CHAPITRE 21 : La descente aux enfers

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STAN

Ça fait maintenant un peu plus de trois mois que j’ai rompu avec Samantha. Elle me manque toujours autant. Jour et nuit, une pointe transperce mon cœur et rien ne semble pouvoir atténuer cette douleur. Maia n’a pas réussi à me changer les idées. J’ai fait ce que j’ai pu pour qu’elle ne voit pas ma tristesse, mais ma fille et moi sommes tellement liés qu’elle a senti que je n’étais pas bien et m’a fait plus de câlins, de bisous et dit plus de « love you » que d’habitude. J’adore ma fille.

Le tournage du film réalisé par Martin Scorsese, tombait à point nommé. Je me suis plongé à fond dans mon travail, jusqu’à en tomber d’épuisement tous les soirs. Pourtant, je n’arrive presque pas à dormir la nuit. Je suis torturé par la douleur et les remords. Je me repasse sans cesse le film de notre dernière discussion et je m’imagine une autre fin, mais au petit matin, le côté vide de mon lit me ramène à la réalité.

J’ai créé des problèmes lors du tournage. Je n’ai pas cessé de râler, de protester, de critiquer voir même j’ai piqué d’énormes colères à plusieurs reprises. Mes partenaires, avec qui j’ai déjà tourné au moins une fois, ne m’ont pas reconnu. D’habitude je suis quelqu’un toujours de bonne humeur, je suis le premier à faire des plaisanteries et à faire des farces à toute l’équipe. Je suis quelqu’un qui attrape facilement un fou-rire en pleine scène mélodramatique, mais dans mon état d’esprit actuel, j’avais plutôt tendance à être encore plus déprimé par la suite.

Je me moque totalement d’avoir fait mauvaise impression auprès de Martin Scorsese et d’avoir peut-être gâcher mes chances de retourner un jour avec lui. Je n’en ai absolument rien à faire si les tabloïdes me descendent et ruinent ma carrière. Plus rien n’a d’importance.

Je ne dois m’en prendre qu’à moi-même et cette souffrance est le prix à payer pour mes choix et le bonheur de Samantha. Shit ! Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie. Je sombre peu à peu dans la dépression et l’alcoolisme. J’ai tenté d’oublier Samantha, dans les bras d’autres femmes, mais il n’y a rien à faire. Elles me paraissent tellement fades à côté d’elle. Alors mes relations avec ces bimbos, sont purement sexuelles. Je ne leur accorde pas plus d’une nuit et ne garde aucun contact avec elles ensuite. Je ne ressens absolument plus rien, plus aucun sentiment. Tout m’est indifférent.

Mes amis ont remarqué mon mal-être et ils essaient de m’aider, mais personne ne peut rien pour moi. Je suis d’une humeur massacrante, je me suis remis à boire plus que de raison, je fume comme un pompier, j’abuse du sexe sans lendemain et je ne prends même plus la peine de me cacher des photographes et des médias. Je n’en ai absolument rien à faire de mon image et de ce que peuvent penser les gens. Je ne suis tout de même pas inconscient au point de conduire en état d’ivresse, mais par contre j’ai déclenché des bagarres à plusieurs reprises et j’ai failli finir au poste de police la dernière fois.

Je n’ai pas touché à mon scénario, depuis cet été. Je suis en manque total d’inspiration et l’histoire me paraît tellement insipide. Je me suis retenu juste à temps de le jeter à la corbeille et à la place j’ai commencé à coucher sur le papier, mon histoire avec Samantha. J’ai besoin de me rappeler nos bons et nos mauvais moments. Je ferme les yeux et je la vois le jour de notre première rencontre, la fois où elle est grimpée dans l’arbre pour essayer de sauver Kitty, nos fous rires et nos chamailleries dans ma cuisine. Je me souviens des sensations qu’ont provoqué ses mains sur mes tempes et mes épaules lorsqu’elle a apaisé ma migraine, de son corps contre le mien dans la piscine et de nos nuits sulfureuses. J’ai besoin d’écrire pour me souvenir. Je veux que notre histoire existe ailleurs que dans ma tête. C’est vital pour moi, pour que ce mal qui me ronge s’apaise un peu et surtout pour que je ne sombre pas dans la folie.

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Ma mère rentre de croisière aujourd’hui. Elle vit avec moi depuis la mort de mon père il y a quelques années. J’ai envoyé Paul la prendre à l’aéroport car je ne suis pas en état de conduire. La nuit a encore été difficile et je n’ai pas trouvé d’autre solution que de m’enfiler une bouteille entière de whisky pour oublier. Je prends une douche et enfile les premiers vêtements qui me tombent sous la main, histoire d’être présentable. J’ai la gueule de bois et un marteau piqueur dans la tête. J’avale une aspirine et allume une cigarette que je vais fumer sur le balcon de mon appartement New-Yorkais.

J’entends la porte d’entrée claquer et je quitte le balcon pour aller accueillir ma mère. Elle est resplendissante avec son teint hâlé et son visage rayonne. Je l’embrasse et elle me serre fort contre elle. Ça me réconforte un peu.

- Oh mon fils, comme tu m’as manqué, elle me dit en m’embrassant encore.

- Toi aussi tu m’as manqué, je réponds machinalement.

Elle pose ses mains sur mes joues et scrute mon regard.

- Ça n’a pas l’air d’aller, toi ?

- J’ai juste la gueule de bois, ce n’est rien. On a fêté la fin du tournage hier soir, je trouve comme excuse à mon état déplorable.

Je ne veux pas l’inquiéter et surtout je n’ai pas la force de subir un sermon, dans mon état. Elle parait se contenter de ma réponse, mais je vois à son regard et à la façon qu’elle a de positionner sa bouche, qu’elle ne me croit qu’à moitié. Je l’aide à déposer ses valises dans sa chambre et je m’éclipse dans mon bureau pendant qu’elle range ses affaires.

Une heure plus tard, elle frappe discrètement à la porte avant d’entrée. Elle a plusieurs sacs à la main, qu’elle dépose sur mon bureau. Je découvre, en ouvrant les paquets, qu’elle n’a pas pu s’empêcher de me ramener un souvenir de tous les endroits qu’elle a visité. J’apprécie son geste. Il n’y a qu’une mère pour faire ce genre de choses. Même si ce voyage était pour elle, pour qu’elle profite, qu’elle découvre, qu’elle réalise son rêve, elle n’a pas cessé de penser à moi. Elle n’a pas oublié Maia non plus, qui sera ravie de tous ses cadeaux la semaine prochaine. Je dois l’avoir toute la semaine car Milla a des séances photos et un défilé.

Au moins tant que Maia est là, je bois moins et sa présence m’empêche de trop ruminer. Maintenant que ma mère est à la maison, je vais me sentir moins seul. C’est différent que d’avoir une compagne, mais je sais que je peux compter sur ma mère à chaque instant. Sa présence me réconforte.

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Milla vient de me déposer Maia. Comme toujours, ma fille est hyper heureuse de me retrouver et moi aussi. Elle se jette également, dans les bras de sa grand-mère. Elles sont très proche toutes les deux et ce spectacle arrive à me faire retrouver un peu le sourire que j’ai perdu depuis des mois. Milla critique, pour la énième fois, mon comportement un peu laxiste envers ma fille et ça m’agace. Elle continue en me faisant mille recommandations. Comme toujours, je prends très mal ses paroles. J’ai vraiment l’impression qu’elle ne me croit pas capable d’élever ma fille alors que je lui ai démontré à maintes reprises, que je suis un bon père responsable. Ça n’est vraiment pas le moment de m’emmerder avec ces conneries. Je demande à ma mère d’emmener Maia dans sa chambre, car je sens que je vais exploser et je ne veux pas qu’elle soit témoin d’une dispute entre sa mère et moi. Elles ont à peine refermé la porte de la chambre, que je laisse éclater ma colère. Milla est surprise. Ça n’est pas du tout dans mes habitudes de hurler comme ça sur elle, au contraire jusqu’ici je faisais tout pour être le plus conciliant possible, pour le bien de ma fille. Mon ex n’est nullement impressionnée par ma crise de colère et se met à me balancer tout un tas de reproches à la figure. Elle vide son sac et moi aussi. Fuck ! ça fait du bien d’exprimer ce que je gardais sur le cœur depuis longtemps et pourtant ça ne m’apaise pas totalement. Milla a un avion à prendre et part en me menaçant de faire appel aux tribunaux pour régler définitivement la garde de Maia. Il ne manquait plus que ça.

Je suis encore en colère. Je me dirige vers le bar et me sers un verre de whisky. J’ai besoin d’un remontant. Je vais sur le balcon, mon verre à la main, m’allume une cigarette et fais les cents pas en ruminant. Du coin de l’œil, je vois une silhouette dans la cuisine. C’est ma mère qui prépare le repas. Nos regards se croisent et je peux lire dans le sien tout l’amour qu’elle me porte et combien elle est désolée pour moi. Je lui souris. Ma rage redescend lentement, mais mon cœur est toujours aussi douloureux.

Durant le séjour de Maia chez moi, j’ai réussi à peu près à me tenir correctement. Je ne buvais que le soir, une fois qu’elle était couchée et je n’ai ramené aucune femme à la maison. Mais maintenant qu’elle vient de repartir chez sa mère, je n’ai plus aucune raison de me contrôler. Je me rends dans un bar, branche la première stripteaseuse qui passe et la ramène chez moi pour une nuit de sexe et d’alcool.

************

Ça fait maintenant plusieurs semaines que je passe mes journées à écrire et mes nuits avec des femmes et la boisson. J’en ramène une différente à chaque fois et au petit matin, elle rentre chez elle satisfaite. Je vois bien les regards désapprobateurs que ma mère me lance, mais je l’ignore et m’enferme dans mon bureau.

Ce matin, j’entre dans la cuisine et me verse une tasse de café, alors que la porte d’entrée se referme sur ma dernière conquête nocturne. Ma mère est assise dans le salon avec mon manuscrit dans les mains. Elle est toujours la première à lire tout ce que j’écris. Son avis est très important pour moi. Je la rejoints et m’assois juste à côté d’elle, sur le canapé. Elle renifle et s’essuis les yeux. Bon déjà, je peux constater qu’elle est très émue. J’attends avec impatience sa critique.

- Stan chéri, c’est une histoire magnifique. Tu comptes faire quoi maintenant ?

- Et bien je vais présenter ce manuscrit à une maison d’édition et peut-être en faire un film, je réfléchis à voix haute.

- Non, je voulais dire, qu’est-ce que tu comptes faire concernant cette femme ?

Je ne vois pas du tout où elle veut en venir. De quoi parle-t-elle ?

- Quelle femme ? De quoi tu parles maman ?

- Mon bébé, je suis ta mère et je te connais par cœur. Je ne comprenais pas pourquoi tu avais tant changé depuis mon retour et qu’est-ce qui avait bien pu se passer pour que tu deviennes cet alcoolique assoiffé de sexe, jusqu’à ce que je lise ça, elle me dit en me mettant mon manuscrit sous le nez.

- Ça n’a rien à voir maman, ceci n’est que de la fiction et ces derniers mois entre le boulot, Milla qui me fait des ennuis et Maia à élever seul, je suis sous pression et j’ai besoin de me détendre. Ok je n’ai pas trouvé mieux que l’alcool et le sexe, mais c’est le résultat qui compte.

- Arrête. Ne joue pas à ça avec moi.

- Jouer à quoi ?

- Je ne veux pas parler ni à l’acteur, ni à l’écrivain, mais à mon fils. Alors réponds à ma question : Qu’est-ce que tu comptes faire concernant cette femme ? Elle insiste.

Il n’y a vraiment qu’elle pour détecter quand je joue ou pas. Elle lit en moi comme dans un livre ouvert. Je devrais pourtant le savoir que je ne peux absolument rien lui cacher. Elle a compris que ce qu’elle vient de lire, c’est mon histoire. Notre histoire à Samantha et à moi.

- Absolument rien, maman. Je ne ferais rien parce que c’est mieux comme ça, je dis en regardant mes pieds.

- Mais qui est-ce qui m’a donné un fils aussi crétin ? Elle dit en m’assénant une tape derrière la tête.

- Maman ! Je proteste en me frottant la zone douloureuse.

- Tu as trouvé une femme belle, intelligente, qui t’aime d’un amour vrai et inconditionnel, qui est prête à supporter toutes les contraintes liées à ton métier et tu la laisses tomber comme une malpropre ! On t’a grillé les neurones ou quoi ? Elle dit en me donnant une nouvelle tape derrière la tête.

- Maman ! Arrête ! Je proteste de nouveau en me frottant l’arrière du crâne.

- Non, je n’arrêterais que lorsque tu auras réalisé que tu as mis dehors la femme parfaite. La femme de ta vie.

- Mais je le sais ça maman, je cris en me relevant, furax.

- Alors de quoi as-tu peur ?

- De lui faire du mal et de souffrir aussi.

- Parce que tu ne souffres pas en ce moment, peut-être ?

Je soupire et prends quelques secondes pour analyser la situation. Oh si, je souffre le martyr, mais maintenant il est trop tard, je ne peux plus faire marche arrière.

- Maman, je t’assure que j’ai pris la bonne décision, je me radoucie.

- Permets-moi d’en douter fortement. J’ai eu ton agent au téléphone et elle m’a dit à quel point tu avais été horrible lors de ton dernier tournage. J’ai aussi vu quelques-uns de tes amis, qui m’ont raconté qu’ils ne te voient plus, que tu as déclenché plusieurs bagarres, frisant la prison et que tu t’es fâché avec presque tous ceux qui t’entourent.

- Parce que tu me flique maintenant ! Je dis, en colère.

- Non, je m’inquiète pour toi et je voulais juste comprendre. Toutes ces femmes, l’alcool, la dépression, ça n’est pas toi tout ça. Je ne te reconnais plus.

- Peut-être parce que je n’ai jamais vraiment été moi et que la personne que tu as en face de toi aujourd’hui, c’est l’homme que je suis réellement et je te déçois.

- Non tu n’es pas… ce n’est pas toi cet alcoolique notoire, accroc au sexe et changeant de fille comme de chemise. Le vrai Stanley, l’homme que tu es réellement, c’est celui qui se trouve dans ce bouquin avec cette femme. Le fils que j’ai porté dans mon ventre, que j’ai élevé et qui est devenu un homme maintenant, ce n’est pas celui que j’ai en face de moi, mais bien le Stanley que cette femme a révélé.

- Et bien il va falloir t’y faire à cet homme qui te déranges par ses attitudes peu conventionnelles, car c’est celui que je suis désormais, je dis en m’éloignant.

- Alors tu baisses le bras aussi facilement ? Tu n’essais même pas de te battre pour être heureux avec cette femme ?

Je fais les cents pas dans le salon, ma mère me suivant du regard. Je me prends la tête entre les mains. J’ai envie de hurler. Je me retourne vers elle.

- Tu ne peux pas comprendre. Je ne veux pas que le monde dans lequel j’évolue, la détruise, je dis en fondant en larmes.

Elle s’approche de moi et m’enlace. Elle me laisse pleurer un moment, puis me prends le visage entre ses mains pour me regarder droit dans les yeux.

- Oh mon bébé. Je ne sais pas pourquoi tu vous infliges cette torture, mais ce que je sais c’est que tu as tords et que tu devrais tout faire pour qu’elle te pardonne et la récupérer. Je suis persuadée que c’est seulement lorsqu’elle sera à tes côtés, que tu retrouveras la paix. Si tu ne le fais pas, je ne crains que tu en meurts et ça ne serait pas juste ni pour elle, ni pour toi, ni pour Maia et moi, elle dit posément.

- Après tout ce que je lui ai dit, tout ce que j’ai fait, je ne crois pas qu’elle voudra encore entendre parler de moi, je dis en reniflant.

- Si cette femme t’aime autant que ce que tu décris dans ton livre, elle trouvera la force de te pardonner parce qu’elle t’aime du plus profond de son cœur et que tu es le seul qui peut la rendre heureuse.

- Et si elle refusait de me parler ? Et si elle avait refait sa vie avec un autre homme ? et si….

- Arrête de te trouver de fausses excuses, soit un homme bon sang. Prend ton courage à deux mains et mets tout en œuvre pour la reconquérir. A moins que tu ne veuilles finir par mourir d’une cirrhose en plein ébat sexuel avec une inconnue ?

- Même si j’avoue que ça serait une belle façon de mourir, je ne veux pas de ça. Tu as raison. Je veux qu’elle revienne dans ma vie. Je veux qu’elle soit de nouveau près de moi. J’en rêve toutes les nuits, mais je ne sais pas trop comment m’y prendre.

- Je t’aiderais mon bébé, ne t’inquiète pas.

Je l’embrasse sur la joue et la serre dans mes bras. Je m’aperçois que le poids qui comprime mon cœur depuis des mois, s’est un peu allégé et j’entrevois une lueur d’espoir de retrouver la paix et l’amour.

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