Chapitre 24 – La magie des neufs cercles disparus

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Tac fut balancée contre le sol avec brutalité. Le choc lui coupa le souffle et elle vit des étoiles danser devant ses yeux ; les Vortex faisaient partie des magies les plus difficiles à maîtriser et ainsi les plus instables à maintenir. Pour que la DSSM puisse se créer des passages miniatures montrait à quel point elle était puissante et influente. Après quelques instants à papillonner des yeux, Tac se remit de debout en se tenant au mur. Le mur, froid : c’était du métal. L’endroit où elle venait d’atterir était une salle en métal peint, avec des cristaux de pouvoir lumineux directement fondues à même le mur. Devant elle, il y avait une porte de bunker à manivelle.

Hé ! Tout va bien ? Maël a perdu ta trace !

Soulagée d’entendre une voix et en plus celle de la gobeline, Tac porta un doigt à son oreillette.

— Ouais, un peu secouée, mais ça va. J’ai prix un Vortex.

Attends, quoi ? Mais depuis où ?

— Tu me croirais pas si je te le disais. Sinon, j’ai bien atterris sous le bâtiment ?

Bah, bien plus profondément qu’il l’avait prévu, me dit-il. Apparemment, c’est géant là-dessous. Ah ouais : il te demande d’utiliser ta magie pour faire sonar.

Elle pouvait faire ça, elle ?

— Dis-lui que je suis pas un dauphin.

Je te l’avais dis ! (elle devait parler à l’elfe) Il dit « balance ta magie le plus fort possible en criant très fort ».

Déjà qu’elle peinait à utiliser de plus en plus son pouvoir sans risquer la crise… Mais elle obéit : elle rassembla son pouvoir depuis ses os jusque dans ses veines, pour laisser l’éthérim parcourir sa peau. Malgré la peur du désastre, la sensation était toujours aussi délicieuse, comme si elle faisait l’amour à l’envers : le plaisir ne la pénétrait pas, il irradiait de chaque pore de sa peau, s’extirpait avec effort pour rejoindre une chose plus gracieuse qu’était la magie. Une fois qu’elle eut suffisamment ressenti le flux, Tac se mit à crier un sol dièse en y appliquant tout son pouvoir.

Et cela fonctionna : sans qu’elle puisse le comprendre, le pouvoir se répercuta sur et à travers les parois. Quelque chose lui revint dans son cri, un écho qu’elle comprit différemment : les vibrations semblaient dessiner quelque chose dans son esprit, puis elle sut plus ou moins où se trouvait le vide et où se trouvait la matière.

Sur les conseils de Maël et satisfaite de la découverte de cette capacité, la braiseuse s’approcha de la lourde porte qui refermait la salle et aggripa la manivelle. La tourner lui demanda un effort conséquent, en plus d’un grincement tout sauf discret – pas le but de la mission, mais bon – puis sans crier gare, la porte s’ouvrit.

Le couloir qu’elle découvrait lançait Tac sur un espace presque similaire (métal, cristaux fondus) mais à la différence où il y avait un numéro lumineux sur le côté. Au fond, elle distingua des petites lumières dans les ténèbres presques totales.

Tu vois quelque chose ? s’enquit Léandre, avant que Maël ne débarque : Personne t’a vu ?

— Non, personne. Y a une alarme si je sors ?

D’une salle où le moyen de sortir se trouve à l’intérieur ? Non, je ne crois pas.

Léandre bouscula Maël – le « ouf en témoignait – avait de lâcher dans le micro :

Sois prudente.

Non, non, se disait Tac. Je vais me jeter dans la gueule du loup pour rendre l’action plus palpitante. En fait, le plus simple serait de rester ici, attendre que le Vortex se rouvre, s’il s’agissait d’un double fond, et rejoindre la surface après avoir pris des photos. La localisation de l’appareil ferait le reste et ce serait confié aux autorités compétentes. Sauf que Léandre l’avait prévenu que si la DSSM s’en était aussi bien sortie aussi longtemps, c’est qu’il y avait une taupe dans l’État… ou que lui-même était la taupe au sein du pays.

Tout ça lui semblait si vaste, à présent : Tac hésitait, puisqu’au fond elle n’était ni militante, ni réellement Brisée selon elle. Au fond, elle restait une petite étudiante ayant perdu son ami, et alors ? On perdait des gens tous les jours, ce n’était pas nouveau ; ce Agart Sampson qui avait explosé en pleine rue avait sûrement une famille qui l’aimait, mais ils ne s’étaient pas suicidés après sa mort. Pas plus qu’elle ne s’était enfouie sous terre quand Sinkec s’était enfui mourir à l’abri de toustes.

Et plus au fond encore, il y avait quelqu’un qui était profondément attaché à la curiosité de ce monde. Ce n’était pas pour rien qu’elle voulait étudier les créatures, cette Tac-là : ça restait une façon d’avoir son emprise sur le monde. Aussi décida-t-elle de sortir, de passer le pas de la porte, d’aller vers l’endroit d’où on ne revient pas ; elle était alors la première personne à y entrer de son plein gré, sans manipulations ou non-dits.

Quelques pas, et elle fut près de l’estrade : l’attendait une centaine de cellules.

Alignées les unes aux autres circulairement et plongeant jusqu’aux abysses, il y en avait tant. Elles étaient, pour la plupart, vides, mais dans certaines, dont une proche d’elle, Tac remarqua une tarkine recroquevillée dans le coin de sa chambre. La braiseuse s’avança : la barrière magique qui séparait la détenue de la liberté avait été rechargée récemment, elle le sentait. Ce n’était pas étrange : depuis qu’elle savait pour les Brisés, bien avant d’en devenir une, elle sentait ces choses-là.

La tarkine avait vu ses cheveux parsemer son crâne, sa peau noire charbon se creuser dans des gris maladifs, et il y avait autour d’elle des magazines pornographiques ouverts. Quelque chose n’allait pas… Tac s’approcha et l’entendit :

— Veulent nous détruire… nous détruire… nous détruire…

Tac, qu’est-ce qu’il se passe ? s’enquit Maël.

— Une tarkine, dit Tac en touchant son oreillette. Et une prison. Plein de gens torturés. Des Brisé.e.s, je pense.

Bordel de merde… Prends des photos et reviens, ça me dit rien qui vaille.

Tak obéit, bien qu’ayant foutrement envie de venir en aide à la pauvre tarkine, ou à tous les autres détenue.e.s de ce lieu diabolique : il y faisait sombre, les cellules semblaient confortables mais si dénuées de chaleur humaine, et les trop nombreux contenus sexuels qui peuplaient ce petit monde (magazines, posters, livres dont les couvertures étaient kitsch). En un sens, la braiseuse se dit que c’était de la torture, et ça en était assurément.

— Je peux pas les laisser ici, ou iels vont tous mour…

Elle fut coupée dans sa réplique et ce malgré les répliques paniquées de Maël : un cône de lumière éclairait la poussière naturelle de la pièce. Une lampe. Tac observa en vitesse ses environs et vit une cellule non occupée, sans barrière. Elle s’y précipita pour s’y réfugier passer derrière le lit et regarda une paire de bottes et une paire de souliers frapper le sol quelques secondes plus tard. Ainsi que des chaussures en cuir qu’elle reconnut de suite, parce qu’elle les avait vu dans la journée.

— Nous sommes à court de solution, lança Paolini avec un soupir. Ulrich Yvain pose déjà beaucoup de problèmes, on ne peut pas risquer de fâcher un métamage en action.

Yvain ? se demanda Tac. Qu’est-ce qu’il avait à voir avec cette histoire ?

Tac ? Tac ! Réponds ! fit cette fois Léandre.

— On ne peut pas juste attendre que les choses se tassent et que l’agent Alias fasse son travail, continua le patron. Si la Grande Dame apprend que nous ne pouvons accomplir notre travail, ce sera une catastrophe pour vous et moi. Notre priorité est de mettre Yvain hors d’état de nuire avant de nous attaquer à Seisseir et ses Dragonnets. Montez une équipe et occupez vous en.

— Cela va de soi, répliqua la paire de bottes.

Elles avaient une voix déformée, brouillée – un pouvoir magique assurément. Après quelques secondes, elles rebroussèrent chemin, laissant Paolini seul. Tac se retint presque de respirer tant il resta ici, à attendre, avant de commencer à s’approcher en quelques pas de la cellule à côté où était retenue la tarkine. La braiseuse entendit alors un gémissement.

— Comment ça va, Oogam ? Les hyperstasis fonctionnent ? Oui, j’en ai bien l’impression… Bon, je te laisse gérer, d’accord ?

Un rire, puis un bruit élastique d’énergie se firent entendre alors que le patron tapotait la paroi magique de la cellule. Tac attendit que les pas s’éloignent, puis le pop caractéristique d’un Vortex. Alors seulement elle s’autorisa à respirer de nouveau, la tête lourde et toute rouge avec l’impression d’avoir avalé un pigeon vivant. Tout s’était passé si vite… Redressée, sa voix lui parut tonitruante quand elle répondit à Maël :

— Ils veulent s’en prendre à M. Yvain.

Hein ? Qui ? Comment ça ?

— Des gens de la DSSM, dont Paolini. Apparemment, c’est quelqu’un de dangereux pour leurs projets, quels qu’ils soient.

Ok, ok… On parlera de ça plus tard. Va prendre des photos et après barre-toi.

Il semblait réellement stressé, cette fois : plus rien dans sa voix ne semblait joueur ou excité comme un enfant à la fête foraine. Là, il y avait quelque chose de gros en jeu. Tac hocha de la tête et sortit de la cellule pour sortir son portable et prendre des clichés d’autres cellules, complexe et de détenus (ceux-là la firent grincer des dents car elle avait l’impression d’être dans une sorte de zoo morbide, avec ces personnes aux yeux exorbités fixés dans le vide) jusqu’à en avoir suffisamment pour avoir des preuves. Selon Maël, si la DSSM se cachait, c’était pour ne pas choquer l’opinion publique.

Tac observa la sortie d’où elle venait d’arriver : si elle reprenait le même chemin, elle tomberait forcément sur Paolini ou son associé, qui que ça puisse être. Il lui fallait trouver un autre chemin. Réfléchis…, pensa-t-elle en marchant vers l’opposé du complexe, qui dans la pénombre n’avait presque pas de substance – tout était si grand – et se dit que, logiquement, s’il existait un vortex vers le Département de Sécurité Sensorielle et Magique, il pouvait également avoir une sortie de secours au cas-où la première serait compromise. Pour un projet pareil, ils devaient avoir des tas de plan B.

Aussi de l’autre côté, elle ne dénicha pas un passage avec au loin une porte de métal, mais un escalier descendant. Sachant que c’était dangereux, elle demanda conseil à Maël, qui lui assura qu’il y avait de grandes chances que les systèmes de sécurité magiques les plus sophistiqués se trouvent au plus bas.

— Okay, mais il faut que je trouve une autre sortie, lui confia-t-elle.

Je pense que tu peux quand même tenter le coup : c’est pas sûr qu’iels aient décidé de placer des détections en bas s’ils n’en ont pas mis à l’étage. Peut-être que les Brisés qui font des crises régulières dérèglent les appareils trop sensibles ? Après, ils peuvent aussi avoir placé des charges explosives pour faire péter le complexe s’il est compromis.

Sa voix s’accéléra vers la fin, prouvant qu’il croyait bien plus à cette éventualité. Tac déglutit, envisagea de rebrousser chemin et de prendre le risque de…

Elle entendit un souffle. Qui venait de l’escalier.

— Je descends.

Sa main s’enleva de son oreille pour s’accrocher à la rambarde ; il faisait si noir que sans ça, elle aurait trébuché, pourtant elle avait l’impression de voir ce souffle. C’était une sensation assez similaire à sa propre magie, où elle distinguait les sons pourtant ceux-ci n’existaient que dans l’air, alors que là ce son-ci glissait entre ses mailles, se faufilait jusqu’au Tac et ne s’entendait pas de l’oreille : tout son corps vrombissait à son passage.

D’ordinaire, les acouphènes étranges ne survenaient que pendant les crises. Mais aujourd’hui, ils l’accompagnait dans une farandole fantasmagorique dont la caresse semblait plus éthérée et proche du vide, mais la retenaient d’y plonger quand elle tentait de s’y approcher. Un vent qui n’était pas violent, débridé, naturel : un ami de toujours qui l’accompagnait dans chacun de ses pas.

Qwilo.

Elle sentait que c’était lui, et en même temps non. C’était un écho de lui. De son pouvoir : il traversait ce complexe sans se rompre comme l’aurait fait naturellement de l’éthérim laissé derrière soi. Était-il ici ? À chaque cellule, Tac regardait et espérait trouver sa silhouette, courir vers lui et le prendre dans ses bras pour lui dire pardon, lui dire à quel point elle souhaitait que leur amitié n’ait pas pris un tournant aussi tragique. Mais dans chaque murmure de ce zéphyr se cachait une promesse lointaine, qui la tirait encore plus.

La magie. La vraie magie, pas celle qui était domestiquée, l’appelait elle, la Brisée. La beauté de ce phénomène lui fit monter les larmes aux yeux et elle ne put s’empêcher de bondir de deux marches en deux marches pour danser autour des tourbillons, des remous, des sursauts de vide que créaient les serpentins de lumière pâle. Tac se mit à s’oublier elle-même, à oublier ce qu’elle venait chercher : ne restait plus que ce jeu étrange avec la force de l’Ultimonde, de l’univers lui-même dans lequel elle se plongea si profondément que son corps se désagrégea, sa conscience se démultiplia. Le délice était tel qu’elle faillit sombrer, au bord du gouffre, tant le vent était joueur.

Puis elle se souvint de nouveau qu’elle était là et prit une grande inspiration en agitant des bras, le pied au dessus du vide. Elle trébucha dans un cri et se retrouva en bas de l’escalier, tombée de quelques marches.

Tac ? Ça va ?

— Je sais pas, je…

Elle prit un superstasis, alors qu’elle n’était même pas en crise. Dès lors, son corps sembla remuer à l’intérieur de lui-même et sa peau dégagea des étincelles de pouvoir, relâchant l’excédent qui, pourtant, ne l’avait pas blessé. Non, cette fois, il l’avait guidé, bien que maladroitement. L’expérience lui donna envie de téléphoner à Waima ou à M. Yvain pour leur fait part de ce qui venait de se passer.

— Qwilo est proche, dit-elle à Maël. Je le sens.

—…ok ? Je pensais pas que tu possédais la double vue.

— Je vous explique après.

De nouveau sur ses pieds, elle prit une grande inspiration et fut heureuse de constater que le zéphyr l’avait mené entre des labyrinthes d’escalier – en levant la tête, ils se dessinaient en croisements démoniaques – jusque devant une porte de métal similaire à la première qu’elle avait ouverte. Le problème restait qu’elle ne s’ouvrait que de l’extérieur.

Une idée lui vint : s’approchant de la porte, elle colla presque ses lèvres contre le métal froid et activa son sonar magique avec un la bémol, cette fois en apposant moins de pouvoir. Le résultat fut brouillon : elle savait que la poignée-gouvernail se trouvait un peu en dessous, mais sans savoir si c’était à droite ou à gauche. Bon… Elle posa ses mains contre le métal là où supposément se trouvait la poignée et frappa en rythme, injectant de l’éthérim à chaque battement. Elle serra les dents, concentrée. Sa magie réagit à l’unisson en entendant quelque chose qui se rapprochait vaguement d’une expression musicale, et l’effet produit fut une vibration qui parcourut le métal, le fit onduler légèrement d’abord, puis de plus en plus fort jusqu’à devenir presque liquide – une illusion d’optique – avant que la braiseuse ne stoppe brusquement les frappes. Le métal, sous l’effet de changement vibratoire vif, se craquela et tomba en morceaux.

Putain de merde, je viens d’entendre… Est-ce que tu viens de casser une porte blindée ?

— J’ai pas le droit d’utiliser ça, siffla-t-elle en secouant ses poignets. C’est le genre de choses qui peut me briser les os en mille morceaux.

La porte blindée n’était pas totalement détruite : il n’y avait qu’un trou de la taille d’un bras. C’était suffisant : elle passa le sien à l’intérieur et tâta jusqu’à trouver le gouvernail, le tourna et ouvrit la lourde porte qui grinça. Elle n’avait pas été utilisée depuis longtemps. La salle vide, de l’autre côté, était remplie de poussière et de toiles d’araignée. Un Vortex vert de la taille d’une pomme clignotait faiblement dans un des coins. Tac fit un pas.

Des tch-chaks successifs se firent entendre et une lumière éclaira la pièce. Son oreillette crépita.

— Mme Pakti… ou devrais-je dire Mme Idoine. Les mains en l’air.

Ciel. Elle obéit.

— Retournez vous.

Ce qu’elle fit, pour se retrouver nez à nez avec des soldats en armure complète portant des flingues à pulsation – des armes létales – ainsi que M. Paolini, les mains dans le dos et l’air satisfait.

— Je pensais vous attraper dès le début, mais en voyant votre petit numéro dans l’escalier, j’ai stoppé les ardeurs de mes collègues pour vous observer, et j’ai bien fait.

— Quand m’avez vous remarqué ?

— Vraiment, vous ne vous en souvenez pas ?

Il s’approcha à pas lents puis, d’un geste tout aussi mesuré, plongea la main dans la poche du jean de la braiseuse et sortit le téléphone, qu’il agita.

— Chiffré. Malin. Sauf que bon, on a quand même des détecteurs lumex un peu partout dans le bâtiment, il aurait fallu enlever le flash ; la pénombre est un choix stratégique, pas esthétique. Je me demande qui est aussi dans le coup… Ce petit couple en colocation avec M. Tramonttana, je présume ? (Le sang de Tac se glaça) Mme Idoine, pensiez-vous réellement qu’un hackeur de pacotille pouvait entrer dans notre base de données sans être repéré ? Il était doué, certes, mais seul. Et nous ne sommes pas dans un film. Enfin, sauf dans l’aspect surveillance du citoyen, j’imagine.

— Epargnez-moi votre discours de petit chef de pacotille et butez-moi, cracha-elle.

Pourtant, elle se sentait terrifiée, mais tentait d’invoquer ce masque particulier qu’elle avait porté pour le cacher. Le scientifique ne fut pas dupe.

— Un excellent jeu d’acteur ! Je me suis presque laissé tenté de laisser mes comparses vous trombler. Malheureusement, je ne pense pas que ce soit une bonne chose d’exécuter un spécimen tel que vous. Je vais donc vous faire une proposition que vous ne pourrez pas refuser.

— J’en ai rien à faire. Le Vortex est juste derrière moi, lança-t-elle, la voix tremblante, et vous croyez que je vais pas bondir pour l’atteindre ?

— Vous… pourriez. Il y a un monde où vous éviteriez tous les tirs, ou les repousseriez avec votre magie ; excellente, si je puis me permettre : je comprends pourquoi vous avez été acceptée à Hallioce. Sauf que je dois vous apprendre ceci : le Vortex n’a pas été rénové par notre agente depuis un bon moment, il est instable. La probabilité qu’on vous retrouve à deux endroits différents en même temps est très, très haute.

— Mais pas totale.

— Argh ! Bon sang, vous vous entendez ? Vous vous êtes engagé pour retrouver votre ami Qwilo, mais au fond, ce qu’il s’est passé, c’est que vos deux comparses ont mené leur petite guéguerre contre le gouvernement à travers vous. Vous êtes une victime, Tacmek. De vos prétendus « amis » et de votre état de Brisée.

Tac regarda le Vortex par dessus son épaule. Il était si proche et si loin. Mais avec de la chance…

— N’y pensez même pas. Ecoutez-moi, plutôt…

Dès qu’il laisse ces mots sortir de sa bouche, Tac se tourna de nouveau vers lui, comme attirée. Quelque chose comme de la brume sembla envahir sa vision, l’intérieur de sa tête.

— Vous devez rester ici, le temps que je vous parle de meilleures options…

STOP !

Paolini et les soldats se figèrent. Le téléphone dans sa main était allumé, répondant à un appel : Léandre. Son pouvoir marchait à travers les combinés ?

ENFUIS-TOI !

La magie de son amie la frappa de plein fouet et balaya celle de Paolini, laissant Tac se retourner et se précipita vers le Vortex. Elle l’effleura de la main et de nouveau son corps se sépara en une myriade de particules.

Cette fois l’impression que son corps était effectivement éparpillé s’accentua à un point insupportable, et le transfert sembla durer si longtemps que Tac avait l’impression de voir des morceaux de l’Ultimonde se fracturer à l’infini sous ses yeux. Aucun hurlement n’était possible : il n’y avait pas de bouche, pas de corps pour trembler, pas de nerfs pour avoir mal. Le mal existait à un plan complètement différent de son propre corps, il l’écrasait plus qu’elle ne l’embrasait. Elle vit… elle vit le zéphyr l’accompagner. La guider à travers cette étrangeté de monde subastral qui la tiraillait entre mille fers chauffés à blanc, comme si elle était d’abord une barque sur un torrent peuplé de rocher, puis devenait une feuille emportée par le vent.

En un instant qui s’étira en élastique pour claquer, tout s’arrêta violemment. Tac fut projetée au sol. Le sol. Tellement bon de retrouver le sol qui lui redonnait enfin l’impression d’être quelqu’un et pas une donnée étrange dans un monde foisonnant, délirant, indivisible. Il lui fallut un moment pour se reprendre elle-même et se lever : tout tanguait autour d’elle. Tac se rattrapa au mur et retrouva le sens des alentours.

Elle se trouvait dans une petite rue. Il faisait nuit, mais le tout était éclairé de quelques lampadaires qui laissaient découvrir des murs crépus. Le détail qui sauta à ses yeux fut ce portail qui venait de s’ouvrir dans un grincement. Quelque chose en elle remua et elle sentit le zéphyr venir à elle. Le vent venait enfin de rentrer à la maison.

— Qwilo ?

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