Chapitre 45 : Le maestro.
- Attends !
Katerina s’était retournée, d’un coup, en entendant Faye lui crier après. Cette dernière l’avait arrêtée une première fois avant qu’elle parte à sa réunion chez Marry. Quelque part, elle avait espéré qu’elle l’arrête définitivement. Qu’elle soit un peu égoïste après tout ce qui lui était arrivé.
Quand elle s’approcha, tout en tirant sur ses manches trop longues, Katerina la trouva embêtée. Elle avait quelque chose à dire qui ne voulait pas sortir de son gosier.
- Tu veux que je reste avec toi ? essaya-t-elle.
- Non !
Son exclamation la surprit quelque peu, n'imaginant pas qu’elle la rejetterait avec tant d'aplomb.
- Désolée, c’est pas ça que je voulais dire. Mais tu dois absolument aller à cette réunion.
Là, elle venait de piquer sa curiosité.
- … Pourquoi ? demanda-t-elle, d’un ton qui se prêtait à la situation.
- Laure Ibiss, lâcha Faye. Je sais depuis quelque temps qu’elle a monté un plan contre son père. Tout le monde croit que Chuck est le propriétaire de ce bar, le Kyess, mais en fait, c’est Laure qui en est à l’origine. Et je ne connais pas tous les détails, mais je sais aussi que… qu’elle en veut beaucoup à la mère d’Alex. Elle prépare un mauvais coup, et à mon avis, ça a tout à voir avec le défilé.
Comme deux ronds de flan, Katerina passa un moment à ressasser ce qu’elle venait de lui dire. Elle se redressa ensuite, en resserrant la ceinture de son manteau.
- Tu en es certaine ? souffla-t-elle, comme si elle aurait préféré ne croire aucun de ces mots.
- Je connais Laure. Quand elle a une idée en tête, elle est capable de tout.
- Bon sang. C’est très grave, je… Il faut vraiment que j’y aille… - elle s’arrêta -... Est-ce que tu veux venir avec moi ?
- Non. Alex est là-bas, et puis, je t’ai dit tout ce que je savais.
Katerina vint lui attraper les deux mains.
- Avec tout ce que tu traverses… Tu m’épates, Faye. Merci de me l’avoir dit, dit-elle, en la prenant dans ses bras.
Cette dernière glissa ses mains dans son dos. Un bref instant, elle y planta ses doigts. L’odeur de Katerina, ce qu’elle dégageait, tout chez elle la maternait. Aujourd’hui, elle tenait beaucoup à elle.
***
La coupure d’électricité avait laissé un temps de silence planer dans l’annexe. Dans le noir, le cerveau de Laure avait cessé de fonctionner. Ce n’était pas le moment. Les mannequins de Marry n’avaient même pas encore défilé.
Quand sa machine interne se remit en route, elle se fit rattraper par un ennemi dont elle n’avait jamais écouté les conseils : le déni. Cette coupure était-elle une coïncidence ?
Les néons qui grésillèrent au-dessus de sa tête s’amusèrent à lui donner tort, en se rallumant. Aussitôt, la musique à l’extérieur éclata. En rang, devant l’entrée de l’annexe, Laure vit ses mannequins s’agiter, le signal ayant été lancé.
- Non… lâcha-t-elle, de manière peu audible.
- Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda Sky.
- Ce n’est pas encore le moment…
Le profil de Loyd, qui regardait au travers de la lucarne, ne lui avait jamais paru aussi déterminé. Il motiva les troupes. Dehors, l’action avait commencé. Laure attrapa son téléphone, en devinant aux rayons violets qui traversaient le ciel dehors, que le show s’était bel et bien mis en route. Son show. Le sien. Elle abandonna l’idée de contacter qui que ce soit, et courut en direction de Loyd, qui s’apprêtait à ouvrir la porte. Laure l’en empêcha en se placardant devant.
Pris de court, ce dernier la dévisagea :
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Toi, qu’est-ce que tu fais ? lui renvoya Laure, à bout de souffle.
Personne ne devait sortir. Pas maintenant. Ce n’était pas ce qui était prévu. Marry aurait dû lancer ses mannequins, et ensuite, les siens les auraient interrompus,... Pourquoi Loyd ne suivait pas le plan ? Pourquoi était-il si calme ? L’insinuation précédente de Sky remonta jusque dans ses cellules grises.
- Qu’est-ce que tu as fait ? corrigea Laure, en se transformant d’un être apeuré à un prédateur féroce.
Elle posa à Loyd toutes les mêmes questions qui s’étaient infiltrées dans son esprit. Face à son esprit tordu, ce dernier la fixa. Derrière lui, tout le monde avait déjà retiré son peignoir. Ils étaient prêts.
- Ce que je fais, Laure ? Je te sauve la mise !
Avec une force qu’elle ne lui connaissait pas, ce dernier l’attrapa par la taille et la trimballa sur le côté afin de laisser passer les autres. Ainsi coincée entre ses bras, Laure ressemblait à une poupée de chiffon.
- Allez-y ! cria-t-il, au groupe.
- Non !!
D’un revers, Laure s’extirpa de son emprise, mais c’était trop tard. Ils étaient déjà partis. Elle l'accabla immédiatement, d’un air incertain, craintif,...
- Pourquoi tu as fait ça ?? Pourquoi tu leur as dit d’y aller ! Qu’est-ce que tu as manigancé…
- Ne sois pas paranoïaque ! s’écria Loyd. Je ne sais pas pourquoi le show a commencé sans notre accord, mais il a commencé ! Si je ne les envoyais pas, maintenant, tout ce que tu as préparé depuis tout ce temps, serait tomber à l’eau.
- Je…
- Laure, écoute-moi bien, dit-il en attrapant son visage. Tout ce que je fais, je le fais pour toi et dans ton intérêt. Je devais agir. J’ai agi pour toi, mais tu vas devoir te reprendre, car tous tes mannequins sont en train de défiler, et toi, tu es là où tu ne devrais pas.
Cela l’avait secoué. Elle le regarda, ébahie.
- Laure ! Tu dois aller sur scène, tu es le clou du spectacle…
Sans y aller par quatre chemins, il lui arracha son peignoir. Dans d’autres circonstances, elle aurait apprécié sa démarche.
- J’ai un cadeau pour toi.
Depuis la clenche de la porte, Loyd souleva un objet auquel elle n’avait pas fait attention jusque-là. Un chapeau ? Lorsqu’il l’enfonça sur sa tête, Laure y déposa sa main, comme pour en connaître la nature. Sous ses doigts, glissa une plaque, comme une étoile. Elle ouvrit grand les yeux. Loyd la tira vers lui pour l’embrasser. D’une claque sur les fesses, ensuite, il lui somma d’avancer.
***
- On va le faire à Saint-Clair, annonça Chuck.
Alex, les bras croisés, au milieu de son salon, jeta un œil vif vers Chuck Ibiss. Chuck Ibiss était dans son salon, en train de pointer du doigt un document, sa mère à ses côtés, l’écoutant attentivement.
Katerina aussi était là. Elles avaient fixé cette réunion à la base comme une excuse finale pour se retrouver entre copines avant le lancement de la collection. Ce fut sans compter la bombe que Faye avait amenée sur la table. Faye… Le simple fait de songer à son prénom lui arrachait le cœur. Trois semaines s’étaient écoulées depuis leur rupture. Aucune nouvelle, depuis. Juste, Katerina débarquant, en panique, et répétant chacun de ses mots. Laure prévoyait un mauvais coup. Comme beaucoup de gens dans cette pièce, Alex ne fut pas surpris.
Il releva les yeux vers sa mère.
- Oui. Il faut que le défilé ait lieu à Saint-Clair, admis Marry.
Alors, elle l’écoutait ? Sa mère, si indépendante, écoutait ce que Chuck avait à lui proposer ? Il les vit se sourirent, communiquer,... C’était la première fois qu’il les trouvaient côte à côte depuis que cette dernière lui avait annoncé. Marry avait eu du mal à le lui dire, mais ils s’étaient remis ensemble, et lorsqu’il les vit travailler en binôme, il eut l’impression qu’ils ne s’étaient jamais quittés.
- Ha, elle est douée, soupira Marry, en souriant à Chuck. Ta fille m’aura poussé à changer tous mes plans !
- Eh bien, ce n’est pas ma fille pour rien.
- Arrêtez de flirter, c’est très sérieux ce qu’il se passe. Et puis, je ne vous suis pas, pourquoi déplacerait-on le défilé à Saint-Clair ?
- Parce que si nous déplaçons le défilé à Saint-Clair, Kat, répondit Chuck, ma très chère fille se trouvera en position de force.
- Je peux savoir en quoi c’est une bonne idée ? dit Alex, en serrant davantage les bras.
- Puisqu’on ne sait pas ce qu’elle a prévu de faire, il suffira… de la laisser faire son show.
- Comment ça ? demanda Katerina.
Un rictus égaya le visage de Marry.
- Il faudra simplement lui faire croire qu’elle a le dessus, qu’elle va ruiner mon défilé. C’est de cette façon qu’on arrivera à la piéger.
- Qu’est-ce qu’il en sera de notre collection ? Je n’ai pas envie qu’elle soit mise à mal…
- Oh, Kat, franchement, rit Marry, en levant les yeux au ciel. Tu penses vraiment que je vais présenter une collection de sous-vêtements à des adolescents accompagnés de leurs parents ? En termes de marketing, j’ai connu mieux. Il va falloir qu’on réfléchisse à ce point, mais je ne la laisserais pas mettre à bas notre travail.
- Soit, on présente autre chose, soit on ne présente rien du tout, ajouta Chuck. Il faudra seulement s’assurer qu’elle mette son plan à exécution.
Alex ruminait en son fort intérieur. Ils étaient trop sûr d’eux :
- Vous ne savez même pas ce qu’elle a prévu de faire ! Comment…
- Elle dessine des culottes, Alex, le reprit sa mère. Mon petit doigt me dit qu’elle va tenter d’évincer ma collection avec la sienne. Et vu son talent…
- Aie confiance en toi, chérie, lui dit Chuck.
- Mais c’est Laure ! Elle est maligne. Si toi tu ne veux pas prendre ce risque, maman, pourquoi elle, elle le ferait ?
Marry ne savait peut-être pas encore ce que Laure avait prévu, mais elle avait au moins la réponse à cette question.
- La rage, mon coco ! C’est grâce à la rage qu’elle éprouve qu’on va pouvoir la piéger.
- … et en corrompant une ou deux personnes, aussi.
Alex dévisagea Chuck et sa mère. Ils étaient complètement fous.
***
Mais c’était bien la rage qui avait amené Laure à concocter cette vengeance haute en couleur. L’étonnement qu’avait créé la coupure de courant parmi le public fut de courte durée. La joie et l’impatience revinrent dès l’instant où les lumières qui éclairaient la cour et le podium se transformèrent en de larges faisceaux lumineux. La couleur mauve se diffusa sur les visages surpris comme une violette au fond d’un verre de champagne. La musique avait changé également, lourde, chargée, rythmée par les applaudissements de tous les gens présents.
Oui, tout le monde était là.
Steve dans les backstages. Nice et Selim, qui s’étaient alors rejoints dans le public. Ces derniers avaient réussi leurs coups, les journalistes braquant leurs caméras sur la piste. Tout le monde, ou presque, car Faye était restée à la maison, tandis qu’Elliot avait la tête levée sur les écrans. Sur ceux-ci, s’affichèrent les images d’une soirée, où des femmes en petite tenue se contorsionnaient dans des positions improbables. Les photos apparurent les unes après les autres dans la vidéo. Comme des flashs, celles-ci rappelèrent les faits. Les photos scandaleuses qui avaient été prises au Kyess.
- C’est bien en live ?
Aux côtés de Michael, Eglantine vérifiait les alentours, en faisant zigzaguer son regard entre les adolescents. Extatiques, c’était comme si ces petits êtres démoniaques savaient déjà à qui appartenait ces couleurs.
- Oui, lui répondit Chuck, dont les mains restaient dans les poches.
Lorsque cette question, qui l’avait tant embarrassé, apparut sur l’écran, il eut l’impression d’avoir tous les regards posés sur lui. En effet, la musique se stoppa pour laisser place à un murmure ; qui est-ce ? ; les lettres se transformant ensuite en le logo qui avait tant posé question ; puis, elle repris de plus belle.
Tandis que des cris d’encouragements s’ajoutèrent, Marry sortit en vitesse, depuis le côté de l’auditorium. Suivie de Katerina, les deux femmes regardèrent la scène en train de se faire attaquer, d’un air effaré.
Mike fut le premier à défiler, dans un slip noir brillant, lézardé. Grâce aux néons, des traces de peinture fluo apparurent sur son torse, de la même façon que Kennedy semblait y avoir trempé ses couettes. Au-dessus des longues bottes de la fille, son ensemble attira l’attention. Des petits volants en tulle agrémentaient son ensemble de sous-vêtements. Les autres filles arrivèrent, une à une, animales et décorées de vestes en cuir. En montrant ses fesses, sur lesquelles avaient été peintes des lèvres, Nadeije envoya un baiser à la foule. Les mêmes motifs, noirs, comme des taches de léopard avaient gagné le corps de Tiger, particulièrement à l’aise, dans son caleçon argenté. En rebroussant chemin, il envoya sa paume contre celle de Jena. Cette dernière apparut en sautillant, et en tournant sur scène, les bras au-dessus de la tête, comme si elle avait fait ça toute sa vie.
- Mon Dieu, fit Blear, dans le public en voyant son accoutrement.
Dossan grimaça en imaginant ce que ça lui ferait de découvrir Kimi en pareille tenue. Il ne fut pas déçu…
- Mon Dieu, dit-il, à son tour.
Des cris l’accueillirent, ayant la cote à Saint-Clair, elle et sa chevelure sauvage. Comme une lionne, elle exerça un parfait catwalk, ses talons claquant l’une après l’autre avec confiance. Dans la foule, Kimi aperçut le visage livide de son père. Blear, bouche bée. En posant, au bout du podium, elle fit rouler une de ses épaules. Par-dessus celle-ci, elle leur envoya un regard. Brûlant. Dangereux. Et quand elle se retourna, Dossan tourna la tête. Il ne pouvait pas voir ça.
Il sembla qu’Alex, qui la dévisageait depuis les côtés, sembla moins effrayé de la regarder. Il le savait, le pire était à venir.
Le clou du spectacle. Laure Ibiss.
***
- Est-ce que tu penses faire intervenir la police ? avait demandé Marry à Chuck, dans un cadre plus intime.
- Seulement si c’est nécessaire, répondit ce dernier, après réflexion. Ils sont maintenant au courant que tout ceci n’est qu’un caprice de ma fille.
***
Dès l’instant où elle apparut sur scène, les agents de terrain se mirent sur le qui-vive. D’un simple geste, Chuck leur signala de ne pas se brusquer. En se réunissant à ses côtés, Marry posa les yeux sur Laure.
- Alors, la voilà, souffla-t-elle.
- La voilà, répéta Chuck.
Provocatrice, élégante, mais surtout sexy, Laure déambula sous les applaudissements. À mi-chemin, elle reconnut son père en train de la fixer, comme si voir sa fille se donner en spectacle, ne lui évoquait rien. Marry était auprès de lui, un fin sourire sur les lèvres. L’intuition que cette dernière avait pris le pas sur elle, lui brûla les entrailles. Elle s’avança jusqu’à l’extrémité du podium, dégainant la casquette de policier que Loyd lui avait prêté. Laure se moquait d’eux. D’eux tous.
Lorsqu’elle la jeta à ses pieds, son cœur fit un bond. Marry, d’un regard amusé, venait d’attraper le visage de son père pour l’embrasser.
Le self-control dont elle avait fait preuve jusque-là fut broyé. Dans son dos, elle entendit de lourds pas s’approcher. Une main attrapa son bras pour la retenir. Elle la chassa, consumée par la rage, en poussant le corps qui tentait de la récupérer, manquant même de tomber.
- Laure !
La voix de Loyd n’eut aucun effet sur elle. Celles des policiers qui montèrent sur scène pour la neutraliser, un peu plus. Attrapée de chaque côté, elle remua entre leurs bras. Elle se mit à paniquer, à chercher de l’aide autour d’elle. Ses mannequins… Partis. Steve, Nice, Selim, Kimi, où étaient-ils ? Les têtes de chacun des autres Richess lui apparurent dans le public. Ils étaient là, à la regarder, comme une bête de foire. Alors que la musique courait toujours dans son dos, il n’y avait plus aucun cri. Plus aucun applaudissement. Il fallait qu'elle trouve quelqu’un. N’importe qui, qui pourrait l’aider…
Loyd.
Arrêtée, elle releva la tête vers lui. Sur le podium, ce dernier la regardait avec peine.
- Aide-moi…
Ses sourcils se froncèrent davantage.
- Je suis désolé, dit-il.
Pourquoi était-il désolé ? Pourquoi la regardait-il de cette manière ? N’allait-il pas la sortir de là ?
***
Le chauffeur de la voiture ouvrit la portière à Eglantine. Cette dernière pressa son col contre son cou, pour se protéger du froid. Elle jeta un regard en arrière, vérifiant que son fils sortait bien après elle.
Devant eux, se dressait la grande demeure de Marry Stein. Ses yeux posés dessus, Loyd ne paraissait pas rassuré. Eglantine attrapa sa main pour le guider :
- Allez, viens.
***
En entrant dans le salon de Marry, Loyd constata que tout le monde était déjà au rendez-vous. Quelques jours s’étaient écoulés depuis la dernière réunion de Marry et Katerina. Ces dernières se tenaient près de la cheminée quand Eglantine se pressa d’aller les saluer. Alors qu’il frottait ses mains ensemble pour les réchauffer, Loyd envoya un regard vers Chuck. L’homme se tenait appuyé sur la grande table du salon, là, debout, à le jauger.
Alex, les bras croisés, fit jongler son regard entre les deux. Loyd commença par aller dire bonjour à son ami.
- Comment tu vas ? demanda-t-il, en glissant une main dans son dos.
C’était sa manière de le réconforter. Pour tout ce qui venait d'arriver. Il s’approcha ensuite de Chuck pour lui serrer la main. En même temps que sa poigne, il enfonça son regard dans le sien, et entama la conversation.
- Paraîtrait-il qu’on a le même objectif ?
***
En effet, suite à leurs ébats, et à la demande de Laure, Loyd avait tenté de téléphoner à sa mère. Il lui avait laissé un message, lui indiquant de la rappeler, car elle n’avait pas répondu.
Ils avaient ensuite pu discuter des intentions de sa petite amie, ce qui permis de les confirmer à tout le monde une bonne fois pour toutes.
Maintenant, il devait connaître l’endroit où aurait lieu le défilé.
- Qu’est-ce que tu comptes faire quand tu le sauras ? Allez tout répéter à ta chérie pour qu’elle puisse mieux nous baiser ?
Alex semblait particulièrement en colère. Loyd le scruta. Il s’avança, en glissant ses mains dans ses poches et pointa son nez vers lui, car il avait une tête en moins.
- J’ai besoin de savoir où aura lieu le défilé pour pouvoir l’arrêter, déclara-t-il.
- C’est ça, ouais…
- Parce que je suis le seul à pouvoir le faire. Je suis le seul qui arrivera à arrêter Laure.
***
Elle le scruta, comme une âme qu’elle ne connaissait pas. En face d’elle, Loyd la regardait d’une telle manière… Emprisonnée par les policiers, toutes les pièces du puzzle s’assemblèrent dans sa tête. Il avait commencé par lui dire que le défilé aurait lieu à Saint-Clair.
***
- À Saint-Clair… C’est une très bonne idée. Laure prévoit de contrecarrer le lancement de votre collection avec un défilé sauvage, expliqua Loyd. Elle veut lancer sa propre marque de sous-vêtements. Sa campagne a commencé avec le scandale du KY.E.SS ?
- Tu vois, je te l’avais dit, répondit Marry, en jouant de ses sourcils vers Alex.
***
Il avait tenu à reprendre les commandes de son plan, tout, le moindre détail, et notamment la gestion de ses mannequins. Si elles avaient filé, ce n'était que par sa faute.
***
- Je vais payer les filles pour qu’elles disparaissent. Je préfère avoir le contrôle sur tout. On changera de mannequins à la dernière minute, ça la déstabilisera…
Plus tard, Loyd était allé rencontrer les anciens amis de Kimi, en compagnie de cette dernière, pour les convaincre. Il les avait payés, eux aussi, pour défiler et jouer la comédie, quand Laure irait leur proposer en tout point le même compromis. Il fallait qu’elle y croie. Qu’elle se sente surpuissante.
***
Laure souleva un regard de rage vers son petit ami.
Quant était-il du show débuté trop tôt ?
***
Marry avait écouté avec attention les manigances de Loyd, avant de lui imposer quelques limites.
- Si on suit ton plan, j’aurai révélé ma collection uniquement pour faire briller celle de ta petite amie. C’est hors de question. Je veux qu’elle agisse en premier.
Un instant, Loyd réfléchit.
- Je donnerais les indications à tout le monde. On mettra en place un signal, qu’on lancera trop tôt, et que nos nouveaux mannequins seront obligés de suivre. Je ferais en sorte qu’elle n’ait pas le choix de défilé en première. Selim et Nice doivent s’occuper des sons et lumières, je les préviendrais. Ils voudront m’aider.
- Je le pense aussi, appuya Katerina.
Chuck se mit à rire :
- Je vous avais bien dit qu’on allait devoir en corrompre plus d’un.
- … Il nous manque le signal. Que devrait-on choisir ? Il faut que ce soit quelque chose qui mettra en alerte tout le monde, autant nous, que le public…
- Une coupure de courant ? proposa Alex.
- C’est du génie, lança Marry. Mais comment la provoquera-t-on ?
- Je connais quelqu’un qui sera ravie de le faire, ajouta le blond.
***
Steve.
En son for intérieur, Laure gronda. Lorsqu’elle vit Loyd effectuer un pas en sa direction, elle se débattit aussitôt, mais les policiers refermèrent leur prise.
- Laure…
- N’essaye même pas de…
Elle mit un coup d’épaule à l’un d’eux.
- De m’approcher ! cria-t-elle, en relevant la tête. Comment est-ce que tu as pu me faire ça ?
- Laure.
- Non ! Tais-toi !
Il soupira, en se rapprochant davantage.
- Lâchez-la, ordonna-t-il aux policiers.
Quand ils s’exécutèrent, Laure n’en revint pas. Alors, ça aussi, c’était son idée ? Réquisitionner les policiers pour l’arrêter devant tout le monde. Blessée, elle le regarda avec effarement. Comment pouvait-il la trahir ainsi ? Ne l’aimait-il pas ? Ne ferait-il pas n’importe quoi pour elle ? Sa poitrine se souleva. Une larme glissa sur sa joue. Elle émit un son qui résonnait pareillement à la douleur.
- Je te déteste… Comment tu as pu !!
Lorsqu’elle se jeta sur lui, les policiers derrière réagirent, mais Loyd attrapa ses poignets en premier. Il enfonça un regard glacial dans ses pupilles. Avec force, il ramena ses bras le long de son corps. Ses lèvres se mirent à trembler. Elle était faible face à lui.
- Il est temps que ça cesse.
- … quoi…
- Cette vengeance, ta colère, je veux que tu arrêtes tout.
Elle vit blanc.
Loyd insista.
- Non seulement, tu es en train de détruire tout sur ton passage, mais tu es en train de te détruire, toi. Ces derniers temps, dit-il, en baissant doucement les yeux, je te reconnais à peine.
- … Tu avais dit que tu comprenais, souffla-t-elle.
- Oui, je comprenais.
- Tu avais dit que tu m’aiderais !!
- Je t’ai aidé, Laure ! Mais maintenant ça suffit ! Tu dois redevenir toi-même !
Elle vit noir.
Comment pouvait-elle redevenir elle-même, alors même qu’elle avait porté un masque toute sa vie ?
- Tu veux que je sois moi-même ? Ils m’ont trahie, marmonna-t-elle. Mon père. Ma mère. Marry Stein ! s’écria-t-elle, en soulevant la foule. Ils nous ont tous trahis ! Toute ma vie, on m’a demandé d’agir d’une certaine manière, d’être parfaite, de…
Dans le public, Chuck plissa les yeux. Ainsi, il s’agissait de ça.
- On devait se détester ! Mais moi, je nous ai réunis ! En pensant être intelligente. En pensant que j’allais changer le monde, parce que j’aurai été la première à réunir les Richess ! Sauf qu’ils étaient déjà tous amis ! hurla-t-elle en se tournant vers le public et en cherchant chaque Richess des yeux. Et maintenant, comme si de rien était, ils se remettent ensemble. Comme s'il n’y avait aucune loi qui nous en empêchait…
- On s’en fiche de ces lois, l’arrêta Loyd.
Il l’attrapa par le bras, pour la ramener vers lui.
- Tu devrais arrêter de t’occuper des autres, même s’il est certain que tu changeras le monde…
Laure fronça les sourcils en le voyant trifouiller dans sa poche.
Elle écarquilla les yeux.
- Si tu me dis oui, dit-il, en lui présentant une boîte en velours.
Loyd s’agenouilla.
***
Après une longue soirée à comploter, le temps des aurevoirs arriva. Alex salua son pote avant de remonter dans sa chambre, et Marry s’apprêtait à raccompagner Eglantine et son fils jusqu’à la sortie. Ce fut sans compter un geste qu’il lui lança pour l’arrêter. Loyd n’en avait pas fini.
- Avant de partir, j’aimerais vous parler de quelque chose, dit en regardant d’abord sa mère, puis Chuck, par-dessus l’épaule de Marry. En privé.
- Oh, fit Marry, toute étonnée. Dans ce cas, je vous laisse discuter !
Elle partit, laissant Loyd, Eglantine et Chuck dans le salon. Ce dernier s’adressa à eux formellement :
- J’espère que j’aurai tout votre soutien.
- … Oui, mon chéri ? fit Eglantine.
- Car je sais exactement comment faire tomber Laure. Je vais la demander en mariage, dit-il, après un temps. Je n’attends pas que vous acceptiez, mais…
- Haha, fit Chuck, à son tour.
Eglantine regarda ce dernier avec des yeux tout brillants.
- Ça, alors, dit-elle, en déposant sa main sur sa poitrine.
- Loyd Akitorishi…
Chuck attrapa son épaule.
- En voilà, une bonne idée !
***
Il s’était agenouillé, en ouvrant la boîte, qui révéla une fine bague, étincelant de diamants. Il sourit en voyant les yeux de Laure resplendirent tout autant.
- Je veux que tu m’épouses.
Il avait raison. Elle était tombée, le souffle coupé, à ses pieds. Émerveillée et apeurée.
- Mais…
Des exclamations se firent entendre dans la foule.
- C’est impossible… murmura-t-elle.
Son regard à la fois désespéré et rempli d’espoir le rendit encore plus doux.
- Non. Pas pour nous.
Tout d’un coup, Laure se mit à penser à son père. Aux autres Richess. Aux lois. Ils ne pouvaient pas…
- Même s’ils n’avaient pas été d'accord, je l’aurais quand même fait. Nos parents, précisa-t-il.
Sur ses genoux, elle se retourna et chercha son père. Au travers de la foule, ce dernier lui offrit un merveilleux sourire. Marry semblait particulièrement touchée. Alors, ils acceptaient ? Eglantine, elle, était occupée à obliger un journaliste à diriger la caméra davantage sur eux. C’était en live. Elle se retourna à nouveau vers Loyd, bien éveillée, cette fois. Toujours en position, il fit sauter un de ses sourcils.
- Tu vas dire non ?
- Ha… Je t’aime tellement, dit-elle, ses larmes s’écoulant. Bien sûr que je veux t’épouser. Loyd… je suis… tellement…
Il ne voulait pas entendre d’excuses. Il lâcha tout pour l’embrasser, devant le monde entier. Il la suréleva en l’attrapant dans ses bras. Lorsqu’il passa la bague autour de son doigt, Laure ne put s’empêcher de rire. Son cœur explosa, de joie. Comme ceux de ses amis, et de leurs familles.
Ils allaient se marier.

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