CHAPITRE XVIII : Un moment de réconfort (5)
Une vraie nuit d’amour
Benoit attendait à la porte secrète depuis trop longtemps et toujours pas de Lisette en vue. La soirée était bien avancée et la pénombre s’étendait sur la ville, accentuée par la masse des remparts. Sa silhouette s’estompait dans la muraille. Il lui avait fixé ce rendez-vous, mercredi dernier. Une occasion s’était enfin présentée de passer une nuit avec elle. Benoît avait été désigné pour seconder le cellérier. Il l’aidait pour la gestion de l’approvisionnement de la communauté. La tâche était ardue, mais pas rebutante. Il se plaisait au milieu des tonneaux de vins et de bière, à surveiller la livraison des légumes et du pain. Et puis, cela lui permettait quelques « extras » parfois, lorsque le père Roban voulait bien fermer les yeux. Et, pour la première fois depuis qu’il était attaché à ce poste, le père Roban lui avait annoncé qu’il devait s’absenter quelques jours pour régler un problème de ravitaillement en farine de froment. Il devrait gérer seul l’intendance et garder les locaux. Benoît saisit aussitôt cette chance, car le père Roban, de par sa fonction de cellérier, jouissait d’une chambre attenante au dépôt, isolée et tranquille. Il allait pouvoir y recevoir Lisette en toute discrétion. Et heureusement, la belle pouvait se libérer avant le retour du prêtre. C’était aujourd’hui. L’appréhension montait chez Benoit au fur et à mesure que le temps passait. Il ne savait quand il pourrait avoir une prochaine occasion. Et puis il devina une ombre qui se déplaçait vite, elle arriva essoufflée, s’arrêta devant lui et, avant toute parole, l’embrassa ardemment, le laissant sans voix.
— J’espère que tu ne t’inquiétais pas trop mon petit moine, de toute façon, nous avons toute la nuit alors… On y va ?
Benoit ouvrit la bouche, mais il ne sut quoi dire. Déjà elle l’entraînait plus loin. Il passa devant pour qu’elle le suive. Arrivés devant le large bâtiment des cuisines et du grand cellier, il lui fit signe de ne pas faire de bruit. Il ouvrit précautionneusement la porte qu’il ne put empêcher de grincer. Il glissa une tête à l’intérieur et ne détecta aucun mouvement. Il lui prit la main pour la guider. Lisette se montrait toute excitée. Elle pouffa. Il voulut lui faire une remarque qu’elle étouffa avec un baiser. Elle sentait bon la violette. Ils s'introduisirent dans le vaste cellier. Lisette écarquillait les yeux comme si elle venait de pénétrer dans une cache au trésor. Elle se glissait entre les tonneaux de bière, regardait la réserve de choux. Benoit la vit saisir un petit pain qu’elle dévora. Il envisagea de la réprimander, mais il la trouvait délicieusement insolente. Son rire lui apportait une joie immense. Lorsqu’elle eut assouvi sa curiosité, il lui montra la chambre. Elle était sommaire, sobre, mais bien chaude, parfaitement propre, Benoit y avait veillé. Elle s’approcha de la paillasse de lin et tâta. Elle fit une moue de satisfaction et se retourna face à Benoit. Ses yeux pétillaient.
— Là tu vois, il y a ce lacet, tire dessus.
Benoit, la main un peu tremblante s’exécuta et le haut de la robe s’ouvrit, laissant jaillir deux seins de porcelaine. L’ouverture continua à s’élargir et la tunique tomba, livrant le corps nu de Lisette au regard de Benoit qui resta figé. Elle ne bougeait pas, lui laissant tout loisir de se délecter de la vision de son corps. Il toucha délicatement sa poitrine, la caressa. Lisette frémit. Elle lui fit passer sa soutane par-dessus la tête et sourit en constatant que Benoit avait anticipé et qu’il ne portait rien d’autre. Ils restèrent silencieux face à face. Elle frôla son torse, laissant ses doigts errer dans ses poils. Elle glissa lentement sa main jusqu’au pubis, Benoit sentit son cœur toquer à sa poitrine, elle descendit encore pour le caresser, il gémit. Elle l’embrassa et il lui rendit son baiser. Elle se coucha sur le lit ouvrant ses jambes. Benoit vit enfin cette fente si désirable, le lieu de « toutes les félicités ».
— Viens là, lui dit-elle en désignant son sexe.
Il s’accroupit entre ses cuisses. Elle lui poussa doucement le visage contre ses lèvres. Il frotta sa joue contre la toison drue de Lisette, et puis il apposa ses lèvres sur la vulve et fut subjugué par la douceur de ce velours. Il y déposa des baisers. Il était déjà terriblement excité. Il remonta doucement tout le long du corps parfumé de sa douce, baisant, caressant, ne pouvant détacher sa joue de la douceur des seins. Son sexe en érection buta contre celui de Lisette qui d’un simple coup de reins l’aida à la pénétrer. Benoit découvrit enfin la « félicité ». Son excitation était telle qu’il éjacula presque immédiatement en plusieurs spasmes. Lisette lui caressa les cheveux.
— C’est bien mon doux, viens là.
Il coucha son visage sur sa poitrine. Il percevait les battements de son cœur. Il s’abandonna à la douceur de sa peau. Plusieurs fois durant la nuit, leur ardeur se réveilla pour les emporter dans une tempête de désirs et d’émotions. Lisette guida Benoit avec patience, lui révélant les mystères du plaisir et la douceur des étreintes. Il s’abandonna à elle avec une confiance totale, et elle, avec une tendresse désarmante, l’initia à ce monde nouveau.
Fatigué, Benoit caressait le dos de Lisette étendue sur lui. Ils étaient en sueur. Elle releva la tête, ses cheveux en désordre encadrant son visage, et déposa un baiser furtif sur ses lèvres. Benoit la regarda, le cœur battant, incapable de contenir les mots qui montaient en lui.
— Je t’aime, lui murmura-t-il.
Elle eut un petit rire.
— Et qu’est-ce que tu connais de l’amour, toi ? demanda-t-elle doucement, ses yeux sombres fixant les siens avec une intensité troublante.
Benoit ouvrit la bouche, mais aucun mot ne vint. Que savait-il vraiment de l’amour, en effet ? Il baissa les yeux, cherchant une réponse en lui-même, mais Lisette poursuivit avant qu’il ne puisse parler.
— C’est normal, tu sais. Je suis ta première.
Il la scruta avec une gravité presque enfantine, cherchant à percer ce voile qu’elle semblait maintenir autour de ses propres sentiments.
— Mais toi… tu ne ressens rien pour moi ?
Elle le regarda fixement et, pour toute réponse, lui fit un long et profond baiser. Benoit resta en proie à ses doutes, tandis qu’elle posait à nouveau sa tête contre son épaule. Peu à peu, le sommeil les emporta, mais son esprit restait agité, hanté par une question qu’il n’osait plus formuler.
Bien avant que l’aube ne se lève, Lisette s’éveilla. Elle déposa un baiser léger sur la joue de Benoit endormi, puis se leva pour se rhabiller en silence. Le bruit feutré de ses mouvements tira Benoit de sa torpeur. Il ouvrit les yeux juste à temps pour la voir passer sa robe.
Sans un mot, il se leva pour l’accompagner. Ils se glissèrent dans les couloirs déserts, son attention tendue vers chaque craquement dans l’obscurité. Lorsqu’ils atteignirent enfin la porte secrète, la lueur pâle du jour commençait à filtrer sur les murs de pierre. Benoit ouvrit le passage à contrecœur.
Lisette se tourna vers lui, son visage baigné d’un mélange de tendresse et de distance.
— On se reverra, murmura-t-elle, avant de l’embrasser une dernière fois.
Ce baiser, aussi doux fût-il, marquait une séparation qu’elle semblait avoir déjà acceptée. Puis elle s’éclipsa, légère et silencieuse, glissant hors de sa vie aussi facilement qu’elle y était entrée.
Benoit resta immobile, seul, dans l’encadrement de la porte. Le froid de l’aube lui parut soudain plus mordant. Une étrange sensation de vide l’envahit, un gouffre qui semblait s’ouvrir en lui. Tout son être, encore empreint de la chaleur de Lisette, se heurta brutalement à son absence.
Il leva une main tremblante, cherchant à contenir le tumulte dans sa poitrine. Son cœur battait fort, mais l’écho qu’il entendait n’était plus que solitude. Était-ce cela, aimer ? se demanda-t-il, tandis qu’une douleur qu’il ne comprenait pas encore s’installait en lui. Le souffle court, il ferma la porte avec une lenteur infinie.

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