CHAPITRE 2 : Apprendre à vivre seul

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STAN

Je suis réveillé par la sonnerie de mon téléphone. J’ai du mal à ouvrir les yeux et le temps que mon cerveau réagisse et que je l’attrape, l’appel est envoyé sur le répondeur. J’étais tellement fatigué hier soir, à cause de cette journée d’emménagement, que je n’ai pas eu la force de monter me coucher, je me suis endormi sur le canapé.

Je jette un œil à l’horloge de mon mobile qui indique neuf heure trente. Je me redresse et regarde qui a bien pu essayer de me joindre à cette heure-ci. Bien évidemment, j’aurais dû m’en douter, c’est ma mère. Elle doit être totalement déboussolée entre sa croisière autour du monde et les décalages horaires.

J’aime énormément ma mère. C’est la femme que j’aime le plus au monde, après ma fille bien sûr. Je lui serais éternellement reconnaissant de tout ce qu’elle a pu faire pour moi. Premièrement de m’avoir mis au monde et de m’avoir donné une si bonne éducation. Deuxièmement, elle m’a sauvé de mon addiction à l’alcool (même si je bois encore en de rares occasions, ça n’est rien par rapport à ce que je consommais par le passé) et elle s’est sacrifiée pour me payer des cours de comédie. C’est aussi grâce à elle que je suis devenu la star que je suis aujourd’hui.

Même si je l’aime infiniment, elle peut être parfois un peu envahissante. D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour lesquelles la mère de Maia m’a quitté. Elle ne supportait plus que ma mère s’immisce dans notre vie et l’éducation de notre fille. Bref. Dans mon grand besoin de solitude et de reconnexion à moi-même, j’ai aussi besoin de m’éloigner un temps de cette emprise maternelle. Alors je lui ai offert une croisière d’un an autour du monde. Elle en a toujours rêvé. C’était l’occasion idéale. Dès qu’elle le peut, elle m’appelle pour prendre des nouvelles et me raconter son voyage.

Je jette mon téléphone sur le canapé et me dirige vers la cuisine, en trainant les pieds. Je m’étire et me prépare un café. Enfin une cafetière entière plutôt. Je vais en avoir besoin pour vider mes cartons et finir d’aménager la maison. Je bois une, deux tasses de café et je grignote des toasts à la confiture, puis je file prendre une douche tiède pour finir de me réveiller.

J’enfile un jean et un t-shirt et j’attaque les cartons entassés dans ma chambre. Ça ne me prend qu’une heure pour tout vider et ranger. Je ne possède pas tant de vêtements que ça. Je n’ai pris qu’un costume, les autres, je les ai laissés à New-York. Je n’ai pris que des jeans, des t-shirts, quelques pulls, des chemises et des tenues estivales aussi. Si j’ai besoin d’autre chose, j’irais me l’acheter en magasin.

Mon téléphone n’arrête pas de sonner. C’est mon agent. Je n’ai pas envie de lui répondre pour le moment. Elle va encore me harceler de propositions de tournage et me faire la morale concernant ma décision de me mettre au vert pendant quelques temps. Je sais pertinemment qu’elle a inondé ma boite mail de messages. Je prendrais le temps de les lire plus tard. J’active le mode silencieux et je retourne à l’aménagement de la chambre de Maia. Elle n’arrive que dans deux semaines, mais je veux que tout soit prêt le plus vite possible.

La matinée est passée à une vitesse folle. Il est déjà treize heure et il faut que je pense à manger un petit quelque chose. Mon estomac cri famine. Je farfouille dans mes placards à la recherche d’un plat à faire cuire au micro-onde. Et oui encore un de mes défauts, je ne sais pas du tout cuisiner. C’est à peine si je sais faire cuire un œuf ou des pâtes. Ah si quand même, je suis le roi du barbecue et du sandwich. J’avoue que Maia ne va pas manger très équilibré pendant son séjour ici. Je ferais un effort, mais je n’ai pas non plus envie de me battre avec elle pour la nourriture. Je la vois si peu.

Je me confectionne rapidement un de mes sandwich préféré et je vais m’installer sur la terrasse, au soleil, pour le déguster accompagné d’une bière sans alcool, fraîche cette fois. Le quartier est un peu plus animé qu’hier soir et je porte mon attention à écouter ce qui se passe aux alentours. J’entends au loin, le bruit d’une tondeuse à gazon, quelques véhicules qui passent à allure modérée, des femmes discuter au coin de la rue… Ces bruits peuvent peut-être en énerver certains, mais pour moi ils sont reposants, comparé au brouhaha des grandes villes. Ça m’amuse même d’entendre les gens vivre.

Dès qu’il m’a repéré, le chien du voisin vient aboyer à la palissade. Il ne me voit pas et moi non plus, mais il me sent et m’entend. Il ne doit pas avoir l’habitude qu’il y ait quelqu’un et il protège son territoire, c’est normal. Ça ne fait pas deux minutes qu’il aboie que j’entends sa maitresse l’appeler et lui dire de se calmer. L’animal obéit immédiatement et je distingue à travers les écarts des lames de bois, qu’il s’éloigne. Je suis admiratif du travail de dressage qui a été fait pour qu’il réponde immédiatement à l’ordre donné. Cette femme que j’ai entendue, doit avoir un sacré tempérament. Ça n’est pas donné à tout le monde d’avoir une telle autorité sur un animal. Je me tortille pour essayer de l’apercevoir, mais les espaces de visibilité sont trop étroits, je ne distingue même pas une silhouette. Je pourrais regarder par-dessus en me mettant sur la pointe des pieds, mais je ne veux pas passer pour un importun et puis c’est mal poli d’espionner les gens. J’abandonne rapidement et allume une cigarette.

Mon regard est attiré par mon téléphone qui vient de s’allumer sur la table à côté de moi. Encore mon agent. Je me décide à lui répondre et pousse en grand soupir d’exaspération juste avant de décrocher. Immédiatement sa voix criarde m’agresse l’oreille et je n’ai qu’une envie : raccrocher. Je fais un gros effort et prend sur moi. Comme je l’avais envisagé, elle m’appelle pour me parler d’un super scénario qui vient de lui tomber entre les mains et elle est persuadée que le rôle principal est fait pour moi. J’ai beau lui expliquer que je n’irais pas au casting, que je suis en France et que je suis en vacances, elle insiste encore et encore. Pour enfin avoir la paix, j’accepte qu’elle m’envoie le scénario par mail, pour l’étudier et je lui dis que je lui donnerais une réponse plus tard. Je sais par avance que je n’ouvrirais pas son mail, mais au moins elle me fichera la paix pendant quelques jours.

J’ai à peine raccroché que je reçois un appel en visio, de ma fille. Je suis fou de joie. Ça fait une semaine que je n’ai pas pu lui parler. Je m’empresse de lui faire rapidement une visite guidée de la maison, surtout de sa chambre et de sa salle de jeu. Elle aura moins l’impression d’être dans un univers inconnu lorsqu’elle arrivera dans deux semaines. Elle me raconte des histoires sans queues ni tête, comme savent si bien le faire les enfants de deux ans, et je ris de ses mimiques. Puis vient le moment où sa mère prend sa place pour une discussion beaucoup moins plaisante. Elle ne veut pas que Maia prenne l’avion pour venir en France, ni me la laisser un mois entier. Elle dit qu’elle n’a pas confiance de me la confier si longtemps alors qu’elle est à des milliers de kilomètres. Je bous intérieurement et fais un très gros effort pour ne pas laisser éclater ma colère, mais bon sang je suis son père. Même si je ne suis pas très présent à cause de mon travail, j’estime tout de même être un bon père et savoir m’occuper correctement de ma fille. Bon, OK, pas en ce qui concerne les repas, mais je trouverais une solution. Je me suis toujours levé la nuit lorsqu’elle pleurait, je lui changeais sa couche avant qu’elle ne devienne propre, je lui donnais le biberon la nuit, je l’emmène au parc, je joue avec elle, je lui lis des histoires pour qu’elle s’endorme, je m’inquiète et veille sur elle lorsqu’elle est malade. Enfin, je fais tout ce que j’estime être le devoir d’un père.

Je suis de nouveau dehors, sur la terrasse et je tourne comme un lion en cage pour évacuer un peu de ce trop plein de colère qui gronde en moi. Je dois parler un peu trop fort et j’attise de nouveau l’instinct de protection du chien du voisin, qui se remet à m’aboyer dessus, derrière la palissade. Il doit sentir ma nervosité et il ne se calme pas malgré les ordres de sa maitresse. J’arrive tant bien que mal à négocier avec Milla, mon ex, et elle concède à mettre Maia dans l’avion sous la surveillance d’une accompagnatrice bien sûr.

Je raccroche, toujours aussi furieux et surtout blessé par les critiques de Milla sur ma capacité à être un bon père pour notre fille. De rage j’attrape une chaise du salon de jardin et l’envoie valser à l’autre bout de la terrasse en jurant comme un charretier. De l’autre côté de la palissade, Charly, maintenant je connais au moins le nom de cette brave bête, ne s’est toujours pas calmé. J’entends sa maitresse qui s’est rapproché de lui et qui essaie de le calmer et de l’éloigner, mais il revient et insiste. Elle finit par abandonner et le laisser faire ce que bon lui semble. Elle n’a pas autant de caractère et d’autorité que je le croyais finalement.

Je sens bien qu’il n’y a aucune agressivité de la part de Charly et je décide de tenter de l’apaiser en lui parlant doucement. Je pose ma main contre la palissade et je le laisse me renifler et faire connaissance avec mon odeur. Je n’ai absolument pas peur, je sais que je ne risque rien et en général les animaux m’adorent. Je décide de lui parler en Français. Je me débrouille pas mal dans cette langue et même si l’important dans la communication avec un animal, c’est l’intonation de la voix, je me dis tout de même qu’il doit comprendre certains mots qu’utilisent ses maîtres. Je sais que j’ai un fort accent américain, mais le chien s’en moque, il ne fera aucune différence.

- Hey, salut Charly, je dis d’une voix douce, tu n’as rien à craindre tu vois.

Charly continue à me sentir et essaie même de me lécher, mais c’est impossible. Je l’entends qui gratte la palissade avec sa patte pour essayer de m’atteindre et maintenant il pousse de petits gémissements de frustration. Je me rends compte, que ma propre colère s’est envolée. Il m’a apaisé. Je sens que l’on va devenir de supers potes, lui et moi. Je continu à lui parler d’une voix calme et basse. Il a cessé de gratter et s’est assis en regardant vers moi. J’arrive à le distinguer grâce à un petit trou dans une lame de bois. Si quelqu’un me voyait, il rigolerait bien. Je dois avoir l’air complètement ridicule, là accroupi, à parler avec un chien à travers une clôture.

- Charly, qu’est-ce que tu fais ? Reviens ici.

Cette fois c’est une voix d’homme qui rappel mon tout nouvel ami à quatre pattes. J’ai donc une voisine et un voisin, mais la voix de l’homme parait plus mature que celle de la femme. Charly retourne vers son maître en courant et moi je me relève, prend mon paquet de cigarette sur la table, en sort une et l’allume tout en me posant des questions sur mes voisins. C’est fou tout ce que l’on peut s’imaginer en entendant seulement des voix à travers une clôture. On se crée un portrait-robot de la personne en fonction de l’intensité et de la vibration de sa voix. On leur invente une vie et on est très souvent extrêmement surpris lorsque l’on découvre la réalité.

Je ne connais aucun de mes voisins et je ne cherche pas à les rencontrer. Vue ma notoriété, je préfère me faire très discret. Je n’ai pas envie que l’un d’eux appelle les médias et que je me réveille un matin avec toute une armée de photographes et de fans devant ma porte. C’est pour ça aussi que je préfère sortir en moto, au moins je suis protégé des regards grâce à mon casque. Je me fais livrer un maximum de choses et si je dois me rendre en ville je fais le plus rapidement possible et je me cache derrière des lunettes de soleil et sous une casquette. J’espère que dans des petites villes comme ici, les gens seront assez sympas pour m’accepter et respecter mon désir d’anonymat.

Pour le moment, je profite de ma maison, de mon jardin, du soleil et de la tranquillité. Je dois aller m’acheter de la vaisselle et du linge de maison, mais je n’ai aucune envie de braver la foule des magasins, ni de quitter cet endroit de rêve. Je n’ai emmené, dans mes bagages, que le strict nécessaire pour commencer.

Je rentre chercher mon ordinateur portable et je m’installe sur la table de salon de jardin. Je passe une bonne partie de l’après-midi à surfer sur les sites de vente en ligne, à la recherche de ce dont j’ai besoin. Pfffff qu’est-ce qu’il y a comme choix, c’est incroyable. Je ne comprends pas la nécessité d’avoir autant de modèles et de référence de tasse à café, d’assiette, de couverts, etc… Je choisi le plus simple. Je ne compte pas recevoir du beau monde de toute façon. Les seules personnes qui viendront manger chez moi, se sont mes amis très intimes et ma famille proche et la plupart du temps lorsque je fais un barbecue, je prends de la vaisselle jetable pour ne pas avoir trop de nettoyage à faire après leur départ. Hop ! Commande validée. Je devrais la recevoir dans deux ou trois jours, d’après le site.

Maintenant, il faut que je m’attaque au choix des draps, serviettes de toilette et torchons pour la cuisine, sans oublier les serviettes de table pour ma fille. Je commence par elle, c’est plus rapide. Je trouve facilement de belles serviettes blanches avec des animaux imprimés dessus. Hop, dans mon panier virtuel. Je clique sur l’onglet « chambre pour enfants ». Encore une fois je suis impressionné par le nombre de modèle de draps pour garçons et pour filles. Maia adore les licornes alors je lui choisis deux parures de draps différentes, dans ce thème. A mon tour. Bon, pour moi ça ne va pas être compliqué, je veux du tout simple, uni, bleu ou blanc ou beige ou rouge, peu importe.

J’allais cliquer sur l’onglet « chambre pour adulte » lorsque mon attention est attirée par des bruits provenant de chez mes voisins. J’entends deux voix, différentes de celles de tout à l’heure. Elles paraissent plus jeunes. Sûrement des adolescents vu les termes qu’ils emploient et la façon dont ils se chamaillent. J’en sais donc un petit peu plus sur mes voisins. Je peux rajouter dans la liste, un garçon et une fille. Je les écoute un instant et je souris de les entendre se titiller et se courir après. Je sais qu’ils se poursuivent, je le distingue très bien à la variation de leur voix et à l’essoufflement perceptif lorsqu’ils parlent. Je les entends crier, rire et se supplier. Sûrement un jeu de domination où le plus fort est celui qui ne lâche pas.

- Mégane, Axel, rentrez maintenant. Vous avez sûrement des devoirs à faire dit la même voix féminine qui rappelait Charly.

Une nouvelle chose que je viens d’apprendre. Mes deux jeunes voisins s’appellent donc Mégane et Axel, je me dis en cliquant sur l’onglet qui m’intéresse.

Mais c’est incroyable, même pour des draps tout ce qu’il y a de plus simple, il y a là aussi un choix incroyable de couleurs, de types de tissus et de tailles. Je suis totalement perdu. Bon, déjà je sais quelle taille choisir, ça me fait un critère en moins. J’opte pour la première parure blanche qui me tombe sous les yeux. Elle est en coton. Oui bah c’est bien, je m’en tape. Je ne vois pas la différence avec de polyester, ou autres matières aux noms bien compliqués. J’en prend huit paires pour avoir du change pour moi et pour les chambres d’amis. Voilà, encore ça de fait.

Il me reste les serviettes de toilettes et les torchons. Je passe encore presque une heure et la moitié d’un paquet de cigarettes, à choisir entre mon linge de bain et de cuisine. Ah zut j’ai oublié les oreillers et les couettes. Je farfouille de nouveau à la recherche des articles qu’il me manque et dès que j’ai réussi à me décider, je les mets dans mon panier virtuel. Lorsque je valide ma commande et rentre mon code de carte bancaire, je pousse un soupir de soulagement. Encore une bonne chose de faite. D’après le message de validation de commande je recevrai mes colis dans trois à quatre jours. Nous sommes mardi, je devrais donc les recevoir pour la fin de la semaine. Parfait.

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