CHAPITRE XVIII : Un moment de réconfort (2)
Les émois de Benoit
Benoit ne parvenait pas à lutter. Dès que son esprit n’était pas occupé par une tâche physique ou mentale, les souvenirs de Lisette lui revenaient, vifs et lumineux, accompagnés de sentiments qu’il avait de la difficulté à ordonner. Depuis cette rencontre, il s’était plongé dans les textes disponibles à la bibliothèque. Les textes montraient la femme sous l’aspect tentateur, source de vices et de luxure.
Et pourtant, se questionnait Benoit, Dieu a bien dit : “Aimons-nous les uns les autres.” Alors, pourquoi ne devrait-on pas aimer les femmes, qui représentent tout de même la moitié de l’humanité ? Il se souvenait des paroles de son instructeur qui lui avait expliqué que l’on devait aimer son prochain comme Dieu nous aimait tous, plein de bonté, et de miséricorde et non charnellement, tout comme nous devions vivre dans l’amour de Dieu. La vie d’un prêtre, lui avait-on répété, devait se consacrer à l’amour divin, invisible, mais omniprésent. Benoit éprouvait beaucoup de mal à aimer quelqu’un (quelque chose ?) d’invisible qu’il ne percevait pas au fond de son âme. Le voyant ainsi tourmenté, Biber lui fournit un livre.
— Je t’ai apporté ce recueil de textes provenant d’un penseur libre d’esprit. Je l’ai trouvé tout à fait par hasard, car il fait partie des livres interdits, dans le côté de la bibliothèque qui appartient au practice. Je ne sais même pas comment il se fait que l’on trouve ce genre d’écrit ici. Tu vas voir, c’est une autre façon d’aborder et de comprendre les sentiments qui te troublent.
Benoit décida d’emporter le livre dans sa cellule. Ce soir-là, il se hâta de quitter le réfectoire pour s’isoler. Il posa une chandelle devant lui et ouvrit l’ouvrage mystérieux. Ce qu’il y lit le plongea dans la plus grande perplexité. L’auteur, un homme visiblement en dehors de la foi chrétienne, ne mâchait pas ses mots. Les passages sur les rapports hommes femmes l’entraînèrent vers un horizon de réflexions qu’il n’avait jamais osé imaginer. L’auteur démontrait, dans un premier temps, toute l’hypocrisie des religieux vis-à-vis de cette « créature » qui portait dans la fente qu’elles avaient entre les jambes tous les péchés du monde en oubliant bien vite qu’ils étaient passés par cette même fente, celle de leur mère, pour venir au monde et nous dégoiser ensuite toutes leurs niaiseries. Benoit s’interrogea sur cette fente située dans l’entre-jambes. Lisette lui avait précisément montré cet endroit, mais il n’y avait vu aucune fente. Il faut dire que l’endroit s'était révélé fort poilu (ce qui l’avait surpris) et surtout que la vision en avait été brève, suffisante toutefois pour enflammer l’esprit de Benoit (enfin, l’esprit n’est peut-être pas le juste mot). Plus loin l’auteur expliquait que « l’accouplement mâle-femelle était tout ce qu’il y avait de plus courant dans la nature, alors pourquoi Dieu aurait-il interdit ce droit aux hommes ? Mettant ainsi le doigt sur une contradiction de plus. Il terminait ce passage en conviant les âmes et les corps à se rejoindre et à s’accoupler, car il n’y rien de plus doux en ce monde pour l’homme que de glisser son attribut rigide dans le con de sa douce, laquelle le recevra avec tout autant de plaisir. Les deux êtres, ainsi unis, atteindront la félicité ».
« Atteindront la félicité » ? Benoit ferma le livre machinalement, totalement perdu dans des pensées nouvelles et révélatrices. Il se coucha, mais le sommeil ne vint pas. Il revoyait perpétuellement Lisette en imaginant ce con où il était si doux de se glisser. Il sombra dans un sommeil agité et se réveilla avec une érection honteuse. Il avait déjà ressenti cette sensation, mais avait réussi à la réprimer. Ce matin, elle se révélait presque douloureuse. Il se leva et se mit à genou devant son crucifix en priant longuement pour que Dieu l’éloigne de la tentation. Mais Dieu, visiblement, détenait peu de pouvoir en ce domaine, car il garda ce désir logé au fond de lui toute la journée suivante. En fin de compte, il comprit qu’il avait perdu et qu’il irait au rendez-vous.
Et ce rendez-vous c’était maintenant. À peine avait-il entrouvert la porte que Lisette se faufila à l’intérieur avec l’agilité d’un chat et lui sauta au cou, écrasant ses lèvres sur les siennes dans un baiser aussi audacieux qu’électrisant.
— Je savais bien que tu n’y résisterais pas, mon petit moine, murmura-t-elle en un sourire espiègle. Voyons voir ce qu’il y a là-dessous.
Elle s’accroupit d’un geste vif et souleva son aube d’un coup sec. Benoît pris de court, tenta un mouvement maladroit pour retenir le tissu, mais Lisette avait déjà aperçu ce qu’elle cherchait. Ses doigts effleurèrent les testicules du jeune homme, déclenchant un sursaut.
— Mon Dieu ! s’exclama-t-il, rouge jusqu’à la racine des cheveux.
Lisette releva la tête en arquant un sourcil et le regarda avec un air faussement sévère. Elle renifla, grimaça légèrement, puis se leva en tirant Benoît par la main.
— Bouf ! et bien dis donc, c’est pas souvent aéré là-dessous ! Voyons, tiens, viens !
Elle le prit par la main et s’approcha d’une fontaine. Elle lui fit relever son aube bien sous la taille et entreprit un nettoyage de son sexe avec soin. L’eau froide saisit Benoit, largement compensé par la chaleur qu’il sentait monter dans son bas-ventre et ses reins suite aux attouchements de Lisette qui continuait son travail avec une application presque exagérée, tandis que Benoît laissait échapper de petits « Mon Dieu » épars, les yeux rivés sur le ciel, comme pour implorer une intervention divine.
— Bien c’est mieux. Allez ! on va rentrer là-bas, dit-elle en désignant le bâtiment de rangement.
Elle l’entraîna vers la première porte qui se présentait. Benoit était totalement inhibé, à sa merci, se laissant mener tel un enfant. Ils pénétrèrent dans une ambiance à l’odeur de foin. Une grande balle de paille était placée dans la pénombre, comme une invitation silencieuse. Lisette y poussa Benoit qui s’affala sur le dos.
— Au fait, comment tu t’appelles ?
— Euh… Benoit.
— Dis-moi Benoit, c’est la première fois, hein ?
Il ne put qu’approuver de la tête.
Elle se hissa à califourchon sur lui et, d’un geste naturel, dégrafa le haut de sa robe. Benoît sentit son souffle se couper en voyant apparaître deux petits seins blancs, juste devant son visage.
— Mon Dieu !
— Bon, écoute Benoit, laisse Dieu en dehors de ça ! Et mets plutôt tes mains ici, encouragea-t-elle en guidant ses mains tremblantes sur sa poitrine.
Benoit, hypnotisé, tâta doucement comme s’il manipulait une relique sacrée. Voyant cela, Lisette soupira.
— Mais c’est pas du cristal, bon sang ! Allez, sois pas timide. Tâte un peu, c’est fait pour ça.
Il y mit plus d’ardeur, la chaleur de ses seins, la peau si douce, leur souplesse mélangée à la fermeté, une vraie merveille ! L’effet sur son sexe ne se fit pas attendre. Ce que détecta Lisette. Avec une aisance naturelle, elle se redressa et, saisissant son sexe raidi, s’empala sur lui dans un mouvement fluide.
Benoit sentit monter un désir incroyable, quelque chose d’inconnu jusqu’alors.
— Oh mon Dieu, cria-t-il presque.
Lisette éclata d’un rire franc et le regarda dans les yeux.
— À force de l’appeler, il va finir par débarquer avec des éclairs et des trompettes.
Elle entama un rythme lent, qui s’accéléra à mesure que leur respiration s’emballait. Elle se pencha en avant, lui plaça les mains sur les joues, puis lui caressa sa tonsure, ce qui l’excita au plus haut point. Elle commença à crier, ses yeux rivés dans les siens ce qui affola Benoit, mais emporté par une onde de plaisir totalement nouveau pour lui, il se laissa submerger par son orgasme et celui de Lisette, qui reçut son sperme dans un ultime gémissement. Elle s’affala sur lui. Il ne savait quoi faire ; il posa doucement ses mains sur elle. Elle ne bougeait toujours pas. Benoit, qui avait repris ses esprits, espérait que personne n’avait entendu. Enfin Lisette releva la tête et le gratifia d'un long baiser en insinuant sa langue. Benoit trouva cela terriblement délicieux.
— Tu apprends vite, murmura-t-elle.
Décidément cette journée venait de lui ouvrir tout un monde inconnu. Les deux amants se réajustèrent et Lisette lui caressa tendrement la joue.
— Quand tu veux mon petit moine, je lave tous les mercredis durant tout l’après-midi.
— Déjà ? implora-t-il.
Elle le regarda avec une pointe de pitié.
— Je regrette vraiment de ne pas pouvoir rester plus. Tu le mérites, lui susurra-t-elle en lui caressant les joues.
— Écoutes ! pour passer plus de temps, ça irait le soir, mais pas ici sur cette paille, plutôt dans ta chambre.
Benoit réfléchissait à la proposition de Lisette, car il voulait vraiment la revoir.
— Ma « chambre » est une cellule pas très gaie. Je vais trouver et je te dirai.
— Bien mon petit moine. Tu me trouveras comme je t’ai dit, les mercredis après-midi, et on se donnera rendez-vous.
Elle disparut rapidement, laissant Benoit avec sa frustration.
Je ne suis pas moine.
Il était temps de regagner les bâtiments, en espérant qu’on ne lui poserait pas de question sur son absence. Il repassait en boucle le merveilleux moment qu'il venait de vivre, les yeux encore pleins des merveilles que lui avait offertes Lisette, mais trop peu, hélas. Le reste de la journée l’accapara assez pour qu’il n’y pense pas trop jusqu’à son coucher où il se remémora avec délectation son instant de bonheur. La mauvaise conscience revint aussi le torturer, mais la proposition de Lisette pour le revoir l’emportait largement. Elle était passée dans sa vie comme une tornade qui laisse des traces indélébiles dans le paysage.

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