Projet Z
Si Chris et Micka avaient attendu une chose plus que tout au monde ces quatre dernières années, c’était bien de se revoir. L’effet de surprise causé sur tout le campus avait beau s’être estompé, chacun avait beau avoir repris le cours de son existence, pour les deux frères, le temps était toujours suspendu.
— Ça me fait tellement plaisir de te revoir, mon frère ! – déclara Chris en serrant encore plus fort Micka.
— Il va falloir que l’on rattrape le temps perdu, j’ai tellement de choses à te raconter ! – se réjouit Mickael.
Il ne pouvait s’empêcher de sourire, c’était comme s’il allait enfin pouvoir être vraiment heureux, et il en était de même pour Chris.
— Bon, on a assez perdu de temps ici. Viens, je vais te montrer mon dortoir, tu y déposeras tes affaires !
— OK, je te suis !
— Eh, triple idiot, tu n’aurais pas oublié quelque chose !? – s’offusqua Eva.
— Ah oui ! Haha ! Chris, je te présente mes amis : Eva, Judes et Gabrielle.
Chris alla les saluer. Il avait tellement grandi qu’il mesurait dorénavant un mètre quatre-vingt-trois. Il avait en outre gagné en robustesse. Certes, il n’avait pas la carrure des meilleurs athlètes, mais il était suffisamment affûté pour qu’on se rende compte qu’il entretenait un minimum son corps.
— Je suis vraiment content de rencontrer les amis de Micka. Ne vous inquiétez pas, il y a aussi une chambre pour vous deux, les filles.
— On est très contentes aussi, Chris ! Et tant mieux pour la chambre, je n’ai pas envie de partager celle de ce pervers de Judes ! – se félicita Eva.
Ce dernier ne répondit pas à la provocation lancée par son amie, bien trop ému de se retrouver devant le Virtualisateur.
— Monsieur le Virtualisateur, je suis votre plus grand fan ! C’est grâce à moi que Micka vous a retrouvé !
— Oh, la gêne ! Judes, pitié ! – soupira Gaby.
— Silence ! Tu ne peux pas comprendre à quel point cet homme est sur le point de révolutionner le monde, pauvre ignorante !
— C’est qui que tu traites d’ignorante, hein !? – s’enquit-elle en lui faisant une prise de soumission.
— Aaaaaah ! Paaardon, Gaby ! J'étouffe !
— Haha ! Je t’avais dit qu’ils étaient drôles ! – plaisanta Mickael sous le regard gêné et surpris de Chris.
Il leur fit découvrir le premier étage du campus alors qu’ils se dirigeaient vers les chambres. C’était un étage regorgeant de bureaux et de salles de classe assez sombres, ce qui créait une ambiance tamisée qui fit somnoler les quatre visiteurs. Le couloir n’en finissait plus pour Judes, Eva et Gaby. Chris et Micka, quant à eux, ne cessaient de rire bruyamment en parlant de tout et de rien.
— Dis donc, c’est encore long ? – voulut savoir Eva.
— Non, ne t’en fais pas, on a juste à monter les escaliers et on sera à l’étage des dortoirs.
— Au fait, Chris – reprit Gabrielle, – on se demandait comment tu avais fait pour intégrer la SSHS ? Enfin, qui t’a recommandé ?
— Oh ! C’est mon ancien professeur de technologie du collège qui m’a recommandé.
— Quoi !? Mr Svatoski !? – s’étonna Mickael.
— Exact ! C’est un ami du directeur.
Arrivés au deuxième étage, ils tombèrent sur la cantine qui comportait une porte à l’extrémité gauche et une à droite. Chris tendit une carte à Gaby.
— Tenez, les dortoirs des filles se trouvent derrière la porte de droite. Le numéro de votre chambre est inscrit sur la carte. J’espère qu’elle est là…
Eva et Gaby ne comprirent pas.
— Qui ça ?
— Oumou, une amie qui m’aide dans mes recherches. C’est sa chambre. Si elle est là, elle pourra vous conduire directement à mon labo – expliqua Chris. – Si ce n’est pas le cas, on se rejoint ici dans dix minutes, OK ?
Les filles acquiescèrent et prirent la direction de leur chambre.
— Attends, tu as bien dit mon labo !? Tu veux bien nous faire visiter ton labo !? – poursuivit Judes, interloqué.
— Bien sûr, il y a tellement de choses que je veux vous montrer ! Vous allez voir à quel point la technologie actuelle est sensationnelle !
Judes n’en revenait pas de ce qu’il venait d’entendre. C’était comme un rêve qui devenait réalité pour lui de visiter et découvrir le lieu où le grand Virtualisateur laissait libre cours à son imagination.
— En parlant de ça, j’ai vu que tu n’avais pas lâché cette idée de virtualisation – releva soudainement Micka d’un drôle d’air.
Chris le considéra sans mot dire, surpris qu’il se rappelle cette conversation qu’ils avaient eue dans leur jeunesse.
— Oui, effectivement, je n’ai pas lâché cette idée. C’est ça qui m’a permis d’en arriver là aujourd’hui. C’est pour valider mon cursus. Il faut juste que je transforme un objet réel en objet virtuel ! On est bien loin de notre idée de virtualiser le monde ! Haha !
— Hein, virtualiser le monde !? Comment ça, de quoi vous parlez, vous deux !? – interrogea Judes, saisi d’incompréhension.
L’ambiance avait déjà commencé à changer.
— Je vois que Micka ne te l’a pas dit, mais en gros, mon idée de virtualisation m’est venue lors d’une conversation avec lui. Notre dernière conversation d’ailleurs… L’idée de base était de rendre virtuelle la planète entière.
— La planète entière ?
— Oui, faire en sorte que le virtuel devienne la nouvelle réalité en quelque sorte. Mais bon, on disait ça comme ça. De toute façon, ça serait impossible, n’est-ce pas ? Cependant, cette idée de virtualiser une chose est restée ancrée en moi et j’en ai fait mon projet d’études.
— Oh, je comprends mieux maintenant ! Je n’en reviens pas que Micka ait participé aux prémices de ce magnifique projet ! Pfft !
— Tu me prends beaucoup trop pour un type sans cervelle, Judes…
— D’ailleurs Micka – compléta Judes, – tu ne nous as jamais raconté comment vous aviez perdu contact, vous deux.
— C’est une assez longue histoire dont je n’aime pas me souvenir, à vrai dire.
Chris ne fit aucune remarque et continua de marcher. L’ambiance s’était assagie, mais elle était devenue pesante. Une fois parvenus dans leur chambre, chacun déposa ses affaires à côté de son lit. Judes et Mickael n’en revenaient pas : la pièce était particulièrement spacieuse, elle était semblable à une chambre d'hôtel. Dès qu’ils furent installés, ils se dirigèrent vers le réfectoire. Micka était assez détendu, tandis que Judes posait des tonnes de questions à Chris sur son projet.
— Ah bah, tiens – remarqua Chris, – vous êtes déjà là ! Oumou n’est pas avec vous, j’en conclus qu’elle est restée au labo.
Au même moment, alors que jusque-là ils n’avaient vu personne au second étage, un homme d’un certain âge sortit de la cage d’escalier. Un mètre soixante-treize environ, la peau blanche, il prenait visiblement si bien soin de lui qu’on aurait facilement pu se méprendre sur son âge. Il avait les cheveux poivre et sel et des yeux d’un marron si foncé qu’on aurait dit qu’à trop les regarder, ils finiraient par nous engloutir.
— Je me doutais bien que vous seriez ici ! Alors Chris, tu as bien accueilli nos invités ? – demanda-t-il.
— Bonjour, Mr Sabimmia. Oui, j’allais justement les emmener voir le labo !
— Oh, je vois ! C’est super ça – apprécia-t-il avec un grand sourire.
— Les amis, je vous présente monsieur Sabimmia, le directeur de l’école. Monsieur Sabimmia, voici Judes, Eva, Gabrielle et mon frère de toujours : Mickael !
Tous allèrent à sa rencontre afin de se présenter. Ils furent étonnés de constater avec quelle poigne cet homme, d’apparence frêle, les saluait. Micka fut le dernier à lui dire bonjour et à ressentir sa force. Il eut la sensation qu’il s’agissait là d’une sorte de test que le directeur lui faisait passer.
Son sang bouillonnait de plus en plus. Il dut se concentrer pour masquer le sourire que lui procurait cette étrange sensation. Cela ne faisait plus aucun doute : il voulait affronter le directeur. Pourquoi ? D’où lui venait cette envie ? Il l’ignorait. Mais une chose était certaine : il souhaitait se battre contre lui. Lorsqu’il lâcha enfin la main du directeur, il se sentit comme déboussolé. Personne ne s’en rendit compte.
— Tiens, et si tu leur faisais une démo du projet Z au labo ? Ça pourrait être intéressant – proposa le directeur.
— Le projet Z !? Mais monsieur, c’est un projet beaucoup trop dangereux et secret, enfin !
— Ça ne risque rien dans la salle de test, et il nous faut des cobayes. Niveau confidentialité, il vaut mieux faire des essais avec ton meilleur ami plutôt qu’avec n’importe qui, non ?
Chris aurait aimé répliquer, mais il en fut incapable.
— Bon, allez-y, je vous rejoins dans quelques minutes ! J’ai un coup de fil à passer – se justifia le directeur.
Le directeur s’en alla aux étages supérieurs, tandis que Chris, qui semblait assez perplexe, les emmena vers le labo.
En quoi consistait donc ce fameux projet Z ?
Annotations