Chapitre 11 – La magie, quelle belle paire !
La force du choc fut telle qu’elle fit trembler la maison, et la première réaction de la famille fut de faire un « Aaaah » appréciateur comme on l’aurait fait devant un feu d’artifice. Seuls Aubélin et Louisard comprirent ce qu’il venait de se passer et se précipitèrent dans l’escalier et déboulèrent dans la chambre de leur fils. Là, il découvrirent un Qwilo recroquevillé dans son lit, la magie s’échappant de lui par bourrasques colorées et une Tac évanouie contre le mur, un ruisseau rouge qui partait de sa tête jusqu’au sol.
— Appelle les secours ! s’étrangla Aubélin.
Louisard n’avait même pas attendu qu’il le dise que déjà il activait son pouvoir : d’une voix plus profonde qu’un cor, il lança un appel des vents qui s’engouffra dans la moindre interstice pour filer à travers les terres ventous et appeler le médecin du village. Pendant ce temps, Aubélin joua de ses doigts sur lesquels apparurent des fils d’air solide, pour entourer la tête de Tac qui remua un peu. Le sang bulla à l’endroit de la blessure jusqu’à que la compresse magique arrête le saignement.
Tout en restant concentré sur son énergie, Aubélin s’approcha de son petit souffrant qui marmonnait des phrases incompréhensibles, la tête dans ses genoux repliés. La magie qui s’échappait de lui ramena des souvenirs enfouis : un marmot ventou turbulent qui subitement venait de faire exploser le micro-ondes, puis le four et tous les appareils fonctionnant avec des cristaux de pouvoir. Un jeune tout souriant dont le sourire se muait en grimace de douleur. Un ado pas plus haut que trois pommes qui contenait en lui une quantité inouïe de magie, qu’il ne pouvait pas utiliser et qui s’accumulait encore, et encore, et encore.
— Mon p’tit zéphyr, j’arrive ! hurla Aubélin au travers des tornades de magie qui l’empêchaient de l’approcher.
Qwilo balbutia et soudain, ses yeux furent envahis d’énergie lumineuse qui remplacèrent ses larmes par des sillons de lave en fusion. Quand la magie liquide tombait sur le lit, elle grésillait et laissait une marque noire. Les murs se zébraient de brûlures et de fissures qui elles-même se remplissaient. Ça n’avait rien à voir à avant, constatait Aubélin. C’était la première fois que la crise éclatait avec autant de violence, et il n’y avait qu’une seule explication à ça : son fils venait d’avoir son premier rapport sexuel.
D’une certaine manière, Aubélin l’avait toujours su ; alors qu’il posait un pas après l’autre, le bras devant son visage pour se protéger des débris de bois et de paille rendus tranchants par la magie, il se disait qu’il savait. Néanmoins et depuis tout ce temps, il le niait avec force de conviction que son enfant n’était pas un Brisé par choix, parce que ça aurait été trop dur de l’accepter. Mais là, ça n’importait plus : ce qui était important, c’était d’avancer malgré la pression titanesque qui risquait d’une seconde à l’autre de le réduire en charpie, malgré les pleurs déchirants de Qwilo qui lui arrachaient des petits bouts de lui à chaque sanglot, malgré le mensonge, la peur du rejet, le déni. Aubélin avança. Il avança avec les si bon souvenirs du p’tit zéphyr qui riait aux éclats en soufflant ses bougies, celui qui montrait ses dessins où il chevauchait les nuages avec ses deux papas, où il se jetait dans leurs bras pour leur dire « je t’aime ». Je t’aime. Trois mots d’une simplicité aussi grandiose que le pouvoir qu’ils véhiculaient. Aubélin n’en doutait pas : Qwilo aimait. Il aimait trop. Voilà pourquoi il réagissait ainsi : il avait peur de blesser Tac et, en la blessant, il venait de confirmer son funeste présage.
Des lambeaux de peau bleu se détachaient de lui, laissant découvrir la chair blanche et les veines vertes. La magie frétillait d’étincelles qui s’écrasaient sur ces parties là, et Aubélin retint un dernier cri de douleur avant de prendre Qwilo dans ses bras et dire tout bas, ce malgré le vacarme :
— Tout va bien, ma p’tite brise matinale. Tout va bien, mon p’tit zéphyr espiègle…
Il utilisa tous les noms, les diminutifs et les appellations chargées d’affection dont il se souvenait, quand la magie l’écharpait encore et toujours. Au bout d’un moment, il sentit son corps s’affaiblir, sa propre magie échapper à son contrôle ; celle de Qwilo commençait à prendre le dessus, alors même qu’elle n’était qu’une fraction dirigée contre lui. De loin, il entendit le cri magique de son âme sœur l’appeler. Avant, il était persuadé que ça lui donnerait de la force. Cette force n’était maintenant plus suffisante face à l’écrasant pouvoir de son fils, qui aspirait tout dans le néant.
— Je t’aime et je t’aimerais toujours, murmura Aubélin avant de sombrer lui aussi.
Louisard vit son mari qui s’effondra à côté de leur fils et il hurla son nom. Hurler, pour lui, c’était réellement un cri de l’âme : mettre tout l’air de ses poumons au service d’un seul et même appel. Il vit du coin de l’oeil les bandages magiques de Tac s’effacer dans le vide mais miraculeusement, le sang ne se remit pas à couler. Du moins, pas immédiatement. Ce fut à cet instant que la famille Tramontane débarqua et il leur beugla :
— Personne n’entre ! Sortez de la maison, MAINTENANT !!!
Recevoir un ordre audible dans ce chaos, c’était déjà suffisant. Mais de Louisard qui ne pipait pas mot la plupart du temps ? Un coup de canon : les adultes opinèrent et prirent les enfants dans leurs bras, ou par la main, puis avalèrent les degrés pour laisser Louisard contenir son fils. Entre lui et Aubélin, il était le plus résilient et possédait la réserve la plus grande, bien qu’il lui manquait la finesse. Finesse ici ne servait à rien, seule Force comptait : il prit une si grande inspiration que sa poitrine double de volume et lâcha un son sourd et profond, huileux qui s’accrocha aux murs et au plafond telle une araignée tissant sa toile.
La magie de Louisard forma une barrière tout autour de son fils et à temps : le sol en dessous de lui venait de s’effondrer. Alors qu’un bref moment de répit et de silence remplaça tout ce fatras, la énième vague de magie frappa la barrière ; Louisard sentit le contrecoup à la façon d’un marteau en plein sternum. Il tint bon, sa voix tissant plus de barrières qu’il n’en fallait, parce qu’il n’y en aurait jamais assez et il le savait. C’était une solution provisoire en attente du…
— Je suis là !
Tel un héros, le docteur Cleffe débarqua dans la pièce : c’était un ondin vieux d’une centaine d’années mais avec l’énergie d’un minotaure. Il était en pyjama et sans aucun équipement, pourtant sa magie luisait autour de ses doigts. Il incanta, méthode vieille comme le monde, et fit des gestes complexes pour tracer des runes. Puis il lança son sort en un sursaut.
Sa magie, plus fine qu’une aiguille, traversa le voile de voix que Louisad tissait encore et que la magie de Qwilo s’échinait à réduire en bouillie. Le pouvoir de l’ondin toucha notre jeune ventou qui hurlait, la bouche ouverte sur de l’énergie pure qui transformait sa gorge en petit soleil. L’effet magique fut immédiat : toute lumière quitta Qwilo et il s’effondra sur le sol de la barrière, inconscient, à côté de son deuxième père.
En quelques barytons, un Louisard presque à bout ramena la barrière vers lui et rompit la magie qui la liait pour attraper Aubélin et Qwilo dans ses bras. Cleffe lui mit une main sur son épaule.
— C’est une solution temporaire et ça ne fonctionnera pas une deuxième fois. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? (il regarda Tac à côté, dont le sang s’était remis à couler, et un éclair de compréhension traversa son visage) Oh, par la magie…
— Docteur, vous pouvez… ?
— Je m’en charge. Allez vous reposer, M. Tramontane.
Mais Louisard ne réagit pas, les yeux embués vers son mari et leur enfant, sans les lâcher de peur qu’ils ne disparaissent. La voix de Cleffe fut plus insistante :
— Louisard.
À contrecœur, le ventou adulte obéit et laissa l’ondin utiliser sa magie pour transporter les trois blessés jusqu’à sa voiture. Pendant le petit trajet silencieux, Cleffe remarqua d’un œil critique l’entièreté des murs et du sol partiellement zébrés, ainsi que quelques résidus de magie qui scintillaient encore dans les fissures. La magie de Qwilo était puissante à l’instar de tous les Brisés, mais vu ce qu’il venait de se passer, le jeune avait largement dépassé la moyenne. Cleffe, sans hésitation, prit de sa main libre qui ne maintenait pas le sort de lévitation son téléphone portable. Il chercha dans ses contacts pour dénicher celui qu’il n’avait pas appelé depuis des lustres, dont la photo n’était qu’un as de pique sur fond blanc. Il appela et tomba sur le répondeur.
— Allô, je suis bien chez le Département de la Sécurité Sexuelle et Magique ? J’ai un dossier à vous faire transmettre…
Il raccrocha après avoir donné les informations adéquates puis envoya le dossier médical de Qwilo. Ensuite, il plaça les trois patients en stase magique dans sa voiture, avant de remarquer quelque chose d’étrange sur les coins des yeux du jeune ventou. C’était léger, presque imperceptible mais l’oeil aguerri de l’ondin ne le manqua pas : de minuscules écailles étaient apparues.
* * *
Syndara, Lou et Joan furent les premiers à être mis au courant, puisque chez les ventous on considérait les amis comme la famille. Ils savaient pour ses crises mais Louisard et Aubélin leur avait dit qu’il s’agissait juste d’arcanallergies violentes. Léandre, la colocataire du ventou, fut également invitée et à la grande surprise de tous, débarqua en catastrophe à l’hôpital avec Maël, un de ses amis avec bénéfices qui était le seul dans sa bande à être au courant pour Qwilo. L’elfe avait insisté pour venir, après avoir posé en catastrophe un jour de congé, prétextant qu’il se sentirait mal s’il travaillait en connaissance de cause. Léandre l’avait traité de flemmard mais, en vérité, elle appréciait beaucoup ce geste.
Ce furent donc trois jeunes, humain, kaillaisse et célestin, et deux adultes, elfe et gobeline, qui s’assirent dans la salle d’attente alors que Louisard bataillait avec l’accueil pour permettre à des « inconnus » de venir voir son fils. Léandre se tourna vers Maël qui avait vraiment l’air chamboulé, chose peu étonnante : il s’attachait très vite aux gens et dès qu’il leur arrivait quelque chose, il s’en voulait personnellement, avec cette attitude chiante de croire que tout le monde était sous sa protection. La gobeline frappa l’épaule de son ami avec un sourire triste.
— Garde tes larmes pour plus tard, t’en auras besoin.
L’autre renifla et acquiesça, attirant l’attention des trois autres potes de Qwilo. Léandre se souvenait qu’il en avait parlé : Syndara, Lou et Joan, trois de leur quatuor déjà brisé par le départ du ventou. Ils s’étaient rencontrés et avaient conservé leur amitié durant tout le lycée. Léandre se leva de sa chaise pour s’installer entre celle de Maël et du kaillaisse au crâne rasé et à la gueule un peu écrasée.
— Salut. Léandre.
Elle présenta sa main, que le kaillaisse hésita à serrer avant de se décider.
— Lou.
Les deux autres se présentèrent sous leurs prénoms.
— T’es la coloc de Qwilo ?
— Ouaip.
Un silence gênant s’installa entre eux ; qu’y avait-il à dire après tout ? On ne pouvait pas se lancer dans une conversation guillerette alors que votre ami ou colocataire était à quelques pas, dans un sommeil profond après une crise magique destructrice. Maël prit le relais :
— Vous étiez au courant, pour… ?
— Oui, fit l’humaine. Il avait toujours besoin de prendre des mésostasis pour éviter les arcanallergies.
Léandre lança un regard furtif à Maël qui fit non de la tête ; les amis de toujours de Qwilo n’étaient pas au courant de sa condition alors que le ventou leur avait confié à eux ? Ça semblait louche. Sur le ton de la confidence, la gobeline prit son temps avant de s’enquérir :
— Vous l’avez déjà vu crisé ?
— Pourquoi, vous oui ? rétorqua Joan sur le qui-vive.
À la grande désapprobation muette de Maël, Léandre secoua la tête. Mentir était facile, mais surtout vital dans certaines situations : sur son CV ou quand votre coloc faisait plus confiance à des inconnus qu’à ses meilleurs amis.
— On l’a vu plusieurs fois, et c’était toujours très dur (Syndara et Lou acquiescèrent, leurs mains mêlées) D’abord on a crû qu’il était un Brisé. Putain, heureusement que c’était pas le cas !
— Heureusement ?
Léandre se pencha légèrement en arrière, mal à l’aise. Comme s’ils étaient un seul et même corps, Lou continua la réponse :
— Les Brisés, y a rien de pire. C’est des bombes à retardement et des psychopathes en puissance. Je veux dire, ils peuvent pas faire de magie et en plus ils couchent avec personne ! C’est contre-nature.
— La nature a plein de projets différents, souligna Maël avec sagesse.
Léandre aurait aimé qu’il se taise, mais il ne fallait pas le dire à haute voix sous crainte d’envenimer la situation. Joan lâcha un rire grinçant.
— La nature veut se multiplier. Proliférer. Comme la magie. Je vois mal comment des gens qui font pas partie du cycle et de la magie sont naturels.
Maël ne dit rien, trop bouleversé par un tel extrémisme. Léandre n’en fut pas surprise : c’était le cas de la majorité de la population à propos des Brisés. Comme ils étaient extrêmement rares, le monde possédait peu d’informations sur eux et en manque d’informations, on prenait souvent les devants.
— Mais peut-être qu’ils sont juste timides, supposa Syndara avec un sourire encourageant.
— Timides, timides ! Qwilo est timide, mais c’est pas un Brisé ! Non, c’est ni une question de timidité ou de consentement, c’est juste qu’ils ne peuvent pas.
— Comment tu en es aussi sûr ?
— Mon père est neurologue, il les a étudié dans le cadre de son doctorat. Apparemment, c’est un truc dans leur cerveau qui les empêche à la fois de synthétiser la magie et de faire fonctionner leur libido, ou un truc dans le genre. En gros, ils peuvent pas ressentir d’attirance.
Lou acquiesça et Syndara baissa la tête, visiblement peinée pour ces centaines d’inconnu.e.s qui étaient des Brisés. D’accord, pensa Léandre. Ça explique pourquoi Qwilo reste avec eux sans leur dire. Elle imaginait mal devoir vivre avec des gens qu’elle appellerait « amis » sans leur dire leurs quatre vérités, mais elle n’était pas une Brisé alors elle comprenait pas vraiment.
Maël reprit la parole, cette fois sur un autre sujet ; il avait dû deviné qu’il entrait dans un terrain miné.
— Qwilo a de la chance de vous avoir comme ami.
Les trois acquiescèrent, la mine sombre. Soudain, Louisard s’approcha d’eux :
— Ils vont mieux. Tac est réveillée, Aubélin dort mais s’est réveillé il y a une heure et je préfère le voir seul…
Léandre attendit la suite mais elle ne vint pas. Elle comprit cependant le sous-entendu et posa sa main sur celle du ventou géant pour l’empêcher de dire quelque chose qui le blesserait inutilement. Il la remercia d’un signe de tête et elle et Maël se dirigèrent vers la chambre de Tacmek.
La braiseuse regardait par la fenêtre lorsqu’ils entrèrent sans un bruit. Léandre n’aimait pas toquer aux portes ; ça portait malheur. Maël se précipita à son chevet quand elle se tourna vers eux, prit ses mains dans les siennes et dit :
— Tout va bien, je suis l… Aïe !
— Harcèle-la et je t’enfonce le straps dans l’oreille, grommela-t-elle avant de s’adresser à la blessée : Ça va ?
La concernée toucha le bandage autour de sa tête, grimaça avant de hausser des épaules.
— J’ai failli être tuée par un dragon, alors me prendre une explosion de magie pure, c’est du gâteau.
— Huh uh… Tu me raconteras cette anecdote plus tard. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Avec Qwilo ? Louisard m’a juste dit qu’il avait fait une crise, c’est tout.
Tac serra la main de Maël pour se soutenir avant de lâcher d’un air plus asséché que le désert :
— On a essayé de coucher ensemble, Qwilo et moi.
— Hein ? Mais pourquoi ?
— Parce que s’il ne le faisait pas, il aurait été renvoyé de l’uni.
Léandre lui enjoint de raconter toute l’histoire, et elle se maudit plusieurs fois au fil du récit d’avoir été occupée avec le travail au point de ne pas en parler avec lui et de sa vie. Et surtout ! Putain de système scolaire magique de merde, pourquoi c’était toujours aussi élitiste et débile ? Ils pouvaient pas faire une exception pour le ventou, qui à son avis était un petit génie de la campagne qui avait juste besoin qu’on lui donne la chance qu’il méritait ? Léandre enrageait et, à la fin de l’histoire, ce fut avec beaucoup d’efforts qu’elle s’empêcha de cogner contre quelque chose très, très fort.
— Et c’est là qu’on a fait l’amour, lui et moi, parce que…
— Parce que ? demanda la gobeline, presque menaçante.
Tac le perçut et se recroquevilla, mais Léandre n’allait pas la bichonner : elle s’était, comme Maël, déjà bien attachée au ventou. La braiseuse reprit d’une petite voix :
—…parce qu’il m’a dit qu’il était puceau.
Mais…
MAIS !
— MAIS QUOI ?! éclata Léandre.
Maël lui fit un « chut » et agita sa main vers elle comme devant une mouche, et ce malgré son regard assassin. Après quelques instants à serrer le poing, la maçonne se calma et lâcha d’un ton rêche :
— Et il le voulait ?
— Il me l’a demandé.
— Et t’as accepté ?
— J’avais pas le choix…
— Lui, non ! Toi en revanche, t’aurais pu le convaincre de pas faire quelque chose qu’il avait pas envie de faire depuis toujours simplement parce qu’il était en position de faiblesse.
— Tu peux pas comprendre…
— Hein ?
— Tu peux pas comprendre ! (Tac, sous l’effet de la colère, siffla de douleur en se tenant le crâne) Mon frère… c’était un Brisé. Il en est mort.
La majeure partie de la colère de Léandre s’effaça en un instant.
— Ok, bon. Désolé.
— Tu pouvais pas savoir, la rassura Maël.
— Mais attends, ton frère était dans le même cas ?
La braiseuse lui répondit que non, que ce dernier avait couché avec on ne savait combien de filles, de garçons, de non-binaires… Léandre se retint de lui faire un reproche par rapport à sa méthode parce qu’au fond, elle comprenait que Tac ait eu besoin de sauver Qwilo : d’un côté, elle souhaitait se racheter auprès de son frère mort, de l’autre, elle devait aider son meilleur ami. Léandre posa sa main sur celles de Maël et Tac et regarda cette dernière dans les yeux :
— Merci d’avoir été là pour lui.
— Je… (elle sanglota) Je ne sais pas s’il le voulait vraiment. J’aurais dû refuser.
— Et toi, tu le voulais.
— Je voulais l’aider. Je sais pas ce qui m’a pris.
— C’est toute cette société qui est foutue en l’air (les deux autres la regardèrent avec surprise, elle leva les mains) Quoi ? Je dis que la vérité : on a tellement foutu le sexe au centre de nos vies qu’on a juste oublié ce que ça faisait de vivre avec. Je veux dire : je suis obligée de coucher avec Maël pour recharger ma magie !
Le concerné s’offusqua, mais elle l’ignora, une ferveur révolutionnaire dans la voix.
— Mais pas que lui. Pas que lui, alors que des fois j’ai juste pas envie de le faire mais c’est obligatoire, sinon je vais pas performer au boulot. Et toi, Maël, avec combien personnes tu couches par semaine ?
— Euh… Sept ? C’est la moyenne pour mon âge.
— Et toi, Tac ?
— Bah… Je dépasse pas trois, de quoi pouvoir bosser pour mes cours de pratique magique.
— Rah ! Et personne s’est dit que c’était mal de se foutre une pression pareille ?
— Mais il n’y aucun autre moyen, Léan…
Ils furent interrompus par un Aubélin en robe de chambre couvert de petites cicatrices qui déboula dans la pièce avec un air horrifié, Louisard et les infirmiers sur les talons.
— Qwilo est parti !
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