CHAPITRE 5 : Le secret

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STAN

Je déprime un peu depuis le départ de Maia. Elle amenait tellement de vie dans cette maison. Même Kitty est triste. Lorsque je suis rentré de l’aéroport, elle est venue se frotter à mes jambes en miaulant à fendre l’âme. Je l’ai prise dans mes bras et je l’ai câliné. Ses miaulements ont changé, mais elle n’a pas cessé pour autant. Lorsque je l’ai reposé au sol, elle s’est précipitée à l’étage, dans la chambre de sa petite maitresse et ne l’a plus quitté que pour aller manger et faire ses besoins. Je n’ai pas eu le cœur de l’en faire partir. Si ça peut la rassurer de sentir l’odeur de Maia, je ne vais pas l’en priver.

J’ai repris mon jogging matinal. Ça va, je n’ai pas trop perdu en un mois.

Côté sevrage tabagique, je m’en sors plutôt bien. Il faut dire que Maia et Kitty m’ont bien aidé, parce que j’avoue que j’ai eu des moments où j’ai failli céder au manque. J’ai racheté un paquet de cigarette, mais dès que j’essayais d’en allumer une, soit Maia m’appelait en pleurant, soit Kitty venait de faire une bêtise et puis un jour j’ai retrouvé ma fille au milieu d’un tas de feuilles et de tabac. Elle s’était amusée à ouvrir toutes les cigarettes et jouait avec les miettes de tabac. Je crois que le message était clair. Je ne l’ai même pas grondé, finalement c’était pour mon bien.

Pour m’occuper l’esprit, j’ai repris l’écriture d’un scénario que j’ai commencé il y a plusieurs années et mis de côté par manque de temps et d’inspiration. Je dois dire qu’aujourd’hui, c’est plutôt la motivation qui me fait défaut. Je relis plusieurs fois mes lignes pour me remettre dans l’ambiance et retrouver le fil de mon idée. J’y apporte quelques corrections, quelques modifications, je mets des dates ou des évènements à jour, je change le nom d’un personnage qui ne me plait plus, j’en fait carrément disparaitre un qui me parait inutile, etc… En fait si, j’ai bien avancé. C’est pas mal de boulot tout ça. Je me lève et me sert une énième tasse de café. Je ne sais pas combien j’en ai bu aujourd’hui, mais sûrement trop.

Je crois que je suis accroc au travail. Je constate qu’il m’est impossible de rester longtemps sans travailler. C’est plus fort que moi. Pourtant la vie ne se résume pas qu’à ça.

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SAMANTHA

On est samedi, il fait beau et je décide de m’occuper un peu de notre potager. Le jardinage, ça n’est pas trop le truc de mes parents, mais moi ça me détend et j’adore avoir les mains dans la terre, planter mes légumes et en prendre soin pour enfin les récolter. Le goût est totalement différent de ceux que l’on trouve dans les supermarchés.

Axel et Mégane entament une partie de raquettes. Ça tourne vite à la compétition et chacun tente des coups de plus en plus difficiles, pour gagner. Je les préviens de se calmer un peu, que la balle va finir par aller soit chez le voisin, soit dans le champ. A peine deux minutes plus tard, ma prédiction se réalise. Axel frappe une balle un peu trop haute et trop forte pour sa sœur et elle atterrie dans le jardin de Stan. Axel court vers le portillon qui permet de passer d’un terrain à l’autre.

- Axel, qu’est-ce que tu fais ? je demande.

- Bah je vais chercher la balle, il me répond comme si c’était normal.

- Non, mais attend, on ne rentre pas chez les gens comme ça.

- Le passage est fait pour ça. On le faisait bien lorsque Pierre et Françoise habitaient ici.

- Oui, mais c’étaient nos amis et on avait leur accord et là Stan ne t’a pas autorisé à passer pour chercher ta balle. Donc tu fais le tour et tu vas sonner à la porte d’entrée pour lui demander si tu peux aller la récupérer.

- Bon d’accord, il souffle. Mégane, tu viens avec moi.

- Mais pourquoi ? C’est toi qui l’as envoyé de l’autre côté.

- Oui bah si tu l’avais rattrapé, elle ne serait pas dans le jardin du voisin.

- Mais, c’est de ta faute aussi, tu l’as envoyé trop haute et trop forte.

- Bon ça suffit tous les deux. Mégane tu vas avec ton frère et c’est tout, je dis pour mettre fin à la discussion.

Ils partent en trainant les pieds, en soufflant et en marmonnant. Je les entends se chamailler jusqu’à ce qu’ils tournent au coin de la maison de Stan. Ahhhhh ces gosses.

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STAN

Au moment où je clique pour enregistrer les dernières modifications que je viens d’apporter à mon scénario, quelqu’un sonne à la porte. Je suis étonné. Je n’attends aucune visite, je ne dois pas recevoir de livraison aujourd’hui, le facteur est déjà passé et je ne connais personne qui pourrait me rendre visite ici. Intrigué, j’ouvre la porte sur deux adolescents.

- Bonjour, me dit le jeune homme, je suis Axel le voisin.

- Bonjour, je réponds.

- Excusez-nous de vous déranger, mais sans le faire exprès on a envoyé notre balle dans votre jardin. Est-ce que l’on peut aller la chercher, s’il-vous-plait ? demande poliment la jeune fille que je présume être Mégane.

- Oui, bien sûr. Vous pouvez passer par la porte de la cuisine. Allez-y.

Ils se précipitent vers le jardin. Je me remets devant mon ordinateur. Horreur !!!!!! Je ne sais pas ce qui a pu se passer, mais il est complètement bloqué. Plus rien ne répond.

- Shit ! Noooo ! Et d’autres injures fusent de ma bouche, dans ma langue maternelle.

Je pianote sur le clavier en jurant et au moment où j’attrape l’ordinateur pour le balancer par terre, les deux adolescents reviennent du jardin avec leur balle.

- Vous avez un souci avec votre pc, me demande Axel.

- Oui, cette #*@#** # de machine est bloquée. J’ai perdu tout mon travail.

- Vous permettez que je regarde ? il me propose.

- Tu t’y connais ?

- Oui, je bidouille un peu et puis je fais mes études dans ce domaine, il dit modestement.

- Alors vas-y, je te le laisse, je dis en reposant le matériel et en lui laissant ma place.

Axel, s’installe sur la chaise haute de la cuisine. Ses doigts courent sur le clavier à une vitesse incroyable. Il est concentré. Je le regarde faire avec anxiété. Je vois du coin de l’œil, que Mégane me détaille. D’un coup son visage s’illumine et comme si elle venait de recevoir une décharge électrique, je la vois qui se retient de sauter partout. Ça y est, je suis découvert. C’est certain, elle m’a reconnu. Shit !

- Excusez-moi, elle commence en gérant difficilement son excitation, vous ne seriez pas Stanley Boomer ?

Voilà, j’en était sûr. Je le savais qu’un jour ou l’autre quelqu’un allait me reconnaitre. J’hésite une fraction de seconde à me faire passer pour un sosie, mais finalement je me décide à dévoiler la vérité. On verra bien.

- Oui c’est bien moi.

Le cri strident qu’elle pousse, me perce les tympans. Elle laisse éclater sa joie et saute sur place, comme un ressort. Axel relève la tête de mon ordinateur.

- Non ? Sérieux ? Vous êtes vraiment Stanley Boomer ?

- Pourquoi je te mentirais ? Si tu veux je te montre mon passeport.

- Waouhhh trop la classe, s’extasie le jeune homme en se replongeant dans le dépannage de ma machine, tandis que sa sœur m’assaille de questions.

Je lui réponds, mais en éludant tout de même celles qui me gênent le plus. Une dizaine de minutes plus tard Axel déclare :

- Voilà, ça y est. J’ai fini. Il est débloqué. J’ai réussi à récupérer le fichier sur lequel vous étiez en train de travailler et j’ai nettoyé un peu votre disque dur. Il devrait tourner plus vite, maintenant. Vous devriez faire du tri dans votre boite, mail. Elle était pleine, c’est pour ça que lorsque vous avez lancé l’enregistrement de votre document, ça a saturé la mémoire et planté l’ordi.

Bon, là il me parle chinois. Je n’y connais absolument rien en informatique. Le principal c’est qu’il ait réussi à me le débloquer et à récupérer mon scénario. Ouf.

- Tu pourrais me faire ça ?

- Oui pas de problème.

- Oh super. Good.

Je leur offre un soda et on s’installe tous les trois autour de l’îlot. Je réponds à leurs questions : en informatique pour Axel et sur la vie des stars pour Mégane. Une heure plus tard, l’adolescent a remis mon pc en ordre. Il a créé des raccourcis pour mes applications préférées, il a programmé ma boite mail pour que je ne reçoive plus de publicité et que les messages soient automatiquement triés en fonction de l’émetteur, etc…

- Il faut qu’on rentre maintenant, décide Axel en se levant, ça fait un moment qu’on est parti et maman va s’inquiéter.

- Ohlala, lorsque je vais raconter à mes amies que mon nouveau voisin c’est Stanley Boomer, elles ne vont pas en revenir, dit la jeune fille toujours aussi excitée, en passant la porte d’entrée.

- Mégane à ce propos, j’aimerais justement que tu ne le dises à personne.

- Mais pourquoi ?

- J’ai choisi ce pays, cette ville, cette maison pour ne pas avoir sans cesse l’objectif d’un paparazzi braqué sur moi. J’ai besoin de m’éloigner de cette vie. J’ai besoin de tranquillité, de simplicité et de vivre comme tout le monde sans que les regards soient toujours tournés sur moi. Tu comprends ?

- Oui je comprends, elle me répond.

- J’aimerais que vous me traitiez comme n’importe lequel de vos voisins et on peut même devenir amis, mais j’ai vraiment besoin que mon identité reste secrète. Vous ne devez en parler à personne, même pas à votre mère, à vos grands-parents ou à vos meilleurs amis. Si vous ne le dites, rien qu’à une seule personne, elle voudra le dire à une autre, qui le dira à une autre, etc… et ça en sera fini de la belle vie que je mène ici. Je peux compter sur votre discrétion ?

- Oui, ils répondent en chœur.

- Merci les jeunes. Ah, au fait, la prochaine fois que votre balle atterrie chez moi, pas besoin de faire le tour et de sonner, passez par le portillon au fond du jardin, c’est plus simple.

- C’est ce que l’on voulait faire, mais maman nous l’a interdit. Elle nous a dit que l’on devait vous demander l’autorisation avant.

- Voilà, c’est fait vous l’avez et vous direz à votre mère que c’est moi qui vous ai permis d’utiliser ce raccourci.

- Merci Monsieur.

- Ah et j’ai une autre faveur à vous demander : pas de vous ou de Monsieur entre nous. Appelez-moi Stan. Dans notre langue le « vous » de courtoisie, comme vous l’appelez, n’existe pas. Tout le monde se tutoie. Un inconnu va tutoyer un autre inconnu, un employé va dire « tu » à son patron, etc… Alors, allez-y, ne vous gênez pas, ça n’est pas moi qui vous ferait une remarque là-dessus. Au contraire si vous me vouvoyez j’aurais l’impression de ne pas être tout seul et ça n’est pas bon pour ma schizophrénie. Je plaisante, je m’empresse de dire en voyant leurs yeux exorbités.

- Ok Stan c’est good, dit Axel.

Check avec Axel. Check avec Mégane et ils rentrent chez eux. Je suis tout de même un peu inquiet. J’espères qu’ils vont tenir parole et garder mon secret. Bon de toute façon maintenant, c’est fait. Je verrais bien.

************

SAMANTHA

- Ahhhhh ! quand même ! Mais qu’est-ce que vous étiez en train de faire ? Vous en avez mis du temps. Vous êtes allés la chercher en Chine cette balle ? je dis mi-inquiète, mi-amusée.

- Excuse-nous maman. Stan a eu un problème avec son pc alors je le lui ais dépanné. Je ne pensais pas que ça prendrait autant de temps, me répond Axel.

- En plus il nous a offert un soda. Il est trop cool, dit Mégane avec des paillettes dans les yeux et un sourire jusqu’aux oreilles.

Axel lui met un petit coup de coude dans les côtes.

- Quoi ? Elle râle discrètement.

- Hummm ! Vous me cachez quelque chose vous, je dis soupçonneuse.

- Meg est amoureuse du voisin, lance Axel pour taquiner sa sœur qui prend immédiatement la mouche.

- Mais arrête ! Elle répond en lui assenant une tape sur l’épaule.

Je dois avouer que ma fille a bon goût, il est vraiment canon, mais un peu trop vieux pour elle. En plus c’est une adolescente de quinze ans, ses hormones sont en ébullition et elle tombe amoureuse toutes les semaines. Mais je la comprends. Moi-même, dès que je le croise, j’ai le cœur qui s’emballe, mes mains deviennent moites et une flamme de désir brûle au creux de mon ventre. Je me suis surprise plus d’une fois, à être déçue de ne pas l’avoir croisé lors de son jogging matinal alors que je partais pour mon travail. Je ne peux pas m’empêcher de jeter un œil vers chez lui, lorsque je suis dans ma chambre. J’espère à chaque instant, l’apercevoir ou le croiser pour échanger quelques mots avec lui. J’adore son accent américain. C’est très sexy. Mon dieu, mais je déraille complètement. Jamais un homme comme lui, ne s’intéressera à une femme comme moi et encore moins avec deux adolescents et ses deux parents à charge.

- Au fait maman, Stan nous a autorisé à passer par le portillon si on doit de nouveau récupérer notre balle.

- Euh d’accord, mais n’en abusez pas et s’il reçoit du monde, vous ne vous incrustez pas. Ok ?

- Bah bien sûr, me répond Axel en haussant les épaules et en levant les yeux au ciel.

Ils retournent à leur sport pendant que je rentre m’occuper des légumes que je viens de récolter. Je sais qu’ils me cachent quelque chose. Je le sens et je l’ai vu à leur façon de se comporter. Inutile de leur tirer les vers du nez, j’arriverais bien à le savoir. Tout se sait un jour ou l’autre.

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