de velours, des fils d’or, des dentelles fines ou des rubans de soie. Thibaut regardait de loin, riant intérieurement de la frivolité des femmes. Marianne l'observait par moment. Il comprit qu’elle essayait de le mêler à la conversation. L’entrée d’une nouvelle cliente la rappela vers l’étal à l'extérieur. Flore se tourna vers Thibaut.
— Alors qu’est-ce que tu en penses ?
— Ma mie, si cette vie te convient, alors elle me convient.
— Mais j’aimerais avoir ton avis, vraiment.
Il la devinait un peu exaspérée. Elle voulait sans doute plus d’enthousiasme de sa part sur son projet, mais il n’arrivait pas à avoir réellement d’idées. Jusqu’à maintenant, il se destinait à la vie de charbonnier sans avoir à réfléchir plus loin. Il pensait avoir un avenir tout tracé avec Flore, leur existence semi-nomade et des enfants qu’il se faisait une joie de voir grandir. À présent, ces projets en ville changeaient beaucoup de choses, mais il était certain de s’y adapter.
— C’est un autre monde, mais je suis sûr que cela va me convenir. Il faut en parler avec ton amie.
Marianne, justement, revenait.
— Bon vous restez cette nuit ici bien sûr. Je vous prépare un souper et nous pourrons parler de tout ça, finit-elle avec un sourire vers Thibaut.
Elle ferma sa boutique et les invita à prendre l’escalier qui menait à ses appartements.

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