CHAPITRE IXXX : La nuit de l'horreur (8)
Freyhild demeurait figée sur l’esplanade, seule silhouette dressée contre le ciel assombri. Au-dessous d’elle, la ville agonisait. Des lueurs tremblantes éclairaient les contours déchiquetés des toits, les murs noircis, tandis que les flammes dévoraient sans relâche les cœurs des habitations. Elle avait envoyé tous ses disciples au loin, les exhortant à fuir avant qu’il ne soit trop tard. Elle, seule gardienne des secrets d’Yggra, resterait jusqu’au bout.
Cela avait commencé par un grondement lointain, étouffé comme un battement de tambour, puis les cloches avaient sonné à la volée, leurs tintements féroces arrachant la prêtresse à sa méditation. Elle avait traversé le seuil du sanctuaire, ses pieds nus frôlant les dalles glacées. Le souffle de la nuit était chargé d’une tension sourde, d’une énergie maléfique qui bruissait entre les murailles. Sur le rempart nord, des silhouettes munies de torches se déplaçaient à la hâte. Les premiers feux léchaient les charpentes d’une grande bâtisse. Elle vit les flammes prendre possession d’un toit avant de bondir plus loin, comme un fauve affamé. La bibliothèque suivit, puis la collégiale s’embrasa d’un éclat terrible.
— C’est la fin, murmura-t-elle, un frisson lui étreignant l’échine.
Alors, elle le vit.
Il se tenait sur un promontoire, son cheval immobile, entouré d’hommes portant des torches. Plus noir que la nuit elle-même, il dominait la scène de ses orbites vides, un spectre surgi des profondeurs de la terre. La lumière des flammes n’osait l’effleurer.
— La fin du monde, souffla-t-elle. Le commencement des ténèbres.
Comme s’il avait entendu ses paroles, il tourna lentement la tête vers elle. Le froid s’abattit sur ses membres. Une douleur insoutenable lui traversa le corps. Elle chancela, accusa le coup sans crier, ses lèvres formant une prière silencieuse.
Deux formes indistinctes se détachèrent de l’ombre. Elles gravissaient l’escalier menant à l’esplanade, leurs pas légers et sûrs, le regard figé sur leur proie. Freyhild les attendit sans bouger, sa robe blanche tachée de cendres.
Le premier s’approcha, plus près encore. Leurs regards se croisèrent. Il leva son épée.
Une hésitation ? Une ombre fugitive d’humanité ? Freyhild crut la percevoir.
Le métal plongea dans ses entrailles.

Annotations
Versions