Chapitre 44 : Bombe à retardement.

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7 ans

Je ne veux voir aucun frisottis.

“Elle doit être parfaite.”

Depuis le réhausseur qui lui permettait de se voir dans le miroir, Laure se retint d’exclamer une quelconque douleur, emportée par les coups de brosse qui l'attiraient continuellement en arrière. De toutes ses forces, elle essaya de garder sa posture, à l’instar de sa mère, qui trônait sur le siège à côté. Les genoux rangés, cette dernière attendait impatiemment que sa fille finisse de se faire coiffer. Sur sa peau lisse, aucun défaut ne semblait s’écouler. Serait-elle aussi belle un jour ? Aussi distinguée ? Aurait-elle la même chevelure soyeuse, la même manucure à présenter ? Ce regard à tomber par terre, perçant et lumineux ? Un visage éclairé, des jambes affinées, la taille étriquée,... Serait-elle un jour aussi impeccable et affûtée ?

Au retour de chez la coiffeuse, Laure retrouva cette sensation de légèreté ; sa queue-de-cheval fraîchement coupée se baladait dans son dos, un joli nœud pour attache. Sur son crâne, pas un seul cheveu ne dépassait. Elle retrouva également son père, dans le hall d’entrée, agenouillé.

Celui-ci l’embrassa sur le front, en la complimentant :

  • Comme tu es belle, lui avait-il soufflé. Mon petit bijou. Tu es parfaite.

***

  • Aïe !

Laure lâcha la section de cheveux blonds qu’elle était en train de coiffer comme si celle-ci venait de la couper. Mais aucune blessure ne traversait sa main. Seulement le regard de Kimi, dont elle vit le reflet grimacé, au travers du miroir.

  • Excuse-moi, fit Laure, en secouant légèrement la tête.
  • C’est rien. J’ai la tête dure, rétorqua-t-elle.

Elle reprit aussitôt là où elle s’en était arrêtée. Installée à la coiffeuse de la chambre de Laure, Kimi portait un peignoir aussi noir que le maquillage qui soulignait ses yeux bleus. Il était en soie. Il était donc à Laure. De gestes précis, cette dernière s’appliqua à réunir ses cheveux mouillés avant de les sécher. Progressivement, la coiffure de sa meilleure amie se précisa. Lâche et ébouriffé, c’était ce pourquoi elles avaient opté. Un look sauvage, décalé, par lequel Laure s’était également laissé adopter. Jamais, elle n’avait laissé la place à tant de désordre dans sa chevelure. Je ne veux voir aucun frisottis.

Ce fut le rire de Kimi qui la ramena sur terre, cette fois.

  • On ressemble à des Gremlins !

En relevant doucement les cheveux de Kimi, Laure esquissa un sourire, admirant le fruit de son art. Ainsi maquillée, elle la trouva ravissante ; sombre, et surtout ; sexy. Mais se sentirait-elle assez sexy pour se montrer au monde entier ? C’était un défi qu’elle lui proposait.

  • Est-ce que tu veux toujours le faire ?

Oui, ainsi maquillée, Kimi avait tout d’une ado indisciplinée.

  • Ton père sera là, non ? Blear, aussi, ajouta Laure, d’une intonation qui avait pour but de la tester.
  • Oui, il sera là, dit-elle, en jouant avec ses cheveux. Tant mieux. J’en ai marre qu’il me prenne pour une gamine, et pour Blear,... Il aurait peut-être dû me la présenter avant. Officiellement.
  • Je vois, fit Laure. Je ne suis pas la seule à vouloir me venger, on dirait.
  • Et toi, tu te sens prête ? lui demanda-t-elle, en renvoyant l’ascenseur.

Laure marqua un temps, où elle se regarda dans le miroir. Il n’y avait pas de raison qu’elle ne le soit pas. Tout était prêt. Chacun à son poste. Loyd y avait veillé. Il l’avait beaucoup aidé, et cela la rassurait, mais, pour une raison qui lui échappait, elle ne se sentait pas totalement apaisée.

  • J’espère que tout ira bien. Que le plan se déroulera parfaitement, sans accroc,… Après tout ce temps, si je n’arrive pas à le mener à bien… Je ne veux même pas y penser, dit-elle, en chuchotant.
  • Je peux te faire penser à autre chose, si tu veux !

Que voulait-elle dire ? De canaille, Kimi passa à timide. Sur sa chaise, elle se mit à rouler des épaules et à tortiller ses doigts ensemble.

  • Il y a deux semaines, quand on est allé au bowling… Il s’est passé quelque chose avec Sky.

Les yeux de Laure se fermèrent et s’ouvrirent comme des portes automatiques. Puis, elle l’attrapa immédiatement pour la tourner vers elle. Son air lui commandait de lui donner plus de détails.

  • Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi tu ne m’as rien dit !
  • On était en pleine révision, puis il y a eu les examens et on avait tous ces préparatifs,...
  • Argh, je m’en fiche ! Raconte-moi !

Kimi se rabougrit un peu plus, tellement elle était gênée. Ses mains se lièrent l’une à l’autre, en y repensant.

  • On s’est tenu les mains… enfin, presque… C’est lui qui est venu vers moi…

Son cœur battait la chamade, tandis que Laure buvait ses paroles, sans en comprendre le sens. Sky avait fait le premier pas ?

  • Nos doigts se sont juste frôlés, mais je t’assure, dit-elle, en attrapant le peignoir au niveau de sa poitrine. J’ai cru que… que j’allais exploser…
  • Laure !

En même temps, les deux filles sursautèrent. À cause du bruit de la porte qui avait claqué contre son mur. Loyd, essoufflé, apparut dans la chambre. Laure se redressa.

Pourquoi était-il dans cet état ?

  • On a un problème…

Non.

  • Les filles ont disparu, déclara-t-il.
  • … Les filles ? répéta Laure, en clignant des yeux. Quelles filles ?

Non.

Ce n’était pas possible.

Face aux lourdes respirations de Loyd, qui siégèrent dans le silence, elle sentit la peur l’attrapée par la gorge. Derrière elle, Kimi, garda la bouche béante.

  • Ne me dis pas que… Mes filles ?? Non, enfin, comment c’est possible…

Aussitôt qu’elle se mit à trembler, Loyd se plaça devant elle pour la récolter. Il plongea ses yeux dans les siens. Ceux-ci étaient mouillés, comme s’il avait dû braver le vent pour rejoindre la chambre.

Paniquant, Laure glissa ses doigts sur ses lèvres qui se muaient toutes seules.

  • Comment on va faire… si on n’a pas les filles pour le défilé…
  • J’ai un plan ! J’ai réfléchi sur le chemin et j’ai eu une idée, juste… Kimi, je vais avoir besoin de toi.

Cette dernière se releva d’un coup, prête à l’emploi :

  • Aucun problème !
  • Mais… fit Laure, dépassée.

En emprisonnant ses deux épaules, Loyd chercha à la convaincre de toutes ses forces.

  • Laure, crois-moi. Ce défilé va avoir lieu.

***

10 ans

D’un geste, sa mère fit glisser son bulletin de note au milieu de la table. Après avoir fait quelques tours sur lui-même sur le bois ciré, celui-ci avait fini par s'arrêter tout seul. Priss quitta la table, en lui envoyant un regard méprisant :

  • Tu as eu un treize en sport. Comment est-ce possible d’être aussi nulle ?
  • Priss !
  • Enfin ! s’exclama-t-elle. À cet âge, on ne leur demande pas la lune ! Ce n’est quand même pas si compliqué de…

La petite fille, bien rangée sur sa chaise, garda la tête haute, malgré le fait que ses yeux commençaient à s’embuer.

  • Ha, super ! Elle pleure ! Que cet enfant est fragile… Je te laisse t’en occuper.

Chuck, sans tarder, pris le siège à côté de sa fille.

  • Sèche-moi ces larmes, dit-il en glissant son doigt sous ses paupières. Rien ne sert de pleurer, dis-moi plutôt ce qui n’a pas été au cours de gym ?

Ce dernier tendit l’oreille en l’entendant marmonner quelque chose.

  • La course… Je suis nulle à la course.
  • Chérie, tu n’es pas nulle, dit Chuck, avec pitié de l’entendre répéter les mots de sa mère. Tu es Laure Ibiss, tu ne seras jamais nulle…
  • Si, je suis plus lente que toutes les autres !
  • Ce n’est pas grave, lui lança Chuck avec douceur. Tu ne cours peut être pas très vite aujourd’hui, mais demain est un autre jour… Tu dois simplement t’en donner les moyens ! Rien ne t'est impossible Laure. Je suis certain que tu y arriveras.

***

  • Attendez…

Sa main tendue vers Kimi et Loyd, Laure tenta de les arrêter. Ils couraient tous les trois dans les couloirs de l’internat, mais eux couraient plus vite qu’elle. Où allaient-ils ? Loyd répondit aussitôt à cette question, comme s’il eut lut dans ses pensées :

  • Si on a plus de mannequins, il suffit d’en trouver d’autres !

Laure se décomposa, tandis qu’ils sortaient d’un bâtiment pour rentrer dans un autre. Ce fut seulement quand elle s’enfonça dans la nouvelle annexe de l’internat, qu’elle comprit où il voulait en venir. Tous les anciens élèves du Lycée Gordon résidaient dans ce bâtiment. Elle s’arrêta au milieu d’un escalier, son cerveau carburant à toute allure. En vérifiant qu’elle suivait bien, Kimi fit une pause aussi. Elle octroya un sourire à son amie quand elle vit l’illumination dans ses yeux. Tout d’un coup, Laure se mit à courir plus vite qu’eux.

  • Tes amies, Nadeije, Kennedy, Silka, elles seront parfaites ! s’exclama-t-elle, en prenant la tête.
  • Je suis du même avis, mais pas pour Silka, elle… n’acceptera pas.
  • Dans ce cas, avec nous deux, ça fait quatre.
  • On peut ajouter Jena à la partie, intervint Loyd.
  • Quoi, non, fit Kimi.
  • C’est pas le moment d’être jalouse…
  • Je ne suis pas jalouse !
  • Kimi, lui lança Laure, d’un air important.
  • Ok, va pour Jena ! grommela cette dernière.
  • Donc, ça fait cinq, récapitula Loyd, qui s’était déjà muni de son téléphone pour prévenir cette dernière.

En entrant dans le couloir principal, Laure poussa les deux portes qui la menèrent sur tout un groupe d’élèves du Lycée Gordon. Ceux-ci avaient pris l’habitude de s’y réunir plutôt que de rester seuls dans leurs chambres. Avec toutes les têtes tournées en sa direction, Laure sentit le pouvoir s’écouler en elle. Elle adorait ça.

  • Écoutez-moi tous ! s’exclama-t-elle, en claquant dans ses mains. Mes mannequins viennent de me lâcher, alors que j’ai un défilé sur le feu ! Vous venez d’être choisis comme potentiels candidats : j’ai besoin de trois filles et de deux garçons supplémentaires.
  • Deux seulement ? Non Laure, la corrigea Loyd. Il nous en faut quatre.
  • Avec Mike et Tiger, il ne nous en manque plus que deux. On ne pourra pas compter sur Ulys, malheureusement, il est dans le camp adverse.

Incisive, elle traversa le couloir en analysant chaque profil. Aucune hésitation n’habitait ses yeux, quand elle choisit une fille, puis deux, puis trois.

  • Waw, mignon, fit-elle, en appuyant son doigt sur le torse du deuxième garçon de son choix.

Comme elle ne semblait pas leur avoir laissé le choix, Mike, l’ex de Kimi, les regarda en se grattant la tête. À ses côtés, Tiger, dont les cheveux blonds étaient plaqués en arrière, dévisagea la Richess. Tandis que cette dernière réunissait le groupe fraîchement formé d’ordres bien placés, le jeune homme ne put s’empêcher d’émettre un rictus :

  • Tu penses vraiment que tu peux débarquer ici et nous demander d’agir pour tes beaux yeux ? lui lança-t-il. Qu’est-ce qui te fait croire qu’on va jouer aux mannequins pour toi ?

Laure, dont le doigt était encore en train de se mouvoir, s’arrêta brusquement de parler. La folie semblait l’avoir atteinte, car elle se mit à rire aussi, haut et fort. De tout son bras, elle pointa Kimi du doigt.

  • Si vous ne le faites pas pour moi, vous le ferez pour elle ! Et puis au pire, dit-elle, en haussant les épaules, je n’ai qu’à vous payer.

L’argent. Il réglait tout.

Les bras croisés, Tiger regarda Loyd un bref instant. Il suréleva les sourcils, en se moquant :

  • Tiens donc.

***

13 ans

Pour la première rentrée scolaire de sa fille à Saint-Clair, Chuck avait bien évidemment tenu à être présent.

Il avait décidé de la conduire lui-même à l’école, ce jour-là.

Nerveuse à l’idée d’entrer dans ce nouveau monde, où elle deviendrait l’un des personnages principaux, Laure resta silencieuse durant la majorité du trajet. Elle avait même demandé à faire taire la radio qui relatait l'événement un peu trop fort à son goût. Treize ans plus tard, Saint-Clair accueillait une nouvelle génération de Richess ! Laure s’y était préparée depuis toujours, en gardant en tête les mots de son père : “Le règne des Ibiss commence à Saint-Clair.”

Cela ne signifiait qu’une seule chose. Elle allait devoir assurer. À cette idée, sa respiration, déjà amoindrie, devint encore plus courte. Elle n’en montra rien, cependant. Elle devait rester forte, comme un roc. Parfaite, en tout point. Et lorsqu’elle monterait sur cette scène, où elle se glisserait auprès de ses semblables, elle prendrait l’ascendant sur tous. Car c’était ainsi qu'elle les mesuraient. Les autres Richess. Oui, même après tout ce temps, Laure doutait de l’aversion qu’on lui avait inculqué pour les six autres familles.

  • Papa…
  • Oui, ma fille ?
  • … Dis-moi, comment devrais-je… agir avec les autres Richess ?

Chuck avait répondu du tac au tac :

  • Ce sont tes rivaux. À toi de voir à quelle sauce tu veux les manger. Qu’est-ce qui te tracasse, exactement ?
  • Penses-tu que le fils des Stein va me détester ?
  • Nous deux familles ont toujours été conflits, répondit-il, doucement. J’imagine qu’il doit voir les choses sous le même angle.

Les Steins. De tous les Richess, c’était ce fils là qu’elle craignait le plus de rencontrer. Sa mère en avait tellement dit de mal, de cette famille.

Pourquoi devaient-ils se haïr, alors qu’ils se ressemblaient tant ?

***

  • Et maintenant ? lança Kimi, dont tous les amis traînaient dans son dos, alors qu’ils se retrouvaient devant Saint-Clair. Comment on rentre ?

Le portail n’était pas fermé. Il était même ouvert à tous, car Marry Stein avait annoncé le lieu de lancement de sa nouvelle collection à Saint-Clair. Par-dessus les murs qui cernaient l’école, on pouvait voir les structures qui entouraient ce qu’ils devinaient être le podium. Celui-ci sortait tout droit de l’auditorium, dont les portes, ouvertes, avaient été remplacées par un grand rideau. Selim, qui était à l’intérieur, accompagnant Alex et leurs mamans, l’avait confirmé : dans une heure, les mannequins sortiraient de là, sous les feux des projecteurs et les drapeaux gondolant à l'effigie de la collection éclipse, la collection Stein x Hodaïbi. L’endroit où ils devaient se rendre ? Il se trouvait dans une annexe cachée, derrière le bâtiment qui se rattachait à l’auditorium. Tous se demandaient comment ils allaient traverser la coure, bien que noire de monde, sans se faire prendre.

  • Steve arrive, répondit Loyd.
  • Steve ? répétèrent Kimi et Laure, en même temps.

Ce dernier les regarda comme s’il s’agissait d’une évidence.

  • Oui, qui d'autre pourrait nous ouvrir toutes les portes ?

Effectivement, ça paraissait logique. L’ensemble du camp ennemi se préparait à l’intérieur, il n’y verrait donc que du feu. Quant aux invités… Ils n’avaient aucune idée du spectacle qui leur serait offert. En arpentant l’exposition des pièces de la dernière collection de Marry Stein, ceux-ci profitaient d’amuse-gueule, sirotant coupes de champagnes, ou sodas, pour les plus jeunes. La Richess avait pensé à tout. Aux plus grands et aux plus petits, car après tout, la soirée se déroulait dans une école remplie de parents et d’élèves qui venaient de terminer leurs examens. L’humeur était à la fête ! À la surprise !

Quand Steve arriva, ce dernier leur somma de les suivre :

  • Par ici.

Après avoir passé le portail, le groupe tourna à droite pour entrer dans le secrétariat. Tel un soldat, le maître des clés leur adressa un signe en guise d’encouragement, sa première tâche accomplie. Revint ensuite la course dans les couloirs, toutes les filles munies de leurs trousses à maquillage. Il fallait aller vite, les minutes s’écoulant avant le lancement, et s’abaisser à chaque fois que les lumières automatiques dans les couloirs s’allumaient. Ils ne devaient pas se faire repérer. La situation semblait beaucoup amuser Kimi, qui n’arrêtait pas de rigoler. Quand Laure trébucha, juste avant d’arriver au point de rassemblement, cette dernière l’attrapa par le bras.

  • On va y arriver.

Laure se détendit immédiatement. Oui, ils allaient y arriver. Elle prendrait l’assaut sur le défilé de Marry Stein, qui s’apprêtait à être largement diffusé. À ce moment-là, les écrans changeraient de couleur. Ils deviendraient vert et violet, aux couleurs du bar dont elle était devenue propriétaire : le KY.E.SS ? , ce même bar qui venait de faire plonger son père. L’homme aurait engagé des prostituées lors de ces soirées où des mineurs y avaient accès. C’était du génie.

Elle rit en pensant aux mannequins qui venaient de la lâcher. Elle les avait embauchées afin de les prendre en photo dans la boîte de nuit. Nice s’en était occupée. Loyd avait envoyé anonymement les photos scandaleuses à la presse. Sky l’avait aidé à financer son projet. Elle n’avait eu qu’à signer au nom Ibiss pour que la supercherie prenne place.

Ils arrivèrent dans l’annexe, qui s’était transformée en loge improvisée. Cette même annexe où Sky et Laure s’étaient embrassés. Elle se composait maintenant de miroirs en tout genre, de tringles où s’alignaient de nombreux vêtements, de peignoirs et de vestes, certes, mais majoritairement, de petites culottes et de soutiens-gorges. Les talons s’étalaient un peu plus loin.

En s’asseyant pour le maquillage, Nadeije, aux cheveux roses, fut la première à réagir, tandis que ses copines analysaient les bouts de tissus avec surprise :

  • Attends, c’est dans des sous-vêtements que tu veux qu’on défile ?

Laure qui avait déposé toutes ses affaires se retourna d’un air qui lui indiquait qu’elle n’avait pas intérêt à rechigner.

  • Exactement ! fit-elle, en attrapant une petite culotte. Voyez-ça comme une expérience, un grand projet,... Aujourd’hui, vous allez m’aider à contrecarrer Marry Stein, donc faites simplement ce que je vous dit.
  • Les gars… ajouta Kimi, en leur faisant les yeux doux. Ce qu’elle veut dire, c’est qu’on a vraiment besoin de vous.

Ses copains de Gordon ne pouvaient rien lui refuser. Les élus s’appliquèrent à suivre les instructions de Laure : au rendez-vous, des looks osés et des petites tenues ultra sexy ! Et pour les garçons aussi. En découvrant les caleçons extravagants, ceux-ci se lancèrent des œillades de détresse.

Le défilé s’annonçait riche en rebondissements.

***

16 ans

Elle lui avait laissé sa place... En constatant tous les efforts que Loyd avait fournis pour sa candidature aux élections, Laure avait décidé de lui céder son titre de déléguée, pensant simplement que les rôles s’inverseraient. Mais comme sous-déléguée, il ne l’avait pas choisie, elle. Alors même qu’elle lui avait partagé son objectif.

Laure ne l’avait jamais dit à personne, mais elle rêvait de garder ce poste pendant ses six années consécutives à Saint-Clair. Elle aurait par la même occasion battu le record de son père. Il aurait été si fier…. Son père ! Cet homme, qui ne soulevait que ses qualités, et qui n’avait à aucun instant imaginé qu’elle ne puisse pas être élue. Lorsque ce dernier avait tenté d’aborder le sujet, Laure avait fui. La communication lui paraissait impossible. Brouillée. Comme ses idées, ainsi que ses croyances sur les Richess, et son amour pour Loyd. Ils ne pouvaient pas être ensemble. Tous les autres bravaient le danger, mais pendant combien de temps résisteraient-ils ?

Libre de responsabilités, Laure avait alors décidé de se lancer dans ce qu’il l’avait toujours animé la couture, la mode, le luxe,... en créant des pièces, qu’elle vit se faire vivement critiquer.

  • Qu’est-ce que c’est que ce bout de chiffon ? avait proféré sa mère.

De celle-ci, il était évident qu’elle ne tirait jamais un compliment.

***

Tout était fin prêt. Laure tournait en rond, seule, dans un coin de l’annexe. L’heure du lancement approchait. Y arriveraient-ils ? Sa collection de sous-vêtements, serait-elle à la hauteur en comparaison à celle de Marry Stein ?

En se rongeant les ongles, Laure regarda Loyd : en tête et devant la sortie, ce dernier récapitulait au groupe, tous vêtu de peignoirs pour le moment, la marche à suivre. Une fois que le défilé de Marry débuterait, il attendrait quelques passages avant de l’interrompre. Une coupure de courant viendrait arrêter le spectacle, provoqué par nulle autre que Steve en backstage. Nice s’occuperait de gérer les écrans, tandis que Selim s’occuperait de la musique.

Ce dernier avait appelé. Des agents de police tenaient la sécurité. Ils devraient donc agir au plus vite afin de prendre la scène en otage. Ensuite… Laure n’avait pas vraiment idée de ce qui se passerait ensuite. Le sérieux de Loyd la rassurait. Il était ferme et présent. Tout ce qu’elle demandait. Les mains sur le cœur, elle inspira et expira plusieurs fois, dans une tentative vaine de contrôler sa nervosité.

  • J’ai besoin d’une petite retouche, fit Kimi, en sortant du rang. Tu m’aides ?

Laure lui accorda toute son attention :

  • Où ça ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Ton maquillage a coulé ? Je ne vois rien…
  • Je plaisante, je viens juste te changer les idées. Mais je veux bien encore un peu de rouge à lèvres, dit-elle, en déposant une main sur sa hanche.

De suite, la Richess s’empara d’un stick.

  • Et puis, je ne la supporte pas, avoua-t-elle, en roulant ses yeux dans ses orbites.
  • Jena, n’est-ce pas ? dit-elle, en venant lui appliquer le rouge à lèvres.

La jolie brune discutait et riait librement avec tous ses anciens copains. La capacité sociale de cette fille la rendait verte de jalousie. La manière dont elle était à l’aise avec son corps aussi. En se pavanant sur ses hauts talons, son peignoir était à moitié ouvert, Jena laissant découvrir son ensemble de lingerie. Ils s’apprêtaient tous à défiler dans ses petites tenues, après tout.

  • Hum, fit Kimi, pour toute réponse.

***

17 ans

Dans les bras de Loyd, Laure s’était sentie implosé. On l’avait trahie. Tous les Richess de la génération précédente se connaissaient. Ils avaient été amis, amoureux, et maintenant, amants… ! Son père, qui l’avait élevé dans la rivalité, et Marry Stein, qui l’avait encouragé dans la mode, étaient sortis ensemble. Pire, ils s’étaient revus en cachette, pendant qu’elle souffrait de ne pas pouvoir aimer un autre Richess. Ils avaient de nouveau couché ensemble pendant qu’elle s’interdisait de sortir avec Loyd.

***

Kimi fit une grimace, en passant sa main sous son peignoir.

  • Ça ne va pas ? lui demanda Laure, en regardant déjà à ce qui l’embêtait.
  • La bretelle me gêne…

Doucement, elle dénuda ses épaules, révélant sa poitrine enfermée dans un magnifique soutien-gorge.

Le claquement d’une porte, interrompit l’ensemble des messes basses dans l’annexe. Au bord de l’implosion, tous se retournèrent vers Sky, qui venait d’arriver. Les mains en l’air, il s’excusa, avant de glisser un rapide baiser sur les lèvres de Jena.

  • Ce n’est que moi.

Il était là. Kimi le vit souhaiter bonne chance à Jena, avant que celle-ci disparaisse. Elle regarda aussitôt Laure. Dans le fond de ses pupilles, elle vit que cette dernière pensait à la même chose. Elles n’étaient pas meilleures amies pour rien. Il y en avait une qui avait juste plus de cran que l’autre. L’instant d’après, Kimi sentit son peignoir glisser le long de son corps.

  • Oups, fit Laure, malicieusement, tandis que la blonde se mit à paniquer, en récupérant son peignoir.

Sky arrivait.

  • Laure, tu…

Ce dernier s’arrêta net. Une fine dentelle ornait le corps de Kimi, qu’il traça des yeux, stupéfait. Il tourna violemment la tête, alors, embarrassé.

  • Euh…

Il avait tout vu, ses longues jambes rehaussées par les talons, ses cuisses fermes, le galbe de ses fesses, dans cet ensemble qui la rendait… Waw, et la façon dont ses cheveux tombaient avec harmonie sur sa poitrine ; quand il revint dessus, il vit comme ses yeux noircis vinrent lui chercher des ennuis. Kimi le fixait, maintenant. Était-elle en train de sourire ? Laure, elle, se moquait définitivement de lui.

En replaçant son peignoir, Kimi chercha à chasser le sentiment bouillant qui ornaient ses tripes :

  • Tu crois que je devrais cacher ma cicatrice ? demanda-t-elle à Laure, en glissant ses doigts sur son ventre, ignorant Sky à la volée.
  • Hum, je ne sais pas, répondit Laure, en faisant la moue. Tu en penses quoi, Sky ?

Il s’en fichait.

  • Je… peu importe, Laure. Je dois te parler. Si tu veux bien… ?

Ladite suivie son mouvement, en décidant de lui attribuer quelques minutes de son temps. Alors que ses joues étaient maintenant rougies, elle apprécia l’idée de l’embêter encore quelque peu :

  • Tu as apprécié le spectacle ? Elle est belle ma copine, hein.
  • Arrête, dit-il en se détournant.
  • Oh, ça va ! Ce n’était qu’une blague…
  • Ça ne me fait pas rire, je suis avec Jena. C’est irrespectueux.
  • Tu as bien le droit de regarder le menu… tant que tu ne consommes pas.

Il était fâché, maintenant.

  • … Tu as l’air de savoir de quoi tu parles, rétorqua-t-il. Toi aussi, tu te permets de regarder le menu alors que tu es avec Loyd ?

À son tour de l’être.

  • Non, parce que moi, je suis au clair avec ce que je ressens pour lui, répondit-elle, en croisant les bras.
  • Eh bien, je me demande si c'est toujours son cas.

Laure resta interdite. Pourquoi avait-il dit ça ?

  • Je ne comprends pas…

Elle jeta un regard vers Loyd, qui était toujours à l’entrée à discuter avec les autres. Il l’aimait, non ? Passionnément. Avant qu’elle n’en vienne à sa propre conclusion, il disparut de son champ de vision. Un grand silence s’installa dans l’annexe. Dehors aussi, suivi d’une large exclamation d’étonnement.

  • La coupure de courant, murmura Laure.

***

Maintenant.

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