CHAPITRE XXIV : Un mariage dans la douleur (1)
Convaincre les charbonniers
Ancelin, accompagné de trois hommes, arriva en début d’après-midi. Steinmann les vit en premier et vint vers eux. Ancelin lui expliqua rapidement la situation. Tout le camp était au courant du drame de Schwartzenthann. Hans décida de réunir le groupe dans l’heure.
La nouvelle réunion ne suscita aucune réticence. L'atmosphère dans la communauté était tendue, l'angoisse palpable. Le massacre des religieuses de Schwartzenthann hantait chaque esprit, comme un sombre présage.
Hans se plaça au centre de l'assemblée, levant une main pour réclamer le silence.
— Vous savez que, comme nous l’avait dit Thalia, le massif n’est plus sûr, commença-t-il. Cela se confirme avec le massacre de ces religieuses. Le gouverneur de Dànn veut ramener tous les habitants de la vallée vers la ville. Ancelin, ici, est venu pour nous escorter.
Les murmures se firent plus intenses, mais s'apaisèrent lorsqu'Ancelin prit la parole à son tour.
— Nous avons de bonnes raisons de penser que la situation va s’aggraver et, même si le Comte palatin envoie une troupe, nous ne pouvons vous laisser exposés ainsi. Avec mes hommes nous devons vous escorter jusqu’à la ville dès demain. Il faudrait préparer vos affaires.
Les commentaires fusèrent. Flore lança un regard désespéré vers Thibaut. Hans Steinmann appela le silence.
— De toute façon, nos derniers chargements de charbon de bois sont près. Il reste que nous avions prévu une fête pour Mabon et surtout un mariage à célébrer, finit-il en se tournant vers les tourtereaux.
Une onde d’approbation circula. Ancelin échangea quelques mots avec ses hommes et demanda la parole.
— Si j’ai bien compris, cette fête doit avoir lieu dans quelques jours.
— Trois exactement, lui confirma Hans.
— Alors voilà ce que nous vous proposons. Nous restons jusqu’à cette fête, ainsi, nous veillerons à votre sécurité. Mais il faudra regagner la ville dès le lendemain.
Le cœur de Flore bondit de joie, elle enlaça Thibaut. Le groupe se dispersa, satisfait. Thibaut, Flore et Hans vinrent vers Ancelin.
— Merci beaucoup, vraiment, lui dit Thibaut.
— Je pense que c’est logique et puis tu sais que Hugues de Dabo m’a parlé de vous, vous l’avez impressionné lorsque vous êtes venus l’avertir pour la première fois. Maintenant, il est clair que vos alertes étaient justifiées et nous vous devons bien ça.
Il regarda ce jeune homme avec sympathie. Il le sentait franc et déterminé.
— Nous allons trouver où vous loger, reprit Steinmann. Ce soir nous allons faire un bon repas. Nous avons quelques provisions en plus à cause de ce retour précoce.
Le repas du soir autour d’un délicieux ragoût de porc et de bière fraîchement remontée de Dànn fut joyeux. On sentait la volonté d’oublier les menaces à venir et, pour un soir, ne plus penser à rien qu’à s’amuser.
Ancelin fut hébergé chez les Steinmann. Il ne put s’empêcher de sortir deux fois durant la nuit pour effectuer le tour du camp. Lors de sa deuxième sortie, il vit Thibaut, qui se tenait devant sa cabane.
— Tu n’arrives pas à dormir ?
— Non, vraiment cette histoire…
— C’est sûr, ce n’est sans doute pas ce que tu avais prévu pour votre avenir.
— Oui, je pense à Flore, si ce mariage ne se faisait pas, ce serait terrible pour elle… mais pour moi aussi.
Thibaut regarda Ancelin avec un élan de sympathie malgré leur toute récente rencontre. Il sourit. Un silence s'installa, seulement troublé par le chant lancinant de la Hulotte. Ancelin posa une main sur l'épaule de Thibaut.
— Je comprends, et puis une femme c’est important non ?
— Oui Flore c’est…
Son regard se perdait dans les songes qui n’appartenaient qu’à lui. Ancelin lui tapa sur l’épaule et s’éloigna.

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