Le lendemain, le réveil fut dur pour Eva et Gabrielle. Les cheveux en bataille et les yeux encore dans le flou, elles regardèrent l’horloge accrochée au mur.

— Quoi !? Il est déjà dix heures trente ! — s’étonna Gabrielle.

Au même moment, Oumou entra dans la chambre.

— Ah tiens, vous êtes réveillées ? Prenez votre temps, mais pas trop non plus, il vous reste une heure pour aller prendre le petit déjeuner.

— T’es super matinale toi. — s’étonna Eva. — Et les garçons, ils font quoi ?

— Chris et Mickael sont dans la salle d’entraînement. Ça fait une heure qu’ils testent le projet Zodiaque. Judes, lui, est toujours au lit, il ne se sent pas très bien.

— Ces garçons, j’te jure…

— Sinon Oumou, avec Eva on voulait visiter la ville pour notre dernier jour. Ça te dirait de nous accompagner ?

Oumou n’était pas habituée aux « sorties entre filles ». Malgré sa gêne, elle fut ravie d’accepter. Et puis, c’était le bon moment pour : en partant toutes les trois, elles laisseraient Chris et Mickael entre eux, tandis que Judes pourrait se reposer jusqu’au départ prévu en fin d’après-midi.

Une fois prêtes, elles allèrent découvrir la dynamique de la ville en pleine journée. Le tout avait un charme tout aussi hypnotique que la vie nocturne.

— Venez, on va tester ce restaurant, il a l’air sympa ! — proposa Eva.

Une fois installées, elles en profitèrent pour faire plus ample connaissance.

Oumou, surexcitée, appréciait beaucoup cette sortie.

— Je trouve votre groupe trop marrant ! — déclara-t-elle.

— Comment ça ? — se demandèrent Eva et Gabrielle.

— Vous êtes si différents : il y a la belle fille, la belle fille geek, le beau garçon et le garçon loufoque. Il ne vous manque plus qu’un chien et on a toute la Scooby Team, hahaha !

— Et le pire, c’est qu’elle n’a pas tort… — avoua Eva en sanglotant de rire.

— Ça va aller Eva, ça va aller, maman Gaby est là…

— Et toi, Oumou, comment as-tu rencontré Chris ? — demanda Eva.

Oumou fut soudain plus gênée qu’à n’importe quel moment de la sortie.

— Ça me fait bizarre… je n’ai encore jamais raconté mon histoire à qui que ce soit. — déclara-t-elle.

— T’es pas obligée de nous le dire hein, si ça te met mal à l’aise. — lui dit Gabrielle.

— Non, au contraire, je suis contente de pouvoir en parler avec vous. Pour vous dire comment j’ai rencontré Chris, il faut d’abord que je vous explique le contexte.

Et c’est alors qu’Oumou raconta son passé.

— Je suis née sur le continent Hanifiyyien. Mon pays, Qura, était en proie à une guerre incessante. Je n’ai jamais rencontré mes parents biologiques, et j’ai grandi dans un orphelinat jusqu’à mes six ans, jusqu’au jour où mes parents adoptifs m’ont emmenée ici, à Snakefield.

Eva et Gabrielle, ne s’attendant pas du tout à cela, restèrent bouche bée. Elles arrêtèrent complètement de manger leur glace, qui commençait déjà à fondre.

— Mes parents ont toujours été très stricts avec les études. J’ai toujours fait en sorte de leur faire plaisir. Et est venu le jour où j’ai dû passer l’examen pour entrer à Snakefield. Comme mes parents avaient fait leurs études là-bas, je devais absolument faire perdurer la tradition.

Malgré son sourire, son visage ne put cacher totalement la tristesse que lui procurait son passé.

— J’ai dû travailler dix fois plus que d’habitude. J’en avais… les mains en sang, et mes parents me brimaient à chaque mauvaise réponse, que ce soit physiquement, ou verbalement.

— C’est horrible de faire subir ça, surtout quand tu as choisi d’adopter un enfant. — déclara Eva.

— Une fois, l’examen arrivé, j’étais tellement stressée que je pensais m’évanouir à n’importe quel moment.

Et c’est alors qu’Oumou se laissa totalement absorber par son passé.

Il y a quelques années de cela, au moment de l’examen…

Le ciel de Snakefield était d’un gris pâle, l’air était humide.

Oumou se tenait devant la salle d’examen, au sein même de la SnakeScience HighSchool. Les mains tremblantes, entourées de bandages, elle sentait le regard des autres élèves la juger sans oser s’approcher d’elle.

Et tandis que la pression montait à mesure que l’heure de l’examen approchait :

— Eh, tu vas bien ? — lui demanda un jeune garçon en posant sa main sur son épaule.

— Euh… oui, je suis juste un peu stressée de l’examen, comme tout le monde…

Le jeune homme regarda les mains bandées d’Oumou avant qu’elle ne tente de les cacher.

— Il ne faut pas paniquer autant, c’est comme ça qu’on fait n’importe quoi.

— Tu veux me dire que tu ne stresses pas, toi ?

— Non. Pour te dire la vérité, je n’ai même pas besoin de passer le test.

Oumou fut intriguée.

— Comment ça ?

— Eh bien, en fait, mon ancien prof, qui est aussi mon référent, m’a recommandé directement au directeur de l’école. Il n’a pas jugé nécessaire que je passe l’examen. Mais ça ne me convenait pas. Je lui ai dit que je voulais passer le test comme tout le monde. Si je ne le réussis pas, je n’ai aucune raison de rester.

Oumou fut admirative de ce jeune inconnu. À sa place, elle n’aurait jamais eu le courage de faire pareil.

— Comment tu t’appelles ? — demanda le garçon.

— Je m’appelle Oumou, et toi ?

— Moi, c’est Chris. Enchanté ! — répondit-il en souriant.

Soudain, le vacarme d’une sonnerie retentit : il était l’heure pour chacun de rejoindre sa salle d’examen.

— Bon, je crois bien que c’est l’heure. — annonça Chris.

— Dis-moi… — intervint Oumou timidement. — Pourquoi… pourquoi es-tu venu me voir ?

Chris fut surpris, puis répondit spontanément, le sourire aux lèvres :

— Je n’sais pas trop. Je n’aime pas trop parler aux inconnus, mais… j’ai senti ta détresse. Et te voir triste m’a rendu triste aussi, bizarrement.

Oumou ne sut quoi répondre face à cela.

— Bon, il ne faut surtout pas arriver en retard, ça serait bête haha. Bon courage, Oumou !

Et c'est ainsi qu'ils se rencontrèrent !