CHAPITRE 9 : Première absence

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STAN

Je me réveille dans mon grand lit, seul. Samantha n’a pas pu rester hier soir. Elle avait un repas à préparer pour recevoir des amis ce midi. Je suis un peu déçu, mais en même temps ça m’arrange, comme ça je n’ai pas à lui expliquer pourquoi je dois partir pour deux jours à New-York.

Elle ne sait toujours pas qui je suis et je n’ai pas encore envie de lui révéler ma vraie identité. J’ai peur qu’elle ne soit plus la même avec moi, si elle découvre qui je suis vraiment et je ne veux pas perdre ce que l’on est en train de construire. C’est tellement merveilleux et exceptionnel. Je n’ai pas envie d’y mettre fin à cause de ce que je suis dans ma vie professionnelle.

Avec elle, ici, je peux être réellement moi-même, ce que je n’ai jamais pu faire avec mes compagnes précédentes. Elles attendaient toutes que je réponde au moindre de leurs désirs, de leurs caprices. Il fallait tout le temps se montrer, étaler notre relation, notre notoriété, notre vie de star jusqu’à certains moments de notre intimité même, juste pour flatter leur égo. Il fallait, tout le temps recevoir ou aller à des diners, des réceptions, des vernissages, des galas, etc… Je devais continuellement jouer le rôle du parfait petit ami, riche et célèbre. Quand je vois comment Samantha se comporte avec moi, je me demande si toutes ces femmes m’aimaient réellement ou si elles aimaient juste la vie et la notoriété que je leur apportais. Si je ne servais pas de faire-valoir.

Samantha ne s’intéresse pas à tout ça, sinon elle m’aurait reconnu depuis longtemps, comme Mégane. Je n’ai pas envie de perdre l’innocence et la véracité de notre relation. Je veux pouvoir rester moi-même, je veux qu’elle continue à m’aimer pour qui je suis et pas pour ce que je représente. Elle est la seule qui me fasse me sentir un homme, un être humain comme les autres, me sentir vivant et libre. Rien que pour tout ça, je l’aime comme je n’ai jamais aimé.

Je me prépare pour prendre mon avion pour New-York et pour mon audition avec Martin Scorsese. J’y vais, mais sans réelle motivation. Je dirais même que ce rendez-vous m’ennuie un peu car ça me faire sortir de ma retraite, de ma vie tranquille ici et que je ne suis pas encore prêt à reprendre le chemin et la vie trépidante des plateaux de tournage. En même temps, je ressens une forme d’excitation à l’idée de rencontrer l’un des plus grands réalisateurs, celui avec qui je rêve de travailler depuis que je fais ce métier. Celui qui m’a donné envie de me mettre moi-même à la réalisation d’un film. J’y vais en me disant que si je décroche le rôle, tant mieux et je réaliserais l’un de mes rêves. Si je ne l’obtiens pas et bien ce n’est pas grave, je me consacrerais à mon scénario et à sa production. Je pars serein.

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SAMANTHA

Je n’ai pas croisé Stan aujourd’hui lors de son jogging matinal. Les volets sont fermés et la maison semble sans vie. J’espère qu’il va bien et qu’il n’a pas été obligé de rentrer aux Etats-Unis en catastrophe. Je sais qu’il a une femme de ménage, ça doit être elle qui va s’occuper de Kitty, à moins qu’il ne l’ait emmené avec lui s’il doit partir trop longtemps.

J’ai un pincement au cœur en constatant qu’il ne m’a même pas dit qu’il devait partir, ni pendant combien de temps il serait absent. J’espère juste qu’il n’y a rien de grave. J’ai une boule au fond de la gorge. Ok on est ensemble depuis seulement quelques jours. Ok on ne s’est fait aucune promesse et de toute façon c’est ce que je voulais. Ok une certaine complicité était en train de s’installer entre nous, mais je me suis peut-être trompée. Peut-être qu’il veut être libre et ne me voir que de temps en temps, quand bon lui semble. Il n’a peut-être pas envie d’une relation stable au final, alors que moi si. Enfin, je crois. Je ne sais pas, je ne sais plus ce que je veux. Je suis un peu perdue. Peut-être que j’y suis allée trop vite. Oui, c’est peut-être ça. Il a eu peur de la vitesse à laquelle notre relation a évolué et il a préféré prendre du recul. Pourtant il avait l’air tout aussi pressé que moi, vu comment il m’embrassait et si nous n’avions pas été dérangé par le commercial pour la piscine, nous aurions sûrement fait l’amour sur l’îlot de la cuisine. A cette pensée, je sens mes joues s’empourprer et une chaleur grandir au creux de mon ventre. La boule que j’ai au fond de la gorge, grossit un peu plus et me fait déglutir péniblement, alors que des larmes me piquent les yeux.

- Allez, reprend-toi. Tu as survécu à bien pire. Tu t’es trompée sur ses sentiments et ses intentions et bien maintenant tu seras plus vigilante et c’est tout. Ne te laisse pas abattre, tu as vu bien pire. Ils sont tous pareil, je me dis à voix haute pour me motiver.

Je viens de passer une rude journée au travail et je n’aspire qu’à prendre une bonne douche, aller me coucher et oublier tout ça.

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STAN

J’ai relu le scénario et travaillé pour mon audition, durant tout le vol vers New-York. C’est vraiment une histoire très intéressante et j’ai finalement très envie d’obtenir ce rôle.

Lorsque je sors de l’aéroport, je suis un peu dérouté. J’avais oublié à quelle point cette ville est en perpétuel mouvement, toujours en ébullition, toujours très vivante. Mais je me rends compte que je reprends immédiatement mes habitudes et que la transition entre ma vie tranquille en France et le tourbillon New-yorkais, a été rapide. Je monte dans un taxi et lui indique l’adresse de mon appartement.

Mon audition n’étant que le lendemain en début d’après-midi, je profite de mon passage ici pour passer quelques appels professionnels, pour voir mon agent et pour trier mon courrier.

J’ai échangé quelques messages avec Milla et Maia et elle, sont à New-York en ce moment. Ce matin, je passe prendre ma fille pour passer quelques heures avec elle. Elle est folle de joie de me voir. Sa mère ne l’avait pas prévenu. Nous allons prendre un petit déjeuner dans un starbucks, puis nous allons au parc. Elle me demande si Kitty et Charly vont bien. Elle ne les a pas oubliés, ça me fait plaisir.

La matinée passe trop vite à mon goût. Il faut déjà que je la redépose chez sa mère. Maia me demande quand est-ce que l’on se reverra et malheureusement je n’ai pas de date à lui donner. Je lui dis que ça sera le plus vite possible, mais qu’elle peut m’appeler quand elle veut. Elle passe ses petits bras autour de mon cou et me serre très fort. J’ai les larmes aux yeux et je la serre aussi contre moi. Je l’embrasse, lui dit que je l’aime fort et je dois la quitter.

Je ne déjeune pas, j’ai l’estomac noué. Je suis trop impressionné et stressé de passer cette audition, mais surtout de rencontrer l’une de mes idoles.

Je suis très bien accueillit et on me fait attendre, seul, dans un petit salon. Une hôtesse me propose une boisson et j’accepte de prendre un café. Je fais les cents pas tout en travaillant une nouvelle fois mes répliques.

Enfin, la collaboratrice de Martin Scorsese m’appelle. Mon stress est à son plus haut niveau. J’inspire et expire profondément avant d’entrer.

Ça y est, j’ai le rôle. Comme me l’avait fait sentir mon agent, c’était une pure formalité. Le réalisateur avait déjà décidé que c’était moi qu’il voulait. C’était en fait plus une présentation, une rencontre, qu’une réelle audition car il m’a arrêté au bout de trente secondes de prestation. Je suis aux anges et j’ai déjà hâte que le tournage démarre.

Martin m’a donné des contacts avec lesquels m’entrainer pour entrer vraiment dans la peau de mon personnage et faire quelque chose de réaliste. Il m’a exposé son point de vue sur le film et ce qu’il attendait de moi. Il m’a invité à aller boire un verre dans une salle deux étages plus haut. J’ai d’abord refusé, trop pressé de reprendre l’avion pour la France, mais il a insisté et je n’ai pas pu me défiler n’ayant aucune raison valable. J’ai ainsi pu rencontrer quelques un de mes futurs partenaires : Robert De Niro, Jennifer Lawrence, Ryan Gosling, Kate Winslet et bien d’autres encore. J’ai déjà tourné avec certains et pour d’autre ça sera une première. J’ai bu quelques coupes de champagne, picoré les mets disposés sur une grande table, tout en discutant avec les uns et les autres.

Lorsque je regarde ma montre, je m’aperçois que j’ai raté mon avion. Le prochain vol est demain matin. Ryan me propose d’aller manger au restaurant et j’accepte. Je ne suis pas pressé puisque mon avion est dans plusieurs heures. Ça faisait longtemps que l’on ne s’était pas vu et la soirée se prolonge jusqu’au petit matin. Nous n’avons pas vu le temps passer.

Je passe vite fait à mon appartement récupérer mes affaires, mais je ne prends pas le temps de me changer, sinon je vais encore manquer mon vol. Le taxi me dépose et j’ai juste le temps de passer à l’enregistrement que l’hôtesse annonce l’embarquement. Heureusement que j’ai seulement un bagage qui passe en cabine. Je m’installe sur mon siège, soulagé.

Le vol a été horrible. Un enfant n’a pas arrêté de courir dans les allées, un bébé a pleuré une bonne partie du voyage, l’homme assis derrière moi ronflait si fort que j’ai cru pendant un moment que l’avion avait un problème de moteur et les deux femmes devant moi n’ont pas arrêté de discuter bruyamment jusqu’à l’atterrissage. Je n’ai pas pu fermer l’œil. Entre ma nuit blanche, l’excès d’alcool, la fatigue, le stress qui est retombé et le décalage horaire, je suis exténué. J’ai hâte de rentrer et de me coucher.

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SAMANTHA

J’ai le moral dans les chaussettes. Dès que je suis à la maison, mon regard est sans cesse attiré vers chez Stan. Les volets sont toujours fermés. Ma mère m’a dit qu’elle avait vu la femme de ménage venir hier, mardi matin et c’est le seul signe de vie qu’elle ait pu observer.

Je monte dans ma voiture, ouvre les vitres et mets ma musique préférée. Au moment où je tourne au coin de la rue, un taxi me klaxonne.

- Mais qu’est-ce qu’il lui prend à celui-là ? je rouspète tout en continuant mon chemin.

Voilà, il m’a énervé. Je sens que la journée va être longue et difficile. Oh ! Que j’ai hâte d’être en Août et de pouvoir enfin profiter de mes vacances. Déjà la semaine prochaine, le jeudi, c’est le quatorze Juillet et notre patron nous offre le vendredi pour que l’on ait un long week-end. Quatre jours de congés. Quel bonheur ! Au programme : repos, jardinage, bain de soleil et feu d’artifice. Mes parents ne seront pas là. Ils ont prévu d’aller voir un couple d’amis au bord de la mer. Je vais vraiment me retrouver toute seule. Le rêve !

Des amis m’ont proposé de me joindre à eux, dans une location à Nice, mais je trouve que ça fait beaucoup de route pour si peu de temps et puis j’ai vraiment besoin de me retrouver au calme.

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STAN

Enfin ! Je suis de retour dans mon petit paradis. J’ai besoin d’une bonne douche avant d’aller dormir. Alors que l’eau coule le long de mon corps, je me demande pourquoi Samantha n’a pas répondu lorsque j’ai demandé au taxi de la klaxonner. Je lui ai fait signe derrière la vitre, mais elle a tourné la tête et a continué son chemin. Je suis trop fatigué pour me poser plus de question. Je me savonne, me rince et me sèche rapidement avant d’enfiler un boxer et de me laisser tomber sur mon lit. Je plonge immédiatement dans le sommeil.

- Han ! Mais qui peut bien sonner à une heure pareille, je grommèle en ouvrant un œil.

J’enfile un short et je descends en essayant de ne pas tomber dans l’escalier. Les yeux encore plein de sommeil et les cheveux en bataille j’ouvre la porte sur un homme.

- Bonjour Monsieur.

- Bonjour.

- On vient pour les travaux de la piscine.

- La piscine ? Mais on est quel jour ?

- Jeudi.

- Jeudi ? je répète avec étonnement.

Je regarde ma montre et je constate que j’ai dormi vingt-quatre heures d’affilées. Je manquais vraiment de sommeil. Je fais entrer les ouvriers et je me prépare une grande cafetière. Je vais en avoir besoin pour garder les yeux ouverts. Je suis un peu perturbé à cause du voyage et le changement d’heure dans un sens puis dans l’autre, en si peu de temps. Il va me falloir quelques jours pour me remettre et retrouver un rythme régulier. J’ai pourtant l’habitude de voyager et d’avoir des horaires aléatoires, mais ça fait plusieurs mois que j’ai une vie normale et je crois que je m’y suis habitué.

Les ouvriers ont travaillé toute la journée, même par cette chaleur étouffante. J’ai maintenant un énorme trou dans mon jardin et ils ont presque fini le local de maintenance qui doit protéger la pompe, les filtres et tout ce qui concerne l’entretien et le bon fonctionnement de la piscine. Ils reviennent demain de bonne heure et ne repartiront pas avant d’avoir fini, même s’ils doivent travailler très tard. J’ai payé un bon bonus pour ça.

J’ai essayé de travailler sur mon scénario, mais avec tout ce bruit, c’est mission impossible. Alors j’ai pris contact avec les personnes que Martin Scorsese m’a conseillé pour travailler mon prochain rôle. Je débuterais les stages en Octobre. Il me restera trois mois pour travailler et m’imprégner du monde dans lequel mon personnage va évoluer. Ça va être beaucoup de travail, mais je vais me donner à fond, comme toujours.

Les ouvriers sont arrivés à huit heures et ont travaillés d’arrache-pied toute la journée. A dix-huit heure, j’ai enfin ma piscine. Elle fait six mètres sur trois. Elle est semi-enterrée et le tour externe est en bardage bois. Une sorte de tapis de protection, la recouvre lorsque l’on ne s’en sert pas, pour une question de sécurité. Il faut que j’attende vingt-quatre heures avant d’y plonger, le temps que les produits agissent. J’ai hâte de piquer une tête.

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SAMANTHA

Ça y est. La semaine est enfin terminée. J’ai eu énormément de travail ces jours-ci et j’ai dû travailler tard presque tous les soirs. Lorsque je suis rentrée hier soir, il faisait nuit et mes parents étaient déjà couchés. Je n’ai même pas eu la force de me faire à manger, j’ai pris une douche rapide et je me suis couchée aussitôt. Ce matin, je suis partie à sept heure pour essayer de terminer un peu plus tôt ce soir. Et voilà. Le catalogue automne est bouclé et je peux enfin profiter de mon week-end.

- Bonsoir ma chérie, me dit ma mère dès que je franchis le seuil de la porte. Comment ça s’est passé aujourd’hui au travail ?

- Nous avons réussi à boucler le catalogue à temps. Je n’en peux plus.

- Va prendre une douche si tu veux, pendant que je nous prépare un petit apéritif.

- Avec plaisir, oui.

Je reste un bon moment sous le jet d’eau tiède. Je me détends au fur et à mesure. Que ça fait du bien. J’enfile un short et un t-shirt avant de rejoindre mes parents dans le jardin. Ma mère nous a confectionné un plateau apéritif. J’opte pour un verre de rosé bien frais. Ma mère me raconte les derniers potins du voisinage et je l’écoute distraitement. Ça n’est pas vraiment mon truc les ragots.

- Tiens Stan a dû faire des travaux chez lui ces deux derniers jours, car on a vu une pelleteuse et il y a eu beaucoup de bruits.

- Ah oui, c’est vrai qu’il devait faire installer une piscine cette semaine, je dis d’un air faussement détaché.

La boule dans ma gorge fait de nouveau son apparition et je sens des larmes me piquer les yeux. Il doit être rentré, si les ouvriers étaient là pendant deux jours. Ça me fait mal de le savoir si proche et si loin à la fois. Je baisse le regard sur le liquide rosé de mon verre et j’essaye de penser à autre chose. Ma mère, vient à mon secours en me parlant de leur prochain voyage chez leurs amis. Ils ont décidé de partir un peu plus tôt et de rentrer un peu plus tard pour éviter les bouchons sur la route. Ils seront donc absents du lundi matin au mardi soir de la semaine suivante.

On prend un diner léger, puis je décide d’aller faire une promenade dans la campagne en compagnie de Charly. J’ai besoin de m’aérer l’esprit.

Mes pensées dévient inévitablement vers Stan. Je n’arrive toujours pas à comprendre ce revirement de situation. Je compare notre relation à des montagnes russes. On a mis du temps à créer des liens puis d’un seul coup, on est monté à toute vitesse sur une très haute vague de sentiments et de plaisir, pour en redescendre aussi vite et je suis de nouveau sur la phase calme du manège. Quelque part, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Après tout c’est moi qui l’ai embrassé en premier. Je m’étais pourtant dis que je vivrais cette histoire au jour le jour, mais je ne pensais pas que ça serait si dur. J’ai voulu écouter mon cœur pour une fois et voilà le résultat. J’aurais dû écouter mon cerveau et être plus prudente. Je n’ai plus qu’à me résigner et à reprendre ma vie, comme avant.

Lorsque je rentre, il fait presque nuit. Je ne peux m’empêcher de regarder chez Stan, par la fenêtre de ma chambre. Il y a de la lumière à l’étage et je me prends à imaginer ce qu’il peut bien être en train de faire.

- Bon sang, mais ce n’est pas possible. Arrête un peu ! je me sermonne à voix haute.

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