Chapitre 43 : Bip sonore.
Elliot sortit de ses bâtiments en saluant quelques collègues, et comme à son habitude, avec un dernier café à la main. Tout en se faufilant entre les voitures qui quittaient le parking, il songea au fait qu’à ce jour, cette idée restait la meilleure qu’il avait eu pour sa société : les gobelets à emporter.
Il en ramenait toujours un avec lui dans sa voiture, juste au cas où. Et puisque la journée avait été particulièrement éprouvante pour lui et ses coéquipiers, cette fois, il avait même opté pour un double. L’odeur seule de sa boisson favorite lui donnait l’énergie nécessaire pour la route qu’il avait encore à fournir. Mais il n’était pas fou. Avant de démarrer, il savoura une dernière gorgée, puis rangea le gobelet à sa place. Ce rituel, bien imbriqué, dans une routine où aucune journée ne se ressemblait, lui permettait de se déconnecter.
Une fois au volant, il arrivait généralement à mettre le travail de côté. À décompresser en profitant du silence de son auto. Il n’avait alors plus qu’une idée en tête : rentrer à la maison pour retrouver Katerina et l’embrasser sous tous les plis. Il attendait ensuite les week-ends avec impatience, bercés par les humeurs et les rires de leurs enfants.
En une soirée, ce quotidien avait été bouleversé.
Elliot s’en voulait terriblement ; de ne pas avoir réagi plus tôt au mal-être de sa fille ; de ne pas avoir su mesuré ce qui grandissait dans sa tête et dans son ventre… Pire, il s’en voulait de reprocher à Faye son manque de confiance envers lui. Il l’aurait écouté et guidé, pourtant. Mais cette dernière avait décidé de ne rien lui dire.
En s’arrêtant au feu rouge, Elliot mit un coup dans son volant, frustré. Il devait maintenant lui faire face tous les jours, dépourvu du pouvoir de la consoler. Même si Katerina lui avait répété qu’il lui suffisait d’être “là”, il devait l’admettre : elle était bien plus douée que lui pour ça. Plus sage et plus tendre, contrairement à lui qui s’énervait pour un tout et pour un rien…
Son entretien avec Madame Paul en témoignait. L’effort qu’il avait dut fournir pour ne pas craquer et rabattre son claquet à cette horrible femme relevait du miracle.
***
Afin de ne pas trop attirer l’attention, Elliot avait décidé de se rendre à Saint-Clair durant la première heure de cours. En traversant l’espace, vide d’élèves, un drôle de sentiment naquit en lui. Un mélange de nostalgie et de détresse à l’idée de devoir entamer des négociations.
Lorsqu’il arriva face au bureau du directeur, qui était encore marqué du nom et du prénom : Olivier Xavier, Elliot regretta qu’il n'eût pas affaire au vieil homme. À la place, une dame l'accueillit. Madame Paul, sa remplaçante, qui de ce qu’il en avait vu, portait uniquement des ensembles gris souris.
Cette dernière l’avait écouté avec tant d’attention, qu’il eut cru qu’elle serait la première à amener une solution.
À la place, elle lui demanda d’un air plat :
- Que proposez-vous donc ?
- Ne pourrait-on pas…
Elliot décida de ne pas se lancer dans des sous-entendus.
- … nous appuyer sur ses notes actuelles ? Afin de valider sa session d’examen.
Il vit à quel point dans les yeux de la femme cette proposition était non négociable. Les mains sous son menton, celle-ci le fixait dans l’attente qu’il poursuive son discours, auquel il le savait, la réponse serait “non”.
Elliot ne s’était jamais senti aussi adolescent qu’à ce moment même. Là, à quémander une chose qu’on ne lui accorderait pas. Si cela avait été Monsieur Xavier…
- C’est une bonne élève. Elle n’a aucune note en dessous de la moyenne, expliqua Elliot. En temps normal, elle n’aurait eu aucune difficulté à passer ses examens et à les réussir haut la main.
Madame Paul marqua un long temps de silence avant de considérer un dossier sur le coin de “son” bureau :
- Aucune note en dessous de la moyenne, certes. Mais ces derniers temps, il semblerait que Faye ait fourni peu d’efforts en classe et que celles-ci aient baissé drastiquement…
- Bien sûr !
Frappé par l’exigence de son regard, Elliot s’obligea à se reprendre.
- Je veux dire, évidemment… Elle était encore enceinte, et complètement perdue… Imaginez-vous à quel point cela a dû être difficile pour une fille de son âge ?
- N’avez-vous pas été père au même âge que le sien ? Je me rappelle d’une loi indiquant que les Richess devaient enfanter à dix-sept ans.
Comment pouvait-elle parler de cette manière ? Cette loi avait été reculée de quelques années, justement à cause de son caractère immoral. Alors qu’il bouillonnait de l’intérieur, le trouble et l’inquiétude prirent le dessus. Il devait par-dessus tout trouver une solution pour Faye.
- Elle a perdu son bébé, dit-il, d’un ton particulièrement dur. J’aimerais que vous le preniez en compte et que vous me proposiez une alternative pour ses examens.
Face à lui, il vit Madame Paul considérer sa demande d’un mouvement de tête sur le côté.
- Je vous en prie, insista-t-il, en écrasant ses mots.
***
Elliot grogna en se remémorant le sourire satisfait de Madame Paul. Dès le départ, cette dernière avait eu une alternative à lui proposer :
“Vous savez, je n’ai pas eu l’occasion d’avoir des enfants. Je n’en reste pas moins une femme avec un cœur…
Ses professeurs lui fourniront des travaux à effectuer à la maison. De cette manière, elle sera évaluée. ”
Elle avait simplement attendu qu’il fasse preuve de faiblesse avant de lui exposer. Tandis qu’il la maudissait, toutes ses pensées revinrent à Faye. Rien ne servait d’être en colère. Il s’apprêtait à retrouver sa fille et à lui expliquer le travail qu’elle allait devoir fournir pour l’école, alors qu’elle venait de perdre son bébé.
Pour se donner du courage, il se mit à taper sur l’écran de sa voiture, dans l’idée d’appeler Katerina.
Aussitôt, l’appareil se mit à crier : “Vous avez un nouveau message !” ; “Le lire ?”. En sourcillant, Elliot appuya sur la case “oui” et écouta le message de Katerina. Sa voix, lui annonçant qu’elle rentrerait plus tard, lui parut étrange. Sans compter qu’elle lui avait expliqué quelques jours auparavant la nature de leur réunion. Celle-ci n’avait pas pour but de s’éterniser.
Inquiet, pour une raison qu’il ignorait, Elliot décida de l’appeler. Après tout, il avait cruellement besoin d’entendre sa voix.
La seule voix à laquelle il eut droit cependant, fut celle de sa messagerie.
Suivi d’un long bip sonore.
***
“Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Loyd Akitorishi. Laissez-moi un message et je vous répondrai dès que possible.”
***
Un filet de buée s’extirpa d’entre les lèvres de Sky. Sous sa capuche en fourrure, celui-ci portait une expression dénuée de sens.
- C’est bizarre, lâcha-t-il dans le vent.
- Il répond toujours pas ?
À ses côtés, Selim marchait de façon dynamique. Il faisait glacial dehors, et tous les quatre, avec Nice et Kimi à l’avant, traversaient la ville pour se rendre jusqu’au bowling. Sky haussa les épaules, en répondant :
- Non, toujours pas. C’est lui qui a proposé d’y aller, pourtant… Qu’est-ce qu’on fait, on y va quand même ?
- Si on y va ?
Comme si la foudre venait de le traverser, Selim bondit devant lui et le menaça de son index.
- Un peu mon neveu ! C’est pas parce que Monsieur Loyd a décidé de changer ses plans qu’on doit faire la même chose ! Hein, les filles ?
Blottie sous son gros manteau rouge en laine, Nice se retourna en premier. Ainsi vêtue, elle ressemblait au petit chaperon.
Progressivement, un sourire cocasse s’agrandit aux coins des lèvres de cette dernière.
- Il ne faut pas s’inquiéter, répondit-elle. C’est Laure et Loyd. Ils ont simplement dû… vouloir passer un peu plus de temps ensemble.
- Ou alors, ils sont en train de revoir leur plan maléfique ! s’exclama Kimi, en agitant ses dix doigts.
Les deux filles se mirent à rire, attachées l’une à l’autre. L’idée de sécher les révisions les avait rapprochées plus que jamais.
- Ça fait une décennie que je n’ai plus joué au bowling, reprit Kimi. Tu penses qu’on peut les battre ?
Pour toute réponse, Nice lui glissa quelques mots à l’oreille.
- C’est quoi ces messes basses ? leur envoya Selim.
- Rien, rien ! s’en alla, Nice, dont le regard complice s’écrasa dans celui de Kimi.
À son tour, la blonde lui chuchota quelque chose. Elles détalèrent la seconde après, direction le bowling, comme si elles avaient fait preuve de télépathie. Selim, sur les starters, s’exclama, tandis que Sky se moqua en soupirant.
- Franchement, pourquoi elles courent ? C’est ridicule…
- Peut-être qu’elles ne veulent plus voir ta sale tronche.
Qu’est-ce qu’il avait dit ? Alors que ce dernier fila telle une petite fusée dans les rues, Sky le poursuivit avec la ferme intention de lui botter le cul.
En arrivant complètement essoufflé à l’entrée du bowling, il attrapa la manche de Selim, à qu’il octroya un regard de tueur.
Ce dernier eut au moins la décence de lui tenir la porte :
- Alors, c’est toi qui régales ?
Selim lui lança un grand sourire, tandis qu’il se faufila à l’intérieur. En le regardant fixement, Kimi et Nice l’attendaient déjà au comptoir.
Il eut un rictus :
- Je vois, fit-il, en sortant son portefeuille. C’est pour moi !
***
- Penses-y, Nice…
Accrochée à sa taille, Selim était en train de lui faire les yeux doux. Elle esquissa un petit sourire, occupée à jauger les différentes boules de bowling dans le distributeur.
- Je t’ai dit que j’allais faire équipe avec Kimi.
- Voilà les boissons !
Interpellé, le couple se retourna et vit Sky en train de descendre sur la piste, un plateau en main. Sur celui-ci, non seulement quatre bières les y attendaient, mais en plus, un antipasti.
- J’ai craqué, annonça-t-il, en déposant le tout sur la table. Où est Kimi ?
D’un regard circulaire, il la chercha dans la pièce, où les pistes étaient majoritairement vides. Celles-ci se rempliraient sans aucun doute au fil des heures. La musique, elle, battait déjà son plein. En mouvant sa tête, Sky prit un siège, et questionna ses amis du regard, tout en piquant dans un petit fromage.
- Servez-vous, dit-il.
- Ha ! fit Selim, en s’installant en face de lui. Tu cherches ta coéquipière ?
Alors qu’il s’apprêtait à attraper un morceau de saucisson, Sky lui flanqua une claque sur sa main.
- Aïe ! s’écria celui-ci.
- Pas de saucissons pour les cons. C’est quoi cette histoire, je ferai pas équipe avec Kimi, c’est…
- C’est hors de question.
L’écho dans son dos lui fit tourner la tête. Kimi était arrêtée dans les escaliers derrière lui. Il la dévisagea de haut en bas, avant de plonger dans ses prunelles, qu’il trouva éternellement dures envers lui.
Puis, tout d’un coup, il vit son visage s’égailler complètement.
- Par contre, je veux bien du saucisson !
Elle avait vu la nourriture. Logique. Lorsqu’elle sauta sur le siège à côté de lui, Sky fut quelque peu bousculé. Il se raidit comme un piquet, en sentant le bras qu’elle étendit vers la nourriture touché complètement le sien. Quant à cette odeur qui l’envahit, elle l’obligea à prendre de la distance. Était-ce l’effluve de son shampoing, ou tout simplement, celle de son corps tout entier ? Quand l’envie de plonger son nez dans son cou afin d’en avoir le cœur net lui traversa l’esprit, Sky attrapa sa bière.
- Allez… Santé !
D’un seul mouvement, les quatre amis prirent une grosse gorgée, l’écran au-dessus de leurs têtes s’allumant. Impatient de jouer, Selim sauta sur ses deux pieds, alors chaussés de ces horribles baskets rouges et vertes, puis pointa Sky et Kimi du doigt.
- Donc, c’est décidé. Vous êtes ensemble, moi, je fais équipe avec Nice !
- Haha, tu n’en démords pas ! s’exclama celle-ci.
Les concernés osèrent à peine partager un regard, mal à l’aise à l’idée.
- Oui ! Parce que s’ils font équipe, ils vont faire que se disputer, et alors, à nous la victoire !
- Hey ! C’est pas vrai ! s’insurgea Kimi, remplie de maladresse. On pourrait tout à fait gagner, si on faisait équipe,...
- Eh bah, prouve-le.
Les bras croisés, celui-ci la mettait au défi. Kimi détourna la tête.
- T-... Va te faire foutre, Selim.
- C’est bon…
À la surprise de tous, Sky se leva et se dirigea jusqu’au distributeur. Il attrapa une boule qu’il fit rouler entre ses mains, puis se planta devant Kimi.
- J’espère que t’es pas trop nulle.
La façon dont Kimi se leva d’une traite pour lui faire face, lui fit l’effet d’une chute. Comme celle qui lui tordait l’estomac dans les ascenseurs.
Elle serra les poings en lui répondant :
- Moins que toi, c’est sûr !
- C’est ce qu’on verra, dit-il en lui plantant la boule contre le torse.
Kimi la rattrapa sans peine.
À côté, Selim frétillait de bonheur aux côtés de son amoureuse.
- Tu vois, tu vois, je te l’avais dit ! Ils vont se disputer !
***
Loyd était bel et bien celui qui avait proposé l’idée du bowling. En participant tous ensemble, ou presque, à une activité, il avait espéré que les liens du groupe puissent se resserrer. À de nombreuses reprises et en très peu de temps, ceux-ci avaient été mis à mal.
Il s’était donc rendu jusqu’à la chambre de Laure, à l’internat, devant laquelle il s’arrêta. En fait, il espérait surtout attiser son intérêt, car depuis quelques jours, il lui avait été impossible de l’attirer à l’extérieur.
Ce fut uniquement par politesse qu’il toqua à sa porte. Loyd savait très bien qu’il n’en avait aucunement besoin. Depuis qu’ils étaient ensemble, il avait toujours eu librement accès à cet endroit, qui aujourd’hui ressemblait plus à une tête en désordre qu’à autre chose. C’était comme si tout l’encombrement qui y avait été stocké avait explosé dans la pièce.
En la voyant, assise dans son lit, Loyd comprit qu’il aurait du mal à l’en faire sortir. Dans le fond de celui-ci, Laure tenait ses genoux entre ses bras. Elle avait les cheveux mouillés et semblait réciter quelque chose entre ses lèvres.
Quand Loyd vint s’asseoir à ses côtés, il constata la façon dont ses yeux étaient irrités par le manque de sommeil. Il attrapa une de ses mains, dont les doigts ne cessaient de travailler pour arracher la peau autour de ses ongles. Et il la serra.
- Tu vas attraper froid, dit-il, en venant ranger une mèche derrière son oreille.
Laure, qui avait toujours imposé une routine bien ficelée à sa chevelure, était en train de la laisser sécher au hasard. Un peu comme tout ce qu’elle avait laissé en suspens dans sa chambre.
- Je comptais aller au bowling avec Sky et les autres…
Il tenta quand même.
Sans surprise, il vit Laure remonter ses yeux dans les siens. À l’intérieur de ceux-ci, il aperçut une pointe de réprobation.
- Sans moi ?
- Ne dis pas de bêtises. Je suis venue te demander si tu voulais venir avec nous. Ou si tu préférais que je reste avec toi ?
Rien dans son être ne laissa entrevoir une quelconque once de désir d’y aller. Elle se replia sur elle-même, en enfonçant ses doigts dans ses genoux, au travers de sa couverture en soie.
- Je suis fatiguée…
- Très bien. Alors, on va se reposer.
- C’est juste… que je n’arrive pas à dormir, avoua-t-elle, comme un fantôme.
Ses cernes, et la pâleur qui n’enjolivait aucunement son visage, en attestaient.
- Je n’y arrive pas, répéta-t-elle.
- Tu veux me dire pourquoi ?
Loyd avait tout à fait conscience du pourquoi. Elle était dans cet état depuis le jour où elle était revenue de l’hôpital. Depuis que Faye avait perdu son bébé. Mais tout était bon pour lui donner d’autres raisons.
- Je ne sais pas si on sera dans les temps... Mon père doit savoir, maintenant. Ma mère lui a sûrement craché le morceau, et sinon… En même temps, elle le déteste, haha ! Pourquoi elle lui aurait dit ? La police serait déjà venue ici, si c’était le cas. Alors, il faut qu’on agisse rapidement, mais… Marry Stein ! Je n’ai aucune idée de quand elle va lancer sa collection. Elle traîne ! Et…
- Je crois que tu devrais arrêter de penser à tout ça.
Depuis ses mains crispées, Laure enfonça son regard dans celui de Loyd. Il s’approcha un peu plus de son visage, comme si la proximité l’en convaincrait.
- Tu as besoin de repos.
Cette fois, il hésita.
- Tu ne crois pas qu’on pourrait laisser le projet un peu suspens ?
Il vit ses yeux s’agrandir.
- Je sais que ça te tient à cœur, mais… ce qui est arrivé à Faye t’a bouleversé, et je ne crois pas que ce soit le bon moment de s’attarder sur une vengeance. En fait, je me demande si on ne devrait pas laisser tomber…
- Non !!
Propulsé en arrière, Loyd se retint au bord du lit, et vit les draps de Laure voler sous ses yeux. Elle se dressa devant lui, et tapa fermement le pied contre le sol.
- Non ! répéta-t-elle. C’est impossible ! C’est trop tard…
- Pas du tout. Il suffirait d’expliquer à ton père…
- Mais tu ne comprends pas ? Je ne veux rien expliquer à mon père, Loyd ! s’écria-t-elle. C’est trop tard, parce qu’il m’a trahie ! Il nous a tous trahis, comme tous nos parents !! Il n’y a pas de retour en arrière ! Je vais… Je vais…
Elle se mit à tourner en rond dans la pièce, en regardant le plafond, les traits crispés.
- Je vais anéantir Marry Stein.
Loyd la regarda abasourdi. Il n’avait jamais vu autant de rage s’écouler dans le corps de quelqu’un. Si ce n’était dans le sien, à l’époque où il était malheureux.
- Mon père tombera en même temps !
Tout ce qui l’avait sauvé, c’était son amour à elle. Tandis qu’elle était en train de fabuler, Loyd se rapprocha d’elle. Il espérait l’aider à se calmer, quand il vit son visage s’illuminer.
- Ça y est… Je sais comment faire ! Tu n’as qu’à demander à ta mère. Elle a assisté quasiment à toutes leurs réunions ! Elle doit savoir quand aura lieu le premier défilé ! N’est-ce pas ?
Sa mère.
Loyd plissa doucement les yeux en y pensant.
- C’est ça ! Il suffit que tu lui demandes ! Tu vas faire ça pour moi ? Hein, Loyd ?
Avant de lui répondre, il lui adressa un petit sourire. Puis, il vint lui attraper les mains, en plongeant son regard dans le sien.
- Oui, bien sûr.
- Ha… Tu es un ange, dit-elle, d’un ton qui laissa entendre son soulagement.
- … Tu me ferais plaisir en échange ? répondit-il, en lui attrapant le bout du menton.
Il était déjà aux bords de ses lèvres.
Laure les toisa avec violence. Elle se mit à respirer plus fort. Tout d’un coup, c’était lui qui possédait le contrôle. Il l’embrassa avec force. Laure glissa ses mains dans sa chevelure, et puis sur tout son corps. Elle aimait ça chez Loyd. Son amour sans limite. Sans faille. Dévoué, mais dévorant.
Combien de fois lui avait-il susurrer déjà.
Je ferais n’importe quoi pour toi.
***
- Mais t’es nulle, en fait !!
À l’avant de la piste sur laquelle elle venait de se lancer, Kimi était encore tordue dans une position bizarre, quand elle lâcha promptement un :
- Oups.
Pour la troisième fois depuis le début de la partie, elle venait de lancer sa boule dans la rigole. Derrière elle, depuis les places, Sky ne se retint plus d’exploser.
- “Oups”, c’est tout ce que tu trouves à dire ! cria-t-il, en se dressant comme un poil.
En faisant la grimace, Kimi céda sa place à Selim, qui avait déjà enchaîné quelques strikes.
- Ça va, fit-elle en pinçant les lèvres. Il y a pas mort d’homme,...
- Si, je… !
Depuis sa place, Nice les observait se chamailler avec un regard égal à celui d’une mère. Elle venait tout juste de finir sa bière.
- Je t’ai fait confiance, s’en alla-t-il. Hors là, tu joues comme une merde ! Tu peux pas faire un effort ?
- Rah, mais lâche moi la grappe ! Faut juste le temps que…
Un bruit sourd explosa sur la piste, suivi d’un cri de joie. Selim se pencha aussitôt en arrière en faisant des signes rock’n’roll avec ses doigts. Sur l’écran au-dessus de lui, un bonhomme s’agitait en effectuant, a peu de choses prêt, une danse similaire à la sienne. C'était un énième Strike pour Selim !
- C’est qui le plus fort ? s’exclama ce dernier, en pointant sa plus grande fan du doigt. C’est quiii ?
- C’est Selim ! le suivit Nice, en chantant.
- C’est bibi !!
- Vos gueules !
Sous leurs rires machiavéliques, Sky se laissa tomber sur son siège, désespéré. Il grogna entre ses paumes.
- J’arrive pas à croire qu’on a perdu.
- Ce n’est pas grave, Sky, lui lança Nice. Vous gagnerez peut-être la deuxième partie… Enfin, si Kimi arrive à toucher une quille !
- Vas en enfer !
Telle une petite toupie, Nice s’enfuit dans le décor et disparut pour aller aux toilettes. Après sa fanfaronnade, Selim décida de se montrer clément. Il attrapa le plateau avec les verres vides au milieu de la table.
- La deuxième est pour moi ! Vous prenez la même chose ?
- Ouais, répondirent Sky et Kimi en même temps.
Elle avait repris la place à côté de lui. Malgré leur défaite, Kimi se sentait plutôt légère. Peut-être était-ce dû à la bière, mais son envie de le taquiner ne cessait de s’accroître.
- Tu es trop mauvais joueur, dit-elle, en se tournant vers lui, et en se blottissant au dossier de son siège.
Ou bien était-ce à cause de ce qu’elle ressentait pour lui ? D’un air trop fier, Sky lui glissa une œillade. Il prit conscience à ce moment-là de la façon dont son regard brillait. À cet instant, Kimi semblait heureuse. Il y avait longtemps qu’ils ne s’étaient plus retrouvés seuls.
- C’est toi qui es mauvaise joueuse, dit-il, en se détournant quelque peu.
- … C’est vrai, c’est une catastrophe ! s’exclama-t-elle.
La manière dont elle se mit à rire le rendit timide. Il plongea son regard dans le sien, avant de lui glisser une petite tape amicale. Kimi lui rendit bien en cognant son épaule à la sienne. Ils s’étaient rapprochés, tournés l’un vers l’autre, leurs genoux se cognaient presque. En s’en rendant compte, Sky devint plus sérieux. Il la toisa, tout son visage, chaque petit détail qui lui plaisait. Il détourna la tête. Puis, ne put s’empêcher d’à nouveau tomber dans son regard. Cette fois, il avait perdu en éclat. Il était devenu aussi transperçant que le sien. Il était avec Jena. Tous deux baissèrent les yeux pour remarquer qu’une peluche traînait sur le genou de Kimi. Sky y apporta sa main en même temps que la sienne. Elles se touchèrent brièvement. Ils la retirèrent en même temps.
- Ha… fit Kimi, en attrapant la peluche.
La main de Sky était toujours en suspens autour de la sienne. Avec un ongle, Kimi gratta son jean. Elle n’osait plus le regarder, jusqu’à ce que ses doigts viennent à peine entourer les siens. Son cœur se mit à battre à tout rompre, en les sentant se faufiler contre ses phalanges. Ils se touchaient à peine, et pourtant, elle avait l’impression qu’elle allait exploser. Kimi releva la tête d’un coup. Le supplice qui s’était glissé dans ses yeux, Sky semblait vivre le même.
- Et voilà, les binouzes !!
En débarquant, Selim fixa ses deux copains l’un après l’autre.
- Ça va ? leur lança-t-il, en sentant la tension existante entre eux.
Même si Kimi lui avait répondu à la positive, Sky ayant choisi le silence, au fond d’elle-même, elle avait senti son cœur l’abandonner.
***
Loyd savait que Laure ne s'arrêterait pas avant d’avoir atteint son objectif. Au coin du lit, et dans la pénombre à laquelle il s’était habitué, il glissa un œil sur son dos nu. Elle s’était endormie tout de suite après avoir fait l’amour. Contrairement à lui qui n’arrivait toujours pas à fermer l'œil. Sans un bruit, il quitta le lit et prit soin de remettre son caleçon en place. Puis, il enfila un pull et s’isola dans le couloir, à l’extérieur de la chambre, un court instant. Quand il fut certain qu’il n’y avait personne, il attrapa son téléphone. Au bout du fil, personne ne lui répondit.
Il attendit alors le bip sonore :
- Maman, dès que tu as ce message, rappelle-moi. Je dois te parler de quelque chose. C’est important.

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