CHAPITRE XXVII : Un long hiver (1)
Une torpeur sur la ville
Le temple se drapait d’une brume froide et collante. Freyhild s’était allongée un moment, submergée de fatigue, ignorant la fraîcheur qui refusait de quitter ses appartements. Depuis une semaine, les sollicitations étaient incessantes et elle trouvait peu de moments comme celui-ci. C’est à moitié endormie, qu’elle perçut l’appel d’une prêtresse.
— Maîtresse, Thabor est là qui demande à te voir.
Elle se redressa à contrecœur.
— Fais-le entrer.
Toujours avec le même air obséquieux, l’intéressé entra.
— Bonjour Freyhild. Qu’est-ce qui se passe ici ? Le temple est plein.
— Des bruits de menaces flottent sur la ville, mais restent nébuleux. Cependant, depuis quelque temps, des hommes du Comte palatin patrouillent en ville, ce qui a provoqué une vague de crainte et a transformé l’inquiétude en angoisse palpable. La peur est comme un poison subtil, Thabor, une fois distillé, on ne sait jamais jusqu’où elle se propagera.
— Et c’est bon pour notre commerce !
Elle s’agaçait de sa manie à considérer le culte comme un « commerce ». Oui, vraiment, il l’exaspérait. Elle soupira.
— Rien de tel à Eguisheim alors ?
— Non pas autant. On entend parler effectivement d’histoires curieuses qui viennent d’ici, mais trop curieuses justement pour y prêter attention. Par contre, depuis le massacre de Schwartzenthann, il y a un malaise en ville, c’est sûr.
— Des nouvelles du sanctuaire ?
— Bonnes, oui, et c’est ce que je suis venu vous rapporter. Nous avons pu retrouver notre place initiale. Gerard d’Eguisheim s’est même entretenu avec la maîtresse. Elle m’envoie vous confirmer que le Comte l’a assuré de maintenir la liberté de culte.
— Nous sommes intervenus à temps, alors, avant que l’Église n’étende trop profondément ses racines ici. Mais ne nous berçons pas d’illusions. Ce serait une grave erreur de relâcher la pression. La peur est notre alliée, mais elle peut aussi devenir un feu incontrôlable. Dis à la maîtresse que je viendrai la voir. Nous devons évaluer la situation ensemble. Il faut que la tension baisse ici avant que je puisse quitter Dànn.
— Ce sera fait, maîtresse.
Il se retira avec une fluidité surprenante pour son embonpoint. Freyhild se rallongea dans l’espoir de grappiller encore un peu de sommeil.

Annotations
Versions