CHAPITRE 6 : Le match de foot

16 minutes de lecture

STAN

On est début Juillet et ça fait maintenant deux mois que je suis en France. Je n’ai pas vu le temps passer. La vie trépidante de New-York, ne me manque pas. Du moins pour le moment. Depuis deux semaines, je suis complètement plongé dans l’écriture de mon scénario. Les premiers jours, j’ai eu du mal à trouver l’inspiration, mais depuis que je discute régulièrement avec Axel, pleins d’idées ne cesse de me venir en tête.

Je m’entends super bien avec Axel. C’est un jeune homme vraiment très agréable. Il est intelligent, curieux, malin, farceur et très bien élevé. Tout comme ça sœur. Mégane est une jeune fille très vive, jolie, aussi intelligente et bien élevée que son frère. Je crois qu’elle a un petit coup de cœur pour moi et je fais en sorte de ne pas l’encourager.

Leur mère a vraiment fait du bon travail avec eux. J’espère qu’elle en est consciente et fière. A l’occasion je le lui dirais. Ça fait toujours plaisir d’entendre ce type de compliment. Je trouve cette femme très courageuse. Ça ne doit vraiment pas être facile tous les jours entre ses enfants, son travail et visiblement ses parents ne sont pas en bonne santé ce qui doit être une charge supplémentaire pour elle. J’ai remarqué les tremblements dont souffre Etienne et il ne faut pas être médecin pour deviner qu’il doit souffrir de la maladie de Parkinson. J’ai également pu constater qu’Isabelle a beaucoup de mal à se servir de ses mains. Je ne sais pas de quelle maladie elle peut souffrir, d’une forme de déformation et de paralysie. Ça doit être extrêmement douloureux et invalidant. Je ne leur poserais aucune question, je ne voudrais pas les mettre mal à l’aise ou raviver de mauvais souvenirs et puis leurs problèmes de santé ne changent rien au fait que ce sont des gens extrêmement gentils et agréables.

Etienne a accepté de m’accompagner dans un magasin et me conseiller pour l’achat d’une tondeuse à gazon. Jusqu’à maintenant, j’utilisais la sienne, mais je trouve ce système contraignant. Il faut à chaque fois que j’aille demander pour la lui emprunter et ensuite que je la lui ramène, ce qui le dérange dans son activité. S’il n’est pas là, je suis obligé de surveiller et d’attendre qu’il soit rentré et ça m’agace. Au moins, là je serais libre. D’ordinaire, je paye un jardinier pour entretenir mon jardin de Los Angeles, mais ici, je préfère m’acquitter de cette tâche moi-même. D’une part, je n’engage pas de jardinier donc ça fait une personne en moins qui risque de dévoiler à la presse où je me trouve et d’autre part, ça me relaxe. Oui je sais, je ne suis vraiment pas comme tout le monde.

Au magasin, heureusement qu’Etienne est avec moi, il y a tellement de modèles différents. Impossible d’en choisir un. Un vendeur vient à notre rencontre. Il essaie, évidement, de me vendre le modèle le plus performant et le plus cher, mais Etienne intervient et m’encourage à prendre un modèle adapté à la taille de mon terrain et à l’utilisation que je vais en faire. Il a raison, je n’ai pas besoin d’un énorme tracteur ou d’une tondeuse à six vitesses de coupe. Je paye, on la charge dans ma voiture et nous rentrons.

J’invite Etienne à venir boire une bière, pour le remercier de son aide. On parle un peu jardin, bricolage et sport. C’est un grand fan de football, mais j’avoue ne pas vraiment connaitre ce sport. Je suis plus football américain et tennis. Il me propose de venir regarder un match chez lui le lendemain soir et j’accepte. Ça me changera un peu.

************

SAMANTHA

Hier soir, papa nous a annoncé qu’il avait invité Stan, le voisin, à regarder le match de foot à la maison ce soir. Après mon travail, je suis passée à la petite épicerie du centre-ville pour y prendre de quoi préparer un apéritif dinatoire que nous grignoterons tous devant la télévision. J’ai fait également le plein de bières, de rosé et de sodas. A la boulangerie, j’ai demandé à la vendeuse de me concocter un petit assortiment de gourmandises pour six personnes et je prends également plusieurs baguettes de pain. Je m’empresse de rentrer à la maison. Mégane m’aide à décharger mes courses et à préparer le diner. Elle est surexcitée à l’idée que Stan passe la soirée avec nous. Je dois dire que moi aussi ça me rend très nerveuse. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai peur de le décevoir ou de faire une gaffe et qu’il me juge mal. En fait, j’aimerais lui faire bonne impression. Je dois sûrement avoir, moi aussi, les hormones qui me travaille. Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas eu de relations intimes avec un homme et il est tellement craquant, que ça doit accentuer ma nervosité. Pourtant ça n’est qu’une soirée foot. Nous serons six ce soir. Ça n’est pas un rencard en tête-à-tête. Il faut que je me calme et surtout que j’arrête de me tourner des films.

Le match débute à vingt et une heure et il est déjà vingt heure trente. Je laisse le soin à ma mère, de surveiller la cuisson de la quiche le temps que j’aille prendre une douche. Je ne m’attarde pas sous le jet d’eau tiède, je me sèche et revêt une simple petite robe d’été rose à fines bretelles. Je relève mes cheveux encore humides, en un chignon déstructuré. J’entends la sonnerie du four, annonçant que la quiche est cuite. Je descends et juste au moment où j’arrive au bas de l’escalier, Stan frappe à la porte d’entrée.

************

STAN

Qu’est-ce que j’ai à être aussi nerveux ? Je vais seulement chez mes voisins, regarder un match de foot à la télévision. Je ne vais pas à une remise d’oscar. Je crois même que je suis moins nerveux lors d’une remise de prix. Après une longue douche à peine tiède, j’enfile un bermuda beige, une chemisette blanche à rayures bleues et des tongs. Il est vingt heure cinquante-cinq. J’attrape la bouteille de vin rouge que j’ai acheté pour l’occasion et je traverse nos deux jardins. Charly me fait la fête comme toujours et m’escorte jusqu’à la porte d’entrée. Là mon stress monte encore d’un cran. J’ai l’impression de me retrouver vingt-cinq ans en arrière, lorsque je suis allée chercher chez ses parents, la fille qui devait m’accompagner au bal de promo en fin de terminale.

Mais shit ! Ce n’est pas pour Samantha que je suis ici, mais pour regarder un match avec Etienne. J’inspire et j’expire profondément avant de frapper à la porte d’entrée. Quelques secondes plus tard, Samantha vient m’ouvrir.

- Bonsoir Stan, elle m’accueille avec son plus beau sourire.

- Bonsoir.

Bon sang, elle est magnifique. Elle n’a besoin d’aucun artifice. Elle est belle naturellement. La robe qu’elle a revêtue met divinement bien ses formes en valeur et sa coiffure dévoile sa nuque dont la peau parait si douce. Son parfum fleurit vient titiller mes narines et excite mes sens encore un peu plus. Etienne vient à mon secours, sans le vouloir.

- Stan, entre mon garçon, il m’invite.

Il pose une main sur mon épaule et me guide vers le salon. Je salue le reste de la famille et tend à Isabelle, la bouteille de vin que j’ai apporté.

- Stan, il ne fallait pas, c’est trop gentil, elle me dit. Un Saint Emilion en plus, mais vous êtes fou. C’est bien trop raffiné pour une soirée foot, elle s’exclame.

- J’adore ce vin, alors j’en offre une bouteille à mes amis à chaque fois que j’en ai l’occasion.

- Isa, met la de côté pour une grande occasion. Ce soir, devant le match, c’est bière obligatoire. A moins que tu préfères autre chose ? Il me demande.

- Oh non. C’est parfait.

Il me met une tape sur l’épaule et m’indique un fauteuil où m’installer. Samantha s’est éclipsée également en cuisine.

Leur maison doit être à peu près aussi grande que la mienne, mais elle est aménagée différemment. Juste derrière la porte d’entrée, se trouve l’escalier qui mène à l’étage et surement aux chambres à coucher. Nous entrons directement dans le salon/salle-à-manger et sur la gauche se trouve la cuisine semi-ouverte. Les portes-fenêtres, au fond de la salle-à-manger, sont ouvertes sur le jardin et je vois le toit de ma maison derrière la palissade, tout au fond de celui-ci. La décoration et les meubles sont un peu vieillot à mon goût. Les meubles sont en bois massifs marron, les murs sont recouverts d’une peinture saumon passée par le temps et au sol, le carrelage beige à petits carreaux, est usé d’avoir été foulé depuis plusieurs décennies.

Nous nous retrouvons donc, entre hommes, au salon où Axel nous attend déjà, confortablement installé dans un fauteuil et le nez sur son téléphone portable. Il me salut rapidement et se replonge immédiatement dans son occupation. Etienne entreprend de m’expliquer les règles de ce sport et me nomme tous les joueurs des deux équipes qui s’affrontent ce soir. Je l’écoute d’une oreille distraite, cherchant perpétuellement à essayer d’apercevoir Samantha. Je ressens un besoin irrépressible de la voir et de sentir à nouveau son doux parfum fleuri.

- Ah ! ça y est. Ça va commencer, dit Etienne avec excitation.

Il s’agite sur son fauteuil, la télécommande de la télévision entre ses mains et augmente un peu le volume. Je me concentre sur le match qui débute et je suis vite pris dans le jeu. Les femmes déposent sur la table basse, tout un assortiment de quiches/pizzas/mini-sandwich et crudités. Mégane s’est installée par terre, sur un gros coussin et Isabelle et Samantha sur le canapé en face du fauteuil dans lequel j’ai pris place. J’accepte la bière que m’offre Samantha, tout comme Etienne, tandis que les enfants prennent un soda et les femmes un verre de rosé frais. J’ai l’habitude des mets délicats que l’on nous sert lors des cocktails, galas et autres soirées mondaines, mais je dois dire que je préfère largement les plats simples que mes hôtes ont préparés pour ce soir.

J’essaye de fixer mon attention sur le match, mais j’ai du mal à me concentrer car à plusieurs reprises, mes doigts frôlent ceux de Samantha en prenant un sandwich et à chaque fois, un frisson me parcourt la colonne vertébrale, faisant hérisser les petits cheveux à la base de ma nuque. Nos regards s’accrochent et elle m’adresse un sourire gêné avant de retirer sa main pour que je puisse me servir. Elle baisse les yeux pour que je ne distingue pas la petite flamme qui s’y est allumée, mais trop tard, j’ai eu le temps de la voir. Un léger sourire de satisfaction, se dessine au coin de mes lèvres. Ressentirait-elle la même chose que moi ?

A la mi-temps, elles débarrassent les plateaux vides et nous en ramènent d’autres remplis de minis pâtisseries plus appétissantes les unes que les autres. Plusieurs de ces gourmandises me sont inconnues. C’est l’occasion de goûter. J’en prends une qu’Isabelle me présente comme un Paris-Brest. Je croque dans le chou fourré d’une crème au beurre praliné et c’est une explosion de saveur dans ma bouche. Je ferme les yeux et pousse un petit « Hummmm » de plaisir, sous les regards amusés de mes hôtes.

- C’est divin, je dis, ma bouchée avalée. Je n’ai jamais rien mangé d’aussi bon.

- Je suis ravie que ça vous plaise, me dit Samantha avec un grand sourire satisfait.

- Buuuuut ! cri Etienne, nous faisant tous sursauter. Il était temps qu’ils se réveillent ces fainéants, il commente ensuite.

J’arrive à détacher mon regard de celui de Samantha et je reporte mon attention sur le match. Ce sport ne m’intéresse pas vraiment. Je trouve que les joueurs font trop de cinéma. J’ai l’impression de regarder un ballet de danse plutôt qu’un match. Je ne veux pas faire de peine à Etienne qui a l’air passionné, alors je simule un fort intérêt pour ce qui se passe à l’écran et j’arrive aisément à le berner. N’oubliez pas que je suis acteur, je calque mes réactions sur les siennes et j’entre facilement dans la peau d’un fan de football.

Mégane monte dans sa chambre, une fois son repas terminé. Elle n’était avec nous que pour la nourriture, car elle n’a pas quitté l’écran de son téléphone des yeux. Isabelle nous quitte aussi avant la fin du match. Elle est très fatiguée ce soir, ses douleurs l’ont empêchées de dormir une bonne partie de la nuit dernière, elle nous a avoué.

L’arbitre donne le coup de sifflet final. Etienne ronchonne. L’équipe qu’il supporte a perdue trois à un. Vexé, il nous souhaite bonne nuit et monte se coucher, immédiatement suivi d’Axel. Je me retrouve seul avec Samantha. Elle se lève et commence à débarrasser les plats. Je m’empresse de l’aider, malgré ses protestations.

- Non, non Stan. Vous êtes notre invité, vous n’avez pas à débarrasser.

- C’est le moins que je puisse faire. Tout le monde t’a abandonné, je ne peux pas te laisser ranger et nettoyer toute seule, je dis en prenant un plateau et en me dirigeant vers la cuisine.

- Ça me gêne, elle dit en me suivant.

Je me tourne vers elle et capte immédiatement son regard. Je me rapproche d’elle, mes narines perçoivent des effluves de son parfum fleurit et comme à mon arrivée, mon excitation monte d’un cran. Nos yeux ne se quittent pas et lorsque je ne suis assez proche à mon goût, je lui dis d’une voix douce et chaude :

- Tu ne dois jamais être gênée avec moi. Au contraire, sois toi-même. Oses.

Je la vois se troubler et rougir. J’approche mon visage du sien sans la quitter du regard, mais elle prend peur et s’écarte pour aller remplir le lave-vaisselle. Je soupire de déception. Bon sang, mais qu’est-ce qu’il me prend ? On se connait à peine et j’agi avec elle comme avec toutes ces femmes que je rencontre dans les soirées, sur les plateaux de tournage et durant les interviews et avec lesquelles je n’ai qu’à claquer des doigts pour qu’elles succombent et se retrouvent dans mon lit. Sans m’en rendre compte, je suis passé automatiquement en mode tombeur. Chassez le naturel et il revient au galop. Je suis en colère contre moi-même et je décide de rentrer chez moi.

- Euh… Je crois que je vais rentrer maintenant, je dis. Merci pour la soirée et pour le repas.

- Je vous raccompagne. On peut passer par ici, elle me dit en m’indiquant les portes-fenêtres encore ouvertes sur le jardin.

- D’accord.

Nous nous dirigeons, côte à côte, en silence, vers la limite entre nos deux propriétés, jusqu’au portillon. Il fait nuit, mais la pleine lune nous permet d’avoir une très bonne visibilité. Je me tourne vers ma compagne.

- Encore merci Samantha. J’ai passé une excellente soirée, je dis en lui prenant la main pour y déposer un baiser tout en ne la quittant pas des yeux.

Elle ne retire pas sa main et ses yeux suivent le moindre de mes gestes avec attention. Elle semble troublée. Je sens son pouls rapide et fort sous mes doigts que j’ai volontairement placé au niveau de son poignet pour justement, mesurer ses émotions. Je dois dire que sa réaction flatte mon égo. Je suis satisfait de l’effet que lui fait un simple petit baiser sur la main. Et je suis rassuré de constater qu’elle ressent sûrement la même chose que moi. Vu son mouvement de recul tout à l’heure, je ne veux pas lui faire peur et je décide de me contenter de ce contact basique, sans aller plus loin, même si je meurs d’envie de l’embrasser. Je lui souhaite bonne nuit et disparais derrière le portillon.

Je monte me coucher, mais je ne cesse de me tourner et retourner dans mon lit, ne trouvant pas le sommeil. Je suis obsédé par ma voisine. Je ne peux plus nier, ni refouler plus longtemps, l’attirance que j’ai pour elle. Je m’étais pourtant promis de ne plus me laisser prendre à ce jeu cruel de l’amour, mais je m’étais trompé. Les sentiments sont incontrôlables et surtout imprévisibles. En plus, elle semble ressentir les mêmes émotions que moi, ce qui encourage mon attachement à elle. Si elle était restée insensible ou m’avait repoussé fermement, je me serais fait une raison et j’aurais abandonné l’idée d’entretenir un lien sentimental entre nous. Mais il n’en est rien et maintenant qu’elle est entrée dans mon cœur et dans ma tête, je ne peux plus m’en défaire et j’en veux plus.

Je me lève, je descends dans mon bureau et allume mon ordinateur. Je cherche un site de livraison de fleurs. J’allais valider une commande d’un énorme bouquet de roses rouges, mais je me ravise. Ce n’est pas le bon choix. Les roses rouges symbolisent l’amour et nous ne nous sommes pas encore révélé nos sentiments et ne nous sommes même pas embrassé. C’est un peu trop tôt pour ce genre de bouquet. Je consulte de nouveau leurs offres, à la recherche d’un bouquet qui voudrait plus dire « Merci pour la soirée ». J’opte pour une composition. Je l’accompagne d’un simple petit merci et je signe. Je valide ma commande et demande à ce qu’elle soit livrée pour le lendemain.

Satisfait et un peu apaisé, je remonte me coucher. J’ai hâte de voir sa réaction maintenant. Je tombe rapidement dans le sommeil.

************

SAMANTHA

Je suis allongée dans mon lit, les yeux grands ouverts, ne trouvant pas le sommeil. Je me déroule le film de la soirée, dans ma tête. Stan est un homme vraiment pas comme les autres. Qui de nos jours, fait un baise-main à une femme ? ça ne se voit que dans le grand monde. Et cette bouteille de vin ! Du Saint Emilion grand cru, pour juste une soirée foot c’est … c’est … trop raffiné. Qu’est-ce que ça aurait été si on l’avait invité pour un repas de fête ? Il aurait amené du Don Pérignon ? Cet homme à certes de très bons goûts et je ne pense pas qu’il veuille nous impressionner ou nous étaler son argent à la figure, non, c’est autre chose, mais je n’arrive pas à définir quoi. C’est peut-être dû à la différence culturelle, au fait qu’il soit Américain et qu’il ne soit pas familiarisé avec les usages Français. J’essaie de me persuader que c’est ça, mais quelque chose au fond de moi, me souffle qu’il y a encore autre chose derrière ses bonnes manières.

Puis mon esprit revient sur des moments plus troublants. Je repense à ce que j’ai ressenti lorsque j’ai ouvert la porte à Stan, à son arrivée. Il était pourtant seulement vêtu d’un bermuda et d’une chemisette, mais ce qui se dégageait de lui était plus sophistiqué. Il a un charisme que peu de personne possède. Et ses yeux, pfiouuuu. Il a des yeux extraordinaires. J’aime à me perdre dans son regard bleu, presque transparent. Il a une façon de me regarder, qui me fait frissonner de désir. Ne parlons pas de son sourire, qui ferait fondre la banquise et j’adore les deux petites fossettes qui se dessinent sur ses joues lorsqu’il rit.

J’esquisse un sourire en repensant au moment où il a goûté le Paris-Brest. Il a eu la même réaction qu’une personne qui découvrait la bonne nourriture pour la première fois. C’était marrant et mignon à la fois.

Je frissonne en me remémorant ce que j’ai ressenti lorsque nos mains se frôlaient, puis une flamme de désir se met à croitre au creux de mon ventre lorsqu’en fermant les paupières, je revois son regard brûlant se poser sur moi. Lorsque nous étions seuls dans la cuisine, qu’il s’est approché de moi et alors que son visage n’était plus qu’à quelques centimètres du mien, j’ai retenu ma respiration. J’aurais tant aimé goûter ses lèvres et à la fois j’étais paniquée par les sentiments que j’éprouvais. C’est pour ça que je me suis détournée et que j’ai fuis. J’ai peur. Et pourtant je n’ai pas pu le laisser partir comme ça. J’avais envie qu’il reste encore un moment avec moi, c’est pour ça que j’ai proposé de le raccompagner jusqu’au portillon. Je voulais prolonger ce moment spécial entre nous. Je sens encore ses lèvres chaudes sur ma main et la légère pression de ses doigts autour de mon poignet, comme une brûlure, mais délicieusement moins douloureuse. Je ris de moi, de mes sentiments, de mon comportement d’adolescente fasse à son premier élan amoureux. Je ris de mes peurs et de ma maladresse. Je n’ai plus quinze ans et pourtant je me comporte comme tel.

De quoi ai-je peur ? D’aimer ? J’ai aimé pendant vingt ans un homme qui a fini par me quitter pour une femme plus jeune que moi. Peur de souffrir ? L’amour fait souffrir que ça soit parce qu’il se termine par un divorce ou que votre union soit brisée par la mort de l’être aimé. J’ai aimé, j’ai souffert et pourtant je suis encore en vie. J’ai un travail, j’ai mes enfants, j’ai la chance d’avoir encore mes parents, j’ai un toit au-dessus de ma tête et de quoi manger tous les soirs dans mon assiette. J’ai eu des coups durs, très durs, mais je me suis toujours relevée, j’ai toujours fait face et j’ai continué à vivre malgré tout. Et bien si je suis attirée par mon voisin et que cette attirance est réciproque, autant en profiter. Ça durera le temps que ça durera et puis c’est tout. Pas de prise de tête et de fausses promesses. Je vais laisser les choses se faire toutes seules et vivre pleinement le moment présent. Après tout j’ai quarante et un ans, donc je suis adulte, célibataire, responsable et consciente des conséquences que peuvent avoir mes décisions. Il n’y a pas de mal à se faire du bien, non ?

Je me tourne et m’endors sur cette bonne résolution.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Sabrina CRESSY ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0