Le passé d’Oumou : Partie 2

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L’examen commença enfin. Oumou, calmée un instant grâce aux paroles de Chris, fut de nouveau submergée par le stress dès qu’elle se retrouva face à ses feuilles.

Malgré tout, elle essaya tant bien que mal de se concentrer. Ses mains tremblaient de plus en plus, et les menaces de ses parents résonnaient encore dans son esprit, l’empêchant de redresser la tête. Sa vue se troubla sous l’effet de la pression et des larmes.

L’examen se conclut après deux heures et demie de délai maximum. Tous les élèves restèrent jusqu’à la fin pour se relire.

En sortant de l’établissement, Oumou surprit une conversation entre deux jeunes filles.

— T’as vu ça ? Il est parti après une heure et demie d’examen, sans se relire. Ce type est complètement malade… C’était quoi son prénom déjà ?

— Je crois que c’était Chris. En tout cas, il ne risque pas d’entrer à la SSHS.

Oumou n’en revenait pas. Elle aussi pensa que Chris avait échoué, vu le peu de temps qu’il avait passé sur le test.

L’examen s’était déroulé de dix heures à midi trente. Les élèves purent ensuite profiter de la cantine de l’école en attendant les résultats. Grâce aux grandes avancées technologiques et à la Kemris, les copies étaient corrigées en temps record : une à deux heures suffisaient désormais, même pour un examen national.

Pendant tout le repas, Oumou ne parvint pas à retrouver son calme. Elle chercha Chris du regard, en vain. Puis, à quatorze heures, les résultats tombèrent.

Oumou Jasnin : 89 sur 100 / non admise.

Ce fut le coup de massue pour Oumou. Son visage se décomposa, ses yeux perdirent toute vie.

Elle rentra à reculons jusqu’à chez elle… et elle savait pourquoi.

Une fois arrivée, ce fut le chaos.

— J’arrive pas à y croire ! — cria son père en la giflant. — On t’a tout donné ! On t’a sortie de ta misère, on t’a logée, nourrie, et tu n’es même pas fichue de réussir un foutu test !?

Oumou resta au sol, sans réaction, comme vidée de toute énergie.

— Si seulement je pouvais avoir des enfants… — sanglota sa mère, la voix tremblante de rage. — On aurait eu un enfant doté de l’intelligence élohimmienne, au lieu d’adopter une sale hanifiyyienne ! Elle est aussi stupide que ses congénères !

— Tu vas prendre tes affaires et partir de chez nous. — ordonna froidement le père. — Sale hanifiyyienne de merde.

Oumou supplia ses parents en pleurant, mais en vain.

C’est ainsi qu’elle fut mise à la rue, en pleine fin d’après-midi, sans un sou en poche.

Totalement désemparée, une valise à la main, elle partit s’asseoir devant les panneaux d’affichage des résultats, comme si elle espérait que son nom change soudainement de ligne.

Elle resta là jusqu’à la tombée de la nuit, les yeux fixés sur la feuille comme si elle pouvait encore changer.

C’est alors qu’un élève s’approcha pour regarder les résultats. Une fois sa lecture terminée, il se retourna, et leurs regards se croisèrent. Après un court instant d’hésitation, ils se reconnurent.

— Oumou !?

— Chris !?

Il vint aussitôt s’asseoir à ses côtés.

— Alors, qu’est-ce que tu fais ici si tard, et avec une valise ? — demanda-t-il.

— Rien… je voulais juste revoir les notes…

— Tu regardes ça que maintenant ? Et ça n’explique toujours pas la valise.

— Bah quoi ? T’es bien venu regarder aussi, non ?

— Oui, mais moi je suis parti avant les résultats, j’avais des choses à faire. Et toi, vu comment tu stressais, ça m’étonnerait que tu ne sois pas restée jusqu’à la fin. D’ailleurs, tu as réussi ?

Au regard d’Oumou, Chris comprit tout de suite que non. Puis, en observant la scène, il réalisa :

— Attends, Oumou… ne me dis pas que tes parents t’ont mise à la rue ?

Oumou fondit en larmes, incapable de mentir davantage.

— De toute façon, je savais que j’allais échouer l’examen. Comme l’a dit ma mère, je ne suis pas une élohimmienne. Je ne suis qu’une sale hanifiyyienne, donc pas assez intelligente pour réussir un tel test… — s’avoua-t-elle, un sourire brisé aux lèvres.

— Ne dis pas n’importe quoi ! — s’écria Chris en se levant du banc. — Si tu continues à croire toutes ces conneries, tu finiras exactement comme ils le veulent ! Ne les laisse pas t’imposer leur vision de toi, ni celle de ton peuple !

— Oui, mais qu’est-ce que tu veux que je fasse, dans tous les cas ? Hein ? — répondit-elle d’une voix brisée.

Chris lui tendit la main.

— Tu n’as qu’à venir avec moi. Je ne te laisserai pas dormir dehors. Et puis comme ça, tu seras là… quand je changerai le monde.

Oumou, toujours assise, leva la tête, intriguée :

— Changer le monde ?

— Oui. Je vais changer ce monde, où les plus forts imposent leur réalité aux plus faibles. Toutes ces personnes qui subissent des guerres, des viols, des meurtres… Je veux éradiquer tout ça.

— Et comment comptes-tu faire ? — demanda Oumou, fascinée, les yeux encore pleins de larmes, mais cette fois d’espoir.

— En changeant la réalité. En virtualisant le monde !

— Virtualiser le monde ? Mais ça consiste en quoi ? — demanda-t-elle, la voix tremblante mais émerveillée.

— Suis-moi, et tu verras bien. — répondit-il en riant doucement.

Leur conversation dura plus d’une heure. Ces deux êtres, qui n’étaient encore que de parfaits inconnus quelques heures plus tôt, devinrent de véritables amis.

— À la fin de la soirée, Chris m’invita à dormir chez lui. Et le lendemain, il me fit une surprise : il parla de moi à monsieur Sabimmia, qui m’accorda une nouvelle chance de passer l’examen… que je réussis haut la main.

Oumou esquissa un sourire en repensant à cette époque.

— Et c’est comme ça que mon amitié avec Chris a commencé.

Lorsqu’elle termina son histoire, elle regarda Eva et Gabrielle et…

— Hein !? Mais… pourquoi vous pleurez toutes les deux ? — s’étonna-t-elle, gênée.

— Ton histoire est magnifique ! Vous êtes faits l’un pour l’autre ! — déclara Eva en essuyant ses larmes.

— Quoi !? Faits l’un pour l’autre !? Mais non, enfin ! On est juste amis ! — répondit Oumou en rougissant.

— Mais dis-moi, Oumou… qu’est-ce que tu fais quand tu n’es pas avec Chris ? — demanda Gabrielle.

— Eh bien… je n’ai pas vraiment d’amies. Alors je lis, ou j’essaie de trouver des moyens d’aider Chris.

— QUOI !? — s’écrièrent Eva et Gabrielle en chœur.

— Tu n’as pas de passions ? De choses que tu aimes ? Tu aimais quoi, quand tu étais petite ? — interrogea Eva.

— À vrai dire… j’ai très peu de souvenirs de mon enfance. À force d’étudier, je crois que j’ai tout oublié. — répondit-elle, avec un petit sourire sincère.

Ce qu’Oumou venait de dire frappa ses deux interlocutrices.

Soudain, elles prirent chacune une de ses mains.

— Écoute, Oumou. Dorénavant, Gabrielle et moi, on sera tes premières amies.

— Tout à fait, Eva ! Et même si on repart ce soir, on t’ajoutera dans tous nos groupes. Et quand on reviendra, on fera tout ensemble, ok ?

Oumou fut submergée de joie. Ces mots résonnèrent en elle comme une douce mélodie.

— D’accord, les amies. Merci… infiniment.

Puis, nos trois amies profitèrent pleinement de leur dernière journée ensemble.

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