Chapitre 1
Émia 12 ans
Comme d'habitude, je me rends à l'école. Je rejoins Blake, mon meilleur ami, et peut-être le seul. Il m'attend comme toujours au portail, la tête penchée vers le bas. Les autres enfants entrent et discutent sans lui adresser la parole. Lui et moi avons grandi ensemble, toujours là l'un pour l'autre. Nous faisons aussi plein de bêtises qui nous valent des punitions. Quand j'arrive enfin à sa hauteur, il me prend le bras et me fait courir. Mon seul réflexe, c'est de rire. Notre course se poursuit tout au long de la cour de récré, puis dans les couloirs, pour terminer dans un placard à balais qui n'a pas été fermé à clé. Nous étions essoufflés, nos respirations saccadées. Je reprends l'usage de la parole en premier.
— Waouh, on se faisait poursuivre ou quoi ? dis-je en souriant à cause de l'adrénaline. Il ne semble pas encore prêt à parler, mais il me regarde d'une manière que je connais trop bien. Ce regard est celui qu'on porte quand un plan fantastique nous vient et qu'on veut le mettre à exécution. Un large sourire et des yeux remplis de malice, la recette parfaite pour un gros chaos.
— J'ai... j'ai un plan pour fermer l'école pour une semaine. On pourra aller à la fête foraine, dit-il en reprenant lentement son souffle.
Récemment, une fête foraine a été installée sur une grande place pour une durée d'un mois. Ça fait des semaines que j'économise pour payer quelques attractions, mais les parents de Blake ne veulent pas qu'il sorte pendant les week-ends.
Et dans un sens, je les comprends. Nous vivons dans un quartier ni trop bien ni trop mauvais. Mais les week-ends, c'est différent, et je sais ce qui s'y passe. Ce sont des choses qu'un enfant comme Blake ne peut pas comprendre ou dont il doit être préservé. Mais si son plan marche, peut-être que ses parents seront d'accord.
Alors je l'écoute réciter son plan. Blake m'explique qu'avec quelques produits de ménage versés dans les toilettes, on pourrait boucher les canalisations. Puis on ajouterait une substance pour faciliter l'envie d'aller aux toilettes. En d'autres termes, il veut créer une inondation suivie d'une apocalypse toilettes.
Et sans plus tarder, Blake commence à regarder autour pour sélectionner les bons produits. Alors je me mets moi aussi au travail. Je le laisse dans le placard. Je cours à l'infirmerie qui est vide à cette heure. Je crochète la serrure en vérifiant plusieurs fois si le champ est libre.
La sonnerie retentit dans les couloirs vides de l'école. Nous allons nous faire gronder juste pour avoir raté les cours, mais ça vaut le coup. Une fois entré, je me dépêche de prendre les médicaments. Je connais l'infirmerie par cœur, à force d'y aller, je sais où se trouvent tous les médicaments dont j'ai besoin. Des fois, je me hais pour ce que je fais à la pauvre infirmière qui est obligée de soigner des élèves qui ne le méritent pas.
Je me rends compte que je suis dans les couloirs après avoir fermé la porte. Un autre moment d'absence dont je connais déjà la raison. Je me reprends et je cours vers la cantine. Je mélange le sel avec le médicament écrasé. Je fuis une deuxième fois vers les toilettes du deuxième étage, notre lieu préféré. C'est le seul étage qui a des toilettes mixtes, un endroit donc parfait pour créer une apocalypse toilettes.
— Blake, t'es là ?
— Oui.
Je m'approche des WC pour préparer le mélange. J'ai toujours mis un point d'honneur à moi-même préparer tous les mélanges avec les produits. Blake, lui, s'occupe seulement de l'installation des pièges. Je pense que Blake ne connaît pas totalement la raison de cette répartition des tâches. De mon côté, c'est pour éviter plus tard qu'il tombe dans les trafics.
Une fois le mélange terminé, Blake tire la chasse d'eau, et j'observe le mélange partir. Puis, après avoir rangé les produits, nous prenons nos affaires laissées dans le placard. Nous trouvons un adulte et faisons semblant d'être malades. Je me demande comment nous faisons pour être si bons comédiens, car l'adulte prévient les parents de Blake. Comme je n'ai pas de parents, ou plutôt je n'ai plus de parents, je suis reconnue en tant qu'adulte, donc je peux partir. Mais je reste jusqu'à ce que la mère de Blake vienne le chercher.
Quand elle arrive, la première chose qu'elle voit, c'est moi. Elle prend un air doux et faussement sympathique pour moi. Je la comprends à peu près. Blake a déménagé dans notre ville, ils ne sont pas nés ici, mais ils ont compris un jour, le jour de notre rencontre, que ce quartier, cette ville cachent des choses.
Elle examine vite fait son fils, ce qui me donne juste l'impression amère qu'elle vérifie si je ne l'ai pas touché. Blake est toujours heureux de voir ses parents, et c'est normal, mais il m'oublie souvent dans ces moments. Dans notre relation, c'était comme ça longtemps : il oubliait totalement mon existence et se concentrait sur eux. Et moi, je faisais la seule chose que mes parents m'ont apprise : rester à l'écart et silencieuse.
— Maman, on peut aller à la fête foraine ?
— Oui, si tu veux, mais les vacances sont le mois prochain.
— Allez, Émia et moi, on veut vraiment y aller !
Elle ne répond rien. Elle me dévisage, puis regarde son fils. Mais avant même que les mots de refus sortent de sa bouche, une sonnerie s'enclenche pour avertir d'une annonce au hautparleur.
— Tous les surveillants et enseignants sont priés d'aider les enfants à aller aux toilettes.
Je ne peux m'empêcher de rigoler, c'est plus fort que moi. Je suis prise dans un fou rire en voyant tous les adultes partir précipitamment. Blake se joint à moi dans ce fou rire. Je me sens moins seule, moins folle. La mère de Blake soupire, comprenant que nous avons encore fait des bêtises. Elle prend son fils par la main et l'entraîne dehors. Je les suis instinctivement. Sa mère a accepté de me ramener chez moi, un geste je suppose significatif.
Elle dépose son fils chez eux, puis me demande le chemin pour aller chez moi. Je lui donne un itinéraire où l'on fait un tas de détours dans des endroits rassurants. Le trajet est plus long, ce qui donne aussi l'occasion à la mère de mon seul ami de prendre la parole au moment voulu. Elle semble le comprendre au détour de ma rue.
— Écoute, je t'ai bien vue ce jour-là, donc en tant que mère... dit-elle avec une voix qui se veut sereine.
— C'est bon, la coupé-je. Je connais ce discours.
Elle semble surprise et dérangée en même temps, du moins c'est ce que je pense. J'ai toujours du mal avec les émotions, je les exprime d'une manière différente que les autres et, en conséquence, je ne comprends pas les autres. J'attends qu'elle trouve les bons mots, qu'elle me dise ce que je sais déjà et que je me répète chaque soir en rentrant.
— S'il te plaît... ne t'approche plus de lui, laisse-le vivre normalement.
Voilà, c'est ce que je pensais, ce que j'espérais. Je ne réponds rien, mais sa mère voit dans mon regard que je suis du même avis. Mais c'est plus fort que moi. Depuis que je le connais, je me répète que je n'ai pas le droit d'être son ami, ni de tomber amoureuse de lui. Mais quand j'arrive au portail, Blake m'attend, ignorant tout le monde. Et quand je vois son regard sur moi, tous ces nuages noirs et le poids que je porte s'envolent. J'ai conscience de ma réalité, mais pour les quelques heures où je côtoie Blake, je profite de son innocence, de son enfance tranquille avec des préoccupations d'enfant, et de son bonheur qui semble inépuisable. Un rayon de soleil qui doit briller plus fort que moi.
Je sors sans dire un mot de plus. J'attends que la mère de Blake parte pour rentrer dans cette maison banale, mais qui, à l'intérieur, est un mélange entre un désastre parental et où l'éducation est vue comme mauvaise, où la loi du plus fort s'applique, où l'on domine les plus faibles et les plus forts.
Chaque pas que je fais me fait ressentir un peu plus la gravité. Mes pas sont lourds et lents, je ne veux pas y retourner, pitié. J'ai un sentiment de malaise, que je ne suis pas à ma place. J'ouvre la porte, comme si un océan apparu de nulle part pouvait m'engloutir et m'emmener loin. Ou comme si je me préparais mentalement à une avalanche de baffes, de coups, ou des insultes. Des fois, les mots ont un pouvoir bien plus destructeur que la violence physique.
Rien, rien ne vient. Je suis dans le salon et personne ne s'est jeté sur moi pour m'insulter, ni m'attaquer. Je profite de ce silence pour me réfugier dans ma chambre que je verrouille. Je change l'uniforme scolaire de fille pour un pantalon gris et un sweat à capuche épais pour amortir les coups.
Je redescends dans le plus grand des silences dans le salon. En bas des escaliers, je vérifie quatre fois que personne ne me voit, puis je rentre dans la cuisine. J'ouvre le frigo, sans toutefois regarder un bon moment derrière moi. Je regarde rapidement ce qu'il y a. Pas grand-chose, mais en fouillant les placards, je trouve un paquet de gâteaux oublié derrière une assiette. Le Graal pour moi. De plus, en cherchant dans ma mémoire, ce paquet provient d'une boîte offerte par une voisine. Et comme personne n'a aimé, j'ai pu le récupérer. Bien entendu, j'ai tout caché dans le cas où ils changeraient d'avis.
Je dévore ce paquet et bois autant d'eau que possible. Je connais ma famille : si je ne mange pas ou ne bois pas quand ils ont le dos tourné, je ne pourrai peut-être plus le faire pendant une semaine ou deux. Une fois que c'est fait, je me pose un moment pour digérer. C'est alors que je vois, derrière la baie vitrée du salon, que le soleil se couche, formant des auréoles et des nuances de couleur. Il y a du rose, de l'orange, un peu de jaune, tout cela se mélangeant avec le bleu ciel. Mais en regardant dans le salon qui s'assombrit petit à petit, je remarque aucune présence. Il n'y a pas un jour sans qu'un membre de la famille vienne me montrer à quel point je suis inférieur.
Je ne comprends pas mes ressentis. Je suis à la fois heureuse, soulagée et calme, mais je me fais du souci et je deviens anxieuse. Ils ne méritent pas que je m'inquiète pour eux, mais malgré tout, nous sommes liés à jamais. J'ai un jour lu que les humains sont des paradoxes constants, qu'il était normal d'être en colère puis, la minute d'après, d'être heureuse. Or, ce que personne ne dit, c'est ce que cela provoque chez les gens. Les plus paranoïaques diront qu'ils sont devenus bipolaires, les personnes normales diront simplement que leur cerveau veut les protéger inconsciemment, comme si ce dernier avait sa propre conscience. Et puis il y a nous, nous les gens dont nos vies ne tiennent qu'à un fil, nous qui apprenons à survivre malgré les traumatismes et les blessures. Nous sommes les seuls à connaître cette dure réalité : si nos émotions se manifestent dans des moments comme celui-ci, c'est que finalement nous avons entretenu un lien avec nos bourreaux, une chose récurrente mais qui est là.
Je cherche dans chaque pièce de la maison, mais rien, aucune trace de vie dans cette maison. D'habitude, j'arrive à savoir s'il y a quelqu'un, mais mon instinct semble dormir. Je sais que je n'ai pas pris de drogue, alors je peux simplement dire qu'il y a vraiment personne. Je retourne au salon. Je remarque sur l'horloge qu'il est presque 19 h. Le soleil a presque déjà totalement disparu, le ciel a enlevé ses couleurs du crépuscule pour devenir noir.
— Où sont-ils ? Ai-je dit pour moi-même. Est-ce que c'est le moment ? Ils m'ont vraiment abandonnée ?
Le lendemain, à l'entrée de chez moi, une voiture se gare devant moi. Cette voiture, c'est celle de la mère de Blake qui vient me chercher pour aller à la fête foraine. Hier, je n'ai eu aucune nouvelle de ma « famille ». Ils ne sont juste pas rentrés, ce qui a provoqué chez moi une grande phase de paranoïa. J'ai dormi avec une arme et j'ai à peine pu dormir. Je sursautais à tout en brandissant mon arme en l'air.
Je me lève des escaliers et prends mon sac qui traîne à l'entrée. J'ouvre la porte pour rapidement la fermer, puis je rentre dans la voiture avec un sourire angélique. Blake m'accueille lui aussi avec un sourire.
— Ça y est, on va pouvoir aller à la fête foraine ! s'écrie Blake.
Notre plan a fonctionné. Les canalisations de l'école ont toutes reçu un traitement spécial Émia. Pendant le trajet en voiture, il m'explique ce qui s'est passé. Les canalisations ont subi d'importants dégâts : certaines étaient bouchées, d'autres ont explosé, et la plupart étaient trouées. Le produit choisi par Blake était très corrosif, alors je n'en avais mis qu'une petite dose, juste assez pour boucher ou trouer les canalisations, comme l'avait dit Blake. Mais en fouillant dans ma mémoire, je ne trouve rien qui puisse justifier l'explosion des canalisations.
— Nous sommes arrivés, dit la mère de Blake.
Nous descendons de la voiture. Le sol est couvert de pierres de toutes les tailles, et le bruit des autres voitures qui se garent sur le parking de la fête foraine ressemble à celui du gravier. Une fois arrivés et passés la sécurité, nous pouvons enfin nous plonger dans les attractions. Nous traversons l'allée principale où se trouvent les plus grandes d'entre elles.
Je regarde tout autour de moi, car c'est bien la première fois que je viens dans ce genre d'endroit. Je sens que Blake me tient la main. Mon regard, qui était fixé sur les attractions, se détourne pour l'observer. Il sourit, comme à son habitude. Il m'aide à ne pas nous éloigner de sa mère. J'essaie de me reprendre, mais tout est fascinant pour moi, et il semble que Blake s'en soit rendu compte, car il nous emmène vers notre première attraction : le labyrinthe de miroirs.
Sa mère nous paie l'entrée et nous entrons. Elle préfère rester à l'écart, donc dehors, et cela me convient parfaitement. Si elle était venue, je me serais sûrement un peu moins amusé.
Cette attraction semble, à première vue, ennuyeuse, mais je la trouve très drôle. Blake se cogne la tête contre presque toutes les vitres, tout comme moi. C'est la première fois que je ne me soucie pas du regard des autres. Nous passons notre temps à nous cogner ou à nous chamailler pour trouver la sortie.
— Je te dis que c'est à gauche ! dit Blake.
— Et moi je te dis tout droit ! ai-je répliqué.
— Bon, on va aller chacun de son côté.
— Tu vas te cogner la tête.
— Tu vas voir ! dit-il en partant dans la direction qu'il voulait prendre à toute vitesse.
Et sans surprise, il se prend un miroir en plein front et tombe par terre. Je le rejoins pour l'aider à se relever, puis j'examine son front déjà parsemé de bleus. Je pense que nous ne sommes pas loin de la sortie. Cette attraction n'est pas très grande, et après avoir galéré pendant un bon quart d'heure au début, nous nous sommes enfoncés assez loin dans le labyrinthe pour arriver presque à la fin.
— Bon, allez viens, on est bientôt sortis.
Il se relève et m'entraîne à sa suite, avec une toute nouvelle énergie. Je ris avec lui quand il se cogne encore une fois contre un miroir. Finalement, après avoir marqué la forme de nos fronts sur la plupart des vitres, nous avons trouvé la sortie. La mère de Blake nous y attendait déjà. En voyant le front de son fils, elle poussa un soupir d'exaspération.
Blake lève les yeux au ciel, il ignore son soupir et commence à réclamer une autre attraction. Il réfléchit quelques instants, mais finit par demander la maison hantée.
— Il est hors de question que vous y allez dit-elle
— Allez maman ! C'est juste un petit tour et puis ça ne fait pas vraiment peur réponds Blake à sa mère
— Et moi je te dis que non
— Allez je serai avec Émia rien ne pourra m'arriver
— Je te dis que non
Blake semble capituler face au refus catégorique de sa mère. Il réfléchit donc à une autre attraction et remarque au loin la pêche aux canards. Il me prend le bras puis celui de sa mère et nous entraîne tous deux au pas de course vers la pêche aux canards. Les lots à gagner semblent l'intéresser plus que le jeu.
Cette fois, c'est moi qui paie. Il est normal que sur les quelques attractions que nous allons faire avec Blake, je paie la moitié d'entre elles. Nous allons donc au comptoir demander deux parties de pêche aux canards, l'homme nous donne deux cannes à pêche et deux seaux.
Nous nous mettons en place là où tous les canards se bousculent. C'est une technique de triche, je le reconnais, c'est vrai, il n'y a même pas de difficulté à attraper celui qu'on désire. Blake et moi essayons d'avoir tous les canards de couleur. Autant dire que nous essayons de reconstituer l'arc-en-ciel avec des canards en plastique. Une fois la première partie terminée, nous avons pris des photos avec la mère de Blake, des photos de nous ensemble et des photos des canards que nous avions attrapés.
Blake commence directement la deuxième partie après avoir vidé son seau, et je fais de même. Cette fois, notre objectif était de récolter tous les canards en plastique de notre couleur préférée. Blake essaie de rattraper tous les canards de couleur bleue tandis que moi j'essaie d'attraper les canards de couleur violet et rose. Les autres enfants se trouvant à côté de nous avaient l'air d'avoir au moins 3 à 5 ans. Nous étions probablement les seuls à être au collège et à jouer à la pêche aux canards. Mais ce n'était pas grave de toute façon, on s'amusait comme des enfants de maternelle et ça ne regardait que nous.
La pêche au canard est un jeu simple, avec des amis il se transforme en un fou rire collectif et même seul on peut s'amuser, mais c'est aussi un jeu qui se termine trop vite. Après avoir terminé la deuxième partie, nous sommes allés chercher nos lots. Parmi tout le stock, on pouvait en choisir un seul. En observant, il y avait les objets classiques des fêtes foraines, les gros ours en peluche, les babiole en tout genre comme des petits portefeuilles en velours avec une tête de chat imprimée dessus.
Il m'est difficile de choisir ce que je vais prendre, il n'y a que des choses fragiles. Si je veux garder un souvenir, il me faut quelque chose de solide. D'ailleurs, ça me fait penser, ils ne sont toujours pas rentrés. Mais ce n'est pas le moment d'en parler.
Blake, et c'est à lui aussi de choisir ce qu'il pourrait ramener. Or, contrairement à moi, il n'a pas ce même dilemme. Après un certain temps de réflexion, nous avons décidé de prendre un objet identique pour nous deux. Il nous servirait d'objet d'amitié comme on peut en trouver dans les magasins. Blake insista tout le long du trajet vers une autre attraction pour pouvoir avoir la chance d'aller à la maison hantée. Moi, je préférerais regarder notre bracelet de l'amitié, pris au marchand. Finalement, la mère de Blake accepta qu'on y aille, mais bien sûr sous son autorité. Ce sera la toute première attraction qu'elle fera avec nous.
Blake voulait simplement passer du temps avec moi, et le fait que sa mère soit avec nous le gênait un peu. Une fois arrivés au manoir hanté et après avoir payé nos places, nous nous installons dans les wagons qui allaient nous transporter dans l'horreur, comme le disait le vendeur. Une fois dans le wagon, les lumières dans le tunnel en face de nous s'éteignent brusquement, faisant sursauter la mère de Blake. Pourtant, nous étions dans les wagons du milieu.
L'attraction d'Emma n'est, jusqu'ici, rien de vraiment effrayant. Comme je m'y attendais, l'attraction ne fait pas vraiment peur. Tout ce qu'il y a, ce sont des fantômes qui s'activent au passage du wagon, des petites araignées en plastique tombant du plafond, ou encore des bruits étranges venant des enceintes à peine cachées. Il n'y avait pas vraiment d'efforts pour dissimuler les effets spéciaux, et les acteurs, je n'en parle même pas. Parfois, le wagon passe devant une salle où se déroule une scène de massacre jouée par un acteur incarnant plusieurs rôles différents. Mais là aussi, ils ne sont pas très convaincants. En revanche, quand je regarde la tête de Blake et de sa mère, je comprends tout de suite que pour eux, tout est réel. Ils ne savent pas que ce qu'ils voient n'est rien comparé à ce que je vis.
Finalement, au bout d'un quart d'heure, nous avions terminé l'attraction. En sortant de cette attraction, la mère de Blake sortit son téléphone. Elle regarda l'heure rapidement puis commença à appeler une personne inconnue.
— C'était génial aujourd'hui, n'est-ce pas ? dis-je en regardant Blake, encore un peu pâle de son expérience.
— Oui, c'était fantastique, me répond-il.
— On pourra revenir les années prochaines.
— Ah, ça serait génial !
La mère de Blake raccrocha enfin son téléphone et se tourna vers nous. Elle nous montra l'heure sur son téléphone en nous disant qu'il était tard et qu'on devait rentrer. Blake était un peu déçu, mais la fatigue l'emporta finalement sur sa déception. Alors, sur le chemin, juste avant de partir, j'achetai une barbe à papa pour Blake et moi, ce qui nous rendit tous les deux heureux de pouvoir déguster ce nuage sucré.
La mère de Blake m'a d'abord déposé chez moi avant de rentrer avec son fils. Une autre de ses manœuvres pour m'éloigner de lui, même si nous avions passé la journée ensemble. Elle semble garder ses objectifs. Après avoir fermé la porte, je vérifie trois ou quatre fois que la maison est vide. Ça fait maintenant 24 heures que je n'ai pas revu ma famille, ma soi-disant famille. C'est comme si elle avait disparu, or je sais que ce n'est pas normal, même pour eux. Parce que quand ce genre de choses arrive, ils me le font bien comprendre, mais pas d'une manière délicate comme le diraient les gens normaux.
À ce moment-là, j'entendis un bruit de serrure crochetée venant de l'entrée de la maison. Je me retournai en attendant de voir la personne qui allait y pénétrer. Quand la porte s'ouvrit enfin, je reconnus tout de suite la silhouette. Une forme féminine avec des habits noirs semblables aux ombres, des cheveux retroussés en un chignon et des yeux camouflés par une casquette. Tout ce qui pouvait être visible n'était que sa bouche. La silhouette releva la tête en m'observant attentivement pendant cinq bonnes minutes, cinq longues minutes de silence à nous regarder fixement en attendant que l'une d'entre nous parle.
— Margot, je t'ai déjà dit que ça ne servait à rien de pénétrer ici illégalement puisque aucune serrure ne fonctionne, dis-je finalement.
— Pardon, pardon, mais comprends-moi, dit-elle avec un sourire narquois. Je suis là pour te donner des nouvelles de ta famille.
— Bon, ferme cette porte et allons discuter dans ma chambre.
Elle s'exécuta immédiatement. Une fois que je me fus allongée dans ma chambre, je lui laissai le temps de parler. Margot a, comme on pourrait le dire, un problème psychologique. Il est vrai que j'en connais beaucoup dans son genre, mais celui-ci est bien différent. Elle ne peut parler qu'avec les personnes qu'elle juge dignes de confiance ; le reste du temps, elle est muette. D'après ce que sa famille, qui est totalement normale contrairement à nous, a dit, elle souffrirait de mutisme sélectif. Ce qui fait qu'elle ne se cache pas totalement, mais assez pour qu'on ne puisse pas la reconnaître.
— Bon, allez, parle. Qu'est-ce qu'ils ont encore fait ?
— Tout d'abord, je veux savoir ce que tu as fait aujourd'hui, dit-elle.
— Dès qu'on est arrivé à cette fête foraine, j'ai repéré ta présence, toi et les autres, évidemment.
— Bon, d'accord. On a vu que tu t'amusais bien, alors on voulait savoir qui était ce garçon normal que tu fréquentais.
— Je vous ai déjà dit de ne pas le mêler à tout ça.
— On ne va absolument pas le mêler à tout ça, mais on voulait juste savoir qui il était. C'était être curieuse, tu sais, une chose que tu nous enseignes.
Je soupire d'agacement. Je sais très bien que c'est moi qui leur enseigne ce genre de valeurs, mais l'utiliser contre moi dans ce genre de situation, c'est un coup bas. Elle a de la chance que je sois fatiguée, parce que sinon je lui aurais montré ce qu'une bosse comme moi peut faire quand elle est énervée.
— Bon, je vais passer les détails, mais disons que tu ne pourras peut-être plus revoir ta famille, dit Margot.
— Si tu me donnes les détails, c'est parce que je veux savoir ce qu'ils ont encore fait pour se mettre dans la merde.
— Ils ont joué et ils ont perdu.
— Combien ?
— Entre 4 et 5000.
— Ils se sont enfuis ?
— Ils n'en ont pas eu le temps.
Mes pensées se bloquent instantanément. Jusque-là, je pensais à la somme que je devais rembourser à leur place, mais en entendant ces derniers mots, tout s'est comme arrêté. J'avais même l'impression que le temps lui-même s'était arrêté également. Margot me regarde, indécise face à la situation. Elle essaie de s'approcher, mais se rétracte puis recommence, ne sachant absolument pas quoi faire dans ce genre de situation. Tandis que moi, je reste les yeux ouverts, fixant le plafond, essayant de réfléchir, d'être cohérente.
Mais rien ne vient, et sans que je ne comprenne pourquoi, j'essaie de ressentir ce qu'ils ont pensé à la dernière minute de leur vie, de savoir ce qu'ils ont ressenti en eux. Est-ce qu'ils ont éprouvé une certaine culpabilité ? Ont-ils regretté ce qu'ils m'ont fait ? Ont-ils ne serait-ce qu'un instant craint qu'on leur fasse du mal, eux qui se croyaient intouchables ? Tant de questions qui resteront sûrement à jamais des énigmes. Je finis enfin par bouger un de mes muscles, je tourne la tête vers Margot qui reste assise sur mon bureau, je l'interroge du regard pour en savoir un peu plus. C'est la seule chose que je peux faire, bouger les muscles de ma tête ; le reste est complètement paralysé.
— Je suppose que tu veux en savoir plus, dit-elle. Et bien, hier matin, après que tu sois parti, un homme est venu les voir. D'après nos informations, c'est un prêteur sur gage de la bande à Gaëlle.
Je me réveille enfin de cette léthargie pour me redresser soudainement. Gaëlle est l'une de mes pires ennemies. Elle essaie de contrôler toute la ville malgré mon autorité. Mais elle essaie aussi d'instaurer une sorte de monarchie sur toute la région. Elle veut ressembler à ces criminels aux États-Unis qui gagnent beaucoup d'ampleur en se prenant pour des rois. Mais tant qu'elle ne m'aura pas eue, personne ne pourra arriver à ses fins.
— Continue, dis-je.
— Et bien, il leur a proposé de rembourser toutes leurs dettes s'il gagnait un jeu. Ils ont tout de suite accepté et ont été emmenés dans un casino.
— Est-ce que l'un d'entre vous y est allé ?
— Non, personne. Comme tu n'étais pas là, on a préféré attendre tes ordres.
— C'est bien, même si j'aurais aimé savoir.
— En tout cas, on les a simplement vus sortir de ce casino précipitamment, poursuivis par les hommes de Gaëlle.
— Lesquels ?
— L'élite elle-même.
— Et ils se sont tous fait attraper ?
— Presque, mais aujourd'hui, tous.
— Merci, tu peux y aller.
Elle hoche la tête, puis sort de la maison comme elle était rentrée, comme une ombre dans la nuit. Après son départ, je me suis promenée un peu plus librement dans la maison. Certes, tout était en désordre et un peu détérioré, mais je ne ressentais qu'une seule chose : le vide. Il y a à peine quelques jours, je vivais un enfer avec eux, et aujourd'hui, ils ont disparu. Même si ces êtres, qu'on ne peut qualifier d'humains, sont morts, j'ai tout de même un sentiment de culpabilité. Et ces questions qui trottent dans ma tête, sans aucune explication, continuent toujours à me tourmenter.
La semaine se termine sur une note à la fois positive et déprimante. La semaine suivante, l'école a rouvert ses portes après des travaux pour réparer la tuyauterie. En arrivant devant l'école, je m'attendais à voir Blake comme d'habitude, car lui et moi n'avions plus eu de contact depuis cette sortie à la fête foraine. Je lui avais dit par téléphone qu'un membre de ma famille était mort et que j'étais en deuil, donc je ne pourrais pas le voir jusqu'à la semaine suivante. Mais là, en arrivant, il n'y a personne. Étrangement, j'ai comme un pansement sur le cœur, et je commence tout de suite à m'imaginer plusieurs scénarios : me sentir mal ou culpabiliser, ajoutant à cela des voix qui ne font que me rabaisser constamment.
Mais finalement, la raison reprend le dessus et je me dis tout simplement qu'il doit être malade ou qu'il arrive en retard. Ça nous est déjà arrivé, et généralement, il me prévient, même si là, il ne m'a rien dit du tout. Finalement, durant toute la journée, rien ne change : Blake n'était toujours pas là. Après l'école, je me suis enfin décidé à aller chez lui pour simplement savoir ce qui se passait. En arrivant devant chez lui, je vois tout de suite qu'il y a quelque chose de différent. Généralement, quand je viens devant chez lui, son jardin extérieur est encombré de vieux jouets qu'il utilise pendant le week-end et qu'il laisse traîner. De plus, rien que de l'extérieur, on voit que cette maison est habitée par une famille heureuse, du moins c'est ce que c'était avant. En arrivant devant la porte, il y a une certaine tension et un peu de mélancolie.
Je frappe à la porte et j'entends un peu de bruit à l'intérieur, mais rien de vraiment probant ; ça peut très bien être leur animal de compagnie. Je frappe à nouveau à la porte, et toujours rien. Soit ils le font exprès, soit il se passe vraiment quelque chose. Dans tous les cas, il faut que j'entre. C'est alors que je remarque la fenêtre de la chambre de Blake ouverte. Il m'avait raconté qu'il adorait laisser la fenêtre de sa chambre ouverte pour que les oiseaux mangent ce qu'il laisse dans une gamelle sur son lit. Je lui avais déjà dit dans le passé que c'était totalement idiot et qu'il ne devait pas faire ça, car des gens pouvaient s'introduire chez lui par cette ouverture. Mais comme c'est un enfant, il n'écoute absolument pas les conseils des adultes ou même de ses amis.
Je me hisse jusqu'à cette fenêtre sans grande difficulté. La chambre est vide et parfaitement rangée. Je regarde une dernière fois au niveau de la porte pour voir si cette dernière s'est ouverte ou s'il y a un quelconque signe de vie dans les alentours. Mais rien, c'est comme si le temps s'était figé chez eux également. Je pénètre donc dans la maison en ouvrant la chambre de Blake et je remarque que toutes les portes sont fermées. Je sais, pour être déjà venu ici, que sa mère déteste qu'on ferme les portes dans la maison. Elle disait toujours que c'était inutile puisque la porte d'entrée suffisait à les protéger, avec évidemment le système qu'ils avaient mis en place.
D'ailleurs, en parlant de ce système, il est censé se déclencher dès qu'un mouvement est détecté dans la maison lorsque l'alarme est activée. Mais s'il n'y a personne ici, l'alarme doit donc être active et se déclencher par mesure de sécurité. Compte tenu de mon passé, j'ai installé la même application que sa mère sur mon téléphone. Et en venant prendre un goûter avec Blake chez lui, j'ai volé le code de sécurité à sa mère, ce qui fait que l'application est reliée à l'alarme de leur maison. Même en activant l'alarme silencieuse, je suis censé recevoir une notification. Mais en vérifiant sur mon téléphone, je n'ai rien reçu.
Je cherche quand même partout dans la maison une trace d'un passage humain ou de vie. Rien ne semble en désordre ; c'était une manie du père de Blake. Il adorait ranger et trier les choses, il était très maniaque à ce sujet. À l'étage, c'est pareil, tout est bien rangé, il n'y a rien. Et c'est peut-être ça qui m'inquiète le plus. Certes, ils auraient pu partir dans la journée pour faire quelque chose, mais le fait que l'alarme soit désactivée m'inquiète beaucoup. J'appelle donc un de mes contacts pour qu'il vienne vérifier ou qu'il me donne des informations. La première personne que je trouve dans mon répertoire est Margot ; c'est elle qui était en charge de surveiller Blake aujourd'hui, en tout cas, c'est ce qu'il me semble.
J'ai créé un planning pour que chacun de mes agents surveille Blake au moins une fois dans la semaine, et il est impossible de changer ce calendrier. Donc je l'appelle et je lui demande les informations qui me manquent, tout en continuant ma fouille pour trouver cette fois-ci des anomalies.
— Margot, c'est qui qui était en charge de surveiller Blake aujourd'hui ?
— Attends, je regarde le planning, me dit-elle à travers le téléphone.
Après quelques minutes de silence, qui me semblent interminables, elle reprend son téléphone.
— Il semblerait que ce soit Diego.
— OK, dis-je en raccrochant immédiatement et en appelant Diego tout de suite.
— Diego, tu sais où est passé Blake ?
— Désolé, boss, je suis occupé.
— Je sais, tu es censé surveiller Blake.
— En fait, je surveille plutôt ses parents actuellement.
— C'est-à-dire ? Je veux un rapport tout de suite.
— Ce matin, ils sont partis tôt en prenant Blake. Ils sont allés dans un grand bâtiment où la connexion réseau est presque inexistante, et ils ne sont pas ressortis depuis environ 3 heures.
— Tu peux me décrire le bâtiment ?
— Eh bien, c'est un bâtiment blanc, avec de grandes colonnes en marbre, et il y a des inscriptions en haut de ces colonnes.
— Et tu es dans quel quartier ?
— Je ne sais pas vraiment, dit-il un peu confus.
— Ouais, je vois à peu près où tu es.
— Vraiment ?
— Oui, tu es en face du tribunal. Bon, et ça fait 3 heures, donc ils sont sûrement en plein procès ou quelque chose du genre. Autre chose ?
— Rien pour le moment. Est-ce que je dois envoyer quelqu'un ?
— Pas pour le moment, dis-je en raccrochant.
Les parents de Blake étaient le cliché parfait de la famille américaine parfaite, et même mes agents de nuit confirment qu'ils s'entendaient généralement plutôt bien. Certes, je n'ai pas enquêté sur leur entourage d'avant, car j'ai préféré leur laisser une certaine intimité. D'habitude, quand je fais confiance à quelqu'un, ou du moins j'essaie, j'encaisse toujours un peu sur son passé jusqu'à ce que je sache tout sur la personne avant même qu'elle me le dise. Ça me permet notamment d'éviter les pièges, les traîtres et pire encore. C'est une méthode que je ne recommande pas forcément, mais qui, dans ce cas-ci, m'aurait été utile, car ils n'avaient aucune raison d'aller dans ce tribunal. Ils ne pouvaient même pas divorcer, car ils s'entendaient bien. La seule autre possibilité, c'est qu'ils témoignent dans un procès. Pourtant, aucun des parents ne travaille dans un métier où des tueurs se fréquentent entre eux.
Je me demande maintenant si je ne dois pas y aller moi-même, ou si je ne dois pas envoyer quelqu'un d'expérimenté. Je me débrouille assez mal avec la bande de Gaëlle, qui m'ennuie depuis plus d'une semaine. La mort de mes parents n'a pas suffi à la satisfaire. Il faut maintenant qu'elle s'en prenne à mes agents. Je crois que je vais, pour la toute première fois de ma vie, laisser cette famille tranquille comme le voulait sa mère. Et une fois que je me serai débarrassé de Gaëlle et de sa bande, alors je pourrai revenir.
Après plusieurs semaines d'absence, que j'ai justifiées comme le deuil de cette personne de ma famille décédée, je me suis occupé de Gaëlle et de sa bande, maintenant rattachée à moi. Je n'ai plus eu de nouvelles de Blake depuis que je suis parti pour m'occuper de cette bande qui me menaçait. Quand je suis enfin revenu à l'école, Blake était différent. D'après ce que j'avais pu apprendre, ses parents s'étaient bel et bien séparés. En réalité, ses parents ne s'entendaient pas et avaient finalement décidé, un bon matin, de divorcer.
En arrivant à l'école, Blake m'a attendu. Il semblait triste et un peu perdu. Il est normal pour un jeune garçon de ressentir une grande tristesse, de la colère et peut-être même de la déception après que ses parents se soient séparés. Même si je n'ai pas connu la même chose que lui, je suis compatissante. Alors, m'approchant de lui, je prends une attitude de meilleure amie qui sera la corde sensible et le rempart pour lui dans cette épreuve difficile.
— Tu n'étais pas là, me dit-il quand j'arrive à son niveau.
— Comment ça ?
— Tu n'étais pas là pour m'aider. Mes parents se sont quittés, et mon père ne reviendra jamais, dit-il avec des larmes qui coulent déjà sur ses joues.
— Tu n'étais pas là, me dit-il quand j'arrive à son niveau.
— Comment ça ?
— Tu n'étais pas là pour m'aider. Mes parents se sont quittés, et mon père ne reviendra jamais, dit-il avec des larmes qui coulent déjà sur ses joues.
— Blake, je ne pouvais pas être là, mais je le suis maintenant, au moment où tu as le plus besoin d'aide.
Il semble petit à petit réfléchir à mes paroles, comprenant que, peu importe ce qui se serait passé, je n'aurais pas pu l'aider. Mais en tant qu'ami, je peux le soutenir dans cette épreuve très difficile. Le reste de la journée s'est déroulé ainsi. Il m'a raconté comment ça s'était passé, de la discussion entre lui et sa mère jusqu'au tribunal. Sa mère lui a raconté que son papa et elle ne s'entendaient plus depuis un bon moment.
Blake l'avait déjà remarqué un peu plus tôt. Des fois, en arrivant à l'école, il m'expliquait que ses parents se disputaient dans la cuisine, ou alors qu'ils se disputaient tard le soir quand il était censé dormir. J'ai essayé de le rassurer en lui disant que c'était tout à fait normal qu'un couple se dispute un jour ou l'autre, mais visiblement ce n'était pas le cas pour eux. Il a continué en disant que son père, un beau matin, a décidé d'aller au tribunal pour enfin se séparer de sa femme.
Blake ne connaissait absolument pas les raisons de ce divorce, et moi non plus. Je compte en effet enquêter sur les raisons pour lesquelles le père a laissé Blake derrière. Ce dernier m'a expliqué que, juste après ce long procès, sa mère est rentrée furieuse. Elle a ignoré Blake et ne s'est pas occupée de lui jusqu'à aujourd'hui, où elle semblait enfin se réveiller de sa colère. En apprenant cela, je me suis tout de suite inquiété pour Blake, car il va être difficile de supporter une mère dans cet état. Alors, en sortant de l'école, je lui ai proposé de venir chez moi, car mes parents sont en voyage d'affaires, du moins c'est l'excuse que je lui ai donnée. Il m'a dit qu'il demanderait à sa mère et qu'il serait ravi de pouvoir dormir chez moi et d'en faire même une soirée pyjama.
Comme la première fois que je me suis introduit chez eux, sa maison a une toute autre ambiance. Tout est différent de l'époque où son père était là. Blake lui ressemble aussi et commence même à gesticuler dans tous les sens. C'est moi qui frappe donc à la porte en premier. Sa mère ouvre avec un air sérieux ; on pouvait déjà lire dans ses yeux que quiconque oserait lui parler se verrait recevoir une insulte gratuite.
— Bonjour madame, je voudrais savoir si Blake ne pourrait pas dormir quelques temps chez moi, puisque vous semblez de mauvaise humeur.
— Vas-y, je m'en fiche.
Elle claque la porte juste après, et avec ce geste, une tonne de questions commence à jaillir dans ma tête. Mais je préfère les mettre de côté et regarder Blake, qui semble abattu. Moi qui ai déjà vécu ça plusieurs fois, toute ma vie, je sais que pour un enfant, entendre sa mère lui dire ces mots est assez douloureux. Blake essaie de paraître normal et indifférent à la situation, mais des larmes commencent déjà à couler sur ses joues. Je lui propose donc d'aller chercher ses affaires, puis d'aller chez moi et d'y vivre quelques temps, en lui expliquant que sa mère traverse une mauvaise passe.
À cela, il sèche ses larmes et me répond avec un grand sourire sincère qu'il serait ravi. Alors, comme la dernière fois, je grimpe jusqu'à sa fenêtre et récupère les affaires qu'il me dicte depuis l'extérieur. Une fois ces bagages faits, je redescends, et ensemble, main dans la main, nous rentrons chez moi. Nous ne sommes pas voisins, mais nous habitons dans le même quartier, à quelques rues d'ici. Ainsi, le trajet entre chez lui et chez moi n'est pas très long, mais assez pour qu'il me dise à quel point la tristesse l'a envahi depuis quelques temps.
Il ne voit plus son père depuis ce procès, et bien évidemment, sa mère l'ignore et laisse sa haine s'exprimer. Une fois arrivé chez moi, je l'installe sur mon lit. Nous dormirons ensemble pour que je puisse le protéger, mais aussi pour qu'il se sente un peu mieux.
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