Chapitre 40 : Déchirements - Partie 1
Il était vingt-et-une heure quand un cri perçant résonna dans l’un des halls de l’internat.
- Appelez une ambulance !!!
L’ordre, glaçant, dans la bouche de Laure, avait atteint la dame de la réception comme une balle en pleine tête. Cette dernière s’était redressée d’un coup, tel un militaire aux ordres, et avait attrapé le téléphone par réflexe. Trois chiffres à taper… Il n’y avait pas plus rapide, mais pour Laure, ça ne l’était pas assez. Lorsqu’elle vit les doigts tremblants de la femme hésiter autour des touches, elle s’agaça en lui arrachant le téléphone des mains :
- Ce n’est pas possible ! Du nerf !
Le capitaine avait repris les commandes, en soumettant ses injonctions aux ambulanciers. Ce fut à cet instant précis, alors secouée, que la femme comprit ce qui était en train de se dérouler dans le dos de la Richess.
***
C’était comme si quelqu’un essayait d’arracher son cœur hors de sa poitrine. Faye était sortie de la chambre de Laure, écorchée. Elle traversa les couloirs sans en reconnaître le sol et les peintures. Face à elle, seul un tunnel se présentait. Elle avait besoin d’arriver au bout de celui-ci, de trouver de l’air, car celui qu’elle côtoyait était devenu irrespirable.
Qu’allait-elle faire, maintenant ? Inondée par son flot de pensées, elle descendit les escaliers à la façon dont une cascade déferlait. Poussée par le courant, et en chassant tout ce qui se trouvait sur son chemin. Sa grossesse l’habitait, pourtant. Elle avait ce bébé dans le ventre, et aucun ami pour l’aider. Rongée par les larmes, elle s’arrêta brièvement sur un des paliers. Des tremblements l’envahirent. Ce n’était pas ça. Simplement, qu’aucun ne voulait l’écouter. Non, vraiment, aucun ne lui avait demandé comment elle se sentait. Il fallait juste le dire à Alex. Prendre une décision rapidement. Savoir si elle voulait le garder. Mais comment savoir ! Elle hurlait à l'intérieur. Comment imaginer élever cet enfant, sans même avoir la certitude qu’Alex allait l’accompagner ? Comment, à son âge, allait-elle pouvoir enfanter ? Comment pouvait-elle devenir mère, sans avoir la sienne à ses côtés ?
Fébrile, elle avala l’air par à-coups, ses doigts rencontrant son front brûlant.
Si seulement, elle n’était pas tombée enceinte.
Avec cette même phrase, qui tournait encore et toujours dans son esprit, le hall principal se mit à danser sous ses yeux. Elle se retint à la rambarde, en respirant de plus en plus fort. Que lui arrivait-il ? Tout était devenu flou, un long sifflement l’assourdissant.
“ Faye !”
En sentant la main de Laure rejoindre la sienne, Faye se laissa glisser, telle une écume, sur la dernière marche des escaliers. Aussitôt, les ordres pleuvèrent dans la pièce, ainsi que des larmes sur les joues de Faye.
Elle ferma les yeux un instant, profitant alors de la douce image d’elle en train de porter son bébé dans ses bras. Une berceuse accompagnait les gazouillis de sa fille et de sa propre voix. Mais il n’y avait qu’un mois qu’elle était enceinte. Si elle ne lui avait pas confié, Laure n’aurait jamais été capable de faire la différence, et elle ne serait probablement pas en train de hurler aux ambulanciers de se dépêcher.
Car elle était enceinte.
Faye frissonna à cette idée, une impression de froid se répandant dans tout son corps. Cela avait commencé entre ses jambes pour finir dans sa tête, où elle s’enferma. “Pourquoi tu n’avortes pas ?” Laure l’avait à nouveau rejointe. Accroupie à ses côtés, elle piailla :
- Les ambulanciers vont arriver, tout va bien se passer.
L’hôpital était si proche de Saint-Clair. Il ne leur faudrait que quelques minutes pour débarquer. Mais à quoi bon ?
“Tu es enceinte ?”, le visage de Selim s’était illuminé. Faye accrocha ses doigts un peu plus à son ventre. “Qu’est-ce que tu comptes faire, le garder ?”. Elle se remémora amèrement comment Nice l’avait réprimandé, “Donc tu n’es pas prête à le dire à Alex, mais tu es prête à t’en débarrasser ?!” ; “Pourquoi tu me l’as pas dit ?”.
Un hoquet lui échappa. Lorsque les ambulanciers arrivèrent de part et d’autre pour la relever, elle se laissa emporter, sans chercher une once d’espoir dans leurs paroles d’encouragement.
Elle savait que c’était trop tard.
***
De la même manière que les héros dans les films d’action, Selim s’était arrêté d’un coup pour vérifier sa toute nouvelle montre. Planté au milieu des couloirs de l’internat, celui-ci analysait le cadran d’un air inquiet, comme s’il craignait de manquer de temps pour accomplir sa mission. Ou peut-être était-ce une manière de mettre en avant le cadeau qu’il venait de recevoir de sa mère ? Cette dernière lui avait offerte pour son anniversaire, et il allait sans dire qu’elle connaissait parfaitement ses goûts. Ainsi, était-elle sportive et aussi clinquante que sa personnalité.
Mais il divaguait, et puis, il n’y avait personne devant qui frimer, le précédent discours de Madame Paul ayant déjà fait son effet.
Les internes devaient maintenant respecter le couvre-feu, et Selim l’avait bien compris, “cela valait pour tous”. Il était donc bien décidé à s’y tenir, et principalement parce qu’il ne voulait pas être le premier Richess à y déroger. Car s’il y avait quelqu’un que tout le monde attendait au tournant, c’était bien lui.
Il était trop gaffeur…
La preuve étant qu’il avait merdé avec Faye et Alex. Depuis qu’il avait lâché la mèche à Alex, ce dernier n’avait cessé d’agir bizarrement. Rien de plus étonnant quand on venait d’apprendre qu’on allait être père à dix-sept ans.
Dans quel état allait-il le retrouver ? Après qu’il ait manqué le repas du soir, Selim avait décidé de le rejoindre, mais au fond, il n’espérait qu’une chose : Alex et Faye avaient disparu sur le temps de midi, pour ensuite ne jamais réapparaître. Nourri d’un espoir, il s’arrêta devant sa porte et se prépara mentalement en s’infligeant un millier de petites claques sur ses joues. Il frappa ensuite.
Peut-être les retrouveraient-ils ensemble ? Réconciliés et aimants, prêts à embrasser leurs rôles de parents. Puis, ils auraient leur enfant, et un enfant né de deux Richess… Quel boum cela ferait !
Tous ses rêves éclatèrent comme des bulles de savon avec l’apparition d’Alex. Ce dernier l'accueillit avec une tête de six pieds-de-long, rien qui ne laissait imaginer une réconciliation.
Rares étaient les fois où les mots manquaient à Selim, mais face à la tristesse de ce visage, il se trouva à court d'idées. Et lorsque ce dernier l’invita tout juste à entrer, il eut l’impression de le déranger. Il le suivit malgré tout, en constatant l’état de ses chaussures, qui étaient complètement défaites à ses pieds. Cela ne pouvait signifier que deux choses : soit il venait de rentrer, soit il s’apprêtait à partir. Selim vota pour la deuxième option :
- Tu sors ? lui demanda-t-il, histoire d’être fixé.
Penché en avant au bord de son lit, Alex haussa les sourcils. Cela semblait évident. En s’appliquant à lacer ses bottines, il répondit brièvement.
- Ouais.
- Ouais, répéta Selim, un peu mal à l’aise. Tu as pas mangé ! Ça te dit que je t’accompagne ? La bouffe à la cantine était dégueulasse, je me ferais bien une pizza ! Et on est dans les temps.
Il ne parut pas aussi sûr de lui cette fois, quand il jeta un œil à sa montre. Moins encore, lorsque Alex enfonça son regard dans le sien. Ce dernier n’eut qu’à tendre le bras pour attraper le veston en cuir qui reposait sur sa chaise de bureau. Il l’enfila en se levant, face à Selim, qui lui fit face à un mur, dur et froid, comme le marbre.
- Non, répondit-il. J’ai envie d’être seul.
Le message était clair, mais Selim n’avait aucune envie de le laisser seul. Comme une mouche, il se mit à tourner autour de lui, déjà prêt à envoyer toutes ses bonnes résolutions en l’air pour le convaincre.
- Allez ! On mange une pizza et on sort ! Ça te fera du bien, et puis moi aussi, j’ai besoin de décompresser.
Il ne laissa pas le temps à Alex de rechigner.
- On fait qu’étudier avec Nice en ce moment avec les examens qui arrivent, et puis… C’était mon anniversaire ! On a pas encore fait la fête…
Malgré tous les efforts qu’il y consacra, il ne vit quasiment aucun changement dans l’expression d’Alex. Sauf peut-être la manière dont un pli se forma entre ses sourcils.
- Sinon, je ne bouge pas d’ici, insista-t-il.
Comme agacé, Alex fit aller ses clés entre ses doigts.
- … Parfait, bouge pas d’ici.
D’un coup, il lui lança, et de justesse, Selim les récupéra, mais ce dernier se décomposa lorsqu’il le vit partir sans lui.
- Non, attends…
- S’il te plaît, ne me suis pas ! s’exclama Alex, en se retournant vivement. Ça n'a rien avoir avec toi, mais… j’ai besoin d’être seul.
Selim n’avait jamais ressenti la différence de taille qui existait entre eux, mais à cet instant précis, il se sentit minuscule. Alex avait toujours tout partagé avec lui. Qu’allait-il bien pouvoir faire tout seul dans cet état ?
Il aurait aimé être son héros, même pour une soirée. Mais en réalité, il n’avait aucune idée de quoi dire ou quoi faire pour soulager sa peine.
- D’accord…
***
La claque froide qu’Alex se prit en sortant de l’internat lui fit le plus grand bien. En enfournant ses mains dans les poches de son blouson, il huma l’air frais, avant de prendre le chemin de la ville.
Il avait l’esprit échauffé. Se dégourdir les jambes lui ferait du bien. Ainsi, rapidement, il laissa le bâtiment loin derrière lui et se dirigea vers le centre, en songeant à l’avertissement que l’homme à la réception lui avait glissé. Mais Alex n’en avait rien à foutre de ce nouveau couvre-feu. S’il ne rentrait pas, cela ne comptait pas, si ? Et puis peu importait les conséquences, dans cette école, cela fonctionnait comme partout : l’argent résolvait tout.
Tout ?
Le visage serré, il s’arrêta au feu rouge avant de traverser. En écrasant sa nuque en arrière, Alex jeta un oeil au ciel noir. Malgré le froid de canard, il faisait dégagé. Les lumières de la ville, cependant, ne lui permirent pas de voir les étoiles. Il aurait aimé être emporté là-bas, et se fondre au travers de cette masse lugubre, où il deviendrait un point parmi tant d’autres. Voilà ce qu’il recherchait avec l’effervescence de la ville. Un endroit où il pourrait passer inaperçu. En empruntant les rues, décorées par les vitrines allumées pour la nuit, il comprit que ce ne serait pas un soir de fête. En aurait-il eu envie ? Au fond, pas vraiment. Alex n’avait envie de côtoyer personne. Pas même son meilleur ami. Il s’en voulut de la façon dont il avait traité Selim, mais ce dernier était trop impliqué. À ses côtés, ou aux côtés de tous ses autres amis, il n’arrivait pas à réfléchir, ou même… à faire le vide.
Il s’enfonça alors plus loin pour rejoindre des petites ruelles, cherchant un endroit où il aurait la paix. Alex trouva son bonheur en tombant devant ce bar miteux, où il en était certain, seuls ses habitués devaient s’y plaire.
En effet, lorsqu’il poussa la porte, il vit de part et d'autre du couloir principal de vieux hommes attablés qui le dévisagèrent aussitôt. C’était leur bar, et c’était parfait. Quand il se présenta au comptoir, qui dominait au milieu des quatre murs, il devina tout de suite que le propriétaire avait reconnu Alex Stein. Cela lui parut tout à fait appréciable, qu’il eut l’air d’en avoir aussi rien à foutre que lui du couvre-feu :
- Qu’est-ce que je te sers ?
- Une triple.
- Je t’apporte ça, dit-il, en finissant d’essuyer son verre. Tu peux aller rejoindre ton ami là-bas.
- … Quoi ?
D’un mouvement de tête, il lui montra la pièce derrière lui.
- Ce gamin semble aussi déprimé que toi.
C’était un trait de plaisanterie, qui ne le fit pas rire du tout. L’homme n’aurait pas pu savoir la relation qui le liait à Steve. Mais en se retournant, ce fut bien lui qu’il vit, en train de boire seul, adossé à une banquette.
Alex le fixa longuement, encore à moitié accoudé au bar. Il détourna alors le regard, et revint dans celui de l’homme, troublé.
- … Oubliez ma commande, je crois que…
À nouveau, il se retourna. Il bloqua ses yeux sur Steve, en analysant les traits de son visage. Il ne les avait jamais vues aussi lisses, et si peu expressifs. Alex appuya le bout de ses doigts contre le bar.
- Non, c’est bon, dit-il, à l’homme qui gardait les sourcils bien hauts.
Il s’enfonça dans la pièce, d’un air sombre et se planta devant la table de Steve. En relevant la tête, ce dernier ne sembla pas surpris, mais il donna l’impression de se trouver sur une autre planète, en lâchant simplement un petit :
- Oh.
Alex fronça les sourcils. Il hésita longuement, mais il finit par prendre place à sa table. Cela fit grimacer Steve, qui redressa doucement contre sa banquette, en gardant sa main collée à son verre.
- Tu bois quoi ? lui demanda Alex.
Du dos de sa main, ce dernier couvrit à moitié le sourire qui vint s’étaler sur ses lèvres. Alex comprit, il était bourré.
- Vodka bébé, lâcha-t-il, en étouffant son rire.
C’était de la noire. Bien sucrée, comme Alex pouvait l’aimer. Il se retourna sur son siège, en faisant signe au proprio qu’il voulait la même chose. De cette manière, ils se retrouvèrent avec une bière en trop sur leur table. Alex commença par là, il la leva, pour trinquer, mais Steve ne prit pas de gorgée supplémentaire. Il se mit à ranger ses mèches noires devant son visage, comme s’il était embarrassé, les coudes posés sur la table et finit par soutenir sa tête, en la rangeant dans ses mains.
- Alors… dit-il, gaiement. Qu’est-ce que tu fais là ?
Son visage était encore amoché des coups qu’il lui avait donnés la veille, et réciproquement. Pour une raison obscure, cela fit naître en Alex, un sentiment de confort. Davantage, car il était en position de force.
- Donc c’est vrai ce qu’on dit sur le fait que les asiats supportent pas l’alcool ?
- Ha, c’est pas mon fort, ouais, lâcha Steve.
Il était bien trop honnête. Alex se détendit, il se laissa aller sur sa chaise. Il n’avait pas répondu, mais Steve ne lui demandait aucun compte à rendre. Il était juste là.
Il se mit à jouer avec son verre.
Au fond, il avait besoin d’en parler :
- Faye est enceinte.
Le regard de Steve s’était agrandi.
- Waw…
- Ouais, comme tu dis…
- Trop bien, souffla-t-il.
Ce fut au tour d’Alex d’être surpris.
- Ah oui ? répondit-il, incertain.
- Qu’est-ce que je donnerai pour avoir un enfant avec Sylvia.
Ses yeux étaient devenus brillants, sincères. Il en rêvait. Mais Sylvia était sa professeur, et quelqu’un les avait dénoncés, à ce qu’il avait compris. Oui, Steve aussi, faisait face à son lot de problèmes.
- Mais, fit-il, en appuyant sur sa tête. Laisse-moi me concentrer. Faye et toi… c’est la merde en ce moment, et un peu à cause de moi d’ailleurs.
- Oui, un peu à cause de toi, d’ailleurs.
Ils se fixèrent un moment.
Dehors, le bruit d’une ambulance retentissait. Elle passa à toute allure, comme tout ce qui pouvait filer dans leurs têtes.
- Je t’en veux pas, déclara Alex. C’est moi qui ai déconné, et puis maintenant… ça n’a plus d’importance. Elle est enceinte, dit-il, comme s’il n’en avait toujours pas réellement conscience. Et je… je me sens… Je sais pas quoi en penser, en fait. Je lui ai dit des choses affreuses…
- Tu regrettes ?
Quand est-ce que ce dingue était-il devenu la voix de la raison ? Alex était tourmenté. Bien sûr qu’il regrettait de l’avoir traité de cette manière, et en même temps, il lui en voulait aussi de toutes ses cachotteries.
- T’as pas envie d’avoir un gosse ?
- … Si, mais…
Il se surprit lui-même.
- Je crois que j’en ai toujours voulu un, mais pas maintenant,...
- Pourtant, t’es cool, tu devrais savoir t’en occuper.
- Oui, je… je sais que je pourrais m’en occuper. J’avais juste pas imaginé que ça arriverait maintenant, aussi tôt. Et puis, tu sais, on n'a même pas encore trouvé de solution pour contrer les lois…
- Pff, tu t’en fous des lois, nan ? Tu fais déjà ce que tu veux. Puis, regarde vos parents. Ils sont tous en train d’envoyer le monde se faire foutre. Vous êtes tous surpuissants, qu’est-ce qu’il pourrait vous arriver ?
Il avait raison.
- Tu sais quoi ! Je pense que tu as même plus de chance de t’en sortir que moi !
- Dis pas ça…
Depuis quand ressentait-il de la compassion pour Steve ? Ce type avait toujours été égoïste, et complètement fou. Il se souvint de lui, à l’époque. Quand il se faisait harceler à cause de ses bourrelets. Alex avait même couché avec sa copine. La seule qu’il avait dû avoir à ce moment-là. Maintenant, il avait Sylvia.
- Qu’est-ce qui s’est passé entre vous ? lui demanda Alex.
Steve ne sembla pas s’attendre à cette question. À nouveau, il se replia sur lui-même, comme gêné. La frustration se lit ensuite sur son visage.
- Pas grand chose… Elle est juste venue me dire qu’elle voulait rompre.
Il marqua un temps, où il donna l’impression de se remémorer la scène.
- Je ne comprenais pas pourquoi, alors… J’ai mené mon enquête ! Et j’ai découvert que Madame Paul l’avait convoquée. Quelqu’un lui aurait soufflé qu’on était ensemble. Comme si… c’était possible ! Personne n’aurait pu imaginer ça, lancer une telle rumeur, je pensais qu’on était à l'abri…
- Mais Kyle ? Ça ne peut être que lui.
Il se tut, abruptement. Alex vit un instant la rage qui s’écoula dans ses yeux.
- Pourquoi est-ce que tu as du mal à le croire ?
- … Je n’ai pas du mal à le croire, avoua-t-il. Mais je pensais... En fait, je pensais… qu’on était devenus amis.
En le disant, il parut se rendre compte à quel point c’était ridicule. Pourtant, Alex devait le reconnaître. Ils avaient formé un duo de choc. À sa place, peut-être qu’il aurait fini par y croire aussi. Mais c’était de Kyle dont on parlait. Il regarda Steve avec peine.
- Si quelqu’un arrive à prouver que ce ne sont pas des rumeurs, ajouta-t-il, en se frottant le visage. Elle se fera renvoyer, donc… elle préfère qu’on ne soit plus ensemble, car moi aussi, je risque de me faire renvoyer, mais moi, je m’en fous !
- Il ne reste plus qu’une année, non ?
Steve sortit de sa tirade. Il comprenait tout à fait ce qu’il voulait dire.
- Oui…
- Une année, si vous vous aimez vraiment, ce sera peut-être long, mais… vous y arriverez.
Il vit à la tête qu’il fit qu’il lui accordait.
- Oui, c’est vrai, c’est juste que ça me fait mal de ne pas pouvoir être avec elle… Je -... Désolé, lança-t-il, soudainement. C’est pas le moment de parler de ça, tu as tes soucis aussi…
- On a tous les deux nos soucis. En fait, dit Alex, avant de prendre une gorgée. Je suis content d’avoir pu en parler à quelqu’un, qui n’essaye pas de penser à ma place.
- … Moi aussi, répondit-il, un peu embarrassé. Mais tu sais, j’ai toujours un peu envié votre groupe, à vous les Richess. Avoir un groupe d’amis comme le vôtre, c’est plutôt cool, non ?
Alex devait aussi lui attribuer un point. C’était vraiment cool. Il s’en voulait encore d’avoir mis Selim de côté. Le connaissant, ce dernier avait dû lui envoyer un message. Et quand bien même, il essayait de ne pas penser à Faye, combien même, il lui en voulait, une part de lui, ne pouvait s’empêcher de s’imaginer à ses côtés. Peut-être même qu’il se voyait bien en compagnie de leur bébé.
En sortant son téléphone, il espéra, comme à chaque fois, voir son nom apparaître. Alex n’oublia pas pour autant Steve :
- Qu’est-ce que tu comptes faire pour Kyle ?
Il avait plein d’appels ratés. De Laure ? Selim lui avait aussi envoyé des messages, comme il le pensait.
- Je ne sais pas, répondit Steve. Il est… tellement dingue en ce moment, avec toute cette histoire de Diable Blanc. Je serais à la place de Kimi,...
Alex se leva d’une traite. Le nom de Faye lui était bien apparue, mais pour une raison qui fit battre son coeur à toute allure :
- Faye est à l’hôpital.
Steve le regarda coï, puis il constata, la façon dont il se mit à trembler. Il sortit son téléphone à son tour.
- Je commande un taxi, assieds-toi, dit-il en se dressant à ses côtés.
- Steve, non, je… il faut que j’y aille tout de suite…
Fermement, Steve appuya sur son épaule pour le forcer à s’asseoir. Il ne parut plus du tout saoul.
- Fais-moi confiance, et assieds-toi.
Lui faire confiance ?
Désespéré Alex, le supplia d’un regard déchirant. Il devait faire les choses bien, et à ce stade, il ne pouvait que s’en remettre à lui.
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