CHAPITRE 24 : La manigance de Giulia

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SAMANTHA

En deux semaines de congés, j’ai repeint toutes les pièces de la maison, réaménagé et redécoré ma chambre, le salon et la salle à manger. J’ai mis cette maison à mon goût et en plus à moindre frais. Je suis très satisfaite du résultat. Les enfants ne vont rien reconnaitre en rentrant. Maintenant, à moi les vraies vacances et la farniente.

Giulia m’a invité à plusieurs reprises, à venir boire un verre ou me baigner dans la piscine, mais j’ai toujours trouvé une excuse pour me défiler. Je n’arrive pas à remettre les pieds dans cette maison. C’est trop dur.

Je suis sur ma terrasse à me prélasser en lisant un bon livre, lorsque Giulia m’interpelle par le portillon.

- Samantha.

- Oh bonjour Giulia.

- Excuse-moi de te déranger, j’ai un gros service à te demander.

- Que puis-je faire pour vous ?

- Je dois absolument me rendre au bureau de poste avant dix-sept heures et Maia est dans la piscine. Je n’en ai pas pour longtemps, ça m’embête de la sortir. Est-ce que tu pourrais venir la garder en mon absence ?

Je réfléchis à toute vitesse. Ça me fait mal au cœur de revenir dans cet endroit. Bon en même temps, c’est à l’extérieur et pour peu de temps. En plus Maia me divertira, ce qui m’empêchera de trop m’apitoyer sur moi-même.

- Juste le temps de mettre mon maillot de bain et j’arrive, je réponds à ma voisine.

Je monte dans ma chambre, me changer. Lorsque j’arrive devant le portillon, j’ai un moment d’hésitation. Je me raisonne, prends une grande inspiration et franchit la barrière. Giulia a déjà son sac à la main. Elle me répète qu’elle n’en a vraiment pas pour longtemps et disparait à la vitesse de l’éclair. Maia est dans la piscine, avec ses brassards. Elle est heureuse de me voir et me presse de venir la rejoindre. J’enlève mon paréo et me glisse timidement dans l’eau fraîche. Aussitôt, il me revient en mémoire, notre moment de pur délire avec Stan. Je secoue la tête pour effacer ces images de mon esprit et je porte mon attention sur la petite fille à mes côtés.

Nous jouons un bon moment dans l’eau, jusqu’à ce que Maia montre des signes de fatigue. Elle accepte alors de sortir de la piscine et j’en suis bien heureuse car je grelotte de froid. Heureusement, il fait très chaud aujourd’hui, je vais vite me réchauffer. J’essuie la petite fille avec un peu de difficultés car elle est très pressée de partir jouer avec sa draisienne. Je me frictionne vigoureusement pour me sécher et me réchauffer un peu. J’attrape mon paréo pour me le nouer autour de la taille, lorsque j’entends Maia s’écrier :

- Daddyyyyyyy !

Je la suis des yeux lorsqu’elle s’élance dans les bras de son père. Mon cœur manque un battement et je retiens ma respiration. J’ai les oreilles qui bourdonne et j’ai la sensation d’être au bord du malaise. Stan ! Il est là, à quelques mètres de moi, toujours aussi beau et attirant. Il est encore vêtu de sa tenue en cuir, qu’il met pour faire de la moto. Je remarque que je n’ai même pas entendu le bruit de l’engin lorsqu’il est arrivé. J’étais sûrement trop concentré sur Maia. Je reste paralysée sur place, de surprise. Je ne peux que l’admirer et détailler chacun de ses gestes.

Il s’aperçoit de ma présence et je le vois radicalement changer de visage. Il arbore un sourire gêné et je le vois légèrement pâlir.

- Bonjour Samantha, il me dit avec prudence.

Ses mots, me font sortir de mon état d’hébétude. J’attache rapidement mon paréo autour de ma taille et croise pudiquement mes bras devant ma poitrine.

- Bonjour Stan… Je suis désolée, je ne savais pas que tu étais là, je dis nerveusement. C’est ta mère qui m’a demandé de garder Maia le temps qu’elle aille faire une course, je parle tellement vite que je ne suis pas sûre qu’il arrive à comprendre tout ce que je dis. Bon, comme tu es là, je peux y aller. Au revoir Maia, je dis en me précipitant vers le portillon.

- Sam, attend ! il m’interpelle.

Je me retourne en priant pour qu’il reste où il est. Je ne sais pas du tout comment je pourrais réagir s’il s’approchait de moi. Il paraît être sur le point de dire quelque chose, puis se ravise et me dit seulement :

- Merci.

J’esquisse un bref sourire et disparait derrière la clôture. J’ai les jambes qui flageolent et le cœur qui bat à cent à l’heure. Je ne m’attendais absolument pas à le voir ici. Giulia ne m’avait pas dit qu’il devait venir.

Ah Giulia ! Qu’elle sale petite entremetteuse. Je suis persuadée qu’elle a manigancé cette rencontre soit disant fortuite. Je ne lui en veux pas, elle pensait bien faire. Elle ne veut que notre bien et finalement, ça me fait rire au lieu de me mettre en colère.

************

STAN

Ça faisait déjà quelques minutes que j’observais discrètement Samantha, lorsque Maia s’est aperçue de ma présence. Ça m’a fait un choc de la voir dans mon jardin, en train de s’occuper de ma fille et en plus en maillot de bain. Elle est encore plus belle que dans mes souvenirs. J’avais oublié à quel point ses longues jambes me plaisent et l’attirance que j’ai pour cette femme s’est faite encore plus forte après tous ces mois de sevrage d’elle. Je n’ai pas su comment réagir, ni quoi lui dire hormis un banal « merci ».

Je retire ma veste en cuir et la jette sur le canapé. Maia est déjà repartie jouer. Ma mère rentre au moment où je m’ouvre une canette de soda.

- Bonjour maman.

- Oh bonjour mon chéri, elle dit en venant m’embrasser.

Elle tourne sur elle-même à la recherche de quelque chose.

- Samantha est déjà partie ? Elle me demande l’air faussement innocent.

J’aurais dû m’en douter. Elle a tout manigancé. Je suis maintenant persuadé qu’elle n’avait aucune course à faire et qu’elle a juste trouvé un prétexte pour faire venir Samantha ici afin que l’on se rencontre. Je sais qu’elle veut m’aider, comment lui en vouloir ?

- Maman ! Je soupire.

- Ne me dis pas que tu as encore fait quelque chose qui l’a fait fuir ? Elle me reproche.

- Non, rassure-toi. Enfin sauf si un simple « merci », peut être considéré comme une agression.

- Stanley chéri, comment un grand acteur comme toi ne trouve-t-il pas autre chose à dire pour entamer la conversation ?

- Je… C’est de ta faute aussi. Sa présence m’a prise par surprise, je n’étais pas préparé.

- Tsss, tsss, tsss, ne rejette pas la faute sur moi. Je fais tout pour te permettre d’avoir une discussion avec elle et toi, tu n’es pas capable d’aligner trois mots.

Je lève les yeux au ciel et prend une gorgée de soda. Cette conversation ne mènera nulle part et pourtant je sais qu’elle ne me lâchera pas tant que je ne serais pas aller m’excuser auprès de notre voisine. Elle revient même à la charge, sans plus tarder.

- Bon maintenant qu’elle sait que tu es là, qu’elle ne t’a pas égorgé, tu pourrais profiter de la situation pour aller sonner chez elle et lui présenter tes plus plates excuses.

- Maman, s’il-te-plait.

- Quoi ? Comme le dit l’expression : « Il faut battre le fer tant qu’il est chaud ». Alors zou, elle dit en me poussant vers la sortie.

Elle a peut-être raison. Si j’attends, je vais encore trop cogiter, stresser et je n’oserais pas aller frapper à sa porte. Et puis de son côté, ça lui accorderait le temps de laisser ressurgir sa colère et elle ne voudra plus m’écouter. Je pense au document que je dois lui faire signer et en attrape un exemplaire juste avant que ma mère ne referme la porte derrière moi. Je n’ai plus le choix, je suis à la porte de ma propre maison et ma chère maman, ne me laissera pas rentrer tant que je n’aurais pas fait ce qu’elle attend de moi.

Je me dirige d’un pas hésitant, vers la porte d’entrée de chez Samantha. Je n’en mène pas large lorsque je frappe trois coups secs. Je regarde mes pieds et joue nerveusement avec un caillou qui traine sur le perron. J’attends un petit instant puis frappe de nouveau un peu plus fort cette fois. Elle n’a peut-être pas entendu. Plusieurs minutes s’écoulent encore et la porte reste close. J’insiste et frappe encore plus fort. Cette fois la porte s’ouvre à la volée sur une Samantha agacée :

- Giulia, je n’ai pas… Elle commence. Oh ! Pardon, je pensais que c’était ta mère qui… enfin bref, que veux-tu ? elle me demande toujours aussi agacée.

- Il faut que je te parle. C’est à propos de mon livre. J’ai besoin de ton autorisation.

Elle hésite un instant puis s’écarte en me faisant signe d’entrer. Je remarque immédiatement que ça sent la peinture fraîche et en effet, le décor est complètement différent de la dernière fois où j’ai mis les pieds ici.

- Sympa la nouvelle déco, j’aime beaucoup ce que tu as fait.

- Merci. Bon tu n’es pas ici pour échanger des banalités alors vas droit au but s’il-te-plait, elle dit avec aplomb, les bras croisés sur sa poitrine.

- Bon très bien. Voilà, j’ai écrit un livre dont tu es l’un des personnages principaux et même si j’ai changé ton nom, je ne peux pas le faire paraître tant que tu ne m’as pas signé un document me donnant les pleins droits sur cette histoire et que tu t’engages à ne pas entamer de poursuites judiciaires à mon encontre.

J’ai vu son visage changer et pâlir lorsque j’ai mentionné qu’elle était l’héroïne de mon histoire. Elle décroise les bras et baisse les yeux. Elle est sûrement en train de peser le pour et le contre et elle doit se demander si elle doit me croire et me faire confiance. Je comprends sa réaction après ce que je lui ai balancé au visage la dernière fois.

- Je ne t’en voudrais pas si tu refusais et si tu ne veux pas que je fasse publier ce livre, je ne le ferais pas.

Elle relève la tête et me regarde dans les yeux. Elle doit essayer de lire en moi et de voir si je suis sincère. Je ne lâche pas et continue de la fixer avec le regard le plus doux possible. J’aimerais tant m’approcher et la prendre dans mes bras, lui dire que tout va bien se passer maintenant, qu’elle peut me faire confiance, mais je n’ose pas. J’ai peur au contraire, de la faire fuir. J’ai de nouveau cette pointe au niveau du cœur, qui me fait tellement mal qu’elle m’en coupe la respiration.

- Tu… tu veux peut-être le lire avant de décider ? Je propose.

Elle pourrait ainsi lire à quel point je l’aime, à quel point je suis désolé et que je m’en veux de lui avoir fait autant de mal, à quel point je meurs d’être séparé d’elle et de quoi je serais capable pour la convaincre de me laisser une dernière chance.

- Non, ça m’est égal, elle dit toujours aussi sèchement en tendant la main vers moi, c’est bon donne-moi ce papier. Je vais signer.

Je lui tends le document, qu’elle m’arrache presque des mains. Elle va chercher un stylo et le signe sur le coin de la table de la salle à manger avant de me le redonner avec empressement.

- Merci, je dis en pliant la feuille en deux. Sam, je suis désolé…

- Non, Stan, s’il-te-plait, tu n’as pas besoin de faire ça, elle me coupe.

- Si, il le faut. Je veux que tu saches que je n’ai été qu’un gros connard et que je m’en veux à tel point que si je pouvais me frapper moi-même, je le ferais. Je sais que je ne mérite pas que tu me pardonnes et si j’étais à ta place je ne le ferais sûrement pas…

- Stan, arrête, elle me coupe de nouveau en levant les mains devant elle, des larmes pointant au bord de ses cils.

- Je ne vais pas implorer ton pardon et te supplier de m’accorder une nouvelle chance car je ne le mérite pas après tout ce que je t’ai dit. Je veux seulement que tu saches que je m’en voudrais jusqu’à la fin de mes jours pour mon comportement égoïste et… et pour t’avoir menti. Je ne veux que ton bonheur et si tu me dis que tu ne veux plus jamais me revoir ou même entendre parler de moi et bien je revendrais la maison et je disparaitrais de ta vie à tout jamais.

Des larmes coulent sur mes joues et je réprime difficilement un hoquet. Voilà, j’ai enfin réussi à lui avouer ce que j’ai sur le cœur. Ça me fait encore plus mal que de garder mes regrets pour moi car j’ai peur de sa réponse, de son rejet. J’ai peur qu’elle prononce ces mots qui la feront définitivement quitter ma vie. Elle renifle.

- Je ne peux pas dire que je ne t’en veux pas car tu m’as fait énormément de mal. Je sais, j’ai toujours su pourquoi tu m’avais menti, même si je ne le comprends pas. Je t’aime Stan et je t’aimerais toujours, mais je ne veux plus revivre ce cercle infernal dans lequel on ne fait que se séparer et se faire du mal. Je te l’ai déjà dit, je me moque des flashs des photographes, des galas, des robes de soirée, de l’argent et de la renommée. J’aime toute ta personne, toutes tes facettes, j’aime l’homme qui apprends à cuisiner à mes côtés, l’homme qui apprend à sa fille à faire du vélo, mais j’aime aussi l’acteur et la personnalité que tu es. A toi maintenant d’apprendre à t’aimer comme je t’aime. Une fois que tu auras réussi ça et que tu seras capable d’accepter qu’on t’aime, je serais prête à tout te donner, si tu veux encore de moi.

Je baisse la tête, incapable de répondre des sanglots m’empêchant de parler. Je tombe à genoux, la tête entre mes mains et je pleure sans aucune retenue. Comment fait-elle pour lire aussi bien au fond du cœur des gens ? Comment a-t-elle fait pour mettre à jour des sentiments que j’ignorais moi-même ? Elle vient s’agenouiller devant moi et me prend dans ses bras pour me consoler. Je m’accroche à elle et me laisse totalement aller. Elle me caresse le dos, les cheveux et dépose de petits baisers de réconfort sur ma tête, comme une mère le fait avec son enfant pour apaiser son chagrin et ça marche. La pointe qui transperce mon cœur, disparait.

Ses caresses et son parfum me calme et peu à peu, la peine fait place à l’excitation et au désir. Ses mains laissent des traces brûlantes sur ma peau et un courant électrique traverse toute ma colonne vertébrale au moment où ses lèvres se posent sur mon front. Je plonge mon regard dans le sien et je l’embrasse comme si ma vie en dépendait. Elle ne me repousse pas et répond même à mes baisers. Je la presse de plus en plus fort contre moi, comme si je voulais faire fusionner nos deux corps pour qu’ils ne fassent plus qu’un. Oh ! Elle m’a tellement manqué. J’ai rêvé un nombre incalculable de fois, que je la serrais dans mes bras, que je l’embrassais à en perdre haleine et que je lui faisais l’amour avec tant de tendresse, de passion et de sensualité qu’elle en redemanderait encore et encore.

Je fais glisser la bretelle de son haut de maillot de bain tandis que mes lèvres parcourent son cou. Je la sens se raidir et elle s’écarte juste assez pour que nos corps ne soient plus en contact.

- Non Stan, ça n’est vraiment pas une bonne idée. Le sexe n’arrangera pas les choses entre nous.

Elle se relève, me tourne le dos et remonte sa bretelle. Je me lève à mon tour et vient me placer derrière elle. Je l’enlace, mais elle se dégage à nouveau. Je baisse la tête en soufflant et me dirige vers la porte d’entrée, résigné. Voilà, je l’ai perdu pour de bon. Pas besoin de mots pour le comprendre.

- Stan ? Elle m’interpelle.

- Oui, je dis en me retournant avec l’once d’un espoir dans le cœur.

- Tu m’appelleras pour me dire où tu en es avec la publication de ton livre ?

- Si tu en as envie, oui.

- Merci, elle dit en me faisant un beau sourire.

Je lui souris à mon tour, rassuré. Elle ne me rejette pas, au contraire, elle veut rétablir le contact, mais lentement. Au moment où j’ouvre la porte, elle m’interpelle à nouveau.

- Stan ?

- Hum.

- Prend soin de toi. Je t’aime.

- Moi aussi je t’aime.

Je tourne les talons, malgré la furieuse envie que j’ai de me précipiter vers elle pour la dévorer de baisers et je quitte la maison.

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