CHAPITRE XX : La menace se précise (3)
La nuit s’amorçait déjà lorsque la communauté se regroupa autour du feu. Tout le monde affichait une légère interrogation. Hans prit la parole et expliqua les faits, mais très vite, s’effaça pour laisser Thalia et Naraël compléter les informations. Le récit achevé, l’ambiance avait changé, les visages s’étaient fermés. Un silence impressionnant planait sur le groupe. Hans reprit la parole.
— La situation est claire, nous devons décider si nous abandonnons la place, mais surtout quand ? Nous aurions pu finir pour la première lune de Cantros.
Brotdieb se leva.
— Je respecte beaucoup Thalia et Naraël.
Il marqua une pause.
— Mais je crois que nous n’avons pas le choix, nous devons rester encore deux mois si nous voulons produire suffisamment pour nourrir nos familles. Pour le moment, nous n’avons plus de nouvelles de ces bêtes terribles et nous produisons bien, rapidement. Voilà.
Il se rassit, accompagné par une rumeur d’approbation. Le Henki leva la main. Hans soupira.
— Moi, je crains pas ces Täifel ou ces… bêtes. Ici on est bien, on peut rester. D’ailleurs, Thalia, tu peux pas dire si ce danger est proche, hein ?
Elle se leva à contrecœur.
— Ce qui est sûr, c’est que les signes sont là. Avec ce cri, nous avons la confirmation du danger. Je ne crois pas que cela nous vise précisément. Toute la vallée est concernée, même la ville. Mais, ici, nous sommes plus vulnérables, voilà. Alors non, je ne peux pas vous donner plus de précisions.
— Bon, écoutez, reprit Hans Steinmann. Pour le moment, nous allons essayer d’augmenter la production. Je sais que nous travaillons dur, mais nous pouvons le faire. Disons que nous pouvons nous donner Mabon comme date. Et, dans ce cas nous pourrons fêter le mariage de nos deux jeunes que je n’oublie pas, dit-il, en se tournant vers le couple.
Flore soupira. Elle avait suivi ce débat avec inquiétude, gardant en tête cette échéance que leur avait fixée le Wispergard. Hans continuait son explication.
— Cela nous ferait terminer un mois plus tôt, nous pouvons le faire. Thalia et Naraël vont rester vigilants. Je sais que vous leur faites entièrement confiance. Je crois que nous pouvons aller nous coucher maintenant. Demain il y a de l’ouvrage, nous nous lèverons plus tôt.
Chacun se leva comme à regret. Les discussions allaient bon train et il y avait fort à parier que le sommeil ne viendrait pas tout de suite. Flore et Thibaut rejoignirent Hans en conversation avec les deux chamans. Thalia se tourna vers Flore.
— Je comprends votre inquiétude.
Thibaut affichait un visage sombre.
— Alors, Naraël, ce que j’ai vu à l’Arbre-Maître était réel, n’est-ce pas ?
Le vieux regarda Thalia. Elle lui fit un léger signe d’approbation.
— Venez, nous allons parler de ça chez moi.
Flore se colla contre Thibaut, la boule au ventre.
— J’ai reçu de nombreux signes, commença Thalia. Je sens une menace plus précise sur vous deux et encore plus sur toi Thibaut. Je ne sais pas l’expliquer ni la préciser plus. Mais c’est ce que veulent bien nous apprendre les signes, dont tes songes Thibaut. Alors oui, c’est cette menace qui est à l’origine de tes visions à l’Arbre-Maître. Mais, je te le répète, rien n’est écrit, ce ne sont que des signes d’avertissement, sans plus.
Flore serra le bras de Thibaut. Il montrait un visage décomposé. Il balbutia.
— Moi… mais pourquoi… enfin ?
— Nous n’avons pas voulu t’en parler plus tôt, car il n’y avait rien de précis… jusqu’à ce cri qui confirme la menace. Mais je ne peux t’en dire plus. En tout cas, je ne vois pas de danger imminent. Je ne veux pas que tu aies peur, surtout, c’est trop imprécis. Je suis désolée pour vous deux.
Elle posa ses mains sur celles de Flore.
— Mais on va tout faire pour que vous ayez un beau mariage.
Flore lui adressa un timide sourire. Ils sortirent. Flore serrait la taille de Thibaut, laissant sa tête sur son épaule. Il s’arrêta et la regarda.
— Écoute, mon amour, il ne faut pas que tout cela change quoi que ce soit. Ici, nous sommes entourés. Ça va aller, tu verras.
Elle comprit qu’il prenait sur lui pour qu’elle n’ait pas trop d’angoisse. Elle le regarda, submergée par l’émotion et son amour pour lui. Elle l’embrassa longuement. Ils se séparèrent doucement.
— Je t’aime, lui dit-elle, oh oui, plus que tout et, ensemble, nous sommes forts.
Chacun regagna son logement.

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