CHAPITRE XXIII : Le consensus impossible (1)
Le regard de Nyx
Gunnar se tenait aux côtés de Hakon, face au Baron Noir. Ce dernier les observait d'un regard vide, empli d'une menace silencieuse. Une sensation de froid glissa le long de l'échine de Gunnar, chaque rencontre avec le spectre ravivait en lui une terreur instinctive qu'il ne parvenait jamais à maîtriser. Derrière eux, Nix était allongée nonchalamment sur un canapé drapé de velours sombre, sa posture alanguie contrastant avec la tension de la scène. Ses yeux, mi-clos, suivaient les traits de Gunnar avec une attention indéchiffrable, un sourire à peine esquissé jouant sur ses lèvres. Il sentit son regard comme une caresse invisible, déroutante.
La voix du Baron s'éleva soudain, caverneuse, résonnant comme un souffle de mort
— Cette fois, vous avez accompli votre tâche au couvent. Je n'en attendais pas moins de vous. Il est temps d’envisager la suite. Préparez une centaine d’hommes. Choisissez les meilleurs. Entraînez-les sans relâche. Puis-je compter sur vous deux ?
— Certainement, maître ! répondit Hakon, un peu trop promptement, sa voix vibrante d'une ferveur teintée d'appréhension.
Le spectre leva la main.
— Allez.
Ils obéirent, quittant la salle d'un pas raide. Une fois parvenus à la fin du couloir obscur, Gunnar attrapa Hakon par le bras.
— La suite... Tu sais ce que c'est ?
Hakon resta silencieux un instant, fixant son acolyte comme s'il pesait ses mots, avant de secouer la tête.
— Non. Mais on sait comment préparer les hommes. Ça suffit.
Un éclat de malice traversa ses yeux, et il esquissa un sourire ambigu.
— Quoi ? demanda finalement Gunnar, exaspéré par le silence lourd de sous-entendus.
Hakon lui tapota la poitrine du dos de sa main.
— Tu as vu comme Nix te regardait ? Pourquoi, à ton avis ?
Le cœur de Gunnar manqua un battement. La remarque le déstabilisa. Il avait bien senti ce regard insistant, comme une flamme sous la peau. Il revoyait le sourire qui s'attardait sur le visage de la sorcière, sa robe révélant ses courbes avec une audace calculée. Et ce sourire… était-il un jeu ? Une provocation ?
Il détourna les yeux, feignant l'indifférence, mais ses épaules étaient tendues.
— J'en sais rien, grogna-t-il en levant la main comme pour chasser la question, puis il se retourna brusquement.
— Ça n'a pas d'importance.
Il s'éloigna d'un pas rapide, mais le poids du regard de Nix le poursuivait toujours, niché dans un coin de son esprit.

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