Chapitre 26 – Sur cette terre étrange
Voir M. Yvain au pas de sa porte mal coiffé, des cernes sous les yeux, en peignoir brun avec une tasse de thé fumante à la main était définitivement une vision que Qwilo n’était pas prêt d’oublier.
— Puis-je savoir, Takmec, ce qui vous amène de si bon matin ? Et M. Tramonttana ? (le ventou se raidit) Vous avez deux mois de devoir en retard.
Un sourire narquois fendit la tête du professeur comme une cicatrice, qui donna envie à Qwilo de se recroqueviller sur place.
Située dans le quartier résidentiel Ouest, la petite maison du professeur Yvain se formait en dôme de briques blanches à double rêvetement, fourbue de plantes grimpantes qui fleurissaient gaiement. Un jardin large et circulaire enrobait le tout, avec cinq arbres différents, dont un petit faux palomin – les Tramonttana avaient le même dans le leur – qui abritait un transat où reposait un livre ouvert. Sur le bord de la porte surélevée d’un petit escalier, un vélo dernier cri.
— Bonjour, monsieur. Peut-on rester chez vous pour fuir la DSSM ?
Toujours directe, Tac planta ses yeux dans ceux de l’humain au visage rond. Le professeur l’observa, sirota un peu de thé avant de lâcher après un « aaaah » satisfait :
— En première année et déjà ennemis du gouvernement ? Attendez l’année prochaine… (il soupira puis s’écarta) Entrez.
Les deux amis le remercièrent avant de pénétrer dans la demeure. Le loft était confortablement placé au centre, avec des canapés en cuir visiblement très confortables face à une baie vitrée qui pouvait servir de téléviseur magique. La cuisine, au fond, était moins éclairée et un androïde s’affairait à préparer quelque chose, le dos tourné. Un escalier en colimaçon montait à l’étage et on aperçevait derrière les friches de buisson un bureau plein de paperasse, un ordinateur.
Régnait une délicieuse odeur de pâtisserie, qui fit gargouiller le ventre du ventou. La porte se referma derrière eux : M. Yvain ferma à double tour et agita ses mains. Autour de ses poignets apparurent des glyphes lumineux flottant, qui s’assemblèrent en formes complexes, qui apparurent brièvement sur les murs. Tac comme Qwilo furent estomaqués de voir de la magie glyphique être utilisée aussi simplement ; d’ordinaire, on prenait des minutes voire des heures à tracer l’éthérim dans l’air.
— Voilà, nous serons tranquilles pour la journée. Allez, allez, asseyez vous !
Puis il se tourna vers la cuisine.
— Shagar ! Je m’occupe du reste, tu peux servir du thé à nos invités ?
L’androïde se retourna. C’était un vieux modèle, retapé, avec une face lisse sans yeux ni bouches, et sans glyphes pour créer l’illusion d’un visage. Ses articulations laissaient découvrir les fils et les cristaux de pouvoir qui le faisaient fonctionner. Une voix monocorde jaillit de lui.
— Je me casse le cul à vous faire la popotte, alors on-me-laisse-finir. Vous avez des mains, servez-vous en !
— Stupide machine…, marmonna Yvain, avant d’aller chercher du de l’eau chaude et du thé. Servez-vous, je n’ai pas envie de vous voir vous plaindre du dosage.
— Votre androïde, s’enquit Qwilo. Pourquoi est-il…?
— Désagréable ? Grincheux ? Trop bon cuisinier pour finir à la casse ? finit Yvain en criant à l’attention du robot, qui lui fit un doigt d’honneur. C’est un serviteur de famille transmis de génération en génération, il a son caractère.
— Je sers la propriété et le nom des Yvain, pas la raclure de bidet qui y vit ! lança le robot. Ecoutez-moi, les petiots : vous êtes face à un affabulateur de première. Il ne corrige même pas ses copies !
— C’est faux !
M. Yvain rougit et se tassa dans son fauteuil, faisant rire Tac. Qwilo observait l’échange avec amusement, bien qu’il se demande comment un robot pareil avait passé les contrôles de sécurité domestique.
— Moi, je vous aime bien, Shagar ! lança Tac. Je peux vous appeler Shagar ?
Un pssscht résonna, puis quelques secondes après un clang et enfin, le robot débarqua pour placer une assiette pleine de pancakes dégoulinant de beurre et sirop d’arèble.
— Toi, petite, je t’aime bien. Tu peux m’appeler Ag, si tu veux.
— Vous avez un diminutif ? s’étonna Qwilo. C’est incroyable !
Le robot s’assit à côté de Tac et croisa les bras de façon très vivante.
— Pareil pour l’autre, alors. Pétard de fusible : si tu les rends médiocre ceux-là, je me ferais une joie de te faire manger des rouillons pendant des jours.
— Et on s’étonne que je sois dépressif ! (le professeur, sa tasse sur la table, leva les mains) Ciel ! Shagar, on va parler sérieusement.
L’intéressé décroisa les bras pour poser ses mains sur ses genoux. Son attitude changea du tout au tout, même le rythme de sa voix – il n’avait pas de timbre à proprement parler – qui laissa deviner qu’il devenait grave.
— Pas de problèmes, Ulrich. Mais c’est des gamins.
— J’en ai conscience.
— Je sais. C’est bien ça le problème.
Le professeur soupira, avant de se tourner vers les deux jeunes gens. Qwilo se sentit soudain intimidé par le professeur : il ressemblait moins à ce petit enseignant de cours théorique et plus au métamage qui visiblement terrifiait la DSSM pour qu’elle veuille l’éliminer personnellement.
— Avant toute chose, je veux savoir à quel point vous vous êtes mis dans de beaux draps ?
— Je me suis infiltrée dans le Complexe sous la ville, répondit Tac et le professeur haussa un sourcil, aussi ajouta-t-elle : Avec de l’aide.
— Qui ? s’enquit-il.
— Léandre Pamsi et Maël Ymerion.
— Ah, Maël ! Je me souviens de sa tête, intervint Shagar.
— Il est déjà venu ici ? s’enquit Qwilo.
Yvain hocha de la tête avant de se lever pour s’approcher d’un meuble. Depuis le canapé, le ventou aperçut des photos de classe qui s’alignaient. Il devait sûrement regarder celle de la promo de Maël pour se souvenir.
— Maël était un gamin à problèmes. Terriblement intelligent, trop pour son propre bien. Il a commencé à creuser sur des archives pour s’entraîner au code sur Internet, sans savoir qu’il s’agissait d’une façade pour cacher des secrets d’état. Il a été détenu pendant deux ans avant d’être relâché sous caution et alors, il s’est lié d’amitié avec un groupuscule anti-gouvernemental pendant les révolutions étudiantes.
Une fois son petit récit fini, Yvain vint se rasseoir, les mains croisés sur son giron, le regard plongé dans le liquide de sa tasse.
— La DSSM était déjà sur son dossier à l’époque. J’étais sur son dossier, pour…
— Vous faisiez partie de la DSSM ? le coupa Tac.
Elle échangea avec le ventou un regard affolé. Heureusement, le professeur sembla honteux de l’aveu, baissant la tête.
— À l’époque, la DSSM n’était pas aussi répressive. Avant d’il y a trente ans, la dernière année où je considérais toujours l’organisme comme ultimondien, la DSSM accompagnait les Brisés qui se manifestaient, que ce soit de naissance ou dans la vie de tous les jours, et leur donnait refuge le jour de leur mort. Mais j’imagine qu’après une découverte d’un de mes jeunes collègues – et nous étions jeunes ! – la DSSM a compris qu’il fallait étudier les Brisés pour comprendre la grande proportion de manque d’attirance chez eux.
Le métamage fit un geste de la main, faisant apparaître des raies de lumière qui plongèrent vers la fenêtre et la changèrent en écran magique qui projetait celui de l’ordinateur, à l’étage. Quelques clics plus tard, des dossiers apparurent, et des photos. Puis une que Qwilo reconnut.
— Papé Darkine ?
M. Yvain, qui faisait des gestes désinvoltes sans regarder ce qu’il faisait, se retourna. Sa main, se découpant dans la lumière de l’écran, se crispa.
— Je ne pensais pas… J’aurais dû deviner en te voyant, Qwilo. Ton grand-père était un Brisé, lui aussi.
Recevoir cette nouvelle lui coupa le souffle : il pensait être le seul de la famille a être atteint de ce mal… Mais en fait, on lui avait caché la nouvelle ? Une bile de colère s’accumula dans sa gorge, formant un nœud : que lui avait-on caché d’autre ?
— C’est un cas rare, ton grand-père : un Brisé vit entre vingt et trente ans, mais lui avait déjà dépassé les cinquante quand ta famille nous l’a envoyé après une de ses crises.
Cinquante ans. Qwilo n’était même pas une idée à l’époque. Tac s’approcha de lui en voulant lui tenir la main, se retint. Il la vit… et prit la sienne dans la sienne. Cela faisait mal, mais en même temps il savait que c’était une façon pour elle de le soutenir. Il lui sourit doucement.
Elle gardait un air fermé.
— Vous aviez dit que c’était plus fréquent chez les gens avec du manque de désir. Ce manque, monsieur, est-ce une répercussion de l’Ordre Vrilleclaste ?
— Pas vraiment, répondit l’enseignant en baissant sa main. Parmi les nôtres, nous comptions autant magicologues que sociologistes, physiciens que neuroscientifiques. La conclusion a été la suivante : ce qu’on appelait l’orientation sexuelle 0, ou le manque de désir, avait les mêmes origines que les autres. Pour ce qui est du manque de proximité, ou orientation amoureuse 0, il y avait un lien fort avec l’OS0 mais pas toujours.
— Et la magie ?
— Les Brisés, continua-t-il en ignorant l’interruption, avaient plus tendance à se trouver en OA0 et/ou OS0, entre autres… Mais ça n’était qu’une coïncidence puisque l’état de Brisé ni ne provoquait, ni n’était provoqué par ces orientations.
Les deux jeunes gens étaient pendus aux lèvres d’Yvain, persuadés d’avoir enfin quelqu’un qui leur donneraient des réponses. Le professeur les observa avec un air blessé, semblant voir l’espoir dans leurs visages.
— Nous n’avons pas trouvé d’origine aux Brisés. Quarante ans de recherche, de passation et rien de tout cela n’a servi à rien.
Qwilo voulut lui hurler au visage : alors toutes les tortures, toutes les familles détruites parce que la nature s’était soudain dite « oh, mais qui va-t-on maudire aujourd’hui ? » et puis tous ceux qui en profitaient pour faire des rats de laboratoire en cachant cela sous des « aides » et des « accompagnements », ça n’avait servi à rien ? Soudain, la poigne de Tac se resserra et il se tourna, près à lui lancer un regard assassin parce qu’elle voudrait l’arrêter. Mais non : celle-ci était tendue comme un arc vers Yvain. Elle n’avait affermit sa prise que parce qu’au fond, elle bouillonnait et se servait de lui comme ancre. Elle lui faisait confiance.
Savoir que quelqu’un était aussi accroché à son self control qu’il ne croyait pas posséder le calma, et il laissa son souffle le guider comme avec les d’exercice de relaxation de son enfance, ceux qu’on lui avait appris après sa première crise – que ça serve à quelque chose !
— Monsieur, je crois savoir quelle est la source des Brisés.
Il se leva et s’approcha du professeur, qui paraissait si vieux… et une fois à côté de son fauteuil, il tendit son bras couvert par sa manche et la remonta. Le métamage eut un souffle de surprise : la peau du ventou se couvrait d’écailles d’un bleu électrique, plus nombreuses de jour en jour. Curieusement, l’enchantement de Seissier ne pouvait pas effacer ces mutations.
— Une dragonne m’a promis de me « Réparer ». Et pour l’instant, ce qu’elle a pu faire avec le pouvoir qu’elle possède actuellement m’empêche de faire des crises violentes. Elles arrivent encore mais sont rares. Une fois qu’elle aura son pouvoir total, je pense qu’elle pourra me guérir.
D’une main tremblante, Yvain approcha la peau du ventou et l’effleura, les yeux exorbités, en murmurant « Une folie… folie… ». Il croisa le regard déterminé de Qwilo.
— Je vais détruire le palomin d’Hallioce et libérer la dragonne.
— Vous êtes fou, Tramonttana ! On ne libère pas un dragon qui nous promet de nous guérir.
— Je lui ai dis, assura Tac. Mais il l’a décidé, et même si je suis pas vraiment d’accord… De toutes façons, notre objectif actuel est la DSSM : en l’éliminant du tableau, Qwilo consolide sa position auprès de la dragonne et on est débarrassés d’un problème.
— Eh bien, j’imagine que c’est un compromis accept…
Un coup de feu à l’extérieur coupa les paroles de M. Yvain ; les trois sursautèrent et Shagar se leva d’un bond, ses articulations faisant un vvvvvv bruyant et le robot s’approcha de la porte. Il resta devant pendant quelques instants, avant que sa tête seule ne se tourne à 180° vers eux.
— Ils sont une vingtaine, avec un Négateur.
— ULRICH, SORS DE TON TROU ! hurla une voix familière.
— Paolini, grinça Qwilo.
Tac grogna ; elle non plus n’avait pas eu une bonne expérience avec le docteur. Ce fut Yvain qui se leva et répondit en hurlant :
— Je ne me rendrais pas, espèce de petit merdeux !
— Allons, allons. Nous savons très bien tous les deux que vous n’êtes pas le genre à faire de telles choses. C’est pourquoi je te conseille d’ouvrir cette porte si tu ne veux pas que l’on te laisse un cadavre à ta porte.
Un cri se fit entendre, une voix que Qwilo ne reconnut pas. Quand il se tourna vers Tac, celle-ci avait pâli ; l’homme au visage rond blêmit et ordonna à son robot d’ouvrir la porte. Shagar attrapa la poignée et ouvrit la porte. Dehors se trouvait ce salaud au visage innocent, un flingue à la main collé sur le crâne d’un flic d’âge mûr agenouillé, la tête baissée. Quand celui-ci leva légèrement la tête, le visage couvert de sang, Qwilo reconnut des traits très similaires à son professeur. Son frère.
Ces horribles… Ils venaient tout simplement de prendre quelqu’un en otage, un civil qui n’avait sûrement rien à voir avec tout ça – enfin, par la réaction de Tac et Yvain, peut-être – ce qui signifiait que la DSSM, arrivée à ces extrémités, n’avait rien à perdre pour éliminer le métamage. À quel point l’influence de cet homme s’était étendue dans l’organisme de contrôle ?
Paolini fit un signe de tête à ses hommes qui s’infiltrèrent dans la maison tel des moustiques en plein été, prit le frère par les cheveux sans ménagement et le traîna jusque dans la maison. Si dans la vidéo, le médecin avait l’air amène, son regard exorbité avait un air fiévreux et obsessif qui donnait au ventou l’envie de s’enfuir à toutes jambes. Il pointa son doigt vers Tac :
— Mme Idoine, comme on se retrouve – puis vers Qwilo – et je présume qu’il s’agit du fameux Tramonttana. On m’a beaucoup parlé de vous ; joli déguisement.
— Laisse partir ces jeunes gens, Edison. C’est moi qui t’intéresse.
— La FERME ! aboya le docteur. J’en ai assez d’entendre votre langue de vipère : vous avez toujours tenté de vous en sortir avec. Vous et vos petits tours malins pour épater la galerie n’effraient plus personne. Négateur !
L’un des hommes en armure, avec des épaulettes bleues, se tourna vers M. Yvain qui avait les bras couverts de runes, glyphes et traits de lumières. Tout ça s’éteignit et il s’effondra à genoux, l’air perdu. Paolini éclata de rire.
— Alors, qu’est-ce que ça fait de se faire démolir par sa propre découverte ? Ah, l’ironie du sort est vraiment la meilleure chose de ce monde ! Mme Idoine, où en étions-nous ? Ah oui ! La proposition : vous êtes la première Brisée qui ait duré aussi longtemps sous l’effet du Zéphyr… et qui plus est par un Brisé de naissance !
Tac resta silencieuse, l’air fermée. Qwilo comprit qu’elle comprenait le charabia de ce fou furieux. Il envisagea les possibilités de fuite, qui étaient extrêmement minces : vingt soldats, M. Yvain incapacité… Shagar ! Le robot pouvait peut-être les aider ? Vite. Réfléchir : Paolini avait un otage qu’il n’hésiterait pas à éliminer. Pourquoi ne tuait-il pas M. Yvain ? Plus tard ! Le robot.
Il fallait un message. Une façon de parler sans se faire entendre. Les pouvoirs réveillés par Seissier étaient différents d’une magie classique : Qwilo pouvait invoquer le vent, par un souffle magique mais le vrai vent, incontrôlable. Du murmure du double roi au battement d’ailes du souverain des cieux, la force contenue relevait plus des tripes que de la volonté, réagissait aux émotions du ventou. À l’heure actuelle, il craignait de provoquer une catastrophe que d’envoyer un message invisible.
Une étincelle de magie. Pouvait-il contrôler l’excédent que son corps de Brisé produisait naturellement ? Il devait arriver à apprivoiser ce pouvoir, où ils seraient fichus. Alors il se concentra, fermant les yeux.
— Hé ! fit l’un des soldats en tournant son fusil vers lui. Qu’est-ce que tu nous fait ?
— N’ayez crainte, monsieur, avança Paolini. Tramonttana ne maîtrise pas son pouvoir.
Ah oui. Ally était l’espionne, elle leur avait donné toutes les informations. Mais il devait se concentrer sur autre chose… Dans son corps, ses os se stockait la puissance de l’ultimonde. Chez tous les êtres vivants, toutes les choses se trouvait ce flux incommensurable et inarrêtable. Un tel blocage se trouvait dans l’ordre des choses : son corps était né pour supporter une plus grande concentration, pour autre chose. Il ne pouvait pas changer cette réalité.
Non, il devait la rendre plus réelle encore. Accentuer la densité d’éthérim dans ses os. Accumuler, encore et encore. Comment ? Qu’est-ce qui permettait aux gens, aux animaux, aux choses de prendre un peu du pouvoir qui tombait du ciel jusqu’à la terre ? L’amour, le sexe ? Le lien avec les gens ? Non, ça n’avait rien à voir. C’était une amplification, une capacité. On ne produisait rien sans rien : il fallait un catalyseur.
Il sentait son pouvoir à l’intérieur de lui. Emprisonné, désireux de sortir comme à chaque instant, n’attendant qu’une occasion de rejoindre l’extérieur, là où était vraiment sa place ; sauf qu’il était là. Tu veux sortir ? demanda-t-il au pouvoir. Dis-moi comment.
— Mme Idoine, avant que votre ami ne fasse une syncope, je vous redemande de reconsidérer ma proposition.
— Allez vous faire foutre.
Non, Tac… Il fallait plus de temps, plus d’instants à étirer à l’intérieur de lui-même. La puissance était là, à portée de main. Quel canal creuser ? Qu’est-ce qui donnait au pouvoir le droit de rentrer et de sortir ? Que…
— Dommage, répondit le docteur en rajustant ses lunettes avant d’appuyer sur la détente.
Qwilo ouvrit les yeux et sentit des gouttes de sang l’atteindre. Le corps du frère d’Yvain, au prénom inconnu, sembla s’effondrer au ralentin. Le ventou sentit sa propre emprise sur le pouvoir s’effacer alors que l’horreur le mordait au flanc pour lui injecter son poison. Puis la scène revint à sa vitesse normale : Paolini tourna son arme vers Yvain, qui restait là sans rien faire, le regard vide. Tac se précipita en hurlant, les larmes aux yeux, tous poings dehors. Un soldat lui balança la crosse de son fusil au visage, la projetant au sol. Du sang coula de son visage. Qwilo écarquilla les yeux, tétanisé, démuni. En souris, ils avait provoqué un titan.
— Attachez-la, ordonna Paolini avec un soupir avant de s’adresser à Yvain : Dis bonjour à ton frère de ma part, l’ami.
Il appuya sur la détente. Le coup de feu partit, projetant un éclat dans tout l’habitacle. Une seconde plus tard, un corps s’effondra.
La tête en feu.
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